Est ce que Chopin vous fait peur ?

[diatonyk]

Bonsoir
J'aimerais savoir vos ressentis pour l'éxécution d'oeuvres du répertoire de Chopin. J'avais comme une hantise avec les études, tout jeune et j'ai toujours voulu remettre à demain ce que je pouvais commencer à étudier; ainsi par peur, je me suis privé de beaucoup d'années. il m'est arrivé un peu la même chose avec le clavier bien tempéré de Bach...
14 ans après... je découvre enfin le plaisir de m'adonner à ces oeuvres sublimes

Et vous ?

[Volga]

Ben moi le 3eme nocturne de Chopin m'a complètement démotivée. Ma prof a dû surestimer mes capacités, je ne m'y serais jamais aventurée seule... (je n'ai pas suffisamment confiance en moi) Ca m'a bien déprimée et je n'arrive plus (depuis mai dernier) à me remettre au piano, ce qui me démoralise encore davantage. Je viens juste de m'y remettre (sans enthousiasme) avec la valse op.69 n°2 dont la partition est dans le dernier numéro de Pianiste (le n°60).
Ca vous arrive que le piano vous rende triste?

[jean-séb]

Oui, Volga, on est quelquefois attristé par la lenteur de ses progrès, voire par ce qui ressemble à un recul parfois. Je suis aussi souvent découragé quand j'entends des jeunes jouer à la perfection des morceaux que je ne maîtrise toujours pas après des années de fréquentation sinon d'étude.
C'est pourquoi je crois qu'il est important de se constituer un répertoire où l'on peut se faire plaisir.
Tout le monde n'a pas les mêmes besoins : certains ici semblent plus excités par un défi à relever, même s'ils doivent trébucher à tout moment, d'autres dont je suis aiment prendre du plaisir en jouant.
Alors, je crois qu'il faut un peu des deux. Des morceaux plus difficiles pour continuer à s'élever, et des morceaux plus faciles pour le plaisir immédiat. Ceux-là peuvent aussi être un excellent exercice de lecture à vue.
Jean-Séb

[Largowned]

Chopin me fait il peur? Un peu oui, parce que c'est un des rares compositeurs pour piano à ne pas avoir fait de morceaux très faciles, donc la musique de Chopin a cette réputation là de musique difficile à jouer (même s'il y a des morceaux abordables). D'autre part une autre peur existe, celle de massacrer la musique de Chopin que j'adore, donc j'hésite encore à commencer.

[Volga]

Attristé par la lenteur de ses progrès, voire par sa régression..c'est exactement cela. Je trouve qu'apprendre le piano à l'âge adulte, c'est s'exposer à une certaine souffrance. On a envie de jouer des morceaux qui nous ont émus, Chopin en fait partie, mais on n'a effectivement pas envie de les massacrer.
La difficulté d'apprendre à l'âge adulte et l'émotion engendrée par certains morceaux peuvent être une véritable épreuve pour une sensibilité à fleur d peau, ce qui doit être le cas de nombreux d'entre nous ici.

[Largowned]

Même sans être à l'age adulte, je commence le piano à l'adolescence et c'est parfois dur de se rendre compte qu'on massacre un morceau qu'on aime parce qu'on n'a pas encore la technique suffisante

[Volga]

Je pense que les adolescents sont logés à la même enseigne que les adultes dans leur crainte de massacrer un morceau. Les enfants qui commencent très jeunes par des morceaux ludiques sont en un premier temps épargnés de cette hantise-là. Je l'espère pour eux en tout cas. C'est ce que j'ai constaté auprès des enfants qui m'entourent. Ils jouent plus spontanément, avec moins de maturité, c'est normal.

[Rubato]

Non, non, Chopin ne me fait pas peur ! D'abord, je suis plus fort que lui, qui est toujours malade !

