Des cours -très- particuliers :

[Dirlopiano]

Déçu d'une première et courte expérience de cours particuliers -une dame octogénaire, ne jouant pas de piano par la faute d'un bras handicapé et guère plus dextre en pédagogie- c'est le coeur bouffi d'espoir que j'ai arpenté ce matin les rues du centre ville bourgeois me conduisant chez mon nouveau professeur. Un matin aussi ensoleillé ne saurait me réserver autre chose qu'un nouveau départ sur le chemin des progrès en piano.
Le coeur battant, j'actionne la sonnette du coquet pavillon en pierre de taille orné d'une jolie porte bleu marine. Rapidement, on m'ouvre (c'est un bon début, lors de ma première expérience l'attente était longue, la dame âgée pénant énormément à se déplacer).
Un monsieur d'âge (très) respectable m'accueille. Je suis surpris par les lunettes de soleil qu'il arbore ; elles sont rarement utilisées comme accessoire esthétique chez les personnes de plus de soixante-quinze ans dans un couloir sombrissime. Le monsieur serait-il victime de cécité? Je n'ai pas de préjugé par rapport à cette situation, mais tandis que nous pénétrons dans le salon des interrogations m'assaillent : comment pourra-t-il corriger ma position au piano, les doigtés? Devra-t-il connaître par coeur tout le répertoire que j'interpréterai? A la démarche hésitante du vieil homme, mon doute se confirme: il est bien aveugle.
Tandis que nous traversons lentement la pièce, nous voyageons à toute vitesse dans le temps: me voici immergé dans l'ambiance des années quarante. Il ne manque plus que le ballet de la Luftwaffe dans le ciel. Mais le plus inattendu n'est pas là.
Au milieu de la pièce gît un Steinway quart de queue. L'anachronisme est saisissant. En effet, l'intérieur me paraît outrageusement...moderne à côté du piano. Mon regard est notamment attiré par l'inscription "Steinway et Sons": elle est écrit dans une police du genre gothique formant un paragraphe complet avec plusieurs noms de ville, comme dans les films se déroulant au XVIIIè siècle. Le clavier, en ivoire, ressemble à la dentition d'un vagabond du moyen âge: des chicots jaunes et noirs, ébréchés et branlants. La barre transversale en bois qui se trouve devant les touches menace de tomber.
"Jouez-moi quelque-chose". Je m'approche de la relique, m'assoit avec émotion devant cet instrument peut être contemporain de Chopin. Justement, je joue les premières notes d'un nocturne de ce même homme. Je suis surpris: le jeu latéral des touches est presqu'aussi important que le jeu vertical... La pédale forte ne me semble plus tenir qu'à un fil... La lutte avec l'instrument est âpre. Ouf! J'ai fini!
Il me complimente, mais semble ranger à regret la méthode rose qu'il utilise avec les adultes débutants. Un grand silence se passe. Il est déçu. Il me tend à regret un grimoire rongé par les décennies, contenant des études écrites des mains d'un auteur tombé dans l'oubli et me demande de déchiffrer la première. Je m'exécute. J'y arrive à un tempo d'environ 60. Je suis faible en déchiffrage, mais c'est un morceau facile.
Au terme de ma prestation, il me dit: "C'est bien, mais il faut pétrir le clavier pour jouer du piano. Je vais vous le jouer". Il se dirige à grand peine vers l'épave. Il ne m'échappe pas que le chemin du clavier ne lui semble pas familier - me laissant craindre une pratique peu fréquente.
Le clou du spectacle a lieu: visiblement très fier, il massacre l'étude en la jouant à toute vitesse, sans aucune once de musicalité dans un tempo... variable (de l'ordre de + ou - 50% ce qui rend le rubato hors jeu...). Sans arrêt il appuie sur deux touches à la fois. Les nombre de fausses notes n'a d'égal que la puissance du jeu (fffff). Lorsque le bûcheron arythmique cesse de torturer l'autre vieillard, je suis consterné. Avec un petit pincement au coeur, je sais alors que ces ma dernière leçon passée en compagnie de ces deux ancêtres.
Le reste de la séance sera à l'avenant. Les "réflexions pédagogiques" de mon maître d'un jour sont à la mesure de sa prestation instrumentale. Le temps d'apprendre qu'il était "organiste" et que le piano a "plus de 100 ans" (j'aurais dit plus, surtout qu'à en juger sa façon de jouer il n'a pas dû servir beaucoup) je franchis dans l'autre sens la jolie porte bleue, rapportant avec moi mes espoirs déçus et luttant pour ne pas -ivoire- un signe du destin...

[Franz Liszt]

Dommage, l'ambiance 40s commençait pourtant bien, il est terrible de constater le nombre d'incompétent qu'il y a...

