Si on reste dans le cadre des concours, je pense que la réponse à ta question c'est ça :
zarathoustra a écrit :c'est aussi s'exposer au risque de présenter une interprétation éloigné des canons habituels.
Les jurys ont une idée très précise de comment doivent se jouer ces oeuvres. Quand on a passé des heures et des heures à expliquer pourquoi un crescendo ou une voix est important, et qu'on entend la dite oeuvre avec ces faiblesses ou imperfections on est forcément assez peu indulgent.
Le concours c'est se démarquer des autres. Généralement, on aime les candidats avec de la personnalité plus qu'avec une technique monstrueuse. Le mieux étant quand on combine les deux évidemment.
Choisir un programme, c'est donc toute une stratégie. Il faut savoir mettre en avant ses qualités et faire preuve d'originalité.
Une ballade ou une étude de Chopin, c'est un tube du piano. Un jury en connait vraiment chaque note, chaque difficulté et encore plus, et pour ne rien arranger, il s'est forcément forgé une vision esthétique extrêmement précise. Les attentes ne sont pas du tout les mêmes, il y a moins d'indulgence comme le dit zarathoustra. Le candidat qui joue Chopin fait un pari à double tranchant, car il s'expose autant sur des aspects qui peuvent être très valorisants ou bien rédhibitoires. Franchement, quand on écoute la 1ère ou la 4ème ballade, on ne peut pas s'empêcher de s'attendre à quelque chose de précis. Ce n'est pas seulement qu'on a plus de mal à s'ouvrir à d'autres conceptions, c'est qu'on est en territoire archi-connu, complètement balisé, où le moindre truc de travers est instantanément identifié. Ces oeuvres sont plus que des tubes, ce sont des espaces sacro-saints du répertoire pianistique, il y a une sorte de dévotion éternelle autour de telles œuvres, et chaque égratignure qu'on leur fait peut vite ressembler à une balafre pour l'auditeur ou le juré. Alors que quelques fausses notes dans Prokofiev voire Scriabine, non seulement on a moins le sentiment d'abîmer un objet de culte, et en plus ça peut se noyer dans un fracas de dissonances si on choisit bien son passage.
Je suis d'accord pour reconnaître que ce sont des biais assez forts. Je n'ai évidemment pas de statistiques qui montreraient une corrélation entre les succès aux concours et l'évitement des tubes.
Un autre facteur rajoutant du risque, c'est le fait d'être plus facilement comparé. Même si ça semble risqué de jouer un tube, on en joue quand même. En jouant Chopin ou Beethoven, on donne des billes aux jury pour être plus facilement comparé aux autres sur des critères objectifs. Il pourra se dire que le candidat A a mieux réussi son étude de Chopin que le candidat B, même si c'est une autre étude. C'est exactement la même chose que choisir à un examen le sujet que le majorité a choisi. A la fois, on échoue à se différencier et on s'expose plus (notamment via les comparaisons directes plus nombreuses). On rentre vraiment dans des considérations stratégiques.