Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

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Christof
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Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Christof »

Vous connaissez sûrement tous le film Fahrenheit 451 de François Truffaut (sorti en 1966) basé sur le roman de science-fiction de Ray Bradbury (publié en 1953) aux États-Unis. Le titre fait référence au point d'auto-inflammation, en degrés Fahrenheit, du papier. Cette température équivaut à 232,8 °C (mais en fait, il paraît que Ray Bradbury se soit trompé et que le point d'auto-inflammation serait plutôt de 480 degrés Fahrenheit).
L'histoire nous plonge dans une société future où la télévision est une « famille » et où la lecture est un acte interdit. Dans cette société un peu totalitaire, les pompiers ont pour mission de traquer les gens qui possèdent des livres, et de brûler tout ouvrage en leur possession. Réduire tout cela en cendres, faire de beaux bûchers en place publique.

Image

Mais il existe des résistants qui décident de partir loin de cet enfer : chacun mémorise par coeur un livre et en porte le nom. Cette communauté devient en quelque sorte la mémoire humaine d'une bibliothèque.... (enfin de ce qu'il en reste). Et faire alors perdurer cette mémoire, en récitant ensuite les livres aux enfants, afin qu'ils les apprennent et permettent la survivance dans le temps.

Quel rapport avec nous me direz-vous. Pourquoi un tel fil dans ce forum ?
Pmistes, ne sommes-nous pas déjà à l'orée de voir bientôt les partitions des maîtres brûlées en place publique ? Pas par le feu, mais par le développement incroyable de certaines technologies (dont l'intelligence artificielle), développement moins dicté par un désir de "progrès pour l'humanité" que par un intérêt mercantile dans un monde où la valeur boursière des GAFAM (Google, Apple, Facebook,Amazon et Microsoft) s'élève aujourd'hui à 140% du PIB de la France ; ces sociétés ne représentant d'ailleurs, en chiffres cumulés que près de 600.000 salariés.

Aujourd'hui, l'IA (Intelligence artificielle) envahit la musique et cela n'est pas sans poser nombre de questions.
Peut-être n'est-ce que conjectures, mais il n'est pas forcément idiot de déjà se les poser ces questions, bien en amont.
Les enfant joueront-ils par exemple encore du piano au siècle prochain ? D'ailleurs existera-t'il encore de véritables pianos (et pas seulement des numériques) en vente dans les magasins (on pourra se poser la question d'ailleurs pour tout instrument) ? Les musiques de films, documentaires, publicités, jeu vidéos, etc. seront elle encore composées par des humains ? (et donc que vont devenir les compositeurs ?).
Mais plus profondément, que va devenir l'enseignement de la musique puisque maintenant, tout peut-être assisté par ordinateur... Quelle perception de la musique auront les enfants dans un siècle ? (ou même avant). Pour eux, est-ce que jouer ou composer sera intéressant ? Ou plutôt sera considéré comme du temps perdu, puisqu'un simple logiciel le fera mieux qu'eux...

On peut toujours se rassurer en se disant que jamais une machine ne pourra atteindre le millième de milliardième de l'émotion que peut nous transmettre un interprète humain... Que le domaine de la création n'appartient d'ailleurs qu'à ce dernier... Mais plus je regarde l'état de l'art, et fort de ce qu'on pouvait déjà dire dans d'autres domaines et dont on voit maintenant les résultats, plus je commence à en douter.

Toutes ces innovations nous sont présentées comme quelque chose qui va décupler nos possibilités. Prenez une IA couplée au cerveau d'un compositeur (via un logiciel) et vous allez voir ce que vous allez voir !! Sauf que la question pour moi est alors: aura-t-on vraiment encore besoin du compositeur ? Les musiques que n'importe qui peut obtenir en maniant juste le logiciel (et donc sans vraiment de connaissances musicales) seront de plus en plus "valables" aux yeux des "acteurs économiques".

