Votre moment préféré pendant l'apprentissage ?

[Chtilli]

Il y a plein d'exemples, Lang Lang bien sûr, Buniatishvili, Kissin dont le visage se tord au rythme des accords, etc.

[Spianissimo]

Je vois qu'on est plusieurs dans le même cas. C'est pour ça que je me demande comment font les pros pour s'impliquer autant émotionnellement sur scène, au point que certains semblent sur le point de défaillir, de fondre en larmes ou de fondre tout court quand ils jouent une pièce apprise des années avant, jouée et re-jouée, sue et re-sue

Quand tu sais un morceau par coeur et que tu le joues en public, je pense que tu te sens investi d'une mission de communication des émotions voulues par le compositeur telle, que tu te transcendes, ce qui a pour effet de te mettre dans des conditions qui vont te permette de jouer comme si c'était la première fois, je crois que c'est une des missions essentielles du pianiste pro, et ce n'est certainement pas une des plus simples....

[fritz]

Quand je dis simule ça sonne péjoratif, après tout ça ne me choque pas de joindre le geste à la parole pour appuyer le propos, chacun ayant sa définition du bon goût en la matière. Mais je ne pense pas qu'un Horowitz ou un Schiff qui ne laissent pas transparaître grand chose sur leur visage ou dans leurs gestes soient moins impliqués émotionnellement qu'un Lang Lang, j'aurais même tendance à penser que c'est l'inverse

[Chtilli]

En même temps, juste après mon message, j'ai réécouté et regardé Kissin jouer La Campanella et me suis rendu du niveau stratosphérique du bonhomme, ses traits sont d'une limpidité... limpide, il dégouline de sueur, pas possible qu'il simule, il est juste dans un autre monde...

[fritz]

Il a chaud quoi, en même temps quelle idée de jouer ce genre de trucs en costard ?

[diez]

Il y a plein d'exemples, Lang Lang bien sûr, Buniatishvili, Kissin dont le visage se tord au rythme des accords, etc.

Certains en font des tonnes mais est-ce qu'ils n'ont pas besoin de ces mimiques pour atteindre la beauté du son qu'ils arrivent à produire ? Je me pose la question parce que à mon faible niveau, ma femme me dit que je commence à faire certains mouvements du visage que je ne faisais pas avant. Ils doivent peut-être accompagner leur discours physiquement et pour certains de façon un peu ostentatoire

[pianiste des Alpes]

Moi je n'ai jamais fini d'apprendre un morceau car je n'ai pas un bon niveau comme plein ici.
Et je n'ai pas de phase d'apprentissage préférée ou détestée. Je travaille toujours plusieurs morceaux en parallèle, de niveaux très différents.

Par contre, le moment que je préfère parmi tous, c'est quand un de mes enfants vient me voir pour me demander de lui jouer un morceau en particulier

Dimanche soir c'était la marche turque de Mozart, que je massacre allègrement, mais ma deuxième fille m'a demandé de lui jouer pendant qu'elle lisait à côté. Elle avait envie de l'entendre. C'est pas la meilleure des motivations pour progresser et essayer de jouer au mieux, ça ?

[Chtilli]

Certains en font des tonnes mais est-ce qu'ils n'ont pas besoin de ces mimiques pour atteindre la beauté du son qu'ils arrivent à produire ? Je me pose la question parce que à mon faible niveau, ma femme me dit que je commence à faire certains mouvements du visage que je ne faisais pas avant. Ils doivent peut-être accompagner leur discours physiquement et pour certains de façon un peu ostentatoire

Je me suis posé la même question : et si j'essayais d'en faire des tonnes et et simuler la transe pour voir si ça change ma manière de jouer ? J'ai essayé Hé bien oui, ça marche, j'arrive à provoquer artificiellement des sensations, le fait de simuler la transe peut provoquer la transe (par contre ça déconcentre et augmente le risque de plantage)

[fritz]

Pour le coup c'est un phénomène documenté scientifiquement je crois, une croyance voudrait par exemple que laisser éclater sa colère ait un effet apaisant, en fait c'est bien mieux de se contenir pour la faire baisser. En tout cas je suis assez persuadé que ce que les musiciens affichent n'est pas à décrypter comme conséquence de leur interprétation mais comme un rôle dans lequel ils se projettent pour interpréter des émotions, ce n'est pas la musique qui les fait se pâmer, c'est la pamoison qui les aide à produire de la musique. C'est dans ce sens que je dis qu'ils simulent, avec l'effet de bord que leur attitude a potentiellement un effet sur le public

[Angelique]

Encore une fois, je viens de terminer une pièce qui me tenait à cœur, que je voulais apprendre à tout prix. Au bout de quelques semaines, j'ai atteint le niveau de maîtrise que je voulais atteindre pour la jouer d'une manière satisfaisante pour moi, en ayant travaillé certains passages de manière acharnée, voire compulsive.

