Ce que l’on doit à nos parents

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Gilles2
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Gilles2 »

Ce sujet est intéressant et souvent émouvant.
De mon côté, j'ai commencé le piano de manière un peu originale. J'habitais une petite commune de grande banlieue de 5000 habitants (qui faisait partie d'une "ville nouvelle" et se développait donc à toute vitesse), et mon père en était l'adjoint au maire à la culture. Quand la commune a décidé de créer une école de musique, les quatre enfants de la famille ont été d'office inscrits pour faire nombre. Mon frère a choisi la flute à bec, une de mes soeurs la guitare et l'autre la flute traversière. Mes soeurs ont continué quelques années, mon frère non. Ma petite soeur, depuis quelques années, a repris la flute dans un petit orchestre amateur. Et moi j'avais choisi le piano : les cours avaient lieu sur le piano du maire au début, et les trois premières années les profs n'étaient pas super, et une carrément odieuse. Je travaillais au début sur le piano du voisin, puis mes parents ont investi. Et la quatrième année une jeune prof extraordinaire a été embauchée.
La ville a grandi depuis, et l'école de musique existe toujours.
Mes parents n'écoutaient pas beaucoup de classique (plutôt Brel, Brassens, etc.), mais avaient acheté par souscription une "Histoire de la musique" aux éditions Messidor (qui dépendaient je crois du parti communiste) : il y avait cinq coffrets de dix 33 tours, de Monteverdi à Varèse, deux livres retraçant l'histoire de la musique, et un troisième commentant chaque disque, les trois étant écrits par Brigitte et Jean Massin. Ce sont aussi les Massin qui avaient sélectionné les oeuvres et les interprétations, souvent venues de l'est pour des questions de droits, je pense, et aussi parce c'étaient les éditions Messidor. Les coffrets n'ont pas été beaucoup ouverts pendant longtemps, mais je les ai découverts à mon adolescence, quand j'ai commencé à ne plus seulement jouer, mais aussi à écouter du classique. J'écoutais au casque dans la salle pour ne pas déranger les autres. Il y avait la sonate D960 par Richter, et je n'ai jamais aimé autant une autre version que celle-ci. Je me souviens que la gravure des disques n'était pas toujours très bonne.
En résumé, ce que je dois à mes parents pour la musique, je le dois à leur engagement politique (on dirait peut-être aujourd'hui "citoyen"), à la capacité qu'ils ont eue de penser que leurs enfants pouvaient connaître davantage que ce qu'ils avaient connu.
Florestan
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Florestan »

A ma mère, pas grand chose. Elle est partie un jour quand j'avais trois ans et je ne l'ai revue que 32 ans plus tard ( d'ailleurs une expérience fermement déconseillée aux âmes sensibles !). Elle était très jeune quand je suis né (18 ans), elle voulait vivre sa vie…
Mon père était très jeune aussi, pauvre et obsédé par la légitimité et l'ascension sociale, angoissé, brutal. Avec mon frère, nous lui devons beaucoup de trouille, beaucoup de bleus. Beaucoup de Francis Cabrel aussi, et si je pense qu'il y a des gens qui hésiteraient sérieusement si on leur donnait le choix entre une bonne branlée et un après-midi entier de je l'aime à mouuurriiir, les chemiiins de traverseuuh, nous on était complètement à l'abri de ce pénible dilemme !
Les rôles dans la fratrie ont vite été distribués. Mon frère était le cancre, j'étais le bon élève, rien d'autre que le futur énarque qui allait faire entrer la famille dans les hautes sphères de la société ( bonjour Mr Gattaz, laissez moi vous présenter mon père, oui, je lui dois tout…à propos vous aimez Francis Cabrel ?).
J'ai endossé ce déguisement tant que j'ai pu, et puis à l'adolescence le retour de bâton a été sévère. En même temps, pour voir en moi un décideur du futur, il ne fallait pas être très attentif ni très subtil !
Pourquoi je raconte ça, je ne sais pas, c'est l'angoisse de Noêl peut-être. Ah oui, la musique dans tout ça ? Et bien c'est grâce à mon père que j'ai reçu mon premier choc musical (et extra musical aussi !): la quatrième ballade de Francis Cabrel ( cette Petiteuuh Mariiie si admirée par Ravel…)

