Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

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BluePhoenix05
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Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par BluePhoenix05 »

Je prends conscience depuis plusieurs jours des possibles raisons d'être du "doigté baroque", qu'on néglige trop souvent et écarte sans lui prêter l'attention qu'il mérite, car il nous paraît d'emblée "bizarre", voire "tordu". Guère étonnant, l'exemple d'une succession 3434 dans une gamme ascendante est si contraire à nos habitudes!

Or en étudiant de plus près l'application d'enchaînements de ces doigtés plus "atypiques" (pour nous) dans des oeuvres de Bach que je travaille en ce moment, la partition et la musique me sont apparus sous un jour radicalement nouveau. Loin d'être malaisés, j'ai constaté à quel point les enchaînement 55 (plutôt que 45) ou 11 (plutôt que 21 ou 12) peuvent être chantant, ou bien 33 ou 1234 2345 tellement pratiques !

Mais c'est surtout la qualité de son (pour un effort moindre) et l'articulation suggérée qui ressortent de l'emploi de tels doigtés, en exploitant les forces et faiblesses naturelles des doigts, selon l'endroit d'où l'on vient et la géographie des touches que l'on joue. Privilégier des doigts forts 531, quitte à effectuer de multiples sauts, apporte un réel confort dans certains endroits. Se passer de contraignants passages de pouce, de façon à arriver avec un 2 ou un 4 sur une touche noire, idéalement placé (devenant ainsi dans cette configuration un doigt "fort"). Utiliser 11 pour couper brièvement et marquer clairement l'arrivée sur une cadence. Lors d'un 34, profiter de l'appui fort qui s'allège naturellement ensuite ("liaison par deux").

Loin de la réputation de "musique abstraite" qu'on lui impute, du caractère apparemment circonvoluté et malcommode à jouer de motifs contrapuntiques, la musique au clavier de Bach révèle alors son caractère parfaitement pianistique ! Comment douter que l'ombre de la main d'un maître organiste/claviériste ne plane pas également en même temps sur la pensée musicale au moment de l'écriture de l'oeuvre ? "A cet endroit-là c'est difficile de lier..." Peut-être précisément parce que ce n'était pas prévu pour être lié, au contraire !

En guidant la recherche de doigté par le son, au lieu de privilégier une "optimisation" ou un "lissage" des déplacements (ajoutant mouvement parasites sans en économiser), au lieu de chercher à maintenir la possibilité de longues liaisons, reléguant la recherche d'égalité ou de choix d'articulation à d'autres moyens techniques compensatoires (conception héritée des oeuvres romantiques probablement?), les choses deviennent étonnamment plus simples à la fois à comprendre et à jouer. Le type de son, les appuis, les groupements de notes, l'articulation... tout semble déjà là, suggéré, pensé, prévu, avec le doigté qui va avec. Une sorte de clarté, d'évidence se dégage, et on se rend compte que l'on faisait tout à l'envers. C'est comme si, quelque part, on arrive à sentir la forme de la main de Bach. Je ne vous cache pas le sentiment d'épiphanie qui s'accompagne!

Pour aller plus loin, je me dis qu'il doit en être de même dans les partitions d'autres auteurs baroques. Et que nous empêche d'appliquer ces types de doigtés chez les compositeurs ultérieurs, héritiers de la même tradition virtuose ? Haydn, Mozart... voire plus proche encore de nous?

D'autre part, pédagogiquement, je me demande si je n'ai pas déjà vu des pianistes avec peu d'années d'expérience au piano écrire spontanément ce type de doigté sur leurs partitions, ce qu'on s'empresse de corriger par des doigtés qui lient ou minimisent les sauts à l'aide de passages de pouce. Sans doute une conception à réviser ?

Du coup je me demande si vous avez connaissance de traités, vidéos de clavecinistes, éditions doigtées par des interprètes de l'époque, ou autre ressource qui m'aiderait à approfondir ce sujet. En vous remerciant par avance!

