Emission sur l’improvisation

[Danaus]

Sur France Inter à 9h08 ce jour du 13 juillet, une discussion entre Charles Pépin et Ibrahim Maalouf sur l'improvisation en général :

https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... 23-2949906

Les deux personnes qui ont totalement oublié d'être c.. produisent, à mon avis, un dialogue très intéressant.

[Christof]

Sur France Inter à 9h08 ce jour du 13 juillet, une discussion entre Charles Pépin et Ibrahim Maalouf sur l'improvisation en général :

https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... 23-2949906

Les deux personnes qui ont totalement oublié d'être c.. produisent, à mon avis, un dialogue très intéressant.

Merci d’en avoir parlé. J’ai aussi écouté hier.

As-tu lu son livre? J’ai bien aimé. J’aime beaucoup le parallèle qu’il fait entre l’improvisation en musique et l’improvisation dans la vie.

[Danaus]

As-tu lu son livre? J’ai bien aimé. J’aime beaucoup le parallèle qu’il fait entre l’improvisation en musique et l’improvisation dans la vie.

Non mais j'ai bien envie de le faire....

[Jacques Béziat]

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur l'improvisation !
D'autant qu'il en existe plusieurs types, selon le style musical, et le but poursuivi.

En classique, il existe trois types principaux :

- l'improvisation dite libre, toujours inspirée par un thème principal,
- l'improvisation libre basée sur rien, sur un feeling du moment, une peinture, etc...,
- l'improvisation d'une fugue sur un thème précis.

On retrouve le principe de l'improvisation libre en jazz, en blues, en rock, même en variétés (rap, variété classique, reggae, bossa, rock, etc...).

En jazz classique c'est basé sur ce qu'on appelle le chorus, on part sur les accords du thème principal, et sur le même nombre de mesures.

En musique classique, notamment à l'orgue qui a gardé cette tradition, surtout pour des raisons pratiques (meubler des moments liturgiques), l'improvisation fait partie du travail de l'organiste, pour devenir le moment ultime de la plupart des concerts.
Improviser une fugue à 4 voix relève d'une grande maîtrise de l'harmonie et du contrepoint, c'est toujours à l'ordre du jour pour les grands concours.

L'improvisation libre est infiniment moins contraignante, et je dirais même plus libre que dans le jazz, puisqu'on n'est pas limité par le nombre de mesures, un peu comme dans le rock, c'est très proche finalement !

Au piano, en classique, l'improvisation s'est perdue dans la pratique courante.
Pourtant, pour composer, je pense qu'il faut savoir improviser, les exemples de Liszt et de Chopin sont éloquents, eux qui s'amusaient à improviser à tour de rôle, et dont les compositions sentent à plein nez l'impro !!

En jazz, l'impro est indispensable, elle est le cœur-même de sa pratique.

Quant à la méthode pour improviser, hormis l'impro de la fugue, je ne pense pas que cela puisse réellement s'enseigner, il faut déjà en avoir envie et s'y risquer naturellement à ses moments perdus.
La meilleure méthode, à mon avis, est celle de l'exemple, que ce soit en classique ou ailleurs.
Comme en écriture, on ne part pas de rien, on s'instruit et on est inspiré par les musiciens qu'on admire.
Ensuite, comme pour l'interprétation, tout n'est que pratique, pratique et encore pratique, et inspiration.

Juste mon point de vue .

[Danaus]

Merci Jacques pour cette synthèse très claire : il n'est pas toujours facile de distinguer ce qu'est vraiment une improvisation selon les musiques.

J'avais un professeur d'harmonie qui disais que pratiquer les marches harmoniques dans différentes tonalités n'était pas tout pour improviser mais que "cela donnait du vocabulaire"... Cinquante ans après je commence à comprendre ce qu'il voulait dire.

[Jacques Béziat]

Tout à fait, Danaus.
Quand j'étais ado, j'improvisais beaucoup à l'orgue, dans un style très moderne, très « dissonant », sans avoir de grandes connaissances en harmonie et aucune en contrepoint.
Mon prof aimait ce que je faisais, j'éprouvais une grande envie d'improviser, j'avais l'audace de l'innocence, je ne pense pas que ce fût si bon que cela .
Je me référais souvent à Cochereau, mais j'étais fasciné par les des couleurs plus audacieuses comme chez Guillou ou Messiaen (sans arriver à leur cheville, bien sûr !!) quand je me lâchais, attiré par les couleurs musicales, et j'osais tout.
À partir de là, j'ai toujours adoré improviser, et j'ai continué en jazz.
Si on n'a pas cette envie, on ne devient pas improvisateur, improviser doit même être ressenti comme une nécessité !

Encore maintenant, j'adore improviser au piano, comme à l'orgue, ce qui me donne des idées de compositions.

Improvisez !!
Vous trouverez des idées de thèmes, de développements, éventuellement pour composer, et même vous découvrirez des choses dans les partitions déjà écrites, dont beaucoup, j'insiste, proviennent d'improvisations !