C'est vrai que ce fil est émouvant et j'espère que vous me pardonnerez cet humour noir. Le titre m'a interpellé. Je dois à mes parents la vie, et tout un tas d'autres choses à peu près impossibles à dénouer. Mais ils n'ont jamais vu en moi un musicien, et n'ont joué aucun rôle de médiateur dans la passion que je voue au piano et à la musique en général, qui n'a pu pleinement se révéler que bien après avoir quitté le nid, avec mes petites ailes fripées. En fait il n'y a eu quasiment aucun intermédiaire entre moi et la musique, à part les compositeurs dont certains m'ont littéralement pris par la main, Schumann le premier, si fraternel et qui si bien sait s'adresser aux esprits tourmentés.

Si l'on y réfléchit, que je me retrouve ici à faire des si-magrées sur le fil d'Okay ou à remplir des pages sur quelques mesures jouées par une petite fée polonaise, ce n'est pas un miracle, non, mais c'est quand même un petit accident industriel !
Line-Marie

Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Line-Marie »

cher Florestan, je suis très émue par ton récit.... et même si le départ dans ta vie fut laborieux, je te remercie d'exister et de nous faire partager avec générosité ton analyse toujours fine et subtile lors du concours Chopin par exemple mais aussi sur beaucoup d'autres fils de ce forum.

Pour ma part , je n'ai plus envie de parler de mon départ dans la musique, mes parents sont morts et avec eux , l'envie d'en parler.
....
La connaissance de ce que je suis va de pair avec l'enrichissement reçu de ce forum et de certaines personnes géniales qui le composent et que je ne remercierai jamais assez d'avoir été patientes avec moi, de m'avoir écoutée, enseignée, encouragée, aidée, soutenue....et de l'être toujours.
Si mes parents m'ont donné la vie, ce sont les multiples personnes fortes et importantes dans ma vie qui m'ont aidé à me construire.
J'aime l'être humain si bancal, si maladroit et pourtant si merveilleux pour les autres parfois, car doté de langage qui peut sauver, et capable de produire de la musique qui m'emmène dans l'univers , comme Messiaen mais aussi des interprètes pas forcément virtuoses ni accomplis mais simplement vrais !
Modifié en dernier par Line-Marie le lun. 24 déc., 2018 11:21, modifié 1 fois.
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jean-séb
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par jean-séb »

roulroul a écrit : dim. 23 déc., 2018 18:01 J' ai longtemps cherché les années "charnières" ou les ouvriers , non de manière occasionnelle, mais plus régulière, pouvaient aller a la montagne faire du ski, s' inscrire dans un club de tennis, ou pour le sujet qui nous intéresse ici, de pratiquer un instrument, et apprendre a en jouer :
je dirais grosso modo les années 80, ou tout s'est vraiment démocratisé.
Pour le piano,je me demande s'il n'avait pas été plus démocratique au début du XXe siècle, au moins à Paris et les grosses villes, époque où il se construisait et se vendait un nombre incroyable de pianos en France. Certes, à cette époque sans radio, sans télé, sans disques et sans Internet, le piano était une "obligation" dans chaque intérieur bourgeois, mais il y avait aussi des familles modestes dont les filles (pas les garçons, faut pas pousser quand même) apprenaient le piano ; j'ai cité plus haut l'exemple d'une cousine qui était ouvrière-cartonnière en usine dès 14 ans et qui avait appris le piano. Je crois que ce n'était pas unique, et il était commun aussi d'entendre un piano dans les étroites loges des concierges des immeubles parisiens. La radio,le disque puis la télé, ont tué cet engouement populaire (et même bourgeois, dans une moindre mesure).
Florestan
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Florestan »

strumpf a écrit : lun. 24 déc., 2018 8:05 cher Florestan, je suis très émue par ton récit.... et même si le départ dans ta vie fut laborieux, je te remercie d'exister et de nous faire partager avec générosité ton analyse toujours fine et subtile lors du concours Chopin par exemple mais aussi sur beaucoup d'autres fils de ce forum.