[egtegt]

Je compatis, d'autant plus qu'il m'est arrivé des mésaventures du même genre, la plus burlesque étant celle du prof qui, me voyant arriver, me demande texto : "qu'est-ce que tu fous là ? .... Merde ! il est déjà 18h ? Attend, je fais passer la jeune fille ici présente qui avait cours à 17h30 et je te mets dans la salle à côté et je te donne des exercices"

Puis une demi-heure aprés, il vient m'expliquer : "tu comprends, j'aimerais te faire comprendre une chose : sans apprendre un minimum de solfége et de lecture, tu n'iras pas loin" Ce qui à priori est louable et pas particuliérement amusant .... si on exclut le fait que le cours précédent, je lui avais dit que ce que j'attendais avant tout, c'était de progresser en solfége et en lecture et que ça ne me faisait pas du tout peur

Inutile de dire que c'est la dernière fois qu'il m'a vu !

[Marie-france]

Si ce n'est que tu n'as toujours pas trouvé un bon prof, tu as des talents pour l'écriture.
Que vas-tu donc faire maintenant?
Et puis comment tu fais pour trouver des profs pareils!!!

[Dirlopiano]

Pour dénicher ces perles rares, j'utilise les pages jaunes!
Pour le prochain rendez-vous, j'ai changé de procédure: j'ai fais appel au listing d'un magasin de pianos.
Compte rendu mercredi prochain!

[Utricule]

C'est moi où j'ai l'impression qu'il y a très peu de bon professeurs de piano? Je crois que je peux me compter très chanceux d'avoir su trouver une personne comme mon ancienne prof du premier coup. En effet, elle ne pouvait peut-être plus jouer de piano (elle s'était cassé la main un un peu après mon premier cours il me semble), mais elle connaissait beaucoup de différentes techniques et me faisait faire un programme basé sur les vrais; avec solfège, théorie, histoire... Et le tout m'a énormément aidé pour mon entré au cégep en musique (il y a 2 semaines). Donc je crois que je devrais lui dire un gros merci.

[finaljrl]

Tu peux aussi tout simplement demander auprès du conservatoire de ta ville (s'il est bon). Il n'hésite pas à donner les coordonnées de leurs professeurs pour des cours particuliers

[bibi]

bon, qu'est ce que pour vous un bon prof de piano ? parce que chaque prof a des méthodes différentes.

quand peut-on dire qu'on a un bon prof ? de répondre par les progrés effectués, ça me semble un peu limité car on progresse à pas de fourmi et peut être qu'on aurait progressé pareil avec un autre prof ?

Et aussi cette question: pensez-vous qu'on peut garder un prof sur de longues années ou il est bon d'en changer ?

[finaljrl]

Quand tu lis les biographies de pianistes en général, ils ont eu une pleiade de profs différents. Souvent, en réalité, ils n'ont pris que 2 ou 3 cours (et encore) avec certains dont la renommée est utile à placer dans une biographie.

Je pense qu'un bon prof doit avant tout transmettre sa passion pour la musique et l'instrument, C'est essentiel. Faire découvrir de bien belles pages de musique afin de développer chez l'élève le savoir et le gout. Après libre à chacun d'aimer ou non telle ou telle musique.

Bien sur il faut apprendre à faire, puis à faire-faire. En somme, développer la technique en général (tenue au piano, vélocité, souplesse, nuances, phrasé etc...), de permettre à l'élève de devenir autonome face à la partition (savoir appliquer la bonne formule de travail face à une difficulté donnée), savoir s'écouter et développer sa culture musicale.

Après la pédagogie, les moyens de réaliser tout cela, certains profs l'ont d'autres moins. L'expérience aide aussi !!

[Franz Liszt]

ça serait intéressant de regarder la généaliogie pianistique des membres du Forum...

[Erik]

nommez vos professeurs de piano

[louna]

bon, qui commence ???

[finaljrl]

Bon je me lache...j'ai été formé au CNR de Rueil par M Le provost (élève de L Descaves, Darck et Taddei) et suivit quelques cours avec M Téboul (Paris) et Jacquon (directeur de CNR Boulogne).

Mme Audin pour le déchiffrage, Claude Py pour l'orchestration...les autres prof, connus à la Fac (sorbonne paris) je ne souviens pas de leur nom...si M Bosseur pour l'histoire du XXème. Un érudit mais pas tres pédagogue...

[Franz Liszt]

Bon puisque Finaljrl ouvre la marche je me lance, le Prof de ma prof est une élève de Walter Gieseking...Et sinon j'ai aussi eu 2 3 entretiens avec Edith Fischer qui est élève de Claudio qui lui même était l'élève de Martin Krause qui lui même était un élève de Liszt

[roland]

