Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
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nox
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Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par nox »

Dans cette émission, P.Cassard cite un extrait du livre "Arrau parle: Conversations avec Joseph Horowitz". Arrau y évoque notamment l'enseignement qu'il a reçu de Martin Krause, lui-même élève de Liszt.

J'en ai retenu quelques faits vraiment marquants :
- il fallait selon lui être capable de jouer chaque oeuvre 10 fois plus vite et 10 fois plus fort qu'en concert. C'était selon lui le seul moyen de donner au public le sentiment de la maîtrise, "en laissant deviner d'infinies réserves en vitesse et en puissance"
- il faisait travailler les passages difficiles dans différents rythmes, différents touchers et différentes tonalités
- "pendant des années, la première chose que j'ai eu à jouer chaque matin était la fugue de la sonate Hammerklavier de Beethoven, parfois jusqu'à 5 ou 6 fois de suite"

Il indique qu'il demandait aussi d'être capable de jouer l'intégralité du CBT dans tous les tons !

Ca me semble absolument titanesque, mais en même temps quand on lit les biographies de grands pianistes, on a effectivement l'impression de se retrouver devant des musiciens et pianistes colossaux ! On se doute que ça demande une charge de travail absolument monumentale (Liszt était un travailleur infatigable !), mais là quand même...
Autrement dit, c'est vraiment imposant et effrayant à première vue, mais on se doute aussi du prodigieux résultat qu'un tel travail peut amener !

Que pensez-vous de ce type d'enseignement ?
Vous pensez qu'un tel enseignement pourrait encore exister aujourd'hui ?
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Okay
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Okay »

nox a écrit :- il fallait selon lui être capable de jouer chaque oeuvre 10 fois plus vite et 10 fois plus fort qu'en concert. C'était selon lui le seul moyen de donner au public le sentiment de la maîtrise, "en laissant deviner d'infinies réserves en vitesse et en puissance"
- il faisait travailler les passages difficiles dans différents rythmes, différents touchers et différentes tonalités
- "pendant des années, la première chose que j'ai eu à jouer chaque matin était la fugue de la sonate Hammerklavier de Beethoven, parfois jusqu'à 5 ou 6 fois de suite"

Il indique qu'il demandait aussi d'être capable de jouer l'intégralité du CBT dans tous les tons !
Ca m'a tout l'air d'être une hyperbole pour illustrer une approche rappelant un certain enseignement en vogue durant LHLPSDNH. Cependant, aussi délirant que ça semble, il n'est pas question du moindre travail technique vraiment hors répertoire (contrairement à ce que pratiquait Liszt).
Le premier point est d'évidence complètement irréaliste. Un facteur 2 est déjà absolument démesuré pour la majeure partie du repertoire, alors un facteur 10... simple image pour dire que qui peut le plus peut le moins.
Le second point ne me choque pas outre-mesure, et outre les transpositions qui peuvent sembler superflues, c'est une manière de travailler qui semble plutôt intelligente (fabriquer ses propres exercices à partir des difficultés du répertoire). En particulier le passage par les différents touchers.
Le troisième semble être un échauffement des doigts et de l'esprit conçu pour laminer les ressources du pianiste dès le début de la journée, mais n'est pas du tout "irréalisable".
Quant au dernier point, c'est le plus rigolo de tous. Déjà jouer l’intégralité du CBT original est une gageure, si on parle de pouvoir transposer n'importe laquelle des 96 pièces dans n'importe quel ton, ça me semble à la limite des capacités humaines... après il ne s'agit pas d'un pari comme apprendre par coeur un dictionnaire. Ca ressemble davantage a une gymnastique mentale parfaitement infernale... et encore plus inutile. Que d’énergie et de temps gaspillés dans une pareille tentative...
nox
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par nox »

