Concentration au piano en public

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
Galadrielle
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Concentration au piano en public

Message par Galadrielle »

Bonjour,
Je suis sûre que le sujet a déjà été abordé mais je me permets quand même de vous demander aux uns et aux autres vos trucs si vous en avez, pour améliorer votre concentration, en particulier en situation de jeu devant une ou plusieurs personnes...?
En effet c'est vraiment un problème pour moi. A Noël j'avais travaillé un nocturne de Chopin pour le jouer à ma mère pour son anniversaire car je sais qu'il lui plaît beaucoup, et si je le jouais bien à la maison (enfin aussi bien que le permet mon niveau...), je me suis trouvée incapable d'aller au bout parce que les enfants ne cessaient d'aller et venir et je n'arrivais pas à rentrer dans le morceau.
Samedi dernier, c'était encore plus déconcertant car je ne jouais que pour ma prof, et il n'y avait pas d'allées et venues. Mais j'ai soudain aperçu une tache sur mon jean et cela a suffit à me faire complètement planter le passage dans lequel j'étais...!
Je vois cette tendance à la distraction comme indépendante du trac ou du moins pas synonyme, ça s'ajoute plutôt. Avec les deux problèmes ensemble, c'est vite la catastrophe...! Vos trucs ?
Merci !
Abegg63
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Re: Concentration au piano en public

Message par Abegg63 »

Bonjour même si le sujet a sûrement déjà été abordé, ce n’est jamais mauvais de poser ce genre de question, les recettes de chacun peuvent aider tout le monde;
Mon truc c’est de penser chaque note au moment où je la joue, rien ne doit venir parasiter ça.
Plus facile à dire qu’à réaliser totalement, mais si on se force, à chaque prestation la déconcentration est moindre.
Les bruits du public me gênent de moins en moins.
musiclover
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Re: Concentration au piano en public

Message par musiclover »

Je suis exactement dans le même cas que toi, la dernière fois c'est tout simplement un cheveu sur mon clavier qui m'a déconcentré, faut le faire! [-X
Alors de temps à autre je me force à travailler (j'aimerai dire "jouer", mais ce sera pour plus tard...) dans des environnements sonores et pertubant, de façon à essayer d'en faire abstraction. En résumé plutôt que d'éviter le danger je vais au devant! :arrow:
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coignet
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Re: Concentration au piano en public

Message par coignet »

Je crois que le principal "truc" consiste dans la recherche d'une mémorisation ou d'une familiarité avec l'œuvre telles que l'on peut la jouer presque malgré soi.

Au conservatoire mon professeur me demandait d'être capable de jouer en faisant la conversation, et ceci dès l'approche préliminaire, par exemple d'être capable d'exécuter ainsi les détails techniques en cours de travail, de les répéter en discutant ou même en lisant le journal...

Bien sûr ce n'est pas ainsi que l'on travaille la musique et l'œuvre. Mais c'est une manière de créer des automatismes tels que l'on sait les exécuter en condition défavorable.
En concours, très jeune et à l'époque très émotif, il m'est arrivé ainsi de jouer comme ayant chuté dans un trou noir, n'ayant à la fin aucune idée de ce qui venait de se passer, mais de jouer pourtant suffisamment bien pour le jury.

ÉDITION : je viens de lire ce qu'a écrit Abegg63, c'est amusant et intéressant de voir que c'est à peu près l'inverse !
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Lee
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Re: Concentration au piano en public

Message par Lee »

Effectivement je me trouve plutôt dans les écrits d'Abegg, parce que ce que tu racontes, Coignet, me semble très bien pour maîtriser le morceau mais presque une recette pour jouer en pilote automatique avec plein de pensées parasites à gogo !

