Le piano ou la polyphonie enivrante
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Le piano ou la polyphonie enivrante
Depuis longtemps je rêvais d'écrire à ce sujet...
Si je n'ai jamais répondu à la question qui demande quel autre instrument nous attirerait, c'est tout simplement que le piano est mon instrument. Aucun autre ne m'attire. Surtout ne dites pas " quel dommage.... ", ça me plaît ainsi. Je suis pianiste. Pure piano.
Tout simplement parce-que le piano est l'instrument polyphonique par excellence. Oui, je sais il y en a quelques autres mais mis à part l'orchestre (qui vous contraint avec une compétence d'exception d'être dépendant totalement des autres), aucun instrument ne possède cette puissance sonore et cette subtilité de toucher.
La polyphonie.... Quelle griserie ! Quelle toute puissance !
Prenez une fugue, vous devez vous approprier l'architecture globale mentalement, puis organiser les registres, conduire, contrôler, entendre à la fois toutes ces voix....
Ce matin, alors que je suis sans partitions par oubli (cert ainement acte manqué...), alors que ma vie terrestre est délicate voire difficile, je sens venir ce besoin d'un prélude de bach, comme une invention, ( Sol# mineur. 2ème cahier). C'est une construction simple, des demandes et des réponses... Et monte en moi cette sensation tout à fait extraordinaire qui me permet d'écouter et surtout de changer dans l'instant le timbre, le phrasé. Puis la fugue, et puis encore du bach mais pas seulement. La polyphonie, elle est dans chaque page de piano. Comme je l'ai souvent dit, le bout de mes doigts a des oreilles, il me renvoie un son intérieur avant même qu'il ne soit perceptible à l'oreille. Le plaisir du son conduit est un point commun entre tous les instruments, mais au piano, ils sont plusieurs et simultanés !
Cet instrument merveilleux qu'on a tout loisir de partager si on le souhaite ( ou pas !) est l'instrument par excellence du pur introverti. Il ressource dans une solitude totalement habitée, permet de donner, de partager avec un public sans dépendre de personne.
Parmi vous certainement, d'autres ressentent avec force cette particularité du piano. Cette sensation aboutie après un travail si profond. À la fois une forme de toute puissance mais aussi la sensation d'infini nous envahissent
La polyphonie est sans limites.
Si je n'ai jamais répondu à la question qui demande quel autre instrument nous attirerait, c'est tout simplement que le piano est mon instrument. Aucun autre ne m'attire. Surtout ne dites pas " quel dommage.... ", ça me plaît ainsi. Je suis pianiste. Pure piano.
Tout simplement parce-que le piano est l'instrument polyphonique par excellence. Oui, je sais il y en a quelques autres mais mis à part l'orchestre (qui vous contraint avec une compétence d'exception d'être dépendant totalement des autres), aucun instrument ne possède cette puissance sonore et cette subtilité de toucher.
La polyphonie.... Quelle griserie ! Quelle toute puissance !
Prenez une fugue, vous devez vous approprier l'architecture globale mentalement, puis organiser les registres, conduire, contrôler, entendre à la fois toutes ces voix....
Ce matin, alors que je suis sans partitions par oubli (cert ainement acte manqué...), alors que ma vie terrestre est délicate voire difficile, je sens venir ce besoin d'un prélude de bach, comme une invention, ( Sol# mineur. 2ème cahier). C'est une construction simple, des demandes et des réponses... Et monte en moi cette sensation tout à fait extraordinaire qui me permet d'écouter et surtout de changer dans l'instant le timbre, le phrasé. Puis la fugue, et puis encore du bach mais pas seulement. La polyphonie, elle est dans chaque page de piano. Comme je l'ai souvent dit, le bout de mes doigts a des oreilles, il me renvoie un son intérieur avant même qu'il ne soit perceptible à l'oreille. Le plaisir du son conduit est un point commun entre tous les instruments, mais au piano, ils sont plusieurs et simultanés !
Cet instrument merveilleux qu'on a tout loisir de partager si on le souhaite ( ou pas !) est l'instrument par excellence du pur introverti. Il ressource dans une solitude totalement habitée, permet de donner, de partager avec un public sans dépendre de personne.
