Dans le fond, il a raison, mais à mon avis ce qu'il ne dit pas, c'est COMMENT on parvient à ce résultat de parfaite égalité. Et encore, ce résultat est-il intéressant? Je n'en suis pas sûr car on ne monte pas une gamme chez Chopin, comme on le ferait chez Mozart.
Alors, il faut bien sûr travailler sa technique, mais comprendre dans quel contexte musical on le fait, car la technique pour la technique, ca ne sert strictement à rien.
Il ne s'agit pas d'intellectualiser la musique, mais de comprendre ce que l'on joue. Et pour donner des intentions "musicales" même dans les plus hautes difficultés, il s'agit bien de technique, mais pas d'une technique bête et méchante. C'est pourquoi Dominique a raison à mon avis. Il faut travailler sa technique avec l'oreille, avec sa tête, et pas seulement avec ses doigts. C'est le tort de beaucoup d'élèves de croire que l'un est indépendant de l'autre : "si j'ai une bonne technique, je peux tout jouer, car je serai libéré de la difficulté et pourrai me consacrer à la musique". Ce n'est pas vrai.
Il y a beaucoup de façons de travailler, mais en tous cas, au départ et pendant le premier déchiffrage, il est très important de déjà faire de la musique, de donner des intentions musicales, de savoir ce que l'on veut produire comme interprétation. Il n'y a que par LE GESTE ADAPTE que l'on peut concilier musicalité et technique, et ce travail doit être fait dès le début.
Ce n'est que lorsque le morceau est a peu près appris, qu'on peut le retourner dans tous les sens, de faire varier les tempi, de jouer sans nuances, et même d'inverser les nuances, etc... car l'empreinte initiale apprise pendant les premiers temps restera gravée.
Ah bin oui, c'est difficile, cela demande du temps, de l'investissement mais c'est très enrichissant.
Je me rappelle que ma prof n'était pas contente si je lui sortais quelque chose de techniquement au point, mais musicalement inintéressant (ce qui est mon défaut). Elle préférait quelque chose de musical, de pensé, de réfléchi [en deux mots quelque chose qui sorte de moi, et pas de mes doigts] même si ce n'était pas au tempo exactement.
Extrait du livre de Neuhaus :
Quelle était la méthode d'enseignement de Godovski? Comme la critique allemande et mondiale le qualifiait de magicien de la technique, de nombreux jeunes pianistes affluaient vers lui dans l'espoir d'obtenir la recette de sa virtuosité. Hélas, Godovski ne soufflait presque mot de la technique, du moins dans le sens où ces jeune sgens l'entendaient!
Ses remarques concernaient la musique; elles étaient axées sur la meilleure façon de corriger les défauts, d'orienter l'élève vers un maximum de logique, de précision, de clarté et de justesse qui, à son avis, reposait sur l'étude exacte des notes du texte et les commentaires élargis du texte musical.
A ses cours, Godovski manifestait une nette préférence pour les musiciens authentiques et ne cachait pas son ironie envers les élèves aux doigts agiles et au cerveau engourdi.
Tout est dit...