Récemment je sentais bien et décontractée en jouant pour une groupe d'amis de Piano Majeur, et l'image qui m'est venue sans préalable pendant mon jeu (je me rendais compte seulement après que c'était une grâce) : il y avait un beau ruban oscillant et vivant un peu sinueux mais pas droit qui venait directement de la musique que je jouais au piano jusqu'à mon public, un peu comme dans les dessins animés quand ça sent quelque chose attirante.
Image
Bon, le public n'était pas de tout en délire comme ça, c'est seulement l'image du ruban qui est exacte ! :mrgreen:
Je crois qu'on dit que l'hypnotisme fonctionne avec des images, et cette image m'était très bénéfique, je pouvais me focaliser sur le chant et l'expression comme destiné aux personnes présentes, ça semblait m'aider avec les nuances et pour communiquer les sensibilités, comme ce que la musique cherche à faire...
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coignet
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Re: Concentration au piano en public

Message par coignet »

Presque, oui. Le but étant d'une part que les mains continuent lorsqu'il y a un incident tel que le décrit Galadrielle.
Mais surtout, sans incident, que ce que l'on souhaite faire (toucher, phrasé, expression, légèreté, chant) soit la préoccupation première.
Lorsque je joue, je chante dans ma tête, je ne pense jamais à des notes ainsi que le dit Abegg63.

[ Je devrais dire lorsque je jouais, car j'ai repris récemment, et ce n'est pas bien beau ; je chante pourtant toujours dans ma tête, mais c'est difficile à transmettre aux doigts. En s'arrêtant longtemps (20 ans), on perd de l'agilité, mais surtout, la précision et la douceur… ]
Galadrielle
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Re: Concentration au piano en public

Message par Galadrielle »

Merci pour vos réponses. Je crois que la méthode de coignet pourrait tout à fait fonctionner, à ceci près que je 'en dispose pas d'assez de temps de travail pour acquérir une telle maîtrise, à moins de jouer des morceaux très simples mais que je n'ai pas très envie de jouer.
Si je commence à penser à chaque note en revanche c'est la cata assurée : je me mets alors à réfléchir, à douter de ma note et je ne sais plus du tout le morceau. Signe que (et je sais que ce n'est pas recommandé...) je joue plus par mémoire des doigts que par mémoire des notes. Il me semble qu'il me faudrait fournir un effort démesuré pour apprendre vraiment les notes. J'en apprends quelques unes, je connais les noms des notes au début de chaque partie, mais après c'est tout automatique... Mais encore pas assez automatique pour appliquer la méthode de coignet...!
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Arabesque44
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Re: Concentration au piano en public

Message par Arabesque44 »

coignet a écrit : mer. 17 janv., 2018 13:42 Je crois que le principal "truc" consiste dans la recherche d'une mémorisation ou d'une familiarité avec l'œuvre telles que l'on peut la jouer presque malgré soi.
+1
On déconseille souvent de jouer en "pilotage automatique" mais c'est vraiment la solution de sécurité...et qui n'est pas incompatible avec une interprétation de qualité
Disons que pour jouer en public il faut être capable de jouer le morceau sans réfléchir, et même dans des conditions perturbantes, ce qui rejoint les conseils du prof de Coignet . Le stade au dessus, le but ultime, c'est lorsqu'il s'établit un véritable échange avec le public. ( ça ne m'arrive pas souvent... :mrgreen: )
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Lee
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Re: Concentration au piano en public

Message par Lee »

Je n'ai pas fixé sur "chaque note" dans le message d'Abegg comme vous, pour moi c'était surtout dans la réalisation et l'interprétation de l'oeuvre, pour rester concentré, mais bon, tant mieux que Galadrielle peut piocher ce qui applique pour elle.