Alors ça y est, enfin, j'arrive au stade qui me faisait rêver au début et... C'est pas que je m'en fiche mais presque... Je n'ai plus du tout envie de jouer la pièce, ça ne me procure presque plus de plaisir.

Comme à chaque fois, pour remplir ce vide, j'ai entamé la pièce suivante, et la flamme est ravivée. De nouveau je ressens des choses en jouant, mais pour combien de temps ?

Cela m'a amené à me demander à quel moment je prends le plus de plaisir dans l'apprentissage d'une pièce, et ce n'est pas quand j'ai fini et que j'arrive à la jouer convenablement, loin de là.

Ce serait plutôt au tout début, notamment au moment d'apprendre la toute première mesure et ensuite pendant les 2-3 premières pages. Presque toujours, la dernière page est laborieuse (alors qu'elle est souvent la plus facile) et je la bâcle par lassitude.

Le problème dans tout ça, c'est que ça a une incidence sur l'interprétation, car je me demande comment je peux transmettre des émotions en n'en ressentant plus aucune ? Quand j'apprends un passage pour la première fois, que je l'ai répété 3-4 fois, j'ai l'impression que c'est à ce moment que ma manière de le jouer est la plus juste, même avec quelques ratés, c'est là que j'ai les meilleures montées de dopamine. Une pièce remplace l'autre, et ainsi de suite...

Et vous, quel moment vous procure le plus de plaisir ?

Pareil pour moi, c'est davantage la magie d'être capable de jouer les morceaux que je rêve de jouer la première fois qui me procure le plus de sensations. Ensuite, après l'avoir répété des centaines de fois, même si les passages techniques sont plus maîtrisés, ce côté magique s'estompe. Des fois, quand je laisse ces morceaux de côté et que je les retravaille, ou bien que je suis particulièrement triste ou joyeuse, ça redevient plus beau et plus émouvant.

Je pense que sur scène, il faut faire revivre au public la "magie" de ce premier instant, presque comme si on découvrait le morceau en le jouant.
J'avais vu un extrait de ballet (avec Polina Semionova et Vladmir Malakhov il me semble), et ce qui était fou c'était que... malgré toutes les fois qu'ils ont dû répéter, quand leurs regards se sont croisés, on avait l'impression qu'ils étaient vraiment amoureux, et qu'ils se voyaient pour la première fois. C'était magique.

[Barcarolle]

Alors pour moi ce serait vraiment tout l'inverse de Chtilli !
J'aime bien l'apprentissage mais si je pouvais tout apprendre en 2-3 jours max ça m'irait très bien.
Ma partie préférée commence une fois la pièce maîtrisée par coeur... c'est seulement à partir de là où on peut vraiment commencer l'interprétation et c'est la partie que je trouve la plus "artistique"... travailler un passage par coeur, l'écouter, voir comment on pourrait le jouer mieux, enrichir son jeu en écoutant d'autres interprétations..

[PatrickAllain]

Mes moments préférés: quand je commence à maitriser à peu près un morceau et que je prends plaisir à le jouer.. à essayer d'interpréter des traits: a chaque fois, je peux découvrir de nouvelles émotions, peu importe si je fais des fautes d'ailleurs, je recherche avant tout les émotions durant le jeu
Du coup, toute la partie en amont m'est assez pénible.. je la subit et suis stackhanoviste parce je sais ce que va me donner le résultat de tout ce travail préalable.

[elenajalan]

Idem mot pour mot que Barcarolle et PAtrickAllain.
Je dirais, et ce n'est pas une boutade, que l'autre moment génial, c'est quand je rêve de jouer un morceau et que mon prof dit : OK !

[mh_piano]

Idem mot pour mot que Barcarolle et PAtrickAllain.
Je dirais, et ce n'est pas une boutade, que l'autre moment génial, c'est quand je rêve de jouer un morceau et que mon prof dit : OK !

Voilà je confirme que c'est le meilleur moment pour moi aussi

[Chtilli]

Alors pour moi ce serait vraiment tout l'inverse de Chtilli !
J'aime bien l'apprentissage mais si je pouvais tout apprendre en 2-3 jours max ça m'irait très bien.