Parmi vous certainement, d'autres ressentent avec force cette particularité du piano. Cette sensation aboutie après un travail si profond. À la fois une forme de toute puissance mais aussi la sensation d'infini nous envahissent
La polyphonie est sans limites.
Sylvie Piano http://courspianocollectif.com/
- Christof
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Re: Le piano ou la polyphonie enivrante
Sylvie, ce que vous écrivez est très beau, je veux dire par là que c'est exactement cela, enfin pour moi. Quand vous évoquez la solitude habitée, la sensation de tous ces infinis, combien je te comprends. Ce bonheur de jouer. Le mystère de l'art, qui nous sauve de tout.
Peut-être faut-il parler aussi ici de la polyrythmie. Souvent, lorsque je joue du jazz, en piano solo, j'entends aussi les autres instruments, la batterie, la contrebasse, leur façon de jouer avec le tempo, chacun donnant un éclairage différent de la pulsation, m'ouvrant aussi là d'autres portes infinies, m'invitant à les suivre. Sous mes doigts, nous sommes plusieurs.
Alors, je ne sais pas, pour les autres instruments, tels par exemple le violon, la contrebasse, la flûte, le hautbois, enfin pour tous les instruments monophoniques. Peut-être qu'en fait, quand ils jouent chez eux, ils entendent aussi l'ensemble de l'orchestre, avec cette notion de toute puissance, changeant au gré de leur interprétation la réponse des autres musiciens ? Infiniment.
Peut-être faut-il parler aussi ici de la polyrythmie. Souvent, lorsque je joue du jazz, en piano solo, j'entends aussi les autres instruments, la batterie, la contrebasse, leur façon de jouer avec le tempo, chacun donnant un éclairage différent de la pulsation, m'ouvrant aussi là d'autres portes infinies, m'invitant à les suivre. Sous mes doigts, nous sommes plusieurs.
Alors, je ne sais pas, pour les autres instruments, tels par exemple le violon, la contrebasse, la flûte, le hautbois, enfin pour tous les instruments monophoniques. Peut-être qu'en fait, quand ils jouent chez eux, ils entendent aussi l'ensemble de l'orchestre, avec cette notion de toute puissance, changeant au gré de leur interprétation la réponse des autres musiciens ? Infiniment.
Re: Le piano ou la polyphonie enivrante
C'est pas la même chose mais les 4 cordes ont aussi leur polyphonie, difficile de jouer une suite ou une sonate ou une partita de Bach sans
ça, c'est beau : https://www.youtube.com/watch?v=66Lq1nHRp24
C'est moins immédiat mais un violoncelle peut presque sonner comme un orchestre https://www.youtube.com/watch?v=p8UDEFOQd9E
ça, c'est beau : https://www.youtube.com/watch?v=66Lq1nHRp24
C'est moins immédiat mais un violoncelle peut presque sonner comme un orchestre https://www.youtube.com/watch?v=p8UDEFOQd9E
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
Re: Le piano ou la polyphonie enivrante
Et quand la polyphonie qui est implicite dans la seule ligne s'en mêle, c'est le labyrinthe... entendre les sons entre les notes, les liens harmoniques qui relient secrètement quelques notes au milieu d'une phrase...
Re: Le piano ou la polyphonie enivrante
L'orgue aussi peut créer une très belle polyphonie : https://www.youtube.com/watch?v=K1Run5BP0Bk
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Re: Le piano ou la polyphonie enivrante
C'est le nec plus ultra......Okay a écrit :Et quand la polyphonie qui est implicite dans la seule ligne s'en mêle, c'est le labyrinthe... entendre les sons entre les notes, les liens harmoniques qui relient secrètement quelques notes au milieu d'une phrase...
Sylvie Piano http://courspianocollectif.com/
Re: Le piano ou la polyphonie enivrante
Je me permets mettre ici une question qui m'embête depuis un moment, comme c'est par rapport la polyphonie...enfin je crois...