Comme auditeur, je préfère 10 000 fois écouter des pianistes qui font des erreurs, des hésitations etc. avec un jeu sensible aux pianistes qui jouent semblablement en pilote automatique sans faute. C'est presque le pire chose d'écouter pour moi. Je conçois que l'automatisme est une façon de gérer le trac, mais je ne suis pas sûre que ça soit la meilleure méthode pour un beau jeu et que ces automatismes ne s'entendent pas dans le jeu. Cela dit, on a déjà discuté une différence entre les grands pianistes admirables, il y en ont qui jouent comme chaque moindre chose comme si tout était planifié (Sokolov), et d'autres pianistes comme si c'était l'improvisation ou spontané (Berezovsky), donc c'est vraiment le ressenti de chaque personne.
coignet a écrit : mer. 17 janv., 2018 15:17 je chante pourtant toujours dans ma tête, mais c'est difficile à transmettre aux doigts. En s'arrêtant longtemps (20 ans), on perd de l'agilité, mais surtout, la précision et la douceur…
C'est aussi un sujet débattu, je reste toujours pas convaincue que chanter à haute voix aide dans la réalisation dans les doigts. J'aime chanter, mais je trouve que c'est toute autre chose que faire chanter le piano.
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coignet
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Re: Concentration au piano en public

Message par coignet »

Arabesque44 a écrit : mer. 17 janv., 2018 16:41 le but ultime, c'est lorsqu'il s'établit un véritable échange avec le public. ( ça ne m'arrive pas souvent... :mrgreen: )
Oui bien sûr ! Ce n'est plus tout à fait le sujet du message d'origine (non pas pour dire qu'il ne faut pas en parler, mais pour rappeler que ma réponse vient de là).
Lee a écrit : mer. 17 janv., 2018 17:26 je reste toujours pas convaincue que chanter à haute voix aide dans la réalisation dans les doigts. J'aime chanter, mais je trouve que c'est toute autre chose que faire chanter le piano.
J'ai dit chanter "dans ma tête" ! En pensée, quoi, pas "en vrai". En gros, penser ce que l'on veut entendre, faire entendre. O:)
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Lee
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Re: Concentration au piano en public

Message par Lee »

Oui, je me suis mal exprimée, je ne sais pas si je peux mieux m'exprimer (et clairement) mais voici : le fait de chanter à haute voix ou de chanter dans la tête, en principe je ne vois pas comment ça peut être utile, parce que c'est presque coupé complètement de notre vrai jeu, c'est à dire que du coup ce chant est à la préalable et séparé, donc sa réalisation est quitte ou double. Alors que si on décide ou on crée le sens de ce qu'on veut exprimer en jouant, ça me semble plus atteignable. Bon, tout ça c'est en principe, je vais être toute stressée la prochaine fois qu'on m'écoute maintenant. :mrgreen: :oops:
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N'est-ce pas

Re: Concentration au piano en public

Message par N'est-ce pas »

Ma prof me fait chanter les lignes mélodiques, pas vraiment dans le jeu en public mais dans le travail préparatoire (donc désolé pour la déviation hors du sujet). Je crois qu'il s'agit d'un moyen de me donner à entendre un résultat visé, dans l'idée qu'on ne peut pas bien jouer quelque chose qu'on n'entend pas. Donc le lien pour moi avec notre "vrai jeu" est l'oreille.
On se sert particulièrement de cet exercice pour le travail sur les fugues, où elle me demande de jouer les quatre voix en en chantant une au hasard. Après ce travail j'entends nettement la différence dans la continuité et le cantabile de la voix travaillée.
leLama
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Re: Concentration au piano en public

Message par leLama »

coignet a écrit : mer. 17 janv., 2018 13:42 ÉDITION : je viens de lire ce qu'a écrit Abegg63, c'est amusant et intéressant de voir que c'est à peu près l'inverse !
Les 2 points de vue ne me semblent pas complètement contradictoires. Quand on fait du sport, on s'entraine avec des charges, on fait parfois des entrainements sur la fatigue pour pousser les limites. Et pour la competition, a l'inverse, on choisit le materiel le plus léger et on se présente frais et reposé. Je dirais qu'on peut faire un peu la même chose pour le piano. Jouer du piano en ecoutant une autre musique, de plus en plus fort, qui perturbe l'ecoute de ce qu'on joue, être interrompu, essayer d'avoir une conversation en jouant du piano quand on s'entraine. Mais au contraire, pour la representation en public, on essaye que la concentration soit maximale, tout entiere disponible pour le morceau qu'on joue.
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Re: Concentration au piano en public