[Solfège]

Merci jacques pour cette explication détaillé sur l'improvisation. Je me sens plus à l'aise d'improviser à l'orgue qu'au piano. Il est vrai que l'orgue offre une palette de sonorité très étendue avec les jeux la combinaison des claviers et le pédalier. Mais je suis très motivé pour cet exercice car effectivement dans les offices cela rend service. Et puis l'improvisation permet également d'introduire un chant en étant dans la bonne tonalité. Et quelque fois je prévois un morceau de sortie et je me retrouve à improviser sur la tonalité du dernier chant. Et la j'en profite pour exploiter toutes les possibilités de l'orgue. Tout ça pour dire que plus on pratique l'improvisation et plus on a envie d'improviser. Le tout etant à un certain moment de se jeter à l'eau. Et puis je crois que le fait d'écouter d'autres organistes et de pratiquer beaucoup de dechiffrage aide à mémoriser des harmoniques et des thèmes dont on peux s'inspirer par la suite sans faire bien sur du copie collé. Le plus rigolo dans l'histoire est que certains nous demandent l'auteur du morceau. Cela m'est arrivé quelque fois. Mais là il faut savoir rester très discret et très humble mais c'est très motivant pour continuer à improviser.
Salutations musicales

[Dufay]

Pour faire écho à ce que dit Jacques Béziat et là je reprends les propos de Pierre Pincemaille, l'organiste de la Basilique de Saint-Denis et grand improvisateur dans le style de Cochereau (bien que de son vivant il s'en soit toujours défendu): "l'improvisation, ça ne s'apprend pas, ça se travaille".
De fait, en ce qui me concerne, c'est en apprenant à accompagner les messes depuis une dizaine d'années que j'ai commencé à improviser grâce au travail sur les accords, chose qu'on n'apprend pas forcément quand on travaille l'orgue ou le piano.

Néanmoins, je regrette de ne pas savoir construire en temps réel une fugue ou un ricercar par exemple comme le font aisément les grands organistes car c'est une science qui demande un tout autre savoir que l'improvisation libre; mais j'adore improviser dans le style de Tournemire à la fin de l'homélie. De toute façon, quand on accompagne une messe, savoir improviser devient indispensable; on n'a pas toujours le temps, communion mise à part avec des réserves, de jouer une pièce écrite: soit c'est trop long, soit c'est trop court.

En ce qui concerne le piano, je suis parfois excédé d'entendre des impros jazz, c'est souvent fumeux avec cette impression de toujours entendre la même chose. L'orgue reste vraiment l'instrument idéal pour cette discipline.

[Solfège]

Dans les concours de recrutement d'organistes l'improvisation est au programme.
C'est donc un élément important lorsqu'on accompagne les messes et effectivement à l'usage on s'apercoit que l'improvisation a sa place et rend service car l'improvisation est très malléable au niveau du temps et de l'harmonisation.
Salutations musicales

[roulroul2]

Ibrahim Maalouf a créé un orchestre de musique classique pour apprendre à improviser, le free ensemble. Il milite pour que l’on puisse improviser dans la musique classique. L’improvisation, une véritable philosophie de vie pour le trompettiste : « Il faut sortir des codes, il ne faut pas forcément faire du solfège pour pouvoir s’amuser ensuite.

Pour Ibrahim Maalouf, les meilleurs musiciens avec qui il a joué sont tous des autodidactes : « Les gitans n'apprennent pas la musique dans les conservatoires, mais de génération en génération, et se sont parmi les meilleurs musiciens du monde. On n'apprend pas à lire tant qu'on ne sait pas parler, en musique, ça devrait être la même chose.

Ces deux passages m'ont paru intéressants. Il est vrai que dans certains pays on ne sait pas vraiment lire la musique, on joue à l'oreille, c'est une autre approche. Ça fait des années que je me pose la question de savoir si justement une approche hyper théorique n'est pas au final contre productive, et rebutante. D'un autre coté, il faut quand même un minimum de bagage technique pour improviser, et essayer de trouver ce qui sonne bien, ce qui sonne moyen, et ce qui ne sonne pas du tout. Les gammes sont un bon exemple, je commence à en comprendre le sens, majeures, mineures, je viens d'apprendre qu'il y a trois déclinaisons dans les mineures. De quoi s'angoisser pour la rentrée prochaine en solfège. En parlant entre deux morceaux avec des pianistes de gare ou de square, souvent bourrés de talent, j'ai appris que ça vient souvent tout seul, en jouant encore et encore, et en tentant des trucs. J'aimerais assez discuter sur le sujet avec un organiste d’église, un jour.

En ce qui concerne le piano, je suis parfois excédé d'entendre des impros jazz, c'est souvent fumeux avec cette impression de toujours entendre la même chose. L'orgue reste vraiment l'instrument idéal pour cette discipline.

Je ne partage pas tout à fait cette opinion, les pianistes de jazz savent jouer lentement, vite, doux, fort, créer des dissonances. Le jazz est une bonne école. je ne sais plus qui disait que les bons élèves font du jazz, et les autres de la pop, c'est dans un film, je crois.

[Jacques Béziat]

Les organistes classiques, comme les pianistes et les autres instrumentistes de jazz, utilisent des clefs, qui sont des systèmes personnels leur permettant de partir dans certaines directions harmoniques et/ou rythmiques, de ce fait on reconnaît le style de chaque musicien.
Même en impro, on ne part pas de rien, du néant.
À l'orgue classique comme en jazz, on trouvera aussi bien des musiciens ennuyeux, des répétitions harmoniques, que de l'inspiré.

Cela dépend de la qualité du musicien, et éventuellement de sa forme au moment de l'impro !

En impro comme en composition, on aura une approche différente et une appréciation différente selon ses propres goûts, ses propres références.

Enfin, certes, certains musiciens et certaines cultures n'utilisent pas de technique à proprement parler, comme écrire la musique ou travailler le solfège et les gammes, mais ils ne partent pas non plus de rien du tout, ils partent sur des bases culturelles traditionnelles très codées exigeant un minimum de travail, et avoir une connaissance approfondie de la technique musicale, avoir une réflexion sur l'écriture, apportera un plus au musicien, un recul et une approche plus large lui permettant d'exploiter au mieux son imagination.

Une culture musicale traditionnelle s'appuie sur des codes précis, dont on ne sort guère non plus !

Une formation musicale digne de ce nom est un bagage empli d'outils, dont il faut apprendre à se servir, ce n'est pas un boulet ni un carcan bridant la créativité, au contraire !!