Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

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Lee
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Lee »

Je ne trouve pas que c'est forcement un autre sujet, j'avais l'impression que maîtriser le clavier sans regarder serait plus de sécurité sur la scène...
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Oupsi
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Oupsi »

Je rajoute une petite chose et après j'arrête (faut quand même que je travaille un peu...).
Quand on est dans l'action, le cerveau fonctionne un peu différemment de quand on est en contemplation. L'état de contemplation, c'est je suis attentive à tout, j'ouvre complètement ma conscience au maximum de perception possible. Cela donne une émotion très forte et en même temps très ancrée dans quelque chose qui est finalement stable, pas perturbant, et donc agréable.
Dans l'action, le cerveau doit faire des choix très vite et les perceptions sont triées selon qu'on les trouve "importantes", "utiles", "secondaires". Tout ce qui est secondaire passe idéalement à la trappe. Il n'y a pas d'ancrage, il n'y a pas de stabilité, il y a un changement, un passage, une transformation. Ce n'est pas forcément agréable, mais ça peut être jouissif. L'émotion, là, est un moteur qui "échappe" au contrôle total, ne serait-ce que parce que ça va très vite.

Il me semble que dans la musique on essaye de combiner les deux, ce qui est très difficile. C'est peut-être le propre des activités artistiques.

L'autre chose, c'est que dans l'action, le cerveau se sert de l'anticipation pour trier. Il trie en fonction de ce qu'il sait ou croit savoir. Mais ce "croire savoir" est très émotionnel, c'est un socle d'émotions que l'on forge avec sa personnalité, sa volonté, son désir, son travail, etc. Si on anticipe "plantade", "échec" etc., il est très probable que la conscience sera à l'affût de ce qui prend sens par rapport à cette grille de tri. Si on essaye d'anticiper en sortant de soi et du jugement sur soi-même, et en concentrant ses forces mentales sur la musique elle-même, son déroulement, ce qu'elle déploie, je crois que les choses se passent un peu mieux, on aide son cerveau à faire les bon choix, en quelque sorte.

D'une certaine manière, jouer pour soi, c'est être en mode contemplation; jouer pour autrui, c'est le mode action. Il faut trouver des passerelles favorables entre les deux. C'est l'affaire de toute une vie, probablement!

(Gracou j'ai beaucoup aimé tes deux exemples.)
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Okay
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Okay »

Oupsi a écrit :D'une certaine manière, jouer pour soi, c'est être en mode contemplation; jouer pour autrui, c'est le mode action. Il faut trouver des passerelles favorables entre les deux. C'est l'affaire de toute une vie, probablement!
Ma recherche personnelle s'est tournée très longtemps dans cette direction jusqu'à récemment. Je voulais à tout prix dresser des ponts entre ces mondes, prolonger l'un pour le faire tendre vers l'autre, quelque part je voulais faire déteindre la sécurité éprouvée dans ton mode "contemplation" sur le périlleux mode "action". Je voulais combiner les 2, je pensais que gérer l'équilibre entre ces 2 approches était le graal de l'execution musicale.

Jusqu'au moment où j'ai réalisé qu'il s'agit de deux planètes très distantes et qu'il valait mieux ne pas chercher à les connecter directement, au risque de se retrouver quelque part au milieu, et finalement en déséquilibre car bien installé nulle part. Ca a commencé à prendre forme chez moi le jour où j'ai accepté de renoncer à presque tous les repères construits en mode contemplation, à accepter l'incompatibilité totale des deux modes (en d'autres termes, on lache prise ou non, car lacher prise a moitié n'est déja plus lacher prise) . Pour poursuivre ton analogie, je crois désormais qu'une partie de la clé est de parvenir à croire suffisament fort à ce qu'on a contemplé tranquillement chez soi, de telle sorte qu'une fois en pleine action, la conscience soit finalement bien plus au repos qu'à l'affut. Il n'y a alors plus d'anticipation mais l'habitat intense d'une succession de moments.

