Au-delà de ta maîtrise technique (qui pourrait sembler banale maintenant qu'on sait ce dont tu es capable, mais qui reste admirable), c'est la conduite de la pièce qui m'a le plus marqué. On est pris dans la dynamique dès le début de la pièce, où tu parviens à rendre vivante cette alternance de double-croches et de croches piqués. J'ai lancé l'écoute, et dès le début cela m'a intrigué.
C'est pour moi tout ce qui fait une introduction de grande qualité : tu interpelles l'auditeur, tu lui dis : "viens, j'ai quelque chose à te montrer", et l'auditeur ne peut que se laisser porter par ce que tu as à lui raconter. Ce qui est là, c'est ce qui fait l'essence d'un "incipit" de qualité d'une oeuvre d'art qui doit se recevoir de manière linéaire, ou du moins avec un début et une fin, comme une pièce de musique ou un livre ou une pièce de théâtre ou même un repas gourmet. Une entrée en matière qui nous fait immédiatement rentrer "dedans", avec son lot de surprise, de points d'interrogation qu'on voudrait voir résolu, mais dont la résolution est d'autant plus jouissif qu'elle est progressive, avec d'autres petites attentions et surprises à chaque coin de phrase musicale, chapitre ou plat. Le tout relié par une approche cohérente tout en n'étant pas uniforme.
La conduite de l'ensemble de la pièce est pour moi de la même veine : tu nous guides délicatement et tout en maîtrise, à travers ton discours musical, et nous amène à oublier qu'il y a un piano, des doigts et du travail. Il reste juste le plaisir (à partir, il faut le dire, d'un grand matériau laissé par Albeniz...).
Un grand merci à toi
PS : j'écouterai Lavapies un peu plus tard, mais j'apprécie un peu moins la morceau en lui-même. Je préfère réécouter El Albaicin