Allons plus loin : est-on vraiment sûr qu'une machine, un système avec des doigts robotisés par exemple (mais on peut penser à bien d'autres choses), ne pourra pas jouer aussi bien que ne le ferait un maître ? Il me serait très long de développer ici, mais je suis sûr que ce sera vite le cas. Enfin, ce sera l'illusion du jeu d'un maître.

Quand à savoir si on aura envie d'aller voir ce genre de spectacle, où c'est une simple machine qui "concertise"... là est aussi la question.

En espérant que ce ne sont que simples conjectures, que l'humain aura encore toute sa place artistique à jouer dans un tel monde, lisez ce qui suit...


Musique et vidéo créées par une IA


Regardez et écoutez bien cette vidéo, le clip visuel et la musique ont entièrement été produits par une IA. L’instrumentation a été réalisé par Amper, un ordinateur intelligent, qui a "cherché" et composé, utilisant ici un algorithme capable de suivre les goûts du public en matière de musique.
Bon il y a encore de l'humain là-dedans : Taryn Southern a composé les paroles et chante "Break Free ".
Ceci pose aussi cette question : à qui doivent aller les droits d'auteurs pour la musique ?

Plus fort encore
Exemple d’une musique composée à l’aide d’AIVA, pour illustrer un film, présentée lors de la GPU Technology Conference 2017
GPU est un terme qui veut dire que le système inclut des milliers de cœurs dans le hard informatique pour effectuer efficacement les calculs en tâches parallèles et mieux abreuver les neurones artificiels de cet IA développée par une start-up française (AIVA Technologies). Ces "neurones" utilisent le deep learning, méthode d’apprentissage automatique fondée sur des modèles de données, avec des bases de données dans laquelle figurent bien sûr Bach, Mozart, Beethoven…, mais aussi bien d'autres. Et c’est comme cela que le système apprend la composition de la musique classique occidentale. Et la machine apprend de ce qu'elle apprend. Ici, ce qui avait été demandé était une "musique de film".
Et là, pas banal : ce système d'apprentissage approfondi a acquis la reconnaissance juridique en tant que compositeur. Tous ses travaux ont désormais un droit d'auteur sur son propre nom. A quand le compte en banque pour une IA ?

C'est toujours pareil, l'idée au départ, c'est pour nous faciliter les choses :"Pour faciliter les travaux des compositeurs et leur permettre de se recentrer sur leur créativité" comme l'explique par exemple la start-up française Hexachords qui, elle aussi, a développé une intelligence artificielle capable de composer de la musique orchestrale. "Cela ne remplacera jamais les musiciens"..., nous disent-ils.
Les taxis Uber, c'était pareil : "on ne trouve jamais de taxi quand on en a besoin... créons une plateforme pour faciliter les choses, ce qui permettra de mettre instantanément le client en rapport avec des chauffeurs"... Sauf que le vrai projet maintenant dans la tête d'Uber, c'est de se passer complètement du chauffeur humain (ça coûtera moins cher)...
La voiture autonome n'est pas loin. Méfiance, méfiance.

Aiva, pour revenir à elle, a bien sûr commencé à toucher aussi à la composition pour piano... La première est sortie en février 2016. Pas forcément terrible, mais ce n'est qu'un début. Après plusieurs mois d’apprentissage, Aiva ne cesse d'apprendre d'elle même.
Un exemple ici
"Notre vision de la création de Aiva et notre volonté de la rendre capable d’atteindre le génie de Mozart ou Beethoven relève de la science fiction pour certains", explique le pdg d'Aiva. Il faut savoir que l'idée qui l'a porté dans la réalisation de tout cela, c'est rien moins que de "pouvoir terminer les morceaux inachevés de musique classique les plus emblématiques en respectant le style et le génie des compositeurs qui n’ont pu terminer leurs œuvres."

