Un état d'esprit un peu tourmenté mais qui continue d'avancer.

[Lee]

(petit aparté pour répondre à Lee, en partant de mon expérience)
Mais quand même, avec le temps on peut avoir des préférences quant aux conditions extérieures et ce ne sont pas forcément des pièges. La grande réunion, les grandes salles peuvent ne pas correspondre à la sensibilité de quelqu'un qui n'aime pas en général être au centre de l'attention. D'autres au contraire s'y sentent mieux car il y a plus de distance, ils arrivent davantage à trouver leurs marques.
Je ne vois nulle obligation à aimer jouer en public. Je vois un avantage à faire cet effort, on se connaît mieux, quelque chose se dévoile, c'est une épreuve de vérité, et oui il arrive qu'on fasse passer une émotion qui est belle et généreuse; mais pour quelqu'un qui rate souvent sa prestation l'épreuve est difficile et la personne peut avoir envie d'y mettre un terme, de faire une pause ou de s'y exposer moins souvent. Avec le temps, franchement, j'ai davantage l'impression de "partager" la musique quand je travaille avec quelqu'un, assise à côté et commentant ou décortiquant ou cherchant quelque chose, que lorsque je suis dans cette immense solitude du jeu en public, et à me battre avec des démons qui n'ont rien à voir avec la musique.

Je peux respecter les choix ou les besoins des pauses et les sensibilités des pianistes. Et tu as raison qu'il n'y a pas d'obligation d'aimer jouer en public non plus, mais quand ce "public" est constitué des amis qui étaient très touchés de t'écouter dans le passé, qui sont très touchés par ta musicalité et l'émotion transmise belle et généreuse malgré le fait d'être en même temps en train de battre des démons...c'est juste dommage de laisser les anciens démons empêcher tout ça...ou autrement penser, de favoriser et écouter les démons au lieu de tes amis...non ?

heu, raté c'est tout à fait objectif: ne pas pouvoir aller jusqu'au bout du morceau, par exemple. Faire tellement de fautes que la phrase n'est plus reconnaissable. Ce genre de choses. Ça n'arrive pas à tout le monde heureusement!

Je ne suis pas de tout d'accord concernant les prestations ratées, je pense qu'objectivement, il y avait Midas, qui m'a tapé sur l'épaule à la fin de ta prestation Bach en me disant, "mais c'est beau, non ?" Donc la beauté et l'émotion, on entend, malgré les démons...

... mais ça arrive à certains, qui ne peuvent pas aligner plus de 3-4 notes en public avant de perdre complètement les pédales et ne plus savoir quelle est la 5ème touche à jouer . Difficile de dire alors que ce n'est pas "raté".

BM

Ahem, il faut essayer autre chose que Bach pure, j'ai des témoins que tu arrives même partition à l'envers tant qu'il y a un autre compositeur concerné dans la composition, Marcello pour être plus précise.

[BM607]

... mais ça arrive à certains, qui ne peuvent pas aligner plus de 3-4 notes en public avant de perdre complètement les pédales et ne plus savoir quelle est la 5ème touche à jouer . Difficile de dire alors que ce n'est pas "raté".

BM

Ahem, il faut essayer autre chose que Bach pure, j'ai des témoins que tu arrives même partition à l'envers tant qu'il y a un autre compositeur concerné dans la composition, Marcello pour être plus précise.

Si c'était si simple, je ressortirais mes vieux Beethoven, Chopin, ou Satie du placard, té. C'est plutôt "1 à peu près passé pour 10 ratés" indépendamment du compositeur.
Bref, c'était pour illustrer le terme "raté".

BM

[Mathieu79]

"Foncer" c'est l'esprit qu'on a avant de jouer ;p ! Quand tu es sur ton siège avant de jouer le jour "J".
C'est plutôt qu'es qui m'a pris de mettre lancé dans cette aventure!
ça se passe pas toujours mal , mais quand tu te loupes, il faut un petit temps pour digérer.
Et c'est difficile de regarder nos amis pm dans les yeux , d'écouter leurs encouragements.
Même si ça fait du bien aussi ... c'est pas simple.

C'est bien d'en parler tout de même sur le forum,le faite d'en parler peut aider à désamorcer ou mieux comprendre ce "phénomène".
Je pense que je tenterai toujours de jouer devant un public d'autant plus que pour l'instant je n'ai pas trop le choix dans mes engagements avec l'ENM et PM. c'est pas un mal pour moi ça me pousse à y aller.

Il y a tout de même un travail à faire sur cette gestion du "trac" , c'est dommage d'imaginer de ce prendre un pain à chaque représentation.

J'en profite pour dire , que chaque message que j'ai reçu sur ce poste mériterai une réponse de ma part .... mais je mets toujours un temps fou à écrire un petit texte.
J'espère profiter du prochain Beuvray pour discuter plus ouvertement avec chacun même si je le redis c'est pas simple pour moi ^^.

Math

[Oupsi]

Ce que vous écrivez, Lee, BM, Mathieu, me touche beaucoup. Tu as parfaitement raison quand tu parles de l'amitié, Lee, même si parfois c'est à double tranchant, c'est justement parce qu'il y a cet élément affectif qu'il est d'autant plus cruel d'avoir la sensation de ne pas être à la hauteur. Comme dit Mathieu, c'est compliqué.
Et comme lui, je "fonce" avant. Je m'arme de courage, j'ai un désir très fort de jouer dans ces réunions, d'écouter, de partager; ce que cela nous donne à tous, j'y suis sensible, y compris l'appréciation des progrès, la bienveillance pour le reste, tout cela est précieux et je dois dire assez unique!