Pour ma part , je n'ai plus envie de parler de mon départ dans la musique, mes parents sont morts et avec eux , l'envie d'en parler.
....
La connaissance de ce que je suis va de pair avec l'enrichissement reçu de ce forum et de certaines personnes géniales qui le composent et que je ne remercierai jamais assez d'avoir été patientes avec moi, de m'avoir écoutée, enseignée, encouragée, aidée, soutenue....et de l'être toujours.
Si mes parents m'ont donné la vie, ce sont les multiples personnes fortes et importantes dans ma vie qui m'ont aidé à me construire.
J'aime l'être humain si bancal, si maladroit et pourtant si merveilleux pour les autres parfois, car doté de langage qui peut sauver, et capable de produire de la musique qui m'emmène dans l'univers , comme Messiaen mais aussi des interprètes pas forcément virtuoses ni accomplis mais simplement vrais !
Merci Strumpf pour ces mots d'autant plus sympathiques que je suis tout à fait conscient du caractère un peu âpre et désarmant de mon message !
Rassurez vous, je ne suis pas du tout à plaindre, j'ai rencontré tout un tas de personnes magnifiques et à vrai dire je ne pense pas souvent à ces choses, même si j'en parle toujours sans détour.
Et puis tu as raison, pour moi aussi le forum a été une mine considérable d'idées stimulantes, de conseils et de découvertes, et a en quelque sorte rempli le rôle d'un professeur, un professeur polymorphe et idéal, celui qui vous fait prendre conscience et vous aide à vous rapprocher de vous même.

Un salut à tous !
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Lee
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Lee »

Florestan a écrit : mer. 26 déc., 2018 20:42la quatrième ballade de Francis Cabrel
...
Rassurez vous, je ne suis pas du tout à plaindre
j'avais une pensée pour toi à Noël, Florestan, quand à table, on écoutait des tubes classiques sur la chaîne mises par une autre ajoutée à la famille. Je lui ai dit que c'était un bon moment car notre belle soeur (pas encore arrivée) déteste la musique classique. Et ma belle mère la plus grande fan de Cabrel dit qu'elle déteste la musique classique aussi, qu'elle la trouve absolument insupportable (mais qu'on pouvait continuer à l'écouter). Bon, il n'y avait plus de mystère comment ma belle soeur est arrivée à ce point là...

Même si c'est presque logique (en la connaissant) ça m'a choqué comment on pouvait renvoyer toute la musique classique. Bêtement j'ai dit "mais c'est comme la musique des films"...j'avais oublié qu'elle n'aime pas les films. :roll: Alors oui tu n'es pas à plaindre quand on voit comment tu es bien sorti Florestan !!!
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roulroul
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par roulroul »

Et ma belle mère la plus grande fan de Cabrel dit qu'elle déteste la musique classique aussi, qu'elle la trouve absolument insupportable
Si ma belle mère était comme ça, je l' attache sur une chaise avec un casque sur les oreilles, et je la force a écouter des concertos pour violons, non mais !... :mrgreen:
Plus sérieusement je trouve assez bizarre qu'on "déteste" a ce point une musique.
.................................................................................................

Pour revenir au sujet, on doit a nos parents....d' être la ! Musicalement parlant, les 70s / 80s étaient baignées dans Cloclo et les Clodettes et Sardou, voire Sheila " Donne moi ta main..." qui jaillissait du poste a transistor dans la cuisine, avec en fond sonore le faitout de pot-au-feu qui cuisait sur la gaziniere. Et le samedi soir 20h 35, l' émission obligée de variétoche avec Joe Dassin et France Gall, assis sur une chaise autour de la table, en regardant l' énorme poste TV noir et blanc, y avait pas encore de canapé, et fallait se lever pour changer une des 3 chaines, une autre époque. Rien de bien original, donc, mais quoiqu'on fasse, des airs tout de même gravés dans sa mémoire, pour le meilleur et pour le pire.
La musique classique, le jazz étaient honteusement absente, on en avait vaguement entendu parler, mais ça ne se faisait pas d' en écouter,
d' ailleurs, avec quel moyens ? Pas de concerts a l'horizon, pas d' instrument de musique, pas d' émission ( ou bien rares ) dédiées au sujet.
La seule musique "live" enfin, si on peut dire étaient celle de la permission de 22 h 30 des bals du samedi soir l' été, avec l' accordéon, et des orgues Farfisa, ou des pianos électriques Fender, allez savoir, c'est peu être l' origine de mon phantasme pour les claviers ?
C'est la période de mon coté "rebelle" pour fuir tout ça, et des vinyles des Doors et des Stones dans ma piaule, sur ma platine Pioneer.
En fait, rien de cassant, même mes études n' étaient pas terrible, une 3 eme effectuée dans la douleur, et pour finir un minuscule C.A.P. pas de quoi pavoiser, je suis sur dans le fond de leur pensée que mes parents, comme tous bons parents, auraient souhaités voir en moi un bon truc comme médecin, ou un avocat, ben c'est raté....
Terpsichore
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Terpsichore »