Plus prosaïquement, il s'agit d'une certaine manière très attentive de travailler ou de jouer chez soi, et d'une approche qui n'a plus rien en commun lorsqu'on joue pour autrui. D'après moi ça passe par l'acceptation du dépaysement total, d'accepter que la scène c'est totalement autre chose, une expérience où le désir de se rattacher aux reflexes du jeu solitaire est finalement la source du danger.
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Lee
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Lee »

Je suis curieuse de savoir si ceux qui ont beaucoup d'expérience de jouer sur scène tous séparent ces sphères comme ça, car en regardant quelques pianistes, on a plutôt l'impression inverse, que le pianiste est complètement dans une contemplation seule, que le public n'est presque pas là...
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par sylvie piano »

. Ce qui me fait peur dans les termes que tu utilises, Sylvie (danger, traumatisme, etc.) c'est que cela centre d'emblée l'échange dans ce qu'il peut avoir de négatif, alors qu'en fait, on ne sait pas. Pour moi, se préparer, c'est accepter de ne pas savoir. L'autre chose, c'est qu'aussitôt tu qualifies, il y a des pianistes proches du génie, d'autres brillants, etc., bref c'est comme inviter le pianiste à se mettre en position d'être jugé, qualifié, bref toujours ce jury intérieur inconscient qui pour ce qui me concerne est le pire ennemi.
Oupsi, même si ces mots sont rudes de conséquences mentales, ignorer ces considérations ne les amènent pas nécessairement à disparaître. Pour vous, c'est il est possible que ce soit le bon moyen. Et c'est preuve que vous êtes extrêmement engagée dans une recherche personnelle. Il me semble même que cette recherche est proche de l'aboutissement.
Mon propos encore une fois est simplement de signaler les risques encourus. Voyez-vous, je me pose toujours cette question: quel risque ? Sachez que présenter un élève non prêt pour une audition est pour moi une réelle faute pédagogique, regagner une perte de confiance est un travail incommensurable. Ne pas perdre confiance est déjà un challenge. Gagner encore plus de confiance est une mission passionnante !
Quant à l'idée d'être jugé lorsqu'on joue en public, je ne la présenterai pas comme vous. Oui, on est forcément jugé, c'est un fait absolument incontournable. Il faut simplement travailler sur l'idée que le jugement de l'autre n'est pas universel., qu'il ne change rien à la personne que nous sommes. Que ce jugement soit négatif ou positif d'ailleurs, il faut accepter le regard de l'autre. Quant à l'acceptation du génie de certains, c'est aussi accepter de ne pas l'être bien sûr. L'intelligence me fascine, elle ne me fait pas peur. Simplement, je suis bien placée pour la percevoir avec acuité dans le domaine du piano. Connaître des heures de musique de piano parfaitement par coeur par exemple, je peux vous dire, que c'est un signe infaillible. Martha qui retient un concerto en une nuit. Ça me fascine, j'adore ça. J'adore qu'il existe des êtres particuliers, ça ne m'enlève rien à moi. En réalité, ça me rassure. Je ne sais pas pourquoi....
Pour autant toutes les différences m'intéressent.... Je m'occupe aussi d'enfants en grandes difficultés sensorielles, et ça me passionne tout tout plein !!!!
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Okay
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Okay »

Lee a écrit :Je suis curieuse de savoir si ceux qui ont beaucoup d'expérience de jouer sur scène tous séparent ces sphères comme ça, car en regardant quelques pianistes, on a plutôt l'impression inverse, que le pianiste est complètement dans une contemplation seule, que le public n'est presque pas là...
Je pense que ton impression est correcte.

Si ma compréhension du post d'Oupsi est juste, elle a utilisé le mot "contemplation" de manière très spéciale (d'où les guillemets sûrement). Je comprends qu'elle évoque un état où on surveille tout, où on est très associé à ce qu'on fait, où on peut prendre le temps de soigner tel ou tel détail avec une forte présente consciente. Je vois ça comme un état de sur-conscience, bénéfique pendant le travail.
La contemplation que tu évoques me fait davantage penser au sens courant de ce mot, où l'on vivrait une expérience de scène extatique, décalée, où justement on contemple et déroule notre musique au public.
sylvie piano a écrit :Martha qui retient un concerto en une nuit. Ça me fascine, j'adore ça. J'adore qu'il existe des êtres particuliers, ça ne m'enlève rien à moi. En réalité, ça me rassure. Je ne sais pas pourquoi....
Hum ... peut-être parce qu'il semble tellement nécessaire qu'il y ait une contrepartie sombre pour équilibrer un génie si éblouissant, qu'on se sent quelque part plus léger d'en être épargné ...
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Oupsi
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Oupsi »

Sylvie, non je ne suis pas du tout proche de quelque aboutissement que ce soit, oulalala... :D
(d'ailleurs il n'y en a pas, il n'y a qu'un cheminement)

Je dois travailler donc je n'ai pas trop le temps de développer; je ne saurais pas trop comment développer, d'ailleurs.
Bien sûr qu'on est jugé; bien sûr qu'il y a des génies etc. La question n'est pas là, la question est, à quoi faire appel quand on se prépare à jouer lors d'une réunion amicale. A quelles pensées, à quelles stratégies, à quelles bonnes fées confier cette âme fragile et désirante qui veut faire éclore la beauté.