Okay a écrit : Cependant, aussi délirant que ça semble, il n'est pas question du moindre travail technique vraiment hors répertoire (contrairement à ce que pratiquait Liszt).
Oui, je me suis fait la réflexion. Mais aussi, il ne s'agit que d'un court extrait du livre en question (que je pense acquérir incessamment sous peu !). Le travail technique est peut être évoqué par ailleurs.
Ou peut être n'est-il pas évoqué car sur ce point assez banal ?
Okay a écrit : Le premier point est d'évidence complètement irréaliste. Un facteur 2 est déjà absolument démesuré pour la majeure partie du repertoire, alors un facteur 10... simple image pour dire que qui peut le plus peut le moins.
Oui, le facteur 10 est de toute évidence hors de question. Mais quid de la philosophie globale ? J'avoue que je ne me suis jamais entraîné à jouer plus vite que le tempo cible, et surtout jamais plus fort non plus. Jouer plus fort, c'est déformer les gestes, ça change beaucoup de choses. Non ?
Okay a écrit :Le second point ne me choque pas outre-mesure, et outre les transpositions qui peuvent sembler superflues, c'est une manière de travailler qui semble plutôt intelligente (fabriquer ses propres exercices à partir des difficultés du répertoire). En particulier le passage par les différents touchers.
C'est justement sur les transpositions que je voulais mettre l'accent dans ce second point :) Le travail en rythme et toucher est un grand classique. Mais transposer un passage difficile j'avoue qu'on ne me l'a jamais demandé...
Okay a écrit : Quant au dernier point, c'est le plus rigolo de tous. Déjà jouer l’intégralité du CBT original est une gageure, si on parle de pouvoir transposer n'importe laquelle des 96 pièces dans n'importe quel ton, ça me semble à la limite des capacités humaines... après il ne s'agit pas d'un pari comme apprendre par coeur un dictionnaire. Ca ressemble davantage a une gymnastique mentale parfaitement infernale... et encore plus inutile. Que d’énergie et de temps gaspillés dans une pareille tentative...
En fait, je me suis mal exprimé. Il ne s'agit pas de jouer l'intégralité du CBT dans tous les tons, mais d'être capable sur demande de jouer tel prélude/fugue, ou tel passage en la bémol majeur, en ré majeur etc...
Il faut pouvoir le faire sans difficulté. Je pense qu'il faut y voir un témoin d'un certain niveau de maîtrise et de compréhension du texte.
Après, comment ça se passait dans les faits ? Est-ce qu'il le demandait pour certains P&F très complexes du CBT II ? Fallait-il transposer d'un ton ou deux, ou être capable sur demande de transposer à la quinte ? Quelle tolérance sur les erreurs et hésitations ? etc etc etc...Je n'en sais rien...

Ma réflexion globale, c'est plus que c'est une manière d'envisager l'enseignement qui a je trouve pour ainsi dire disparu, non ?
Presto
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Presto »

le point 1 m'a rappelé le livre de Chang, j'ai aussi eu l'impression de comprendre d'où venait la fabuleuse maîtrise du temps d'Arrau, sa capacité à jouer les passages virtuoses à un tempo "retenu" tout en donnant l'impression de la plus grande vitesse. Je me dis aussi que si on est capable de jouer beaucoup plus vite que ce qu'on joue, l'autre partie de l'effort, et pas la moindre, doit ensuite être de tenir les chevaux.
le point 2, c'est ce que dit de faire Cortot. Beaucoup de pianistes sont passés par là, en fait je crois qu'on n'imagine pas le travail qu'ont abattu certains grands maîtres avant de se produire en public.
le point 3 ne m'a pas surpris, j'ai déjà lu ça, ma prof me racontait que dans sa classe on connaissait par cœur les fugues voix par voix et qu'ils se les chantaient en sortant du cours. Quoi, bon, ça doit dater d'avant la guerre.
Mais le point 3 ne me semble pas plus "extravagant" que les exigences qu'on avait avant pour les pianistes en matière d'improvisation.
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
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JPS1827
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par JPS1827 »