On peut parfaitement detester la musique classique tout comme n'importe quelle musique.
Ça peut etre un rejet en bloc dû à la non connaissance de l'immensité des musiques classiques ou tout simplement parce qu'on n'aime pas et que les goûts et les couleurs. ..
Chez mes parents, la musique était omniprésente mais ni l'un ni l'autre ne pratique un instrument.
Nous n'avions pas la télé (choix de mes parents qui estimaient que le risque d'abrutissement etait trop grand par ce qu'ils pouvaient en constater autour d'eux ) mais mes parents écoutaient la radio et possédaient une discothèque plutôt impressionnante.
Beaucoup de classique ,piano, ballet, grand opera , musique sacrée, musique traditionnelle française et russe essentiellement, opera bouffe, operette et opera comique mais aussi du jazz pour mon père. Un peu de variété de temps en temps.

Mes parents ont toujours beaucoup fréquentés opera et salle de concert et de théâtre) et je les ai accompagné très tôt...mais ils choissisaient les programmes adaptés ! À 4/5 ans, OK pour l'amour des trois oranges mais la Belle au Bois Dormant, la Belle Hélène et la vie pour le Csar ont dû attendre un peu.

Je crois que ça m'a donné un socle en fait. Lorsque j'ai claqué le couvercle du piano à l'adolescence, je savais obscurement que j'y reviendrais...

Actuellement, je n'écoute pas vraiment de jazz, ça m'agace plus qu'autre chose généralement , il y a un type de musique qui m'insupporte mais ma discothèque n'a rien a envier à celle de mes parents et je vais au concert, à l'opéra et au théâtre dès que mon emploi du temps me le permet.
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Lee
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Lee »

Quoi qu'il en soit pour les goûts, il faut une ouverture d'esprit pour pouvoir apprécier de la musique qu'on n'a pas l'habitude d'écouter...dans ce cas particulier cité plus haut, je ne commente pas. :mrgreen: Il suffit de dire que je n'ai pas eu la motivation de lui présenter des oeuvres classiques qui me semblaient accessibles.

Néanmoins je ne trouve pas que toute la musique classique est aux oreilles comme la métale ou le jazz ou le techno pourrait être, avec des battements sans arrêt. Mais bon, c'est ce qui m'insupporte.
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Florestan
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Florestan »

Lee a écrit : jeu. 27 déc., 2018 6:22 Alors oui tu n'es pas à plaindre quand on voit comment tu es bien sorti Florestan !!!
Merci Lee, c'est très gentil, mais je tiens à préciser quand même que dans mon post j'ai utilisé ce pauvre Francis comme une espèce de levure, un ingrédient pour alléger une texture qui me semblait un peu trop dense. Je n'ai pas de haine particulière contre lui, et d'ailleurs, vu que j'ai l'intégralité de sa discographie ( bon jusqu'à la fin des années 80 faut pas pousser non plus ) à jamais imprimée dans la tête, ça reviendrait un peu à de la haine de soi… Francis, tu fais partie de moi ! (même si je préfère que tu restes dans ta chambre…)
Terpsichore a écrit : jeu. 27 déc., 2018 9:31 On peut parfaitement detester la musique classique tout comme n'importe quelle musique.
Sauf que le terme "musique classique" ne décrit pas un genre, c'est un de ces mots-sacs, mots-frontières qui la plupart du temps sont plus pratiques pour désigner "ce qui n'en est pas" que pour définir quoi que ce soit. Il y a dans ce qu'on appelle la musique classique des univers si vastes, si éloignés les uns des autres… Il y a tellement de choses qui ne m'intéressent pas (ou pas encore !) dans ce "genre", ou même qui me cassent franchement les oreilles. J'ai beaucoup de mal avec les arias virtuoses d'Haendel par exemple, est-ce que ça fait de moi quelqu'un qui n'aime pas la "musique classique"...évidemment non. Je pense que plus on s'intéresse aux choses de près et plus ce type de catégorisation grossière devient obsolète. J'aime la musique que j'aime, c'est aussi simple que ça. En général quand quelqu'un me dit "je n'aime pas la musique classique" j'ai tendance à penser qu'il ne s'est probablement pas trop penché sur la question, et que ce qu'il aime lui suffit !
Terpsichore
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Terpsichore »

