Il est absolument évident que le piano, comme l'orgue ou le clavecin, est limité au point de vue de l'expression individuelle des notes, puisqu'on ne peut agir que sur la vélocité de ces notes (nuances).
Les notes ne peuvent « chanter » que les unes
par rapport aux autres, alors que l'énorme avantage des instruments solistes est de pouvoir rendre expressif chaque note, comme avec la voix humaine.
De même que chaque note est modulable en montée comme en descente, quand les notes des claviers sont fixes.
Bien entendu, la polyphonie des claviers permet de compenser cette impossibilité mécanique et physique, ou plutôt de trouver un biais par l'écriture.
L'écriture aux claviers permet de trouver certains artifices à ces impossibilités, et quand on parle d'
expressivité, de
musicalité, je pense que l'une des clefs consiste à comprendre les dynamiques, les forces centrifuges, les élans, à l'intérieur des œuvres,qui correspondent à des efforts mécaniques physiques, donc à des efforts humains demandés au corps, pour chanter notamment.
La musicalité, à mon sens, est la dimension humaine, avec ses forces et ses faiblesses, c'est bien ce qu'on cherche dans la musique, l'effort, et le ressenti dans cet effort, qu'ils soient physiques ou transcendés. Toute musicalité est chant,
mélodie (le sens premier du terme de mélodie !).
Le
rubato en est la forme la plus expressive, mais si on enlève cette dimension matérialisée de l'expressivité, une œuvre de Bach se passera de cette dimension humaine, elle s'effacera devant le langage musical.
La musique romantique reviendra à une dimension plus terrestre, plus corporelle, faisant état des émois intimes, quand Bach y voyait une structure divine des choses, de la physique, de la matière musicale, Dieu ne peut être qu'ordonné ! Et pourtant, l'humain est très présent chez Bach, l'émotion surgit malgré une écriture stricte, ordonnée.
Bref, à mon avis, on ne
joue pas si on ne
chante pas.
Avec mes élèves, pour tenter de leur faire comprendre cet élément-clef, il m'arrive de chanter le thème tout le long de leur morceau qu'ils sont en train de jouer, quelque fois très fort (ou très doucement, bien sûr), pour porter l'expression. Il m'arrive d'être épuisé après un cours

(quand l'élève est motivé)...