A l'évidence un tel programme est particulièrement restrictif, dans le sens où il ne s'adresse au'à des élèves ou pianistes capables de le faire. Il ne faut pas se leurrer, pouvoir transposer un prélude ou une fugue du CBT dans n'importe quel ton n'est pas à la portée de tout le monde, même avec un travail immense et un entraînement d'enfer ; de même que jouer les octaves de la 6 ème rhapsodie plus vite que Cziffra ou Martha simplement pour s'entraîner reste interdit à la plupart des pianistes (je ne parle pas exclusivement des 15 stars du piano mondial). Après, pour un élève vraiment très doué et doté d'une excellente oreille et d'une excellente formation musicale préalable, pourquoi pas.
Mais comme le disait Neuhaus (et c'est assez déprimant) un pianiste ne devient jamais que ce qu'il est, quel que soit l'enseignement reçu.
nox
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par nox »

Presto a écrit :le point 1 m'a rappelé le livre de Chang, j'ai aussi eu l'impression de comprendre d'où venait la fabuleuse maîtrise du temps d'Arrau, sa capacité à jouer les passages virtuoses à un tempo "retenu" tout en donnant l'impression de la plus grande vitesse. Je me dis aussi que si on est capable de jouer beaucoup plus vite que ce qu'on joue, l'autre partie de l'effort, et pas la moindre, doit ensuite être de tenir les chevaux.
le point 2, c'est ce que dit de faire Cortot. Beaucoup de pianistes sont passés par là, en fait je crois qu'on n'imagine pas le travail qu'ont abattu certains grands maîtres avant de se produire en public.
le point 3 ne m'a pas surpris, j'ai déjà lu ça, ma prof me racontait que dans sa classe on connaissait par cœur les fugues voix par voix et qu'ils se les chantaient en sortant du cours. Quoi, bon, ça doit dater d'avant la guerre.
Mais le point 3 ne me semble pas plus "extravagant" que les exigences qu'on avait avant pour les pianistes en matière d'improvisation.
Ah oui tout à fait ! Merci de cette remarque : le travail sur l'improvisation, c'est quelque chose qui s'est perdu aussi. Mais il faut dire qu'avant on était autant compositeur qu'interprète.
Mais oui, tout cela est une vision de l'enseignement "d'avant". Aujourd'hui il me semble qu'on voit les choses différemment, en bien ou en mal encore une fois...

Je me rappelle d'une autre phrase du livre, indiquant qu'il ne faut jamais regarder ses mains pour les déplacements.
Quelque chose comme "quand je vois des pianistes d'aujourd'hui regarder leurs mains pour chercher leurs déplacements dans la fantaisie de Schumann, je n'en crois pas mes yeux" (en même temps, je pense qu'on voit tous de quel passage il est question, c'est abominable en terme de déplacements ! Un peu extrême comme exemple !)
Ce regard critique d'un ancien m'interpelle un peu.

Je n'arrive pas vraiment à formuler pourquoi ça me travaille, mais ça me travaille.
Que penseraient ces maîtres du passé de notre enseignement et niveau pianistique actuel ?
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Okay
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Okay »

nox a écrit :Je me rappelle d'une autre phrase du livre, indiquant qu'il ne faut jamais regarder ses mains pour les déplacements.
Quelque chose comme "quand je vois des pianistes d'aujourd'hui regarder leurs mains pour chercher leurs déplacements dans la fantaisie de Schumann, je n'en crois pas mes yeux" (en même temps, je pense qu'on voit tous de quel passage il est question, c'est abominable en terme de déplacements ! Un peu extrême comme exemple !)
Ce regard critique d'un ancien m'interpelle un peu.
Et c'est aussi peut-être pour ça que les "anciens" avaient le droit de faire des pains sans que personne n'hurle au sacrilège. Facile de faire ce genre de recommandation avant l'avènement de l'ère de l'enregistrement immaculé ! La fausse note n'était pas encore diabolisée. Et peu importe ce qui est préconisé par les anciens, il faut reconnaître que le niveau technique des pianistes a augmenté de manière considérable durant le 20e siècle (et surement encore beaucoup plus si on part du 19e). Ce qui est assez remarquable quand on songe que les pianos sont plus lourds et plus précis (donc pardonnent moins). La pédagogie a également du faire des progrès notoires, sans même parler de la mondialisation et le transport par avion qui permet aux étudiants de se perfectionner un peu partout. A mon avis, Arrau, Cziffra, Richter ou Horowitz se feraient probablement sortir au premier tour de n'importe quel grand concours international aujourd'hui (surtout Horowitz).
nox a écrit :Que penseraient ces maîtres du passé de notre enseignement et niveau pianistique actuel ?
Même si on se cantonne à l’enseignement en France, d'un prof à l'autre ça peut être le jour et la nuit. Je n'ai pas idée des différents enseignements pratiqués aujourd'hui, mais si on élargit la perspective aux quatre coins du monde, je pense qu'il en existe des formes de pédagogie bien plus diverses qu'on ne peut l'imaginer.
JPS1827 a écrit :Mais comme le disait Neuhaus (et c'est assez déprimant) un pianiste ne devient jamais que ce qu'il est, quel que soit l'enseignement reçu.
Je pense que c'est vrai stricto sensu. Ce qui implique que la plupart du temps, il est bien davantage que ce qu'il devient...
Presto
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Presto »

