Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

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Christof
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Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Dans le fil "Lettre ouverte à votre ancien professeur", j'en étais arrivé à vous conter mon arrivée, à partir d'un quiproquo, dans la classe d'arrangement et d'orchestration d'Ivan Jullien.
Et ceci m'a donné l'idée de créer un fil qui serait uniquement dédié à ses cours, à la façon dont je les ai vécus, la façon dont ils m'ont transformé.
Un fil comme une immense lettre de remerciement. Montrer aussi quel homme et quel puits de science musicale était Ivan Jullien.
J'espère que vous pourrez y trouver des choses intéressantes. J'aimerais aussi, avec ce fil, montrer que le plus inattendu est possible. Qui aurait cru qu'après à peine trois mois dans sa classe, il me serait possible de savoir déjà écrire comme les autres étudiants des arrangements pour toute une section de cuivres et que cela sonnerait finalement pas si mal du tout ? Si on me l'avait dit avant, je ne l'aurais certainement pas cru.
Puisse alors ce témoignage vous donner des forces parce que je sais que si on en a le goût et que l'on s'accroche, tout devient possible.


Par quel bout commencer ? J'avoue que la tâche me semble vertigineuse.

Ivan Jullien chez lui.jpg
Ivan Jullien chez lui.jpg (48.58 Kio) Vu 1261 fois
Ivan Jullien, chez lui, en 2011, peaufinant un de ses arrangements

Par où commencer ? Peut être par cette question : qui dans ce forum a déjà entendu parler d'Ivan Jullien (1934 - 2015) ? Et pourtant !

Pour faire court, voilà ce qui pourrait le présenter :
Des ensembles prestigieux, talents d’instrumentiste, de compositeur, d’arrangeur et d’orchestrateur qui subjuguent. A l’aise dans tous les styles musicaux il est certainement l’un des plus grands arrangeurs orchestrateurs de ce monde, l'un des plus érudits de sa génération. Il a été récompensé en 2003 aux victoires de la musique pour l’ensemble de son œuvre. Il a travaillé pendant plus de 40 ans, en collaboration avec les plus grands.

Quelques films comme arrangeur : Un homme et une femme, Le soleil des voyous, Le passager de la pluie...
Quelques films en temps que compositeur/arrangeur : Tir groupé, Ronde de nuit, the Eye of The Widow...
En tout : 40 films.

Plus de 10 000 arrangements pour, notamment :
Michel Legrand, Claude Nougaro, Henri Salvador, Charles Aznavour, Eddy Mitchell, Johnny Halliday, Sacha Distel, Nicoletta (l'arrangement de "oh mamie blue", c'est lui), Bernard Lavilliers, Françoise Hardy, Michel Jonasz, Charles Trénet, Count Basie Orchestra, Michel Leeb, Dee Dee Bridgewater, Elton John.. Il a aussi collaboré avec Quincy Jones.

Comme trompettiste, il a joué notamment avec Kenny Clarke, Bud Powell, Lester Young, Meynard Ferguson, Johnny Griffin, Dexter Gordon, Slide Hampton, Michel Portal, Eddy Louis, Les double six et des dizaines d'autres, mais a été aussi trompettiste dans l'orchestre de Johnny Halliday, Claude Nougaro, Eddy Mitchell...

Il a enseigné pendant plus de 30 ans, dans toutes les techniques de l’arrangement et de l’orchestration musicale. Ivan aimait dire que l’écriture pour un orchestre classique ou de jazz se réfère aux mêmes lois : seuls les styles et la composition de l’orchestre varient.