Oui mais pour les gens qui disent detester la musique classique c'est un bloc.
Quand je dis que je joue du puano on me demande systématiquement si je joue de la variété et lorsque je réponds: non, je préfère le classique ben je passe pour la bourge ringarde...
Et pour la danse c'est pareil.

Bien sûr que le classique c'est vaste mais si tu ne connais pas....tu ne le sais pas.
Modifié en dernier par Terpsichore le ven. 28 déc., 2018 9:22, modifié 1 fois.
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Abegg63 »

C’est vrai.
L’an dernier j’ai fait écouter une pièce de Fauré pour piano sans dire ce que c’était à quelqu’un qui m’avait soutenu ne pas aimer le classique.
La personne s’est exclamée que c’était magnifique et a été très surprise lorsque je lui ai dit que c’était ce qu’on appelait du classique.
Je crois que pas mal de gens englobent dans ce terme la musique pour grand orchestre, une pièce romantique de piano n’a peut-être pas le même effet
Virgule
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Virgule »

J’ai un peu raté ce beau fil, apparu alors que j’étais joyeusement accaparée par la famille et, moins joyeusement, par une malencontreuse rencontre avec mes ciseaux de cuisine (narrée ailleurs)… Quelles touchantes confessions j’ai lues ici, qui révèlent les recoins de l’âme de certain(e)s et me rappellent à quel point j’ai eu une enfance heureuse, malgré les inévitables conflits avec ma nombreuse fratrie.

Ce que je dois à mes parents ? Beaucoup, finalement, si je prends le temps de me rappeler… Je l’ai déjà raconté ailleurs, c’est ma mère qui m’a proposé de prendre des cours de piano - et j’ai dit oui sans hésiter. Pourquoi cette proposition de sa part, pourquoi cette réponse enthousiaste d’une gamine de 8 ans qui aimait surtout jouer dehors ? Tout ça s’est bien sûr joué avant.

Mon père disait que chez nous, la ‘musicienne’ c’était ma mère. Pourtant, mon souvenir musical le plus ancien, le premier contact musical qui m’ait émue, c’est à mon père que je le dois. Je me revois bercée sur ses genoux, à 4 ou 5 ans, insistant pour qu’il chante et m’apprenne ‘Savez-vous planter des choux, à la mode de chez nous’. C’est aussi lui qui nous faisait chanter en famille lors de nos longs voyages en auto en route pour la ferme de ses parents. Mais ma mère chantait mieux que lui. Autour du feu de camp, lors de nos vacances en camping, c’est elle qui m’a appris à chanter à la tierce lorsque nous chantions en choeur notre répertoire folklorique. Je me souviens aussi qu’elle chantait en écoutant à la radio la transmission en direct de l’opéra du Met le samedi après-midi. Mais nous n’avions pas de disques à la maison (avant que moi j’en achète, après avoir convaincu mon père d'acheter un tourne-disque) et je n’ai découvert la musique classique que par la radio et la télévision, et bien sûr par mes cours de piano.

Ma mère n’avait pourtant jamais étudié la musique. Cadette d’une famille modeste et nombreuse, elle n’avait pas pu apprendre le piano comme elle l’aurait souhaité, mais un frère aîné en jouait très bien et une soeur aînée gagnait même, très modestement, sa vie comme pianiste accompagnatrice (et couturière des costumes !) dans une école de ballet pour enfants. Il y avait donc eu de la musique dans sa famille et il n’est pas impossible que ma mère ait regardé par-dessus l’épaule de son frère ou de sa soeur. Elle ne savait pas lire la musique, mais…