J'ai trouvé au moins ces ouvrages qui ont l'air fort intéressant, surtout s'il y a des exemples :
Claudio Di Veroli - ça n'a pas l'air trop cher
Rosalyn Tureck
pianojar
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par pianojar »

Je pense que tu as du prendre connaissance de ce document déjà
Pour un historique des doigtés anciens Dominique Ferran
BluePhoenix05
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par BluePhoenix05 »

Merci pour la référence de cette intéressante synthèse et la bibliographie détaillée qui l'accompagne !
Je reste encore un peu circonspect vis à vis du "croisement de doigts" même s'il est apparemment décrit dans un traité (doigt long sur le plus court ou court sous le long). Ne peut-on pas simplement sauter ? On a peut-être encore trop envie du "legato par défaut".

"Our meddling intellect
Misshapes the beauteous forms of things
"

C'est si rare d'avoir des traces de doigtés qui nous soient parvenus.
Ca devait être tellement évident qu'on ne prenait pas la peine de l'expliciter!
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quazart
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par quazart »

Il y a tout de même quelque chose qui m'interpèle, c'est la raison de l'invention des doigtés rationnels, en pleine période baroque, et leur généralisation.
Sans avoir du tout étudié la question, il me semble que si une certaine manière de faire à longtemps prévalu mais a été si rapidement remplacée par une autre, c'est qu'elle comportait au moins des lacunes ou des difficultés pratiques.
Certains clavecinistes contemporains utilisent-ils ces doigté baroques :?:
leLama
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par leLama »

Est-ce que l'evolution de l'instrument n'y est pas pour quelque chose aussi ? C'est une période de transformation rapide de l'instrument. Peut etre des doigtés adaptés a certains instruments le sont ils moins a d'autres ? Par exemple au clavecin, si on arrive en derniere minute sur une touche avec une grande vitesse, c'est OK. Avec un pianoforte, on fait un gros PLONK et on essaie alors de lisser les deplacements pour faire un son plus doux.
Presto
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par Presto »

Salut Blue,
Je ne sais pas si tu l'as déjà regardé mais dans l'art de toucher le clavecin de Couperin il y a des doigtés baroques.
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
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quazart
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par quazart »

leLama a écrit : jeu. 11 oct., 2018 19:08 Est-ce que l'evolution de l'instrument n'y est pas pour quelque chose aussi ?
Les doigtés modernes ont été, sinon inventés, du moins promus par Rameau qui ne disposait pas de pianoforte, pour autant que je le sache.
D'ailleurs ses oeuvres sont explicitement écrites pour clavecin. Je ne pense pas que l'instrument lui-même soit la cause de ce changement, je l'imagine davantage comme une entreprise de rationalisation. On est en plein siècle "de la raison" !
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Okay
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par Okay »

Ravi de te revoir sur le forum :)
La notion de legato est beaucoup plus relative et peut-être même assez éloignée de ce qui pourrait être parfois supposé. Jouer legato au sens strict, c’est ne pas décoller le doigt de la note précédente lorsque la note du moment est attaquée, même un très bref instant. Mais lorsque qu’un compositeur écrit (ou plutôt pense, car il ne l’écrit pas toujours, Bach...) legato, il n’a que faire de ça. Sa principale considération est le suivi, la ligne, les groupes de notes comme tu dis, qui structurent la phrase parfois de manière tout à fait indépendante de son rythme.