C'est toujours pareil avec ces personnes super talentueuses, l'histoire commence comme cela : c’est en 1956, à 22 ans qu’il s’achète une trompette Couesnon et apprend tout seul en s’entraînant sur les disques de Dizzy Gillespie, Clifford Brown ou Miles Davis. Puis il prend des cours avec Jean-Jacques Greffin. Et à peine au bout d’un an de trompette, il va déjà faire des bœufs au Tabou (fameuse boîte de jazz de l’époque). En 1957, il décide de devenir musicien professionnel et pratique un peu tous les styles, notamment aux côtés de Lester Young, Kenny Clarke, Jacques Hélian, Claude Bolling…
"C’est au Japon que j’ai fait ma rencontre avec le jazz où j’ai entendu des orchestres américains. Et là que je me suis dit : c’est ça que je veux faire. Après être rentré en France (je faisais la guerre d’Indochine), la première chose que qui m'a pris, au grand dam de mes parents, c’est de m’acheter une trompette. Je faisais des petits boulots et, en même temps, j’allais essayer de faire le bœuf le soir au Tabou avec un nommé Jean-Claude Fohrenbach, sax ténor de son état, et c’est comme ça que j’ai commencé le jazz. Là bas, comme pianiste, il y avait Georges Arvanitas, un super bon, donc ça rigolait pas. Je n'étais pas un musicien terrible terrible : des fois j’avais le droit de jouer, des fois non. Mais ils me demandaient de faire des remplacements car ils participaient souvent à des galas ici et là et me laissaient donc à ces moments comme trompettiste attitré du Tabou. Alors à force, j’ai commencé à devenir un petit peu moins mauvais, et puis de moins en moins mauvais. Et un jour j’ai été engagé par Jimmy Walter pour jouer au Sexy, une boîte de strip-tease, rue Pierre Charron… C’est comme ça que j’ai pu faire des progrès. Alors on m’a demandé de faire des trucs à droite et à gauche. Je courrais aussi le cacheton en allant place Pigalle, lieu de rendez-vous des musiciens et des chefs d’orchestre qui venaient engager des gens. Il fallait manger, alors j’ai fait des galas, avec Pierre, Paul, Jacques, avec tout le monde. On faisait un peu n’importe quoi, et moi j’étais là pour faire le jazz. Dans les orchestres de musettes, de temps en temps ils incorporaient quelques morceaux de jazz alors c'était à moi de jouer. On faisait aussi du passo doble, ce qui fait que petit à petit, je jouais vraiment bien, de tout, du mambo aussi, et c’est venu aux oreilles d’un certain Benny Bennett qui m’a engagé. Et là, cela a été vraiment le début de tout"...

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Comme il le confie, deux passages seront très importants dans sa vie : celui dans l’orchestre de Benny Bennett, à partir de 1961, où Ivan parfait sa technique et y apprend à jouer les aigus aux côtés de solides trompettistes comme Tito Puentes, Pierre Thibaud ou Sonny Grey. Et c’est là que Benny Bennett teste les débuts d’arrangeur d’Ivan. "Il m’avait pris au tout début : je jouais moyennement de la trompette, je lisais très mal la musique et bien sûr, je ne faisais pas encore des arrangements. Et quand je suis sorti de cet orchestre, j’étais devenu un vrai premier trompette, je lisais bien la musique et je faisais des arrangements. Un jour il m’a dit : « tiens, on va aller au Blue note et tu emmènes ta trompette car on va faire le bœuf. J’avais carrément la trouille car l’orchestre du Blue note, c’était Kenny Clarke, Bud Powell, Pierre Michelot à la contrebasse (qui était à l’époque le meilleur contrebassiste français) et Johnny Griffin au sax ténor. Et dans la salle, il y avait Quincy Jones pour écouter, Oscar Pettiford et Stan Getz… Alors quand vous vous considérez comme encore débutant, aller faire le bœuf la-dedans ! Je me suis lancé, tant pis (sans ça j’étais viré de l’orchestre). Et quand plus tard Quincy Jones a su que je me trouvais à Los Angeles (il m’avait dit « rappelle moi »), il m’a fait faire une séance".