...mais quand, petite écolière de six ans avide de lire tout ce qui me tombait sous la main, j’ai trouvé dans la bibliothèque de mon père un cahier de La Bonne Chanson (pas celle de Fauré, mais celle-ci http://www.3399.ca/blog/2013/07/24/la-b ... -a-lecole/), c’est ma mère qui m’a chanté les chansons que je tentais d’y lire. Chaque page de ce cahier illustrait une chanson du patrimoine folklorique québécois par une entête dessinée, sous laquelle on trouvait une courte partition donnant la mélodie du premier couplet et du refrain, puis le texte des autres couplets. Ce qui m’a toujours intriguée, c’est que lorsque je lui demandai ce qu’étaient ces signes étranges, elle m’expliqua que c’était des notes, qui indiquaient la hauteur de l’air qu’il fallait chanter, et elle me montra par l’exemple, chantant en pointant les notes: ‘Tu vois, ici ça monte (alors que l’air qu’elle chante monte vers l’aigu), ici ça descend’. Elle ne nommait sans doute pas les notes et ne m’a pas parlé d’intervalles, mais j’ai eu avec elle ma première leçon de solfège. J’ai immédiatement compris qu’on pouvait écrire la musique comme on écrivait les paroles et ça m'a émerveillée; j’ai ensuite passé des heures à ‘lire’ ces portées de La Bonne Chanson en même temps que j'apprenais les chansons. Lorsque, deux ans plus tard, j’ai pris mes premiers cours de piano, ma nouvelle prof a été très étonnée de la facilité avec laquelle j’ai appris à lire la musique.

Pendant les deux années et demie où j’ai suivi des cours, ma mère m’a très souvent encouragée par ses commentaires bienveillants et jamais forcée (même si je ne jouais souvent que la veille de mon cours, grâce à ses rappels). Lorsque, préférant aller grimper aux arbres, je n’ai pas voulu poursuivre les leçons et que ma prof l’a suppliée de me convaincre, elle a bien tenté de me persuader de continuer, mais avec bienveillance et sans insister, sans pousser. Trois ans plus tard, quand j’ai repris le piano par moi-même, elle m’a à nouveau proposé de reprendre des cours - mais n’a pas insisté lorsque j’ai dit non. Parfois je regrette qu’elle n’ait pas poussé un peu plus, mais ce n’était pas sa nature. C’était une personne douce et patiente, pas du tout contrôlante - même quand elle devait me punir, elle faisait toujours très attention de le faire sans blesser. [Bref, ce n'est pas d'elle que je tiens mon mauvais caractère...]

Mon père n’était pas musicien et je n'ai aucun souvenir qu'il ait commenté mon jeu. Faut dire qu'il a toujours été très avare de compliments et de félicitations - la réussite était la valeur par défaut, seuls les échecs méritaient commentaires. Mais malgré une sévérité et une exigence qui m’effrayaient un peu, il avait aussi un côté bon enfant et un enthousiasme pour la découverte, un amour de la nature et de la beauté, une continuelle envie de nous faire partager ses élans, de nous expliquer de nouvelles choses, qui en faisaient un père merveilleux lorsque nous étions jeunes enfants. Ça s’est pas mal gâté pour moi par la suite, mais nos conflits (de valeurs surtout) ne sont apparus que vers 16-17 ans et mes souvenirs d’enfance sont aussi beaux avec lui qu’avec ma mère. Mon amour pour la musique a été encouragé sans être jamais forcé et on m’a donné la possibilité de le développer à mon rythme et dans la direction de mon choix. Alors oui, je dois beaucoup à mes parents.
Florestan
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Florestan »

Quel bel hommage, Virgule, merci pour cette petite bulle d'enfance !
Virgule
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Virgule »

Florestan a écrit : ven. 28 déc., 2018 23:26 Quel bel hommage, Virgule, merci pour cette petite bulle d'enfance !
:wink: Et merci à toi pour ta propre contribution, certes triste, mais très touchante et dont l'humour (grinçant, j'adore) rassure et nous confirme que tu t'en es fort bien sorti, finalement.
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par katy »