Alors voilà... faut-il parler de doigtés baroques ? On le fait volontiers car on sait que la musique écrite pour clavier par ces compositeurs implique de tels doigtés, notamment car le clavecin ne posera pas les problème d’égalité du piano (et encore moins ceux des pianos modernes !). Mais si on revient aux notions de chant et surtout de suivi, qui me semble être le cœur de l’histoire, seul en effet le contrôle du son et le rythme décident (le rythme écrit et les longueurs de notes réellement jouées pour rendre intelligible le rythme écrit).
Le doigté employé n’est qu’un moyen instrumental qui peut servir ou deservir. Lorsqu’un compositeur romantique écrit un passage dans lequel la main droite se voit confier un chant et un accompagnement, que le chant est confié au seul pouce ou au seul 5e doigt, et qu’il y a une grande liaison (écrite ou pas), il faut bien se débrouiller pour chanter, ni avec un doigté standard ni un doigté dit baroque... mais avec un seul doigt. On peut jouer de manière extrêmement chantante en jouant un thème avec le seul index, et une aide mineure de la pedale (qui habilement utilisée, remplace la résonance naturelle des instruments anciens). Alors oui, le choix du doigté est entre autres guidé par le confort et par le son, mais aussi par la logique sous jacente des carrures musicales. La seule contrainte de l’ergonomie apparente mène à des doigtés presque toujours inefficaces... Chopin écrit souvent (et surtout dans des pièces lentes/modérées) des doigtés qui se chevauchent, des 1-1 ou 2-2, et souvent sous les signes de liaison. Ce n’est alors qu’un moyen de renforcer la diction vocale au piano. Cette histoire de doigtés a priori non conventionnels ne saurait se réduire à la problématique baroque... tant que l’oreille valide et que ça marche, cela fait partie de l’attirail du pianiste !

Les doigtés dits conventionnels consacrent en réalité le rôle du pouce comme doigt de passage exclusif. C’est le plus fort et il se prête à démarrer une nouvelle position. Cette force est très utile et sécurisante quand il faut actionner la mécanique d’un piano, et dans de très nombreux cas l’égalité et la sécurité requis seront impossible à atteindre autrement, ou sinon, cela restera la solution la plus efficace. C’est la solution par défaut qui fonctionnera presque toujours le mieux... mais entre mailles, il y a parfois la place pour faire autrement et obtenir des choses très intéressantes. Mais c’est quelque chose de pas si simple à aborder car on rentre dans des considérations d’écoute vraiment exigeantes (colmme toujours en fait...).
pfffpfff
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par pfffpfff »

Okay a écrit : ven. 12 oct., 2018 7:44 Les doigtés dits conventionnels consacrent en réalité le rôle du pouce comme doigt de passage exclusif. C’est le plus fort et il se prête à démarrer une nouvelle position. Cette force est très utile et sécurisante quand il faut actionner la mécanique d’un piano, et dans de très nombreux cas l’égalité et la sécurité requis seront impossible à atteindre autrement, ou sinon, cela restera la solution la plus efficace. C’est la solution par défaut qui fonctionnera presque toujours le mieux...
Merci pour cette explication.
BluePhoenix05
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par BluePhoenix05 »

quazart a écrit : jeu. 11 oct., 2018 17:36 Il y a tout de même quelque chose qui m'interpèle, c'est la raison de l'invention des doigtés rationnels, en pleine période baroque, et leur généralisation.
Sans avoir du tout étudié la question, il me semble que si une certaine manière de faire à longtemps prévalu mais a été si rapidement remplacée par une autre, c'est qu'elle comportait au moins des lacunes ou des difficultés pratiques.
"Rationnels"... par opposition à "fantaisistes"?

Le passage de pouce n'est nullement ignoré des claviéristes baroques, comme le montre les multiples propositions de doigtés pour une même gamme (page 5, ou pages 8-9 du doc de pianojar, par exemple). Cela montre que les choix sont sciemment réfléchis, et les diverses possibilités explorées. J'ai plutôt l'impression que c'est ensuite que la tradition orale s'est perdue, que notre technique de doigtés s'est appauvrie, ou que nos conceptions esthétiques différentes ont été projetées sur la musique du passé. Difficile de se défaire de son chronocentrisme! D'une certaine manière, on "redécouvre" et réutilise ce qu'eux avaient déjà compris, en l'appliquant aussi à nos morceaux "modernes".
quazart a écrit : jeu. 11 oct., 2018 17:36 Certains clavecinistes contemporains utilisent-ils ces doigté baroques :?:
Oui, mais sur pas mal de vidéos je remarque des doigtés "de pianiste".

leLama a écrit : jeu. 11 oct., 2018 19:08 Par exemple au clavecin, si on arrive en derniere minute sur une touche avec une grande vitesse, c'est OK. Avec un pianoforte, on fait un gros PLONK et on essaie alors de lisser les deplacements pour faire un son plus doux.
Dans le traité de clavecin que cite Presto, on lit :
La Douceur du toucher dépend encore de tenir ses doigts le plus près des touches qu'il est possible. Il est sensé de croire (l'expérience à part) q'une main qui tombe de haut donne un coup plus sec, que si elle touchait de près ; et que la plume tire un son plus dur de la corde.
Incroyable, non?