Prenons un morceau avec un chant ou une mélodie très évident. Parfois je travaille tel morceau et en écoutant les versions différentes, je suis frappée par le décalage entre comment les interprètes font sortir le chant. Alors qu'un peut tellement faire sortir la mélodie qu'on n'entend tout le reste en arrière plan complètement, un autre peut faire sortir des autres lignes ou des autres notes aussi, qui deviennent deuxième chant ou presque aussi important que la mélodie. Quasiment toujours, je reste en admiration complète des interprètes qui sortent uniquement la mélodie le plus, parce que je ne suis pas capable d'en faire, surtout pas à ce point là. Mais je trouve plus beau, plus complexe et plus intéressant l'interprétation avec d'autre que la mélodie en première plan, les autres lignes, les autres notes, la polyphonie...ou pas ?
Je ne cite pas les oeuvres encore, je suis curieuse de vos réactions d'abord. Je suis peut-être à l'ouest...
Prenons un morceau avec un chant ou une mélodie très évident. Parfois je travaille tel morceau et en écoutant les versions différentes, je suis frappée par le décalage entre comment les interprètes font sortir le chant. Alors qu'un peut tellement faire sortir la mélodie qu'on n'entend tout le reste en arrière plan complètement, un autre peut faire sortir des autres lignes ou des autres notes aussi, qui deviennent deuxième chant ou presque aussi important que la mélodie. Quasiment toujours, je reste en admiration complète des interprètes qui sortent uniquement la mélodie le plus, parce que je ne suis pas capable d'en faire, surtout pas à ce point là. Mais je trouve plus beau, plus complexe et plus intéressant l'interprétation avec d'autre que la mélodie en première plan, les autres lignes, les autres notes, la polyphonie...ou pas ?
Je ne cite pas les oeuvres encore, je suis curieuse de vos réactions d'abord. Je suis peut-être à l'ouest...
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
Re: Le piano ou la polyphonie enivrante
Oui clairement, le but c'est de parvenir à tout faire entendre et qu'on comprenne aussi ce qui est secondaire. Il ne faut pas noyer les voix secondaires ou les accompagnements. Mon ancien prof m'a dit récemment, "le grand pianiste c'est celui qui soigne ses accompagnements". Chercher l'équilibre n'en dispense pas...
Re: Le piano ou la polyphonie enivrante
Je te croyais au contraire en ce moment complètement à l'est ? (Tout comme Okay d'ailleurs, visiblement)Lee a écrit :Je suis peut-être à l'ouest...
Re: Le piano ou la polyphonie enivrante
Je suis complètement à l'est, mais malheureusement je ne suis pas dans le même pays que Okay et je ne parle pas la langue des pays qu'il visite pour expliquer qu'ils doivent non seulement ouvrir la barrière pour qu'il joue sur le Steinway mais bien payer pour le privilege...
Ah mais je ne parlais pas de noyer justement. Je trouve ces interprétations parfaites mais différentes, l'auditeur est plus guidé à se focaliser sur la mélodie par un grand pianiste mais plus à l'écoute des autres lignes par un autre grand pianiste.Okay a écrit :Oui clairement, le but c'est de parvenir à tout faire entendre et qu'on comprenne aussi ce qui est secondaire. Il ne faut pas noyer les voix secondaires ou les accompagnements. Mon ancien prof m'a dit récemment, "le grand pianiste c'est celui qui soigne ses accompagnements". Chercher l'équilibre n'en dispense pas...
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Re: Le piano ou la polyphonie enivrante
Et cette sensation qu'au delà du contrôle quelque part microscopique de la polyphonie, tout sonne, toutes les voix/plans sonores se mettent en résonance, que le tout sonore est plus que la somme des parties séparées, et que ça emplit la pièce sans effort... Une sorte de plénitude sonore, ouverte et lumineuse.
C'est super agréable et si pour l'instant je n'arrive à trouver qui très brièvement quelque chose qui corresponde cette sensation (mesure 73 à 82 de l'impromptu op36 de Chopin), ça fait partie des sensations d'écoute qui m'intriguent le plus, et que je désire le plus. Mais que c'est dur de le trouver constamment !
Quelque part ça sous entend qu'en plus de conduire totalement horizontalement plusieurs parties, on arrive à sentir leurs rencontres et l'assemblage vertical qu'elles forment.