Des start-ups comme celles-là commencent à éclore partout sur la planète. Certaines machines commencent à explorer Chopin, apprenant de sa musique, pour composer dans son style...
Bon, là aussi, ce sont les débuts, mais on en reparle dans quelques temps. Et imaginez cela couplé à un piano avec un super son (on l'entend ici, c'est la machine qui a composé, et un homme joue). Mais on peut aussi aller plus loin dans la prospective : imaginez une machine ayant appris aussi via une gigantesque base de données de toutes les interprétations de tous les meilleurs concertistes ayant joué les oeuvres... Un dispositif qui justement apprend à émouvoir par l'interprétation... Enfin, nous trompant sur l'émotion.. car nous faisant croire qu'elle même en ressent, de l'émotion en jouant... Ce qui, par association d'idées, me fait penser à ce livre que je vous conseille de lire : "Les machines apprivoisées : comprendre les robots de loisir, par Frédéric Kaplan.

Je ne manque pas de vous livrer ici le début de cet ouvrage :
"Les enfants du XXIe siècle naissent dans un monde habité par la magie. Dans ce monde, la technologie, pourtant omniprésente, semble avoir disparu. Elle est devenue cachée. Seuls les effets sont observables. Des machines informatiques, nous ne percevons bientôt plus que des interfaces, parties émergées d'un immense iceberg dont la complexité reste dans l'ombre. Pour les enfants ce cette nouvelle génération, l'essentiel sera d'abord d'apprendre les chemins pour naviguer dans cet univers surnaturel (...). Mais vivre dans ce monde, ne signifie pas être magicien soi-même." Puis, l'auteur parlant de lui : "Avec les progrès de l'informatique, avec les avancées de l'intelligence artificielle, tout semblait possible. La machine était en train de conquérir des territoires où elle ne s'était jamais aventurée. (...) C'est ici que notre histoire commence. En décembre 1977, nous reçûmes la visite de Masahiro Fujita, un collègue japonais. Il venait nous présenter la recherche que lui et son équipe menaient depuis 5 ans à Tokyo au sein d'un laboratoire au nom énigmatique de D21. Il ne parla pas beaucoup et se contenta de nous passer une cassette vidéo. Sur le film, nous vîmes un robot quadrupède qui jouait avec une balle. Sur ce prototype sans carapace, on pouvait voir les fils, la carte-mère, la caméra. Pas de doute, c'était un robot. Pourtant, par ses mouvements, il était clair que c'était un robot d'un type nouveau. Il avait l'air vivant. Il avait l'air d'agir de son propre chef".(...) Ces machines, en créant l'illusion de la réalité contribuaient à rendre flou les différences entre le naturel et l'artificiel. Face à ces nouvelles machines, il n'y avait bien sûr pas de réactions de défiance. Je rencontrais souvent des personnes enthousiasmées par nos recherches et par les perspectives technologiques qu'elles ouvraient. "

Pour finir, voici un menuet composé par une IA, dans le style de Bach
(Voir aussi ce film)

En 2012, le scientifique François Pachet travaillant au laboratoire SOny CSL avait conçu un système (nb pour les spécialistes : basé sur des chaînes de Markov) qui faisait que, quand vous commenciez à jouer du piano, la machine continuait le morceau, dans le style ou vous l'aviez commencé (voir la vidéo).
Voir aussi ce film

Maintenant, on n'en est plus là : plus besoin d'un vrai pianiste pour mettre la machine sur la voie... Elle sait le faire toute seule.

Bon, c'est pas le tout... Je retourne à mon piano. J'ai du Bach à travailler
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Presto
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Presto »

Je préfère mille fois la perspective ouverte par un film de science fiction, Atlantica, où l'on entend discrètement le 3e impromptu de Schubert avec une sur-main-droite qui brode au-dessus, ce n'est pas d'un goût génial mais quand les protagonistes sortent du concert on voit l'affiche du concert, le pianiste a 6 doigts !
Presto, bien heureux d'être de son temps :wink:
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Cadenza
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Cadenza »

Peut-être en arrivera-t-on là.