Dans la musique romantique, on s'aide grandement aussi des ressorts acoustiques pour faire chanter la mélodie (la résonance de l'accompagnement fait vibrer les notes principales). C'est vrai qu'on retrouve la même utilisation d'un seul doigt pour chanter que dans certains passages baroques. C'est comme si le doigt devenait un chanteur indépendant.

Les possibilités de scansion, d'emphase par des silences d'articulation, de parallélisme entre mains (cf. le doc de pianojar), et même d'agogique, apportées naturellement par les doigtés autre que passage de pouce me semblent désormais incontournables. Avec le passage de pouce, des problèmes d'égalité peuvent aussi se poser, et on peut sûrement travailler pour régler. Dans certains passages, le remplacer par d'autres doigtés m'a paru très avantageux. Peut-être qu'en réalité le souci d'égalité est aussi une préoccupation moderne - alors que l'esthétique cherchait clarté, jeu finement articulé, mais toujours sans "sloppiness".
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Arabesque44
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par Arabesque44 »

BluePhoenix05 a écrit : jeu. 11 oct., 2018 15:19 je me demande si je n'ai pas déjà vu des pianistes avec peu d'années d'expérience au piano écrire spontanément ce type de doigté sur leurs partitions, ce qu'on s'empresse de corriger par des doigtés qui lient ou minimisent les sauts à l'aide de passages de pouce. Sans doute une conception à réviser ?
Ce ne serait pas étonnant du tout. C'est le genre de chose que j'ai dû faire lors de mon 1ere apprentissage autodidacte. Mais le résultat..ne devait pas être très bon.
Ce n'est pas moi qui vais pouvoir donner de la documentation, juste mon ressenti de pianiste très moyenne et pas vraiment à l'aise avec les doigtés...
J'ai travaillé l'Allemande de la 1ere Partita de Bach avec Guzelya, qui m'a indiqué de tels doigtés baroques , dans tous les sens du terme pour moi car "baroque" signifie aussi:
Larousse a écrit :Qui surprend par son caractère inattendu, bizarre, ou par son comportement original, excentrique : Des idées baroques. Un personnage baroque.
Par exemple il y a des 3 qui passent par dessus le 4 ou le 5.
Eh bien pour certains passages j'ai renoncé, je n'y arrivais pas, ou moins bien qu'avec les doigtés "classiques" (avec beaucoup de passages de pouce 2/1/2 qui donnent l'impression de tortiller la main dans tous les sens) mais la plupart du temps j'aime assez , le résultat me plait, et je trouve même toute la fin du morceau ( les 12 dernières mesures ) très agréable à jouer ainsi.
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quazart
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par quazart »

BluePhoenix05 a écrit : ven. 12 oct., 2018 12:30 "Rationnels"... par opposition à "fantaisistes"?

Le passage de pouce n'est nullement ignoré des claviéristes baroques, comme le montre les multiples propositions de doigtés pour une même gamme
Voici ce qu'écrit Camille Saint-Saens dans sa préfaces des pièces de clavecin de J.Ph. Rameau :
"Parlerons-nous du doigté ? il était loin d'avoir au temps de Rameau la belle régularité qu'il offre aujourd'hui. On passait le ouce à chaque instant, on doigtait de la façon la plus baroque. Révolutionnaire en cela comme en tout (...) [il] a travaillé à rendre le doigté rationnel, comme le montre l'exercice de 5 notes [précédant la suite en mi de 1724] avec un doigté si naturel qu'il ne nous semble pas qu'on ait pu jamais en employer d'autre, et qui était alors une nouveauté. (...) En doigtant comme on pourra on se mettra sans le vouloir à la mode du temps" (*)
(*) Saint Saens ne propose pas de doigté dans son édition.