Plus sérieusement, j'aborde toute musique avec sérénité. Pour moi, ce n'est pas une compétition, tout au plus un défi. Je pense que commencer un morceau en se disant : "Ouh ! la ! la ! qu'est-ce que je fais là ??" est anti-musical.

[Ashiro]

Non Chopin ne me fais pas spécialement peur, je trouve d'ailleurs la plupart de ses morceaux abordables (il y en a qui ne le sont pas du tout ). La seule principale erreur fatale dans Chopin serait peu être le "tartinage" de la pédale qui détruirait le côté romantique. J'ai plus peur de Bach qui est plus carré et un peu moins technique (tout est relatif) que Chopin.
Volga, on est tous un peu dégouté par moment de voir que l'on reste au même point (même si c'est faux) et que d'autre autour de vous progresse de manière visible. Je suis dépité quand la jolie petite Pheobe (9 ans je crois) qui enchaîne sans problème le concerto Italien de Bach alors que je n'y arrive pas sans faire au moins une erreur. Chopin ce n'est pas un défi technique (sauf pour le étude, ballades et certaine sonates ) mais plus une façon de s'exprimer à travers sa musique, donc il n'y a pas de raison d'en avoir peur !

[nox]

je trouve d'ailleurs la plupart de ses morceaux abordables

Tout dépend de ce qu'on veut en faire. Pour un objectif "correct", morceau techniquement en place et présentable en prestation publique, beaucoup ne sont pas si abordables que ça

Chopin ce n'est pas un défi technique (sauf pour le étude, ballades et certaine sonates ) mais plus une façon de s'exprimer à travers sa musique, donc il n'y a pas de raison d'en avoir peur !

Si tu veux dire qu'il ne faut pas voir une pièce de Chopin comme un étalage technique, je suis d'accord. Apres à la liste des études, ballades, sonates (pas certaines...toutes...), je rajouterais personnellement la plupart des polonaises, les scherzos, les concertos, les fantaisies etc...

Là où je vous rejoins, c'est qu'il y a plusieurs pièces techniquement abordables assez tôt (certains préludes-valses-nocturnes-mazurkas), et qui permettent de se plonger dans l'univers de Chopin.

De toute façon, Il serait bête de se priver de ce répertoire par "peur" de mal faire
Rien n'empêche de commencer à déchiffrer un morceau pour le plaisir, tout en sachant qu'on n'arrivera au bout que des années plus tard. On vise pas le concours Chopin à chaque pièce qu'on bosse hein.

[Ashiro]

Tu m'as parfaitement compris Nox, je voulais dire que jouer du Chopin ne devait pas se limiter à un étalage technique (sinon on en voit pas trop l'intérêt musical). Il est clair, que nombreux sont les morceaux qui, si on veut en faire quelque chose de présentable en concours ou en examen, ne sont pas abordable facilement (je pars du fait qu'un morceau est toujours abordable, seul la quantité de travail qu'il demande varie d'un pianiste à un autre). Tout dépend donc de ce que l'on veut en faire (exemple : se faire plaisir avec, le jouer pour le concour Chopin, les deux ). Après il faut prendre le morceau en évitant de se créer des peur en se disant oh my god, cet agitato à l'air terriblement technique ! vu que le but n'est pas de le jouer du premier coup mais de le travailler lentement pour pouvoir le jouer.
J'aurais plus peur sur un morceau de Mozart, ou Bach là où la perfection et la précision au niveau des notes sont plus risquées que pour du Chopin qui est tout aussi rigoureux et précis mais qui paraît moins risqué (avis personnel)!

[diatonyk]

Ah oui ça rejoint ce que je pense par rapport à l'execution des oeuvres de Bach, j'ai l'impression que j'aurais pu écrire cet avant dernier post

[Polonaise]

Et moi que j'aurais pu écrire les post de Volga!