Donc, dans ce contexte, je bannis de mon esprit les idées qui pour moi sont inhibitrices, ou celles qui renforcent un aspect de mon caractère que je trouve peu favorable à la musique. C'est le cas du jugement et de l'introspection (il faudrait que je précise parce que c'est difficile à expliquer; pour simplifier: la pensée vraiment axée sur soi-même, comme si le "moi" était une merveille à révéler, ce que je ne crois pas du tout). Ce sont deux facultés tout à fait louables, mais personnellement elles ne m'aident pas à avancer dans mon exploration de la musique.

Mais c'est ma cuisine. Peut-être et sans doute que pour d'autres, ces mêmes idées et paradigmes sont stimulants, nécessaires et bénéfiques.
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Lee
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Lee »

Lee a écrit : Plus sérieusement, Nox, tu as jamais bien expliqué avant pourquoi tu es contre connaître le clavier sans regarder. Depuis la semaine dernière j'essaie un peu ici et là (les yeux fermés) pendant que je joue le morceau par coeur et il me semble que ça aiderait énormément pour maîtriser le jeu si je pouvais le faire...
Je retire ma question, je crois qu'on a assez l'interrogé dans ce fil viewtopic.php?f=1&t=14605&start=20 En gros tu n'avais pas eu une réponse sûre ou convaincante. :mrgreen: Et j'imagine que ma dernière pensée concernant les sphères doit être dans le fil d'Okay. Je doit retourner mon nez dans les archives PM au lieu de devenir un poisson rouge en public. :oops: :arrow:
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arg

Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par arg »

Non je ne parlais par de travailler le traumatisme comme l'hypnose....ça c'est du domaine du soin et certainement pas indispensable pour la grande majorité des gens (heureusement...;), mais plutôt de ne pas en faire un traumatisme. Donc je rejoins sylvie mais pas par les mêmes voies.
Ceci dit, qui a parlé de la dissociation d'Alexandre Tharaud ?
Bref encore une petite réflexion sur le trac: on peut aussi choisir son public ou plutôt choisir le lieu où on joue, et un public que l'on sait moins averti impressionne peut-être un peu moins... En tous cas ne pas chercher à maitriser l'environnement me parait primordial car il y aura forcément des surprises. Mais si je sais la théorie, je ne sais pas encore bien l'appliquer à moi-même, voilà les limites vite atteintes. Je me sens globalement proche des opinions d'okay et d'oupsi$
Jean-Luc
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Jean-Luc »

Pas mal de forumistes le savent ici, j'ai été accompagnateur de chanteurs lyriques pendant plusieurs années, incluant de véritables spectacles avec costumes, textes et musique bien sûr.

Etre accompagnateur est une tâche ingrate et difficile (surtout quand les partenaires sont faibles en solfège, ou n'ont pas le sens du rythme ou de la mesure), mais lorsqu'il s'agit de jouer en public, je trouve que c'est assez "facile" étant donné qu'on reste en second plan pour le public. Sauf quand je jouais les ouvertures des opéras ou opérettes qui étaient montés.

Néanmoins, c'est un excellent moyen d'accéder à la prestation publique en évitant trop de trac (mais cela doit dépendre aussi des caractères de chacun). C'est un peu comme les 4 mains. Je suis ravi d'avoir pu aider Mona de cette manière et de lui avoir mis le pied à l'étrier (ça c'est une expression pour Lee... :wink: ).

En revanche, lorsqu'on est pianiste, qu'on souffre du trac et que l'on doit jouer en solo, c'est une autre paire de manche. Il y a tout un travail en amont (intéressant mais répétitif) à faire pour essayer de se projeter en quelques sortes. Juste savoir bien jouer chez soi ne suffit pas, loin de là, il y a des verrous de sécurité à mettre en place, toute sortes de choses qu'il faut surveiller, et surtout la grosse inconnue est : comment va sonner l'instrument que je ne connais pas? Comment va réagir ce clavier qui m'est inconnu?
Ce travail supplémentaire me demande du temps et de l'énergie, c'est le travail le plus long.