J'ai tendance à ne pas m'en faire avec cela.

D'une part parce que, à mes yeux, le futur est des plus incertains! Avec tous les problèmes qu'on a (changement climatique et compagnie), je trouve le futur complètement impossible à prédire! Je sens que l'humanité va bientôt frapper un mur et comment nous parviendrons à le franchir me paraît complètement impossible à savoir!
Lorsque des gens parlent d'un futur avec des robots partout, je ne peux m'empêcher de penser à l'épuisement des ressources et au fait que le métal nécessaire pour ces systèmes complexes n'est pas illimité*.
Avec les défis qui nous attendent, j'ai souvent plutôt l'impression que l'humanité va revenir à un niveau de complexité moindre que ce que l'on connait aujourd'hui. Le système économique finira par changer, car la croissance infinie dans un monde fini est impossible. Et lorsque cela arrivera, je me plais à penser que l'on cessera d'être motivé par sans cesse plus de productivité, qu'on n'aura plus besoin d'autant d'argent pour soutenir une consommation qui devra réduire, donc qu'on réduira à la fois la consommation et la production, donc les heures de travail. Et qu'on redeviendra un peu plus humain dans le processus. Ce qui nous donnera, au contraire, plus de temps à consacrer aux arts, et à nos relations avec les autres, plutôt que de s'échiner au travail, 8h par jour (je crois que c'est 7h en France).
Ça, c'est ma vision du futur post-crise. Évidemment, rien ne garanti que c'est la direction que l'on prendra. Et rien ne dit combien de temps la crise durera et dans quel état on s'en sortira.

J'avoue que d'ici là, j'essaie de ne pas trop y penser, car je n'ai pas de pouvoir sur ce genre de choses**, et que je me suis rendue littéralement malade à trop y penser.

En attendant, aujourd'hui, j'ai du plaisir à jouer d'un instrument. Et ce plaisir, la technologie ne le fera pas disparaître. Ce qui me laisse croire que l'humain continuera de jouer de la musique même si l'intelligence artificielle arrive à nous surpasser en ce domaine. Après tout, il me semble que l'IA arrive à battre le meilleur joueur d'échec sur Terre. Cela n'empêche pas les gens de jouer aux échecs.

* J'avais commencé à rédiger un essai de maîtrise sur l'obsolescence programmée, et une partie de mon essai parlait de cette question de l'épuisement des ressources. Malheureusement, des problèmes de santé ont fait en sorte que j'ai mis de côté cet essai... et la maîtrise aussi, du même coup.
** J'essaie en fait de faire ce que je peux, à mon échelle. Et pour moi, cela passe par une implication politique, car je pense que le changement devra passer par le politique, étant donné que les sièges décisionnels au niveau sociétal sont là. Mais malheureusement, ces systèmes sont beaucoup trop lents par rapport à l'ampleur des défis auxquels nous faisons face.
Mon parcours musical, du jour 1 (février 2016), avec ses hauts et ses bas. ;)
Presto
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Presto »

Finalement, ton fil est inquiétant, certains des liens que tu donnes sont troublants. J'ose espérer qu'on ne se laissera jamais prendre par un pâle reflet de Bach ou de Chopin ou de Beethoven, encore que la musique a connu ses talentueux faussaires. Mais la question qui me taraude serait celle de savoir à quel point nous ne serions pas pris au quotidien dans les mailles du filet d'une IA...
Récemment, je regardais un film avec une amie musicienne, elle expliquait à sa fille que lorsque cela devenait émotif, on mettait du violoncelle :idea: :oops: , la musique était basique, mais ça fonctionnait... Musique d'IA ? je ne crois pas, mais patience, Disney sait investir et déjà réduire la taille des orchestres ...
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Christof
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Christof »

... message parti trop vite
Modifié en dernier par Christof le lun. 28 août, 2017 19:52, modifié 1 fois.
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Christof »

Presto a écrit : lun. 28 août, 2017 19:09 Mais la question qui me taraude serait celle de savoir à quel point nous ne serions pas pris au quotidien dans les mailles du filet d'une IA...
Si tu savais à quel point on y est déjà, en tous cas dans d'autres domaines....