Message par Abegg63 »

J’ai oublié de préciser que de compter les temps dans ma tête mais en faisant comme si je les pronoçais m’aide énormément. Pour moi qui ai du mal à garder mon tempo de départ c’est devenu un réflexe.
Penser également à la tonalité dans laquelle on est es indispensable, ça m’évite de me demander au dernier si telle ou telle note est dièse ou bémol.
Se créer une nuisance sonore pendant les séances de travail est très profitable;

Pour les prestations public, j’ajoute que j’essaye d’être le moins possible perturbée le jour-même par des détails insignifiants d’habitude mais qui prennent beaucoup de temps et d’énergie alors que lorsqu’on doit jouer il faut toutes ses capacités.
Galadrielle
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Re: Concentration au piano en public

Message par Galadrielle »

Merci pour toutes ces pistes. Je retiens l'idée de travailler avec des perturbations, qui me semble bonne, quoiqu'inconfortable, mais réalisable. En revanche je ne vois pas bien comment m'y prendre en pratique pour me mettre sans ma bulle lors de prestations publiques... Ma prof m'a bien recommandé de penser au son, de me concentrer là dessus, mais je n'y arrive pas tellement hélas...!
arg

Re: Concentration au piano en public

Message par arg »

Deux pistes opposées dans cette discussion: être ailleurs (dans une conversation, dans un journal) et jouer quand même; être présent (dans chaque note, dans chaque temps, dans la tonalité) et jouer dedans.
Le "être ailleurs" me semble un pilote automatique qui permet sans doute les notes, le rythme, la technique, mais sans doute pas la musique si tant est que ce soit séparable du reste.
Le "être là, intensément" me correspond beaucoup plus car je ne sais pas comment jouer musicalement si je ne suis pas là. Dans le "être là, intensément" on peut être là facilement (je suis à la maison, je n'ai pas de public, pas de bruit autour, tout le temps devant moi et en plus je suis en forme) ou difficile (je suis enrhumée, j'ai vu une tache sur mon jean, je pense à un truc que j'ai oublié de faire, j'entends un enfant qui joue, je sens un parfum de gâteau etc....les stimulations possibles étant infinies et donc non maitrisables).
Je suis persuadée qu'il faut travailler "être là, intensément, et encore mieux". Pourquoi pas avec un environnement bruyant pour mieux plonger dans la musique si c'est le bruit qui gêne. Pourquoi pas en comptant les temps pour rester concentrée. Mais pourquoi pas aussi en regardant la partition ou les touches pour créer un circuit de concentration (plus je regarde, plus je suis là), ou encore en étant pleinement dans chaque geste, chaque contact, ou en recherchant comment timbrer chaque note. Pour moi c'est clairement le lien geste-son qui me permet de rester là, ici, maintenant. Mais c'est aussi de penser un ensemble et pas une note après l'autre. Si j'arrive à penser une direction, alors je risque moins de me perdre dès que quelque chose interfère. Et si en plus je perçois le lien avec le public, alors c'est encore mieux...
Une autre piste est d'accepter, comme en méditation, le principe que des perturbations arrivent, de les saluer, et de revenir aussitôt à la musique. Si c'est bien fait, on va vers le paradoxe suivant: plus il y a de perturbations et plus on est dans la musique :D (à vrai dire c'est difficile !).
On peut aussi observer comment, dans d'autres circonstances, on réussit à continuer ce qu'on fait malgré les interférences, et en tirer un apprentissage.
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coignet
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Re: Concentration au piano en public

Message par coignet »

arg a écrit : jeu. 18 janv., 2018 22:21 Deux pistes opposées dans cette discussion: être ailleurs (dans une conversation, dans un journal) et jouer quand même; être présent (dans chaque note, dans chaque temps, dans la tonalité) et jouer dedans.
Le "être ailleurs" me semble un pilote automatique qui permet sans doute les notes, le rythme, la technique, mais sans doute pas la musique si tant est que ce soit séparable du reste.
Je ne défendais pas le moins du monde le "être ailleurs". Je voulais dire que pour être capable de continuer à jouer en situation de stress, ou de déconcentration, car c'est ainsi que j'ai compris le message initial, il faut avoir acquis une maîtrise telle qu'en cas de trouble la "machine" va continuer toute seule.