Mes profs sont certainement des inconnus ; dans ma présentation j'ai dit que la première m'avait jeté à 12 ans (trop vieux -ah le jeunisme déjà en 1954) ; la seconde m'a accepté à l'age de 18 ans après un entretien auquel a assisté son fils qui avait mon âge, il était un peu voyant et pouvait prédire l'aptitude d'un élève à apprendre le piano. La brave dame, en 2ans, ne s'est pas aperçu que je ne savais pas lire et que j'apprenais tout par coeur avant de venir à mon cours! Mais je lui suis reconnaissant dans ces années 60 de m'avoir quand même permis de commencer (à cette époque pour les conservatoires et autre écoles il fallait être tombé dans la marmite très, très, très tôt). Puis au grès de mes retours vers le piano un ou deux jeune profs ayant fait le conservatoire.
Ah j'oubliais une incursion dans l'univers extraordinaire du contrôle tous azimuth, on pose les doigt, on analysee l'enfoncement, la pression, on joue des séquences de 5 notes avec tous les touchés, etc. efficace sans doute pour des concertistes mais un peu obsessionnel et compulsif (quoique à petite doses ?) et en plus en joue pas car le gars écrit sa méthode et les morceaux qui vont avec : cela ressemble à la méthode rose avec le contrôle musculaire absolue -beurk.
J'ai voué mon existence professionnelle à la pédagogie des adultes (pas en musique), et je crois qu'un bon prof, pour moi, c'est celui qui peut ententre, comprendre, la difficulté d''un éléve puis lui proposer les moyens à mettre en oeuvre pour dépasser ces difficultés. Mes profs les meilleurs se contentaient de reproduire l'enseignement qu'ils avaient reçu et lorsque celà ne collait pas c'était, bien sûr, l'élève qui n'était pas doué !
Je crois que la question qui se pose est la suivante : les simples amateurs, pas toujours hyper doués sont-il voués aux charlatans ou aux pédagogues ratés, sachant que les profs compétents ne prennent que les éléves à potentiels et n'ont pas de temps à perdre avec les autres ? Certains post de ce forum me donnent espoir, Marie-France dit que si c'est pas génial ça a l'air de bouger dans l'enseignement ; alors voilà je vais essayer pour la dernière fois de me dégotter un prof à partir du mag de musique de ma petite ville du loiret ; j'ai un peu peur, la première fois on m'avait dit "12 ans trop vieux" et si la prochaine on me disait "63 ans n'y pensez pas ! et je vous tiens au courant - promis

[yannis]

Bon puisque Finaljrl ouvre la marche je me lance, le Prof de ma prof est une élève de Walter Gieseking...Et sinon j'ai aussi eu 2 3 entretiens avec Edith Fischer qui est élève de Claudio qui lui même était l'élève de Martin Krause qui lui même était un élève de Liszt :D

Donc on est des cousins (pianistiques) éloignés ! Mon feu prof (Tonis Georgiou) était élève d'Emil von Sauer (à Vienne), lui-même élève (et peut-être fils bâtard) de Liszt.

[Franz Liszt]

CHER COUSIN!!!!! Bon remarque lol Liszt a eu tellement d'élève on doit avroi beaucoup de cousin

[Burns]

Bonjour a tous,
Moi aussi j ai eu beaucoup de chance de tomber sur un prof avec qui je me sens pleinement en confiance et qui sait me guider dans toutes les difficultes. Je suis depuis quelques annees chez Pierre Faraggi sur St Cloud, ancien eleve et assistant d Alfred CORTOT puis prof a l ENM CORTOT.
A+ Bruno

[egtegt]

Je ne vais pas donner le nom de ma prof, elle est professeur au conservatoire et donc en tant que fonctionnaire, n'a pas le droit de me donner des cours

Mais en tout cas, aprés avoir passé 4 ans essentiellement en autodidacte mais tout de même 3 profs sur la durée, j'ai enfin trouvé une prof qui me correspond à merveille.

Sinon, bien sûr qu'il y a des bons et des mauvais profs, mais je crois aussi que chaque prof est adapté a certains éléves et pas à d'autres. Donc je pense qu'il est bien de changer de prof au moins au début pour trouver celui qui vous convient. Sauf si bien entendu vous tombez direct sur la perle rare, ce qui est arrivé à un ami, puisqu'il a choisi ma prof actuelle grace à moi

En ce qui me concerne, pour donner un exemple, j'aime bien comprendre, et j'aime la technique, et l'apprentissage de la théorie ne me fait pas peur. Donc il me fallait absolument un prof trés pointu sur le point technique, ce qui n'était pas le cas de mes profs précédents, surtout le premier qui avait des connaissances théoriques et qui quand il ne savait pas, inventait plutôt d'admettre qu'il ne savait pas

Mais j'ai un ami qui ne la supporterait pas, il à horreur qu'on lui parle de technique et de théorie, il veut simplement qu'on lui montre.

Celà dit si quelqu'un cherche un prof sur la région de Strasbourg, je peux lui transmettre les coordonnées de la mienne

[BM607]

Bonjour à toutes et tous,

moi qui suis autodidacte, mais qui, en lisant le forum commencait à me décider à prendre un prof (et ma femme m'avait même -virtuellement pour l'instant- offert des cours pour mon anniversaire), je me remets à hésiter !

Je crois que je vais attendre encore un peu.

Mais en tout cas Dirlopiano bravo pour ta prose très agréable à lire, on s'y croirait ! Avec un peu de persévérance chez ce prof on aurait peut-être eu droit à une suite du style de Stephen KING ...

BM