Et oui, pour ce qui concerne la musique, c'est très inquiétant.
J'y reviendrai bientôt pour aller encore plus au fond de ma pensée et mieux l'expliciter . Le monde sera ce qu'il sera - et à mon avis ce qu'on nous présentera comme "gagné" se fera au prix de choses que j'estime fondamentales, qui seront très vite irrémédiablement perdues.
Nous avons beaucoup à transmettre. Et je pense qu'Il y a urgence

Merci aussi à Jouishy pour sa réponse
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Typé »

Presto a écrit : sam. 26 août, 2017 19:58 Je préfère mille fois la perspective ouverte par un film de science fiction, Atlantica,
C'est bienvenue à Gattaca! :arrow: (en référence aux molécules qui composent l'ADN)
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Presto »

oui, c'est bien ça !
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Tatafanfan »

Typé a écrit : lun. 28 août, 2017 21:05
Presto a écrit : sam. 26 août, 2017 19:58 Je préfère mille fois la perspective ouverte par un film de science fiction, Atlantica,
C'est bienvenue à Gattaca! :arrow: (en référence aux molécules qui composent l'ADN)
Etrange, je viens juste de le voir (GATTACA) il y a deux semaines, après avoir écouté une conférence d'un astrophysicien sur Youtube et qui le recommandait (ah ces fameuses guanine, adénine, cytosine etc....).j'ai remarqué les 6 doigts, le Schubert parce que je le travaillais depuis la mi-mars (en revanche dans les crédits musicaux à la fin, j'ai attentivement regardé, il n'est pas mentionné et a fortiori pas par qui interprété...).
Pour tous ces longs développements de l'AI dans la musique, interprétation, composition, etc.... je ne peux qu'être "attentiste": ayant choisi comme sujet de mémoire de maîtrise de psychosociologie en 1969 (et oui) la relation médecin-malade de type médecin de famille versus médecin de centre de santé ou hospitalier, j'avais ajouté, à la fin des entretiens, une question subsidiaire "Pensez-vous que dans le futur, la médecine pourra être exercée par des robots" (laissant ceci très vague et ouvert) et bien, les consultants acceptant l'interview ont majoritairement répondu non,"on ne remplacera jamais le savoir-faire humain, la qualité d'empathie, etc, tout ce qui fait qu'un (bon) médecin est un médecin, même s'ils savaient très bien que déjà des outils diagnostiques étaient à disposition. Quand vous avez 39 de fièvre vous n'appelez pas (encore) un robot !!!

Et donc, pour la musique, on peut toujours lire tout ceci (cf vos posts supra), mais ne nous affolons pas
Alors ce matin je vais m'attaquer à la version piano écrite par Monsieur Jules Massenet lui-même de sa célèbre Méditation de Thais ! c'est mon morceau de rentrée.... Sans ordi, en vraie partition papier, etc...
Tatafanfan
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Presto »

Presto a écrit : sam. 26 août, 2017 19:58 Je préfère mille fois la perspective ouverte par un film de science fiction...
j'avais gardé un souvenir très partiel du film, mais les perspectives ouvertes par ce film sont une horreur.
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floyer
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par floyer »