J'ai écrit : une manière de créer des automatismes tels que l'on sait les exécuter en condition défavorable.

II ne s'agit aucunement d'être ailleurs dans les exercices que j'ai racontés et pratiqués, mais de rechercher l'aisance donnée par la pleine possession du texte et des gestes. Comme un comédien de théâtre qui doit pouvoir réciter son texte dans n'importe quelle condition

C'est une méthode d'acquisition, en aucun cas une recette pour jouer en public.

Je voulais ainsi signifier que si cette acquisition est portée au plus haut point, on doit pouvoir accessoirement être moins vulnérable devant les incidents et la déconcentration. Mais aussi, et cela me paraissait évident, donner plus à la musique.
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Re: Concentration au piano en public

Message par Abegg63 »

Il y a aussi une chose essentielle c’est de trouver plusieurs occasions différentes de jouer en public, quelqu’il soit d’ailleurs.
Ces différentes « mises en danger » permettent de bien cerner ses propres réactions et de finir par mieux les contrôler après plusieurs expériences qui peuvent être malheureuses.
Ceci ayant pour conséquence de savoir pourquoi on s’est déconcentré, à quel moment et qu’est-ce qu’il faudrait faire pour améliorer la concentration dans ladurée.
Si je rate une prestation la fois suivante j’essaye de ne pas commettre le même enchaînement qui me conduira inévitablement à la faute souvent grossière, je fais en sorte que ça me serve de leçon.
Je ne parle pas ici de difficulté technique ou musicale, seulement d’une mauvaise gestion d’une situation
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coignet
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Re: Concentration au piano en public

Message par coignet »

J'ai le sentiment d'avoir fait une mauvaise réponse.

En effet, la question n'est pas réellement comment jouer quand-même en état de déconcentration, mais comment ne pas être déconcentré·e (remarquez l'usage du point inclusif).
Pour cela je n'ai pas vraiment de réponse, je n'ai jamais eu ce problème. Enfant, j'étais concentré par le désir de bien faire ; adolescent, mangé par le trac, je jouais comme en apnée (et pourtant ainsi je réussissais mes concours de conservatoire sans trop savoir comment). Puis adulte, ce trac m'a quitté, remplacé par une tension liée au désir de communiquer à qui écoute. Ce n'est plus le trac qui fait perdre la conscience du présent, mais le trac qui oblige à bien faire.
Il s'agit là d'un monde adulte ancien puisque comme je l'ai déjà écrit à plusieurs reprise, je ne rejoue que depuis peu, début novembre, après 20 ans d'interruption (je re-précise cela souvent pour qu'il soit clair que je ne suis plus aujourd'hui qu'un petit amateur assez médiocre et que je ne parle que d'expériences passées ; bien sûr, je n'ai pas joué en public depuis cette reprise, car je ne fais encore rien qui soit communicable).

Il y a bien longtemps, j'ai été très marqué par un texte de Démosthène qui décrivait comment il mémorisait un discours (je n'ai pas retrouvé ce texte, peut-être est-ce dans le même que celui parlant du caillou ?). Il s'agissait de se représenter un parcours dans un paysage, et d'assimiler chaque partie à un lieu particulier, passer devant une maison, à proximité d'un arbre, emprunter un chemin raide.

Pour moi cela ne se passe pas exactement comme cela, mais c'est assimilable.
À chaque pièce musicale est lié un système de représentation, de nature variable. Une ambiance extérieure, par exemple ensoleillée au début, voilée lors des modulations, matinale ou vespérale, etc. Ou des couleurs, ou en effet un parcours (par exemple je me souviens bien du chemin de montagne dans des paysages rocheux que j'empruntais pour jouer le final de la Clair de Lune de Beethoven). Ou un ensemble d'instruments (en ce moment je tente de jouer le 8e prélude du Clavier tempéré livre 1 BWV 855, la main gauche est une contrebasse, les accords de médium un violoncelle, une femme chante).
Ou des images liées à ce que l'on sait du sens de l'œuvre ; pour Funérailles de Liszt, l'inquiétude, la charge, l'espoir, l'échec, la procession funéraire.