Saint Saens était-il ou non expert en musique baroque, je l'ignore, mais selon lui, c'est bien de faintaise dont il est question !
Et la multiplicité des solutions à un même problème à l'époque baroque avait de quoi surprendre un esprite rationnel comme celui de Rameau, au point de proposer une solution nouvelle, basée sur la conformation de la main plutôt que sur une tradition.
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par Spianissimo »

Très intéressante discussion et merci à Pianojar pour le lien passionnant.
Je dis peut-être une bêtise mais il me semble qu'un très grand romantique à utilisé des doigtés un peu baroques : Liszt ! non ??
Je travaille actuellement sa transcription de la fantaisie et fugue de Bach BWV 542 et il y a de nombreux endroits ou des passages de doigts sont totalement dans l'esprit baroque.... vous me direz que c'est une transcription d'une pièce baroque mais il l'utilisait très souvent dans ses propres créations (Mazeppa par ex. avec les tierces qui se suivent en 2-4....)
C'est sympa de parler mais jouons maintenant...
http://www.youtube.com/user/andante5133
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par quazart »

Spianissimo a écrit : sam. 13 oct., 2018 17:36 Je dis peut-être une bêtise mais il me semble qu'un très grand romantique à utilisé des doigtés un peu baroques : Liszt ! non ??
Oui, les doigtés de Liszt sont assez impressionnants...
Parfois chez Schubert on en trouve d'assez bizarres (mais j'ignore s'ils sont de sa main), je pense au 1er mvt de la sonate D960 où des doigtés conventionnels dans certains arpèges sont inefficaces.
Il doit exister quantités d'autres exemples.
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par BluePhoenix05 »

quazart a écrit : ven. 12 oct., 2018 15:57 Voici ce qu'écrit Camille Saint-Saens dans sa préfaces des pièces de clavecin de J.Ph. Rameau :
"Parlerons-nous du doigté ? il était loin d'avoir au temps de Rameau la belle régularité qu'il offre aujourd'hui. On passait le ouce à chaque instant, on doigtait de la façon la plus baroque. Révolutionnaire en cela comme en tout (...) [il] a travaillé à rendre le doigté rationnel, comme le montre l'exercice de 5 notes [précédant la suite en mi de 1724] avec un doigté si naturel qu'il ne nous semble pas qu'on ait pu jamais en employer d'autre, et qui était alors une nouveauté. (...) En doigtant comme on pourra on se mettra sans le vouloir à la mode du temps" (*)
(*) Saint Saens ne propose pas de doigté dans son édition.

Saint Saens était-il ou non expert en musique baroque, je l'ignore, mais selon lui, c'est bien de faintaise dont il est question !
Intéressant tout ça! Je suis allé consulter la préface qu'il a rédigée, et l'exercice de Rameau dont il parle.

Cet exercice provient de sa "MÉTHODE POUR LA MÉCANIQUE DES DOIGTS" - C'est vraiment très intéressant, je vous invite à le lire. On dirait effectivement une tentative de rationalisation, mais de l'enseignement de la technique du clavecin. Cependant, je crois qu'à côté de certaines idées toujours valables, d'autres feraient grimacer plus d'un pianiste notamment sur ce forum... :roll:

Il faut à présent arranger les cinq doigts de la main sur les cinq nottes ou touches consecutives, dont on trouve l'exemple sous le nom de premiere Leçon, dans la planche gravée qui suit ce discours.
Les cinq doigts étant arangés sur les cinq touches, en supposant d'ailleurs la main placée, comme il a été dit; on fait en sorte d'enfoncer du 1 ou du 5 la touche sur laquelle il se trouve, sans qu'aucun autre doigt, ni sans que la main fassent pour lors le moindre mouvement.
(...)
à mesure que les doigts se fortifient dans leur mouvement, on peut leur opposer un clavier moins doux, et arriver ainsi par degres à leur faire enfoncer les touches les plus dures.
(...)
Evitez, autant que cela se peut, de toucher un dièze et un bémol du 1 ou du 5 surtout dans les roulements
(...)
Lorsque la main de peut embrasser facilement deux touches ensemble, on peut abandonner celle qui n'est pas absolument nécessaire au chant: car on ne doit pas être tenu à l'impossible
On retrouve l'origine de l'école française ! Dont Saint-Saëns a peut-être hérité les conceptions...