Il a été question de robot jouant au piano... pour moi, c'est fait depuis longtemps. Au début avec des bandes type rubans pour orgues de Barbaries. Maintenant, ce sont des électroaimants, comme avec les Disklavier (Yamaha), ou CEUS (Bösendorfer). Donc on sait reproduire une prestation de maître, reste à voir avec quelle précision.
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Christof
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Christof »

floyer a écrit : dim. 03 sept., 2017 21:38 Il a été question de robot jouant au piano... pour moi, c'est fait depuis longtemps. Au début avec des bandes type rubans pour orgues de Barbaries. Maintenant, ce sont des électroaimants, comme avec les Disklavier (Yamaha), ou CEUS (Bösendorfer). Donc on sait reproduire une prestation de maître, reste à voir avec quelle précision.
Oui reproduire, c'est fait depuis longtemps, Diskalvier, CEUS, et puis les disques. Mais là, je parle complètement d'autre chose. Une machine qui "jouerait" d'elle-même comme un maître. Je ne sais si des sociétés travaillent déjà là dessus, mais je suis à peu près sûr que cela va se faire.
Ce que j'écris ci-dessous est très simplifié, ce serait trop long à expliquer dans le détail (avec tous les modèles mathématiques derrières) ici mais voici l'idée :

imaginons un clavier (par exemple celui Piano Phoenix , qui permet un toucher extrêmement fouillé pour un clavier numérique avec 1300 degrés par notes.
Imaginez maintenant une base de données avec tous les morceaux ayant été enregistré par des maîtres et que chaque morceaux puisse repasser dans la moulinette du piano Phoenix, avec derrière un logiciel, qui pour chaque note, sait donc le "dosage", le toucher, et les interelations entre chaque note. Maintenant, inventez une machine qui fonctionne avec des réseaux neuronaux qui utilisent le "deep learning" et vous lui mettez dans sa base de données des morceaux joués par des maîtres, et aussi les mêmes joués par des pianistes "moyens" et vous faites savoir à la machine que celle des maîtres est bien plus intéressante (il y a des moyens mathématiques pour cela). Ensuite, vous demandez à la machine de trouver les "raisons" pour lesquelles celle des maîtres est bien plus intéressante (en lui donnant quand même des pistes). En passant tout à la moulinette, la machine va pouvoir trouver des constantes dans l'interprétation, trouver des lois. Savoir toujours mieux ce qui différencie la prestation d'un maître de celle d'un pianiste pas terrible. Ensuite, vous demandez à la machine de faire sa propre interprétation à partir de ce qu'elle a appris. Ensuite vous la notez, vous lui faites savoir que tel endroit n'est pas terrible, que celui-là est bien, etc... Vous entraînez ainsi la machine. Cela peut aussi passer par le fait de transformer les morceaux en "images" qui définissent des formes (le morceau étant une somme d'images, une somme de formes), qui peuvent être traitées ensuite par la machine pour toujours mieux trouvez des relations et des constantes entre certaines interprétations.

Petite digression : les meilleurs moteurs de recherche utilisent ce genre de choses pour mieux comprendre dans quel sens sémantique est employé un mot dans une phrase. Par exemple, si vous prenez différents textes dans lequel on parle d'une orange, vous verrez que le plus souvent, il y a souvent les mêmes mots autour. Idem si cette fois ci, on ne parle pas d'une orange, mais de la société orange, ce seront d'autres mots... Si la machine fait une image de chaque texte, qui va être transformée en une forme, elle va trouver toujours des constantes dans cette forme quand on parle du même mot. Du coup, on s'aperçoit que pour trouver le sens d'un mot, on peut recourir à l'image, qui est bien plus "parlante". Puis vous demandez à la machine de produire sa propre interprétation, en cherchant un peu de nouveauté, tout en restant dans une "moyenne", celle qui définit l'interprétation subtile (celle des maîtres)
Bon, je ne vais pas faire un cours ici, mais il existe des tas de méthodes qui permettent d'arriver à des algorithmes toujours plus puissants.