En temps qu'adulte qui reprend des cours depuis 5 ou 6 ans (j'avais pianoté 2 ans à l'age de 13 ans) j'estime que je ne suis pas complètement coincée devant le clavier contrairement à d'autres adultes qui ne s'étaient jamais assis devant un piano mais je pense qu' on manque d'insouciance, on est toujours dans le jugement et que c'est difficile de jouer sans se poser de questions. Lorsque mon prof me fait "arrêter" un morceau et que je rentre chez moi, en général je me met à le jouer plus librement car il n'y a plus personne pour me juger (et je ne me juge plus non plus).
J'adore Chopin mais à part une petite valse dont on parle dans un post en ce moment j'estime ne pas avoir le niveau pour l'aborder. Et puis comment oser jouer un morceau qu'on a entendu par de grands pianistes?...Avant je disais (en rigolant): je jouerai du Chopin lorsque je serai grande. Maintenant je me dis que je vais continuer à faire confiance à mon prof (même si j'apprends d'autres morceaux en parallèle de tout ce qu'il me donne à travailler, mais ce sont des morceaux hors du répertoire classique) et jouer du Chopin n'est plus un objectif. Il y a tant de morceaux et tant de compositeurs à découvrir!
Alors non, Chopin ne me fait pas peur mais je l'aime trop pour oser le massacrer. Je crois que je suis amoureuse de Chopin même s'il était toujours malade et que ça ne devait pas être très glamour! Et moi, j'ai une santé de fer et mon sang est 100 pour 100 polonais!

[diatonyk]

Hé hé hé Polonaise
ton amour pour Chopin s'est même transcrit sur ton choix d'avatar ?
Mais moi "la peur" je suis subjugué depuis tout petit quant à la beauté de ses oeuvres, mais pendant longtemps j'ai vécu la hantise à la simple vue de ses partitions et je remettais à plus tard...
Bref aujourd'hui que du bonheur, et je regrette de pas avoir fait ça plus tôt !

[Oupsi]

Bonjour,
et bien moi ce n'est pas Chopin qui me fait peur, mais la peur elle-même! J'ai eu peur très longtemps, j'ai été timide au clavier, timide devant les partitions, timide dans le travail, et horriblement timide si quelqu'un m'écoutait jouer, quant aux auditions c'était un mélange de panique et d'immense plaisir (si le morceau était bien travaillé).
Je ne suis pas entièrement guérie de cette peur, mais j'y travaille!!
Le fait que ce soit tel ou tel compositeur qui déclenche cette peur me semble secondaire. La peur est un produit de l'imagination, et rien d'autre, je veux dire que c'est parce que l'imagination nous envoie des messages du genre "tu n'y arriveras jamais", "c'est trop dur" que la peur apparaît. Pour moi par exemple Bach a été mon premier complice contre la peur, peut-être parce que j'y suis sensible, ou parce que j'ai eu la chance de comprendre intuitivement comment le travailler, en tout cas il m'a permis de prendre un tout petit peu d'assurance (avec beaucoup de travail bien sûr!!) alors que pour d'autres c'est un monument effrayant.
Je crois que cette peur est quelque chose qui nous vient de l'enfance, ça a à voir avec l'habitude ou l'envie de se mettre à nu (spirituellement bien sûr). La musique met à nu, comme n'importe quelle activité artistique ou d'interprétation. Vu que dans notre vie sociale habituelle nous passons une grande partie de notre temps à moitié cachés par des conventions et pris dans un mouvement qui ne dépend pas uniquement de nous, la musique apparaît comme un moment effrayant parce que là nous sommes seuls, avec notre travail, notre sensibilité et l'envie de partager une vision et des idées musicales.
Pour moi, ce qui a été déterminant, c'est un stage que j'ai fait cet été. Ça a duré une semaine, à l'audition de fin de stage j'ai massacré le morceau, mais j'ai passé une semaine de rêve à travailler tout le temps, à faire de la musique avec d'autres gens, à parler de musique du matin au soir. Ça m'a débloquée techniquement sur certains aspects, mais surtout ça m'a montré que la musique, ça se FAIT. Il faut en faire. En faire le plus possible, si possible avec des gens, en parler, la vivre et la faire tout le temps, même en faisant la cuisine je chantonne mes morceaux. Du coup la musique et ton travail deviennent une réalité tellement forte que la peur peu à peu s'estompe. Il reste toujours le trac, bien sûr, mais ce n'est plus cette peur constante sous forme de jugement, qui est vraiment quelque chose de tellement injuste quand on y pense!!! J'ai entendu des camarades pianistes amateurs se flageller comme s'ils avaient commis un crime!! c'est aberrant. Il faut se révolter un peu contre cette peur, ne pas jouer son jeu.