Ces représentations mentales ne se forment que lorsque je travaille ; elles n'existent pas lorsque j'écoute quelqu'un d'autre.
Elles sont un support pour jouer, l'ambiance se crée naturellement, je la fixe mentalement, et je m'y plonge avant de jouer.
Pendant le jeu, il n'y a pas grand chose qui peut m'en faire sortir, surtout s'il y a du monde à l'écoute.
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Okay
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Re: Concentration au piano en public

Message par Okay »

Quelle que soit la stratégie choisie pour ne pas être déconcentré, je crois qu'il y a en effet toujours un élément qui consiste à s'accrocher au moment présent. Et bien souvent le problème, voire le moment précis où la chute de concentration survient, c'est les endroits de la partition où les choses n'ont pas été précisément pensées au préalable. Si on n'a pas assez d'éléments d'information sur lesquels se concentrer à tout moment, il y a toutes les chances que la concentration s'évapore naturellement.
Avant de réfléchir aux stratégies mentales qui peuvent être très utiles, il faut réfléchir dans sa préparation à la matière brute qu'on va fournir à ces dernières.
coignet a écrit : ven. 19 janv., 2018 14:08 À chaque pièce musicale est lié un système de représentation, de nature variable. Une ambiance extérieure, par exemple ensoleillée au début, voilée lors des modulations, matinale ou vespérale, etc. Ou des couleurs, ou en effet un parcours (par exemple je me souviens bien du chemin de montagne dans des paysages rocheux que j'empruntais pour jouer le final de la Clair de Lune de Beethoven). Ou un ensemble d'instruments (en ce moment je tente de jouer le 8e prélude du Clavier tempéré livre 1 BWV 855, la main gauche est une contrebasse, les accords de médium un violoncelle, une femme chante).
Ou des images liées à ce que l'on sait du sens de l'œuvre ; pour Funérailles de Liszt, l'inquiétude, la charge, l'espoir, l'échec, la procession funéraire.

Ces représentations mentales ne se forment que lorsque je travaille ; elles n'existent pas lorsque j'écoute quelqu'un d'autre.
Elles sont un support pour jouer, l'ambiance se crée naturellement, je la fixe mentalement, et je m'y plonge avant de jouer.
Pendant le jeu, il n'y a pas grand chose qui peut m'en faire sortir, surtout s'il y a du monde à l'écoute.
Tout ceci est très poétique et peut véritablement aider, mais en conditions de concert, ça ne suffira vraiment pas. Ca donne un décor, mais pour rester dans l'instant présent en continu quand on joue des milliers de notes en quelques dizaines de minutes (et qu'il faut essayer d'en réussir la plupart tout en faisant de la musique), ça sera très insuffisant. Parfois il faudra se concentrer sur une pédale de deux mesures, une note tenue, le geste associé à un déplacement, le timbre à réaliser pour tel plan sonore, une respiration prévue entre ces deux notes du chant, la préparation de la position de la main, la manière dont est construit ce passage, un changement de dynamique à soigner, la réalisation d'un doigté particulier... et ceci sans temps mort.
Vraiment, pour moi, l'origine d'une difficulté liée à la concentration, c'est d'abord le manque d'éléments travaillés qu'on peut mobiliser sur lesquels se concentrer. Je dis bien, des éléments qu'on peut mobiliser. On peut moduler le degré de concentration entre les deux extrêmes (penser chaque note d'avance et comment elle doit être jouée, et le pilote automatique complet). Mais si on doit se rapprocher d'un niveau de concentration élevé, il faut pouvoir le nourrir très concrètement, et parfois abondamment !
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