Ce que je veux dire par là, c'est que je suis convaincu qu'une machine va être capable, à plus ou moins long terme, de "flouer" un auditeur, même le plus entraîné. Elle sera capable de proposer une interprétation qui, si vous l'écoutez sans savoir d'où elle sort, vous fera croire qu'il s'agit vraiment d'un pianiste humain qui est en train de jouer, d'un nouveau talent que vous ne connaissiez pas encore, et qui va vous émouvoir comme jamais.
Un test de Turing en sorte par la musique....

Lorsque la machine à battu l'homme aux échecs, tout le monde s'est consolé en parlant du jeu de go en assurant : la machine ne pourra jamais battre un homme à ce jeu. Et pourtant le programme AlphaGo développé par Deep mind a fini par battre Lee Sedol (le meilleur joueur mondial) à plate couture (4 à 1). Lee Sedol a déclaré : "« La vieille croyance à la créativité humaine et à nos connaissances traditionnelles sur le go ont été mises à l’épreuve par mon expérience, et je me rends compte que j’ai du travail à faire dans cette direction. »
Or le jeu de go n'est pas qu'un jeu stratégique, c'est aussi un art...
"Le jeu de Go est le Graal de l’intelligence artificielle, un des objectifs les plus durs à atteindre », expliquait Tristan Cazenave, professeur à l’université Paris-Dauphine et spécialiste de la programmation des jeux. Le nombre de combinaisons possibles est en effet beaucoup plus grand que pour les échecs. Mais le Deep Learning, ou les réseaux de neurones profonds qui forment une « machine virtuelle » aux paramètres ajustables de manière à fournir la meilleure réponse possible, a bouleversé le champ de l’intelligence artificielle ces dernières années.

A mon avis, le prochain Graal pour l'IA, c'est la musique...
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Christof »

Et pour continuer, afin d'alimenter la discussion (si jamais il y en avait une), voici une vidéo d'un concert donné en hommage à Alan Türing (regarder à partir de 6'33 - mais on peut regarder aussi le début qui parle du compositeur de ces morceaux, Iamus, une machine, conçue à l'université de Malaga en Espagne et qui fonctionne à partir d'algorithmes génétiques).
Les interprètes sont des humains. C'était en 2012

On entendra successivement
"Colossus", morceau pour piano - joué par Gustavo Diaz-Jerez
"Ugadi", morceau pour violon - joué par Cécilia Bergovich
"Alphard", morceau pour clarinette - joué par Cristo Barrios
"Kinoth", morceau pour piano et violon - joué par Gustavo Diaz-Jerez et Cecilia Bergovitch



Si je ne vous avais pas dit que c'était entièrement composé par une machine, l'auriez-vous cru ?
Ce qui est fou ici, c'est de constater combien la machine "connaît" les pré-requis de l'instrument (on n'écrit pas à la clarinette comme on écrit pour le violon, ou le piano...)


Ici, en 2013, "Adsum", pour orchestre symphonique :


En savoir plus sur Iamus
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Christof »

Suite des aventures...

Décidément, la robotique cherche à se placer partout...
Maintenant, on apprend que YuMi, le premier robot à "double bras véritablement collaboratif" au monde, a fait ses débuts à l'opéra le 12 septembre 2017 en conduisant le ténor italien Andrea Bocelli et l'Orchestre philharmonique de Lucca au Teatro Verdi à Pise...
Ce robot a été élaboré en Suisse par la société ABB.
Et ce qui est bizarre, c'est qu'à la fin, tout le monde applaudit...

"Il est très flexible» et possède «la même mobilité que moi», a estimé Andrea Colombini.

Pour Ulrich Spiesshofer, CEO du Groupe ABB : « Cette soirée est un moment historique pour la robotique et pour le futur de ses applications. La performance de YuMi® est un formidable exemple d’une collaboration réussie entre humain et robot. »

Ces gars là ne doutent de rien...

Allez les musiciens, menés à la baguette d'acier vous-dis-je... La servitude volontaire, quoi...



Et Andréa Colombini, en train de scier la branche de l'arbre sur laquelle il s'est assis...
Étonnant non ?