Une petite expérience récente : cette année, j'ai joué la ballade de Brahms (op.118) 2 fois en public. La première fois en petit comité sur un piano que je connaissais déjà, et la seconde fois devant une soixantaine de personnes sur un piano que je ne connaissais pas du tout.

- Pour la première prestation, je savais jouer ce morceau chez moi sans trop de problème, mais je savais qu'il me manquait 2 ou 3 semaines de ce travail supplémentaire (qui en réalité est surtout mental, j'ai oublié de le préciser). La prestation fut très moyenne à mes yeux, beaucoup de choses m'ont échappées, et j'ai eu un petit trou de mémoire. C'était début mars 2014.

- Un mois plus tard quasiment jour pour jour, j'ai rejoué cette ballade avec un trac beaucoup plus important, car le public était plus important, je ne connaissais quasiment personne (seulement 3 forumistes de PM...), et je n'avais jamais joué sur ce piano. Mais j'avais verrouillé pas mal de points faibles pendant le mois de mars et surtout, j'ai tiré l'enseignement de mes points faibles lors de la première prestation.
Cette seconde fois, ça s'est beaucoup mieux passé. Sans que cela soit parfait, j'ai réussi à faire passer ce que je voulais, je n'ai pas eu de trous de mémoire et, ainsi mis en confiance dès les premières secondes, j'ai pu m'exprimer beaucoup plus que la première fois.

En résumé, jouer chez soi est une chose, jouer en public en est une autre, mais les deux sont liés, car la préparation ne peut se faire que chez soi. Jouer en public apporte beaucoup, permet de travailler beaucoup plus loin et c'est ainsi qu'on fait des progrès.
Ce n'est pas pour rien que les pianistes pro appellent ça "rôder un programme". Je pense que c'est capital et incontournable.

Cela dit, ce n'est que mon expérience, rien ne dit que ça fonctionne de la même manière avec tout le monde.
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Oupsi
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Oupsi »

Ça c'est une grande chance de pouvoir jouer le même programme plusieurs fois en public.
En partie il y a cette expérience, il y a aussi le fait qu'en progressant on monte ses morceaux un peu plus vite, et aussi on rencontre plus de gens, les occasions deviennent plus nombreuses. C'est sûr que moi, sur une année, je n'ai que deux ou trois morceaux qui pourraient être joués, et encore un à la fois et à des intervalles assez espacés, ce n'est même pas un "programme"... Ce qui veut dire que parfois, il y a une réunion, mais je n'ai rien de prêt! Je n'ai pas encore suffisamment de bouteille pour entretenir longtemps mes morceaux.
Je dois dire que c'est une des merveilles de ce forum que de donner à des pianistes en apprentissage et un peu isolés l'occasion de se lancer dans cette aventure, petit à petit. Il faut faire des kilomètres! mais le jeu en vaut la chandelle, c'est vraiment une chose précieuse.

Quant à ce que dit Arg sur le public, bien sûr ça compte beaucoup; pour l'instant je n'ai eu que des publics gentils heureusement! (ce qui n'empêche pas le trac) Quand c'est des réunions du forum, bien sûr je connais la plupart des personnes et parfois nous avons même dialogué ici même, donc ce sont des personnes hyper bienveillantes, et c'est moi qui me complique la vie par peur de les décevoir; le public non initié qui vient écouter des amateurs est en général bienveillant, il a envie de passer un bon moment et ne se pose pas mille questions sur l'oeuvre et l'interprétation donc si on joue avec générosité ces personnes écoutent avec plaisir et sont contentes, en tout cas c'est ce que j'ai ressenti en juin quand j'ai joué dans une petite soirée de la fête de la musique le même mini programme qu'à Beuvray, devant des gens que je ne connaissais pas, pour l'essentiel.
Il m'est arrivé (et il m'arrivera certainement encore) de très mal jouer et de ressentir à quel point tout le monde s'ennuyait, ou souffrait pour moi, ou que plus personne n'écoutait vraiment. Ça c'est vraiment horrible, mais on ne peut pas en vouloir aux gens de se déconcentrer quand la pianiste joue mal!
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Lee
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Lee »

Jean-Luc a écrit :Juste savoir bien jouer chez soi ne suffit pas, loin de là, il y a des verrous de sécurité à mettre en place, toute sortes de choses qu'il faut surveiller
Merci pour l'expression, Jean-Luc. :wink:
Est-ce que tu as déjà détaillé quelque part dans PM ces verrous et toute sortes de choses ou pourrais-tu un peu expliquer comment tu fais stp ? [-o<
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Gracou »