Je crois que la réponse est dans ta question et l'effarement d'Arrau à propos de la Fantaisie quand il voit jouer des "jeunes" c'est d'ailleurs ce qui m'a le plus surpris dans l'émission : l'anecdote de la Fantaisie de Schumann, là il dépasse tout ce que je pouvais imaginer ...
Ensuite parmi les profs il y avait des écoles, les terreurs qui prononçaient des arrêts comme Neuhauss, von Bülow, Krause ... et les "pédagogues" comme Liszt ou Chopin qui pouvaient être cinglants mais pas cassants d'après ce que j'ai pu lire.
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Presto »

Okay a écrit : Et c'est aussi peut-être pour ça que les "anciens" avaient le droit de faire des pains sans que personne n'hurle au sacrilège. Facile de faire ce genre de recommandation avant l'avènement de l'ère de l'enregistrement immaculé ! La fausse note n'était pas encore diabolisée. Et peu importe ce qui est préconisé par les anciens, il faut reconnaître que le niveau technique des pianistes a augmenté de manière considérable durant le 20e siècle (et surement encore beaucoup plus si on part du 19e). Ce qui est assez remarquable quand on songe que les pianos sont plus lourds et plus précis (donc pardonnent moins). La pédagogie a également du faire des progrès notoires, sans même parler de la mondialisation et le transport par avion qui permet aux étudiants de se perfectionner un peu partout. A mon avis, Arrau, Cziffra, Richter ou Horowitz se feraient probablement sortir au premier tour de n'importe quel grand concours international aujourd'hui (surtout Horowitz).
Tu exagères un peu, les enregistrements immaculés ne sont qu'un produit de la technique, les anciens faisaient une prise par morceau et basta. Maintenant écoute un CD au casque, le copié-collé des prises peut se faire à l'échelle de la mesure, et encore... un CD c'est 3 jours d'enregistrement pour 1h de musique...
Mais je ne suis pas sûr du tout que le niveau technique ait monté ou baissé de quelque façon que ce soit.
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Okay
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Okay »

Ça n'engage que moi, mais je pense qu'il a monté qualitativement et quantitativement. Et pas qu'un peu. Il suffit d'écouter un live de Lugansky, Volodos ou Sokolov, il se peut qu'il n'y ait pas une seule fausse note (je les ai entendus de mes propres oreilles). La grande différence avec "avant", c'est qu'ils sont loin d'être des cas isolés. Il y a un régiment de pianistes capables de faire ca désormais...
Je pense aussi qu'on a toujours des musiciens avec de très fortes personnalités, mais c'est plus simple de devenir une légende lorsqu'on est 10 dans ce cas sur une génération...