Je crois qu'Aimard parle "d'écouter la salle" dans ses conférences au Collège de France, plus trop sûr... c'est très intellectuel son approche.
Je rêve d'un contrôle de la polyphonie qui se fasse par une présence totale à l'écoute, qui habiterait naturellement chaque sons, et qui, éduquée de mille et mille manières (de la plus cérébrale et analytique à la plus viscérale), ressentirait avec justesse le poids, la couleur et la direction à donner à chacun d'entre eux en fonction du piano, de la salle, et des sensations (pour ne pas dire sentiments) du pianiste.
Le répertoire le plus polyphonique c'est aussi pour moi le répertoire qui conduit le plus à la nécessité d'une présence, d'une écoute, d'une conscience du texte totalement investies.
Il n'y a pour moi rien qui dégomme plus l'intellect à analyser qu'un prélude et fugue, rien qui ne demande plus à la fois un contrôle microscopique et dissocié avec les voix et un contrôle macroscopique du résultat sonore global, et rien qui ne rende autant nécessaire la fusion de la compréhension intellectuelle et émotionnelle (et tout ce qu'il y a entre les deux) du texte.
Bon du coup ce sujet ouvre sur la satisfaction de la polyphonie une fois réalisée et je ne peux que répondre sur l'envie et les moyens à développer pour l'atteindre ^^
C'est super agréable et si pour l'instant je n'arrive à trouver qui très brièvement quelque chose qui corresponde cette sensation (mesure 73 à 82 de l'impromptu op36 de Chopin), ça fait partie des sensations d'écoute qui m'intriguent le plus, et que je désire le plus. Mais que c'est dur de le trouver constamment !
Quelque part ça sous entend qu'en plus de conduire totalement horizontalement plusieurs parties, on arrive à sentir leurs rencontres et l'assemblage vertical qu'elles forment.
Je crois qu'Aimard parle "d'écouter la salle" dans ses conférences au Collège de France, plus trop sûr... c'est très intellectuel son approche.
Je rêve d'un contrôle de la polyphonie qui se fasse par une présence totale à l'écoute, qui habiterait naturellement chaque sons, et qui, éduquée de mille et mille manières (de la plus cérébrale et analytique à la plus viscérale), ressentirait avec justesse le poids, la couleur et la direction à donner à chacun d'entre eux en fonction du piano, de la salle, et des sensations (pour ne pas dire sentiments) du pianiste.
Le répertoire le plus polyphonique c'est aussi pour moi le répertoire qui conduit le plus à la nécessité d'une présence, d'une écoute, d'une conscience du texte totalement investies.
Il n'y a pour moi rien qui dégomme plus l'intellect à analyser qu'un prélude et fugue, rien qui ne demande plus à la fois un contrôle microscopique et dissocié avec les voix et un contrôle macroscopique du résultat sonore global, et rien qui ne rende autant nécessaire la fusion de la compréhension intellectuelle et émotionnelle (et tout ce qu'il y a entre les deux) du texte.
Bon du coup ce sujet ouvre sur la satisfaction de la polyphonie une fois réalisée et je ne peux que répondre sur l'envie et les moyens à développer pour l'atteindre ^^
Re: Le piano ou la polyphonie enivrante
Complètement d'accord. Parfois je peux passer des jours, des semaines, à chercher à prolonger ce fil multiple, qui se défait pour une raison que je ne comprends pas, à tel endroit, toujours au même endroit. Puis quand l'énigme est résolue, je ne comprends plus comment je faisais pour ne pas comprendre! un peu comme dans certains phénomènes d'optique, soit on ne voit pas la forme, soit on la voit, mais dès que la perception s'installe on passe immédiatement dans une autre dimension, il n'y a pas vraiment de progressivité.(Nem) a écrit :ça fait partie des sensations d'écoute qui m'intriguent le plus, et que je désire le plus. Mais que c'est dur de le trouver constamment !
(il y en a dans le rendu bien sûr, mais dans la compréhension/écoute, j'ai l'impression que c'est quelque chose d'immédiat; en tout cas ça reste un peu mystérieux pour moi.)