Oupsi a écrit :Il m'est arrivé (et il m'arrivera certainement encore) de très mal jouer et de ressentir à quel point tout le monde s'ennuyait, ou souffrait pour moi, ou que plus personne n'écoutait vraiment.
Et ce n'est parfois qu'une impression ! Qui n'a jamais joué une pièce à quelqu'un en finissant par s'excuser d'avoir jouer comme une patate alors que le spectateur a trouvé ça formidable ? :mrgreen:
La différence entre un fou et moi, c'est que je ne suis pas fou. Salvador Dali.
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Message par davsad »

Gracou a écrit :
Oupsi a écrit :Il m'est arrivé (et il m'arrivera certainement encore) de très mal jouer et de ressentir à quel point tout le monde s'ennuyait, ou souffrait pour moi, ou que plus personne n'écoutait vraiment.
Et ce n'est parfois qu'une impression ! Qui n'a jamais joué une pièce à quelqu'un en finissant par s'excuser d'avoir jouer comme une patate alors que le spectateur a trouvé ça formidable ? :mrgreen:
En même temps je connais peu de spectateur qui diront : "oui c'est vrai c'était nul !" :mrgreen: :mrgreen:

Toutes mes excuses pour ma participation minable à ce fil que j'ai pourtant lu avec attention mais je manque de temps :( :( j'essaierai de revenir dès que possible car j'ai des choses à dire..!
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Oupsi »

J'ai quand même eu droit à un "ça fait pas du tout Mozart"!

Pardonnerai jamais! (même si elle avait raison)
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Lee »

:shock: Mais...ça se fait pas. On peut exprimer autrement, d'une façon au moins constructive et gentiment...
Il faut sortir des noms, on fait un blacklist des invitées pour les rencontres piano ! :twisted:
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Jean-Luc »

Lee a écrit :Est-ce que tu as déjà détaillé quelque part dans PM ces verrous et toute sortes de choses ou pourrais-tu un peu expliquer comment tu fais stp ? [-o<
J'ai en effet expliqué ce que je faisais avec ma prof pour préparer des concours, et ce que j'ai développé par moi-même plus tard, mais je pense que c'est éparpillé dans le forum. Autant chercher une aiguille dans une meule de foin (ça, c'est pour l'expression du jour... :mrgreen: ).

En voici les grandes lignes :
- une fois le morceau déchiffré et appris par coeur, avec les nuances et la pédale, et au tempo, laisser reposer pendant 3 semaines/1 mois sans jamais y penser. Travailler autre chose.
- à la veille de reprendre le travail, relire la partition sans se mettre au clavier (je le fais en me couchant)
- puis retravailler au clavier avec la partition dans un tempo modéré. Reprendre les passages difficiles avec attention : en général, beaucoup de problèmes sont résolus si on avait déjà conscience de ces problèmes lors du 1er travail.
- une fois que le morceau est bien revenu dans les doigts, alterner en permanence le travail lent, modéré et au tempo final
- travailler la mémoire en travaillant par fragments d'une mesure ou de quelques mesures
- prendre des repères (en général il faut respecter le phrasé) pour qu'en cas de trous de mémoire, on ne reste pas complètement bloqué
- relire la partition très souvent sans être au piano
- travailler autrement la mémoire en n'étant pas au piano, mais en visualisant mentalement le jeu sur le clavier (c'est très difficile) : penser à chaque note de chaque main, penser aux phrases, penser aux doigtés. Il faut que le morceau se déroule dans la tête exactement comme si on jouait réellement. Je le fais dans le métro ou dans la rue.
- pour le son, prévoir plusieurs interprétations possibles (c'est plutôt subtil, il ne faut rien changer radicalement) : c'est pour essayer de s'affranchir d'un piano trop sonore ou trop doux, de basses puissantes et de médiums faibles, d'aigus clinquants, etc...
- pour les trilles ou les notes répétées, jouer au tempo mais en doublant ou en triplant les temps
- au piano, commencer la session de travail comme si on était en situation : s'asseoir, se concentrer, faire le vide sans sa tête et penser aux premières mesures. S'imaginer vraiment en situation de "concert". Surtout ne pas s'interrompre ni se reposer si on a plusieurs morceaux prévus
- refaire le programme 3 ou 4 fois de suite, toujours sans se lever du piano et toujours au tempo, comme si on n'avait pas fini le programme
- puis reprendre lentement et fort sans mettre de pédale l'ensemble du programme
- revenir sur les points faibles (pas toujours facile de les identifier : se méfier des passages qui n'ont jamais posé de problème!!)
- rejouer une ou deux fois comme au début, et enfin on peut faire un break
- terminer la session en jouant moderato et mezzo-forte ou forte pour assurer les articulations, sans pédale.
- travailler de même sur un autre piano que le sien, le plus souvent possible.