[jean-séb]

Beaucoup se reconnaîtront en partie dans ta description, Oupsi !
Jean-Séb

[Dehem]

Est ce que vous réveiller le matin à 5 H, partir travailler à 6h15, prendre le train, le métro et rentrer le soir à 19 h vous fait peur? C'est le lot de centaines de milliers de personnes. La musique de Chopin serait elle plus abominable que cela? Personne ne le pense, car c'est un régal! Des difficultés, bien entendu qu'il faut aborder progressivement. Peut être faudrait t il s'inspirer de Beethoven qui me semble t il parlait
de "saisir le destin à la gueule", rien de larmoyant.
PS j'ai 61 ans, je reprends le piano après 30 ans d'interruption et n'ayant fait que 4 ans de conservatoire comme adulte. Je me suis fixé un programme et j'ai déjà entamer l'invention n° 1 en do majeur de JS.Bach, c'est trés bien pour la musicalité, l'assurance des doigts et après quelques jours cela commence à fonctionner ( bientôt en retraite, je pense me préparer pour le concours Chopin, Margueritte et Jacques.. )

Amicalement

[Ruby]

Est ce que vous réveiller le matin à 5 H, partir travailler à 6h15, prendre le train, le métro et rentrer le soir à 19 h vous fait peur? C'est le lot de centaines de milliers de personnes.

Tiens, c'est marrant, c'est à peu près la vie que j'ai mené pendant une douzaine d'années sur Paris ( sauf que je ne rentrais jamais avant 20h30 ..).A ce rythme, j'ai rapidement joué de moins en moins souvent du piano, et lorsque mes enfants sont nés, au bout de quelques mois, j'ai refermé le couvercle du piano... pour ne le re ouvrir qu'en 2004 ...
J'espere de tout mon coeur que les amoureux de piano Parisiens s'en sortiront mieux que moi, mais, pour ce qui me concerne : Vive la Province ! et Vive Fontenay-le-Comte ! Ville Renaissance et Capitale du Bas-Poitou !!

[egtegt]

Je dois dire que comme Rubato, j'ai du mal à comprendre la notion de peur façe à une oeuvre. A la rigueur du découragement si on se sent incapable de la jouer, mais pourquoi en avoir peur ?
J'ai peur de ce qui peut me faire du mal, je ne vois pas en quoi un morceau de papier que j'ai toujours le choix de mettre à la poubelle pourrait me faire du mal.
Même chose d'ailleurs pour la peur de mal faire, je joue pour moi au départ, le pire qui puisse m'arriver, c'est de travailler sans résultat correct, et ça n'est jamais pour rien de toute façon. Aprés tout, j'ai toute la latitude pour ne jamais jouer le morceau devant quelqu'un si je le considére comme non abouti.

[puk]

Salut, Oupsi,
Où as-tu fait ton stage ?
Tout à fait d'accord avec toi. Jouer devant des gens qui pourraient me juger est très difficile. Et ce n'est pas tant l'oeuvre elle même (oui oui même en jazz) que de se dévoiler et de subir des moqueries. Un peu d'égocentrisme mal placé et de peur. De vieilles peurs.
Enfin, vraiment, bravo pour ton message, Oupsi. La musique, ça se fait ! Comme les arts, en général. La pratique, rien ne remplace la pratique.