Le deuxième passage se fera, à partir de 1965, surtout en tandem soliste avec Roger Guérin, ce dernier lui laissant son orchestre à partir de 1966.
"Le premier big band (j’en suis au 5ème) c’est avec Roger Guérin qui connaissait un producteur allemand Gert Berg, qui avait décidé de faire venir des Français en Allemagne. On a joué, on a fait un concert et cela s’est très très bien passé. Et tout le monde, au retour de dire : c’est vraiment dommage de laisser tomber cet orchestre. A l'époque Roger Guérin faisait énormément de séances en studio comme musicien et il était très pris, donc il a laissé tomber l’orchestre. A l’époque je commençais à faire pas mal d’arrangements. Roger m’a dit : reprends l’orchestre. Ce que j’ai fait. En fait je n’ai pas repris l’orchestre entier, j’ai repris quelques éléments de l’orchestre et j’ai rajouté d’autres musiciens que j’aimais bien. Et on a fait alors l’album «Paris point zéro» en 1966. L’orchestre s’appelait "Paris jazz all stars", avec, Maurice Thomas et moi (tp1), Roger Guérin (tp), Bernard Vitet (pocket tp), Raymond Katarzynski (tb1), Christian Guizien, Camille Verdier (tb), Jacques Nourredine (as1), Michel Portal (ts, fl), Bob Garcia (ts), Eddy Louiss (p, org), Gilbert Rovère (b), Charles Bellonzi (dm), Andy Arpineau (perc). Et puis quand on a fini de faire le tour des festivals et des concerts, c’était fini. Donc c’était pas facile de faire vivre un big band à l’époque (et d’ailleurs, c’est encore pire maintenant)".
"Y’ a pas énormément de boulot", comme dirait Ivan, surtout pour un musicien de jazz dans un big band, et qu'on annonce au tourneur qu’on est vingt musiciens dans l'orchestre !!!…

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ivan_jullien_golfdrouot1969.jpg (18.46 Kio) Vu 1257 fois
Orchestre d'Ivan Jullien au golf drouot en 1969

"J’ai monté un autre big band en 1970, un autre en 1978, un autre en 1983 et ensuite j’avais décidé de laisser tomber en 1986 parce que c'était difficile de décrocher des concerts, d'avoir suffisamment de dates pour intéresser les gens".

jullien1.jpg
jullien1.jpg (51.62 Kio) Vu 1258 fois
Lors de l'enregistrement du disque "Porgy and Bess", le 12 novembre 1971 à Paris.
Direction, arrangement, trompette : Ivan Jullien.



"Le dernier big band, ce sont les musiciens qui sont venus me chercher en 2006. Pierrer Bertrand qui dirigeait à l’époque le grand orchestre de Paris m'a proposé de faire tout un set, où je dirigerais l'orchestre, un set avec mes propres compositions. J’ai donc réécrit pour le grand orchestre de Paris. Cela faisait 20 ans que je n’avais touché à un big band de jazz. Ensuite, j’en ai pris la direction et j’ai aussi proposé d'adjoindre des arrangements de standards (par exemple un medley de West Side Story d'une durée de 23 minutes)".

Pour écrire, Ivan n'a pas besoin d'instrument. "J’ai tout dans la tête". Chez lui, il y avait bien un piano, mais son bureau était en haut. "Alors si il faut sans arrêt descendre et remonter, on s’en sort pas. Donc je ne m’en sers que si j’ai une modulation difficile à vérifier. J’ai tout dans la tête parce qu’aussi j’ai pas mal d’expérience. J’ai joué dans pleins d’orchestres, j’ai écrit des milliers d’arrangements, donc je sais comment ça se passe.. Je préfère composer à la table."

Vers la fin de sa vie, Ivan Jullien s'est retiré à la campagne car il préférait "composer au chant des oiseaux plutôt qu’à ceux des klaxons".
Voilà ce qu'il disait à 76 ans (il est mort à 80) : "Et puis je me repose… Je ne veux plus travailler 15 heures d’affilée tous les jours comme un dingue comme je le faisais avant. Place aux jeunes. J’ai quand même 76 ans. Je travaille 10 heures, les bons jours 8 heures. Travailler dans la précipitation perpétuelle comme je l’ai fait, non merci. Dans ce métier, tout est toujours urgent. Par exemple Aznavour m’a téléphoné il y a 3 ou 4 ans, me demandant trois arrangements, puis me retéléphonant le lendemain pour m’en demander un 4e, et puis encore un (en me disant, celui là, par contre c’est pressé – genre on était vendredi, il me le faut pour lundi)."