[arg]

Je comprends le ressenti de "raté" quand on sait ce qu'on veut faire, quand on sait comment on peut faire sonner la musique, à la maison, sans le public, quand on n'arrive pas tout simplement à aller au bout. Mais je ne comprends pas le raté en tant qu"auditeur. Pas ce que j'ai entendu en tous cas.
Pour moi un raté musical, c'est plutôt quand on est persuadé d'être très fort et qu'on joue sans sensibilité, je n'ai rencontré personne du forum qui fait ça. ( j'en ai rencontré cette année à l'école de musique, là c'est vraiment ridicule...je peux vous garantir que ce comportement est très loin de nos réunions).
Ou alors, à la rigueur, viser vraiment trop haut par rapport à ses capacités techniques et musicales et transformer totalement un morceau en épreuve pour les oreilles du public. Ce n'est pas ce que j'ai entendu.

Faire tellement de fautes que la phrase n'est plus reconnaissable.

ça non plus, sincèrement, non, pas entendu.

Mais j'ai bien vu, compris, ressenti, les difficultés parfois extrêmes de certains pour jouer quelques phrases devant les autres. Et j'en ai été touchée et émue pour eux, car j'ai ressenti à ce moment qu'ils allaient se penser jugés, rabaissés, pas à la hauteur, malgré tout ce qu'on pourrait démentir. Je pense sincèrement qu'il y a des moyens de diminuer ces difficultés, et que ces moyens passent obligatoirement par l'exposition au public,mais pas seulement. Mais je peux comprendre que l'effort et l'engagement émotionnel consentis pour renouveler la mise en danger soient trop importants.
Alors que faire ? il y a peut-être une histoire de "bon moment" comme souvent. A la fois attendre et provoquer ce bon moment, est peut-être une direction ? Il y a aussi les paradoxes sérieux: non, attendez, ne jouez surtout pas en public tant que vous ne serez pas prêt, même si, et surtout, si vous en aviez envie ! Il y a la définition du plantage: c'est quoi ? Il y a sans doute aussi un intérêt à savoir se planter, puis regarder les autres dans les yeux exprès... etc, tout ça en vrac.... pas si facile....

[Mona]

S'exposer à jouer en public, tout le monde s'accorde globalement à dire que c'est une expérience enrichissante mais difficile. Mais à partir de ce constat commun, les différences subjectives sont quand même énormes. Pour certains, c'est une réelle épreuve, et la question se pose en effet de continuer à jouer ou non devant d'autres, tant l'angoisse est forte, et tant la déception d'avoir "raté" est douloureuse. Quant au "raté", bien sûr c'est plus ou moins subjectif. On a tous entendu des pianistes dire "j'ai affreusement mal joué" alors que le ressenti de l'auditeur est tout autre. Néanmoins, il faut être honnête, si, des fois, c'est raté. L'appréhension est telle que le pianiste perd totalement ses moyens, au point de ne plus arriver à lire la partition, d'accumuler les fautes, et de ne même pas pouvoir aller à la fin du morceau... et là l'expérience est quand même cuisante... Ca m'est déjà arrivé, et c'est arrivé à d'autres que j'ai pu entendre, et qui étaient pourtant de très bons musiciens... Bien sûr, des solutions existent. C'est indéniable que dans la majorité des cas, plus on joue devant d'autres, plus on arrive à vaincre sa peur. Le temps, l'expérience, les conseils et les encouragements bienveillants comme ceux qui peuvent s'échanger dans les réunions PM permettent peu à peu de surmonter l'appréhension. Mais on reste quand même inégaux face à cette expérience..... certains finiront par se sentir relativement à l'aise en public ; d'autres continueront à être pétrifiés de trac avant la prestation, mais s'en sortiront bien ; mais pour certains, malgré toutes les conditions favorables réunies, l'exposition en public restera un moment difficile à surmonter, au point de préférer renoncer à cet exercice, ce que je comprends parfaitement..... Tout simplement parce que jouer du piano, face au regard (et aux oreilles....) de l'autre touche en chacun de nous des choses très intimes et personnelles. Impossible à partir de là que tout le monde puisse évoluer en public sur le même mode... Ca restera toujours une expérience singulière qui fera écho à des choses différentes pour chacun.

Mais en ce qui te concerne Mathieu même si je comprends tout à fait tes difficultés, je pense que ça vaut la peine d'insister... Parce que tu trouves dans ces rencontres des choses essentielles, au niveau musical bien sûr, et la musique semble tenir une place très importante dans ta vie. Mais au delà du piano, on entend dans ce que tu dis que d'autres enjeux sont présents pour toi. Alors accroche toi.

[huizinga]

Ce n'est pas du tout évident en effet de s'exposer ainsi en public, mais cela vaut aussi le coup car cela permet de faire vivre vraiment sa musique. On la fait exister, car on la met en rapport avec l'extérieur de soi. On a plus ou moins de facilités à supporter le regard des autres, mais comme beaucoup de choses dans la vie, un apprentissage par l'expérience permet de mieux s'y confronter. A mon avis, il faut beaucoup plus travailler ses morceaux quand on les joue en public, les peaufiner dans ses passages les plus délicats; mais cela passe aussi par un choix adapté des morceaux (si possible dans lesquels on se sent à l'aise dès le début, ceux qui commencent lentement par exemple); de mon côté, j'essaie aussi de choisir des morceaux pas trop longs en ce moment (ce qui n'était pas le cas quand j'ai commencé à jouer en public par exemple où c'était régulièrement la catastrophe). Enfin, bref, il y a des "trucs" qu'on peut apprendre par l'expérimentation.