Je crois que plein de pianistes peu ou pas connus aujourd'hui seraient devenus des noms incontournables s'ils étaient nés 50 ou 70 ans plus tôt...et inversement. Est ce que n'importe quel demi-finaliste des 4 derniers concours Chopin est bien moins fort ou intéressant que Serkin ou Gieseking ? (ce n'est pas une question réthorique, je me la pose sérieusement)
pianojar
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par pianojar »

Le corollaire est que l'image devient très importante pour se singulariser (ce sujet a déjà eté largement abordé dans d'autres posts).

edit Sinon le lien pour l'émission sur Arrau est là
viewtopic.php?f=8&t=16453#p269286
Modifié en dernier par pianojar le mar. 01 déc., 2015 19:37, modifié 2 fois.
Serge
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Serge »

bref fraudrait etre asperger pour jouer du piano? :?
Presto
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Presto »

Okay a écrit : Ça n'engage que moi, mais je pense qu'il a monté qualitativement et quantitativement Et pas qu'un peu.
quantitativement c'est certain. Mais je ne pense pas que le métier soit plus difficile de nos jours qu'avant.
Okay a écrit : Il suffit d'écouter un live de Lugansky, Volodos ou Sokolov, il se peut qu'il n'y ait pas une seule fausse note (je les ai entendus de mes propres oreilles). La grande différence avec "avant", c'est qu'ils sont loin d'être des cas isolés. Il y a un régiment de pianistes capables de faire ca désormais...
oui, quoique j'ai déjà entendu Lugansky faire des fausses notes :D :P , Volodos est sidérant mais pas seulement que par sa technique, pour moi comme contrôle du son , maîtrise du clavier et de la pédale, c'est "exactement ce qu'il faut faire"... Sokolov je ne connais pas.

Okay a écrit :Je pense aussi qu'on a toujours des musiciens avec de très fortes personnalités, mais c'est plus simple de devenir une légende lorsqu'on est 10 dans ce cas sur une génération...
Je crois que plein de pianistes peu ou pas connus aujourd'hui seraient devenus des noms incontournables s'ils étaient nés 50 ou 70 ans plus tôt... et inversement. Est ce que n'importe quel demi-finaliste des 4 derniers concours Chopin est bien moins fort ou intéressant que Serkin ou Gieseking ? (ce n'est pas une question réthorique, je me la pose sérieusement)
non, je ne pense pas, ceux que tu cites sont justement de la pointure des anciens. Tous les pianistes ne sont pas nécessairement des grands pianistes. Je crois que des Martha, Lupu, Brendel, Kocsis, Volodos, etc il n'y en a que 2 ou 3 par génération et par pays avec des périodes fastes variables suivant les pays...
Mais dans le prolongement de ce que tu dis, je me dis qu'un pianiste ne peut déployer son talent qu'au contact du public et que donc sa carrière jouera nécessairement un rôle dans son épanouissement, certains ont plus de chance que d'autres. Et encore, même pas sûr, beaucoup n'ont vraiment joué qu'assez tard dans leur vie au moment ou la carrière d'autres s'est éteinte...
Et beaucoup jouent magnifiquement sans faire la carrière qu'on pourrait attendre. Je crois que dans cette histoire c'est l'écosystème critiques/public qui fonctionne à l'envers.
Serge a écrit :bref fraudrait etre asperger pour jouer du piano? :?
Tiens, il paraît que Gould l'était !
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Juanito
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Juanito »

En lisant ce joli post de presto, je me suis dis qu'il fallait aussi faire attention aux "légendes" pianistiques surtout quand elles sont rapportées par les élèves d'élèves du messie. Si vous lisez attentivement "chopin vu par ses élèves", un vrai livre de musicologie, documenté, se référant aux textes eux-mêmes, croisant les sources, vous y découvrirez un Chopin tout à fait humain, prônant 4h de piano par jour maximum (concert compris) et bannissant les exercices inutiles au profit d'un travail beaucoup difficile: l'écoute et le travail sur soi! Mais ça demande de plus réfléchir que faire des gammes, et surtout ça fait moins frémir les néophytes. De même j'avais lu un livre assez bon sur Liszt - dont j'ai malheureusement oublié le titre - qui décrit de la même manière un Liszt évidemment doué et travailleur, mais par surhumain (en particulier sur la description de son jeu, de son répertoire, de ses compositions, tout ayant des hauts et des bas). Ce qui est sûr en revanche c'est que le piano n'avait pas la même place qu'aujourd'hui: il servait en particulier de radio puisque les pianistes retranscrivaient les airs d'opéras et les répandaient à travers l'europe. Une façon de faire du piano évidemment différente d'aujourd'hui, nécessitant beaucoup de transposition et d'arrangements, mais ce ne sont que d'autres techniques.