J'ajoute un post scriptum à mon post : j'ai reparlé à mes parents (qui vieillissent dans leur petite maison totalement encerclée par une clinique privée qui a racheté tous les alentours) du piano, ce Zimerman acheté quand j'avais 7 ans, à la mécanique totalement usée, et qui n'a pas été accordé depuis quelque chose comme 20 ans...
J'ai alors appris à ma grande surprise que ce piano avait été acheté avec un héritage et représentait quasiment un an de salaire : j'ai vu la facture... et que mon père y est en fait très attaché... mais au meuble... donc impossible de leur faire prendre la moindre décision : même pas d'expertise pour estimer son état, même si c'est moi qui la paye. L'idée étant que le piano restera là tant qu'ils sont là et disparaîtra... avec toute la maison, dans 15, 20 ou 25 ans :? :shock:
Que dire... :cry: mais bon, décidément, le choc des générations, des caractères... :?
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Lee
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par Lee »

katy a écrit : sam. 29 déc., 2018 0:48 et que mon père y est en fait très attaché... mais au meuble... donc impossible de leur faire prendre la moindre décision : même pas d'expertise pour estimer son état, même si c'est moi qui la paye. L'idée étant que le piano restera là tant qu'ils sont là et disparaîtra... avec toute la maison, dans 15, 20 ou 25 ans
Peut-être que tes parents s'en doutent que le piano n'est pas en état pour valoir la restauration ou pour le garder autre que pour sa valeur sentimentale...tu as espéré le mettre en état pour être joué ? As-tu proposé juste que le piano soit accordé ? Un bon accordeur pourrait te dire plus.
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katy
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par katy »

Lee a écrit : sam. 29 déc., 2018 1:49 Peut-être que tes parents s'en doutent que le piano n'est pas en état pour valoir la restauration ou pour le garder autre que pour sa valeur sentimentale...tu as espéré le mettre en état pour être joué ? As-tu proposé juste que le piano soit accordé ? Un bon accordeur pourrait te dire plus.
Non pas vraiment car il n'est plus joué depuis des lustres et quand moi ou mon cousin on met les mains dessus une fois tous les 36 du mois... le résultat n'est pas atrocement faux...Pour eux c'est un meuble qui fait partie du mobilier du salon !
C'est moi qui suis embêtée maintenant car j'avais fini par accepter de bazarder un jour un piano d'une marque peu estimée, complètement rincé. Mais là je ne sais plus trop...D'une part il vaut plus que ce que je pensais, d'autre part, il représente une part de l'héritage paternel... impossible pour moi d'estimer ce piano ni la valeur des réparations... Je regrette maintenant qu'on ne se soit pas posé la question quand j'ai moi-même investi dans un piano...
Difficile aussi d'imposer quelque chose, ils ne sont pas invalides ni impotents, ce ne serait pas très délicat et carrément une forme d'ingérence...
Et j'ajouterais que ni moi ni ma soeur n'avons la place (et surtout pas moi, je vis dans 50 m2 et j'ai déjà un piano :? ) Mais bon, j'imagine que ce sont là des problèmes d'héritage assez ordinaires...
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katy
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par katy »

Alors post scriptum à mon post scriptum : finalement, n'ayant pas de notion vraiment de ce que représentait la somme à l'époque, me demandant si mes parents ne se sont pas fait avoir (un an de salaire dans un Zimmermann...??) j'ai cherché par rapport au SMIC net de l'année. Donc je ne sais pas trop ce que m'ont raconté mes parents, s'ils se sont eux-même embrouillés ou quoi, mais indubitablement ce piano Zimmermann, avec 2 m et 2 n, vaut maximum 4,5 Smic net de l'époque. En tout cas pas un an de salaire. (cela dit, c'était déjà un investissement...)
Du tout cas la situation est fort banale je le crains : un piano d'études... rincé :?
roulroul
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Re: Ce que l’on doit à nos parents

Message par roulroul »

Oui mais pour les gens qui disent détester la musique classique c'est un bloc.
Quand je dis que je joue du piano on me demande systématiquement si je joue de la variété et lorsque je réponds: non, je préfère le classique ben je passe pour la bourge ringarde...
Et pour la danse c'est pareil.
C'est la méconnaissance, voire l' inculture qui provoque cela, mais je ne vois toujours pas comment on peut détester un art quelconque, dans le cas cité , la musique classique(*) : plusieurs cas de figure se présentent, , et on ne connait pas, de toute façon on ne fait rien pour et on s'en fout, on on aime pas question sonorités, absence de rythmique/paroles au sens pop du terme, sa relative rareté dans les médias, ou encore son aspect général qui peut apparaitre comme pompeux, les excuses valables ou bidons ne manquent pas.
(*)Vous vous en doutez, ce terme est très générique, il englobe beaucoup de genres/sous genres.
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