"Travailler pour maîtriser la technique nuancée d'un directeur d'orchestre humain avec YuMi a certainement été l'une des tâches les plus satisfaisantes, quoique difficile, de ma carrière professionnelle (...) La technologie sophistiquée de YuMi m'a excité et a révélé de nombreuses façons possibles de réaliser l'art et la musique à travers le robot."
"La performance du robot a été développée en deux étapes. Tout d'abord, mes mouvements ont été capturés avec un processus appelé «programmation directe», où les deux bras du robot sont guidés pour suivre mes mouvements avec une grande attention aux détails ; ces mouvements sont ensuite enregistrés. La deuxième étape a été de peaufiner les mouvements du logiciel RobotStudio d'ABB, où nous nous sommes assurés que les mouvements étaient synchronisés avec la musique. Bien sûr, cela a nécessité l'expertise technique d'ABB, mais la programmation directe m'a permis de me concentrer naturellement sur ce que je fais le mieux, ce qui amène la musique à la vie. Il est incroyable pour moi que cela puisse se faire si bien.
Je dois dire que le résultat final est incroyable. Les nuances gestuelles d'un chef d'orchestre ont été entièrement reproduites à un niveau qui m'était auparavant impensable. Mais nous l'avons fait : YuMi atteint un très haut niveau de fluidité de geste, avec une douceur infinie de toucher et une nuance expressive. C'est un incroyable pas en avant, compte tenu de la rigidité des gestes qui ont pu être effectués par les robots précédents.(...)
J'imagine que le robot pourrait servir d'aide, peut-être pour exécuter, en l'absence d'un conducteur, la première répétition, avant que le réalisateur n'arrive à effectuer les ajustements qui donnent lieu à l'interprétation matérielle et artistique d'une œuvre de musique."


Deux jours avant cette représentation, voilà aussi ce qu'il disait aussi : "Une fois que nous nous sommes entendus, YuMi et moi sommes devenus de bons amis et j'attends avec impatience la performance."








A noter :
il y avait déjà eu un précédent en 2008, avec le robot ASIMO créé par Honda et qui avait dirigé l'orchestre symphonique de Detroit . A cette époque, on considérait cela certainement plus gadget que maintenant.
D'ailleurs, c'est Andréa Colombini qui le dit lui-même : "la sophistication de YuMi en cette matière est bien supérieure aujourd'hui à celle d'Asimo, le robot crée par Honda."
pianojar
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par pianojar »

Un court article en anglais à propos des robots
http://www.chinadaily.com.cn/business/t ... 140503.htm
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amalfi
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par amalfi »

Un petit article du Monde sur le sujet:
http://www.lemonde.fr/pixels/article/20 ... 08996.html

Pour ma part ces technologies me semblent apporter un vrai renouveau dans la musique, aux artistes d'en jouer. Je me souviens du souffle d'air frais qu'à amené le logiciel Rebirth du groupe Propelleheads à la musique électronique de la fin des années 90. C'était un début...
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Stéphane f
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Re: Bientôt Fahrenheit 451 pour tous les musiciens ?

Message par Stéphane f »

Bravo Christof pour ta réflexion et ton exposé,

Je suis + optimiste.
Une même réflexion s’est posée pour la peinture au moment de l’avènement de la photographie. Il y a eu des pour, des contres et des inquiets. La peinture existe toujours en temps qu’Art, aux cotés d’une photo parfois artistique, documentaire ou commerciale.

La richesse c’est dans la différence.
Si demain toutes les musiques deviennent lisses, issues d’une même souche, naturellement nous irons chercher autre chose. L’émotion naît du contraste, de la variété, de la surprise, de l’imperfection.

Les deux musiques existeront en parallèles pour des finalités différentes.
Comme pour le fromage, il y aura la musique pasteurisée et la musique au lait cru.
Et chacun son beurre. :)
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