C'est un peu général, mais il y a un travail spécifique pour chaque difficulté, ou chaque faiblesse qui nous est propre. Ce sont juste des principes de base.
Alterner le travail lent, moderato et rapide est très important à mes yeux.

Voilà, Mlle Lee... :D !
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Lee »

Merci mille, Jean-Luc, ta liste précieuse qu'on peut étudier pour tous les temps sur Piano Majeur.

Et maintenant je comprends pourquoi tu ne m'as pas répondu au début, parce que la liste est longue et dûre, quasiment inespéré pour une flemmarde comme moi. Tu dois savoir que ton expression de foin existe également en anglais. Donc je te sors une autre particulièrement approprié, en anglais : "do not cast your pearls before swine." Alors pour toi, Jean-Luc, "une perle d'homme" - comme une amie t'a justement appelé - c'est raté, mais le porceau a trop insisté. :oops:
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par sylvie piano »

Cher Jean Luc, cette démarche que vous expliquez est mienne. Elle permet certainement d'aller au maximum de la liberté de s'exprimer en public ( pour certains). Elle emprisonne cependant dans une sorte de monde parallèle.
Il me semble que du coup à certains moments, je n'ai plus aucun choix. L'oeuvre ou les oeuvres se déroulent en permanence, je vis avec elle, en elle. J'aime cet état, prisonnière certes, mais jamais plus libre. La toute puissance. S'approprier à ce point un texte créée une ivresse infinie. Au milieu du quotidien banal de ceux que nous croisons, chante l'opus 110 ou la Walstein. J'ai la sensation de détenir un pouvoir magique. C'est tout simplement le pouvoir de la musique...
Mais quel travail pour en arriver là... Que d'heures passées, que de remises en question successives....
Lee, on ne peut comparer les démarches. Celles de ceux qui comme Jean Luc, ou moi-même se sont construits avec le piano, depuis l'enfance et vous, et d'autres, ceux qui ont repris par exemple !
Votre chemin est forcément différent, paresse vous dites ? Je ne crois pas. Mais ce chemin que nous ne connaissons d'ailleurs pas nous qui avons grandi avec le piano existe. C'est ma recherche aujourd'hui. Je sais qu'il est autre, qu'ils SONT autres. Mais ils sont.
Et j'ai a coeur comme d'autres enseignants de chercher des réponses, des pistes, pour chaque parcours. Je sais que ce qui marche pour moi, pour Jean Luc représente un mur infranchissable, source de panique pour un autre ( même certains qui ont grandi avec le piano et qui ont un fonctionnement totalement différent...)
Cependant ces échanges sur le forum rassérènent
tellement... Tous différents, c'est vrai, mais retrouver des traits communs, voire des similitudes troublantes, ça aussi, c'est rassurant ...
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Oupsi
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Re: Quand on joue pour soi, quand on joue pour autrui...

Message par Oupsi »

Je vais imprimer cette merveilleuse liste, Jean-Luc! C'est très intéressant. Je me propose de travailler l'un de mes prochains morceaux comme ça, pour voir.
Par rapport à ce que je fais, bien évidemment, dès le début ça diffère, puisque je ne travaille pas spécifiquement le par coeur, car je me suis mis dans la tête que je n'y arrive pas, et aussi parce que j'ai eu une grosse déception de trou de mémoire horrible en public la seule fois où j'ai essayé (mais ne dit-on pas qu'il faut remonter sur selle après une chute?)

Ce qui est très intéressant dans ce que tu as pris gentiment la peine de décortiquer c'est qu'on voit bien ce qui construit le par coeur. Les différentes approches, comme différents matériaux dans la construction de ta demeure musicale, le morceau! Merci beaucoup.

Pourquoi laisser reposer pendant un mois? (ça c'est rude! faut de la volonté!) Ça travaille tout seul dans ton inconscient pendant ce temps?

Autre question, quand tu reprends ta partition la veille de reprendre le travail, en lisant tu entends tout? tu revois le jeu au clavier dans ta tête? ce que tu entends et revois, c'est sur toute la longueur de morceau, ou seulement par bribes?
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