Moi c'est pareil, c'est même mon objectif ultime : réussir à jouer une pièce tout en l'appréciant comme au premier jour, donc diviser par dix la durée d'apprentissage (c'est pas gagné)

[lullablue]

Je vois qu'on est plusieurs dans le même cas. C'est pour ça que je me demande comment font les pros pour s'impliquer autant émotionnellement sur scène, au point que certains semblent sur le point de défaillir, de fondre en larmes ou de fondre tout court quand ils jouent une pièce apprise des années avant, jouée et re-jouée, sue et re-sue

Quand tu sais un morceau par coeur et que tu le joues en public, je pense que tu te sens investi d'une mission de communication des émotions voulues par le compositeur telle, que tu te transcendes, ce qui a pour effet de te mettre dans des conditions qui vont te permette de jouer comme si c'était la première fois, je crois que c'est une des missions essentielles du pianiste pro, et ce n'est certainement pas une des plus simples....

je pense pareil, les concertistes sont un peu comme des acteurs, ils doivent retranscrire l'émotion du texte.
certains le font avec des "mimiques", d'autres c'est plus intérieur.

[Carla Rocío]

Pour ma part je préfère la découverte de la pièce, quand je l’écoute plein de fois et essaie intuitivement de la retrouver au clavier. Après vient une phase ingrate de…. Travail ce même plaisir de la découverte et d’expressivité nouvelle revient quand la pièce est rodée.

Sinon pour les pro, je suis pas sûre qu’ils réfléchissent en termes d’émotions, même je suis sûre que non. Ça vient tout seul. Je pense parce qu’ils s’écoutent. Du coup en tant qu’observateurs ça leur permet aussi de garder un peu de distance. En fait ils sont un peu formatés dans ce langage parce que dans beaucoup de cas le travail de l’instrument a monopolisé leur enfance et même souvent la famille quand il s’agit de grands professionnels. Donc leur affectivité est déviée dans la musique et ça transpire sans qu’ils le cherchent.

[Isabelle MD]

Oh que je me reconnais Carla dans ce que tu decris.Le meilleur moment c est quand je pose la partition sur le piano et que je decouvre les premières mesures.Une fois le thème dompté arrivent les premières difficultés, le passage compliqué qui fait douter.Et c est là qu on réalise le bonheur d avoir un professeur ( dans ma période sans prof c est la que s achevait l apprentissage) .Un autre moment délicieux c est lorsqu à la manière d un puzzle les fifferentes parties s emboitent et s enchainent.On domine la pièce on peut goûter le plaisir de la faire évoluer avec les nuances.
Le moment que je redoute? Quand j ai pris de mauvaises habitudes et que je dois changer un doigté qui passe.mal.Panique à bord c est le chantier pendant 2 ou 3 jours.

Quelqu un me demandait :vous n en avez pas marre de répéter toujours le même morceau? Non on peut être lassé de contempler la même image ou d entendre le même morceau.Mais travailler un morceau c est comme peindre un tableau ou faire un puzzle on ne se lasse pas, ça nous tient en haleine.

[Chtilli]

Quelqu un me demandait :vous n en avez pas marre de répéter toujours le même morceau?

Moi oui, parfois je finis par simplement en avoir marre d'entendre le morceau joué par moi

[baldr]

tous les moments.
tous sauf le dernier.
la découverte sur YouTube, aller chercher la partition si nécessaire, chiner au magasin, revenir avec, la ranger, l'oublier et un beau jour la sortir
puis la déchiffrer moment suprême, la jouer aussitôt au tempo pour voir
l'étudier en isolant des passages et les jouer très lentement sans vouloir progresser
écouter les harmonies et les enchaînements
un beau jour vouloir en finir et mettre sur la table minutage minimum des séances, métronomes, travail
à un moment, on s'arrête... quand ?

Je me le demande.
En tout cas, le résultat est toujours bancal, éloigné du modèle sur YouTube
m'écouter est le moment le plus pénible, le seul à vrai dire, celui qui me donne envie d'arrêter le piano...
puis je me mets à penser à une autre partition...
qui a dit que ce devait être parfait ?
et last but not least, maintenant que je vous connais, que je fais des vidéos et que certains écoutent ce que je fais, je pense à vous !

le nec plus ultra est de le jouer par coeur devant d'autres personnes, moment rare, moment-clef, et de les entendre s'extasier après la fin !!
Mon tableau manque de quelque chose et c'est d'un autre musicien. Rien ne vaut un duo piano/chant, piano/soliste, activité rarement atteinte chez moi, que je voudrais réitérer.
C'est difficile à (re)trouver, vu que tout le monde est sur Internet de nos jours