Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

[jean-séb]

Intéressant, ce que tu rapportes, JPS. Tu fais allusion à l'opinion que le père de P. I. Tchaïkovski avait demandé à Rodolph Kündinger qui venait d'être engagé pour donner des cours à P. I., pour savoir s'il était sage d'envisager une carrière musicale pour son fils. Kündinger qui reconnaissait quand même que P. I. avait des capacités de pianiste supérieures à la moyenne répondit qu'il ne voyait néanmoins pas de carrière se dessiner en Russie soit comme exécutant soit comme compositeur. Kündinger a plus tard dit que cette réponse lui avait paru nécessaire en raison de la très mauvaise situation de la vie musicale professionnelle en Russie en 1855 et du fait que, effectivement, il n'avait pas cru à un don remarquable de P. I. pour la musique. En dehors du père de P. I. qui était impressionné par les talents de son fils, le reste de la famille n'était pas non plus très clairvoyant : les sœurs de P. I. le voyaient juste comme un habile accompagnateur et improvisateur de musique de danse ; même un musicien tel que Rubinstein, qui fut pourtant ami avec P. I. n'avait pas beaucoup d'estime pour le talent de Tchaïkovski, ce qui a toujours blessé ce dernier. Encore aujourd'hui, beaucoup pensent que Tchaïkowski, c'est de la gentille musiquette.
De plus, la question peut toujours se poser : Tchaïkowski, en se consacrant à la musique malgré les obstacles, a-t-il bien fait ? On peut s'en réjouir pour l'héritage qu'il nous a laissé, mais lui, a-t-il été heureux, plus heureux, moins malheureux ? On sait que sa vie n'a pas été heureuse. Est-ce en raison ou en dépit de son choix d'être musicien ? Du reste, était-ce un choix ? Ou bien plutôt, n'était-il pas, ne devait-il pas être musicien et faire de la musique comme le pommier fait des pommes ?

[Gracou]

A côté de ça, et ça peut paraître dur ce que je vais dire, si un élève se fout en l'air car on lui a dit qu'il n'a pas de talent, c'est définitivement qu'il n'est pas fait pour cette carrière.

En même temps, un élève mort n'est du coup fait pour aucune carrière...

Il me semblait que les artistes, comme tu le dis, sont des gens très sensibles, voire fragiles pour certains aspects. Je ne suis pas certain qu'adopter la dureté d'un sergent instructeur soit le plus approprié pour gérer des jeunes gens ultra sensibles en pleine construction dont le moral d'acier inébranlable n'est pas forcément encore au top...

[Midas]

Nous touchons au domaine philosophique, voire physiologique. Il y a des gens qui sont malheureux alors qu'ils ont tout et réussissent tout (ou presque, le presque faisant qu'ils sont d'éternels insatisfaits), d'autres qui sont heureux alors qu'ils sont pauvres comme Job et ne font rien d'extraordinaire.

Pour revenir à Prokofiev, qui est très populaire ici (appréciation que je partage), lui pour le coup n'était pas bien vu. Glazounov (directeur de son conservatoire, si ma mémoire ne me trahit pas) en particulier détestait son manque d'académisme. On sait ce que ça a donné plus tard. Glazounov a pondu de gentils petits trucs pas mal du tout, Prokofiev était un génie.

[Presto]

Pour val, un petit livre qui pose bien le problème : Heinrich Neuhaus, l'Art du piano

[davsad]

Davsad : Effectivement, le journaliste est un peu perdu, même son mari a l'air étonné de sa réponse. Peut-être qu'en tant qu'enfant prodige, elle n'a pas eu le temps de complètement réaliser l'importance de la musique pour elle, elle y a été poussée, sans avoir à y penser.

Oui voilà, c'est là où je voulais en venir, tu semblais regretter que l'on ait pas décelé en toi l'enfant prodige qui se cachait peut-être, mais c'est parfois mieux ainsi ; effectivement tu te retrouves maintenant à devoir faire des choix qui semblent compliqués, mais au moins tu as la possibilité de choisir