S'il s'agit seulement d'une méthode d'enseignement de la technique, rien n'est dit des doigtés effectivement appliqués dans les pièces de Rameau. L'avis de Saint-Saëns sur le doigté baroque non "rationnel" reflète peut-être celui-ci d'autres à son époque et perdure jusqu'à aujourd'hui...
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par BluePhoenix05 »

Arabesque44 a écrit : ven. 12 oct., 2018 14:25 Par exemple il y a des 3 qui passent par dessus le 4 ou le 5.
Eh bien pour certains passages j'ai renoncé, je n'y arrivais pas, ou moins bien qu'avec les doigtés "classiques" (avec beaucoup de passages de pouce 2/1/2 qui donnent l'impression de tortiller la main dans tous les sens)
Eh bien regardons et comparons pour comprendre là où ça ne marche pas!
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par Arabesque44 »

BluePhoenix05 a écrit : dim. 14 oct., 2018 0:26 Eh bien regardons et comparons pour comprendre là où ça ne marche pas!
Eh bien je me souviens que ça concernait surtout les passages où la voix de la main gauche suit une ligne "brisée" ( avec changement d'octave) très différente de celle de la MD , cette polyphonie en elle-même me posait déjà un gros problème, et la coordination rendait la chose encore plus difficile alors que la fin du morceau, avec une MG bien plus intuitive, ça roule ( presque) tout seul!
S'il n'y avait eu que la MD, je pense que j'y serais arrivée partout.
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par BluePhoenix05 »

C'est vrai, il est fréquent que les problèmes qu'on croit être à la MD sont dus en fait à la MG.

Dans le passage dont tu parles, je crois qu'il ne faut pas hésiter à mettre pas mal de 1 1 à la MG (walking bass). Si en plus en fait des silences d'articulation à la MD en même temps, couper les 2 mains ensemble aide grandement.
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par Arabesque44 »

Oui je me rends compte que souvent il faut "faire avec" la 2eme main quand on choisit un doigté !
BluePhoenix05 a écrit : mar. 16 oct., 2018 0:53 Dans le passage dont tu parles, je crois qu'il ne faut pas hésiter à mettre pas mal de 1 1 à la MG (walking bass
J'aime bien l'expression, très imagée!
Mais j'ai eu tellement de mal avec cette Allemande (que j'espère enfin mener à bien) que je ne rechangerai plus les doigtés....
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Re: Doigtés employés à l'époque baroque - cherche documentation

Message par BluePhoenix05 »

Je crois que dans un apprentissage, comme dans la vie, on cherche toujours une plus grande souplesse, une plus grande adaptabilité (par exemple à un piano inconnu, une salle et une acoustique étrangères, un public non familier, etc.), non à être trop fixe ou s'accrocher à quelque chose qui ne marche plus. Ce serait comme vouloir continuer à mettre de l'argent dans un fonds dont le rendement s'est révélé négatif, et qui continue de l'être, parce que "on y a déjà investi beaucoup d'argent" et qu'il l'aura été "pour rien", plutôt que décider de placer ailleurs.

Les musiciens sont connus pour développer leur plasticité cérébrale.

Autant, lorsque plusieurs possibilités de doigtés se présentent avec leurs avantages et inconvénients, j'ai l'impression qu'on pourrait travailler chacune d'elles pour gommer tel ou tel accent, irrégularité, coordination non immédiate, etc., de plus en plus, il me semble qu'il subsiste quelque chose d'irréductible dans le son et dans la sensation à chaque combinaison de doigté, qui me fera choisir l'une plutôt que l'autre selon ce qu'on veut entendre ou exprimer, ou ce qui demande l'effort le plus naturel. Il faut expérimenter, et je n'hésite pas à revenir régulièrement sur des doigtés précédemment décidés, pour des raisons de symétrie, de simplicité, de coordination, de parallélisme, ou pour mieux faire ressortir des éléments sonores.
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