Tels les apôtres survendant un Jésus marchant sur les flots, il n'est donc pas étonnant que ce genre de légendes aient vu le jour de la part d'élèves sur qui un peu de gloire rejaillit toujours comme par inadvertance... Et puis ça fait le bonheur des auditeurs de radio :-)
Virgule
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Virgule »

Chers amis, merci pour ce post et cette discussion tout à fait passionnante ! =D>
Presto a écrit :... Sokolov je ne connais pas.
Presto, tu dois absolument connaître Sokolov. Il joue tous les ans en France, sinon va faire un tour sur YT [-o< [par exemple https://www.youtube.com/watch?v=EBGXHWsENR0]. Pour certains c'est un dieu, d'autres ne l'aiment pas mais il faut le connaître, c'est un des grands d'aujourd'hui.
Serge
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Serge »

Sokolov est un exemple interessant. Il ne fait pas forcement l'unanimité parmis les critiques. Certains se montrent même virulent à son egard. Objectivement on peut dire qu il y a parfois maltraitance à compositeur! Mais quelle energie..... qui peut toucher directement le coeur des gens!
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JPS1827
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par JPS1827 »

Okay a écrit :Je crois que plein de pianistes peu ou pas connus aujourd'hui seraient devenus des noms incontournables s'ils étaient nés 50 ou 70 ans plus tôt...et inversement. Est ce que n'importe quel demi-finaliste des 4 derniers concours Chopin est bien moins fort ou intéressant que Serkin ou Gieseking ? (ce n'est pas une question réthorique, je me la pose sérieusement)
Serkin et Gieseking sont deux cas très différents. Les 1/2 finalistes du concours Chopin sont bien plus forts pianistiquement que Serkin, mais probablement pas que Gieseking qui était un très fort pianiste. Sur le plan de l'intérêt musical, je suis désolé mais il n'y a pas photo, on trouve encore peu de pianistes de la trempe de Gieseking (réécouter ses préludes de Debussy, surtout le 2ème livre), ou musicalement aussi investis que Serkin.
nox
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par nox »

C'est un peu l'impression que j'ai, le piano est tellement devenu un outil de compétition...
Mais c'est perturbant, parce que d'un autre côté j'ai l'impression qu'on a aujourd'hui un enseignement plus "intelligent", plus tourné vers la qualité que vers la quantité (encore une fois, ce n'est qu'une impression, peut être totalement à tort). Ca devrait justement produire des pianistes moins techniques mais plus musiciens.
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Okay
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Okay »

JPS1827 a écrit :Sur le plan de l'intérêt musical, je suis désolé mais il n'y a pas photo, on trouve encore peu de pianistes de la trempe de Gieseking (réécouter ses préludes de Debussy, surtout le 2ème livre), ou musicalement aussi investis que Serkin.
Je suis heureux de cette réponse, qui suggère que la singularité n'est pas le simple fait du moins grand nombre d'excellents pianistes dans les générations passées.
Je me souviens très bien des préludes de Debussy par Gieseking, c'est dans ce CD là que je les ai découverts, je l'avais acheté un peu par hasard la première fois que j'ai du en jouer un à un examen (et oui, la génération YouTube ce n'est pas si vieux que ça), car je connaissais encore assez mal cette musique. Malgré une prise de son très datée, j'avais été frappé par l'imagination sonore et la liberté. Depuis j'ai été déçu par la plupart des versions (même les Michalengeli, Zimerman...)
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Lee
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Lee »

Okay a écrit :A mon avis, Arrau, Cziffra, Richter ou Horowitz se feraient probablement sortir au premier tour de n'importe quel grand concours international aujourd'hui (surtout Horowitz).
Pour revenir à cette affirmation, qu'est-ce que ça veut dire, que nos pianistes qui ne sont pas éliminés sont plus asceptisés aujourd'hui qu'avant ?
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
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