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Voilà, c'est le début de l'histoire. Alors vous pouvez imaginer dans quel état je me trouvais en intégrant sa classe. Un peu dans mes petits souliers mais surtout heureux.
Très vite, je vais constater lors de ses cours que, comme tous les meilleurs autodidactes, tout ce qu'il expliquait était d'une clarté incroyable. Ce qu'il avait appris, c'était en faisant le métier, et donc tout ce qu'il pouvait vous dire était de l'or. Il était devenu un peu par hasard arrangeur et il avait théorisé lui-même tout cela. Il avait une soif folle d'apprendre, de comprendre, de créer. Il donnait sans compter, partageait tout ce qu'il savait. Plus qu'un cours, c'était aussi une école de vie. Et puis il nous enseignait toutes les ficelles du métier. Ivan était un homme d'une simplicité et d'une gentillesse infinies. Et puis c'était un partageur. Il adorait transmettre.

Comment mieux définir Ivan Jullien auprès des musiciens classiques sinon en leur disant que pour moi, il est en quelque sorte le Nadia Boulanger du jazz.

Paragraphe ajouté en novembre 2019 :
- Pour lui rendre hommage, les musiciens de son dernier big band on réalisé - grâce à un financement participatif - le disque "Studio Davout" : un événement car il comprend les dernières compositions inédites et arrangements d’Ivan Jullien, jamais encore enregistrées.
- Voir aussi ce fil parlant de la réédition du disque "Live at Nancy Jazz Pulsations"


A suivre...
Modifié en dernier par Christof le lun. 19 juin, 2023 16:45, modifié 51 fois.
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Caralire
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Caralire »

Je ne sais pas qui est Nadia Boulanger ! Je dois pas être une vraie musicienne classique... :mrgreen:

Yvan Jullien donc. Jamais entendu parler non plus... Justement je soupçonnais que je n'étais pas une musicienne de Jazz non plus. Enfin pas encore en tout cas.

Il semble avoir été un type passionnant. Tu nous laisses pas de lien à écouter cette fois ? Bah, je vais retourner voir dans l'autre fil, je n'en ai pas fait le tour.

Bon mais et toi dans tout ça. Après le test d'admition, comment se sont passés les cours ?
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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Caralire a écrit :Je ne sais pas qui est Nadia Boulanger ! Je dois pas être une vraie musicienne classique...

Bon mais et toi dans tout ça. Après le test d'admition, comment se sont passés les cours ?
Merci Caralire pour ton commentaire.
Ah Nadia Boulanger... : saviez-vous que Quincy Jones a été l'un de ses élèves dans sa classe de composition. Elle a d'ailleurs dit que c'était le plus doué de tous. Il y a eu aussi notamment MIchel Legrand, Daniel Barenboïm, Yehudi Menuhin, Marius Constant, John Ellot Gardiner, Egberto Gismonti, Philp Glass, Donald Byrd, Lalo Schifrin...
Un petit film sur elle


Pour la suite, cela va bientôt viendre. Et puis je mettrai des choses en écoute au fur et à mesure...
Modifié en dernier par Christof le sam. 01 oct., 2016 20:39, modifié 1 fois.
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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Le 1er cours

Voilà, ça y est, le premier cours est arrivé. Nous sommes au début octobre. Je me suis harnaché d'un beau cahier à spirales grand format, qui ne comprend que des portées, et puis aussi de feuilles de scores vierges, on ne sait jamais (mais finalement, on ne s'en servira pas encore des feuilles de score... on les utilisera juste pour les devoirs à rendre... et il va y en avoir pas mal à faire).

Pour commencer à se mettre dans l'ambiance, je vous propose l'écoute de "Gone, Gone, Gone, tiré du disque "Porgy and Bess" de l'orchestre Paris Jazz all Stars dirigé par Ivan Jullien et où tous les arrangement sont de lui (dont j'ai déjà parlé plus haut).
J'ai choisi ce morceau à dessein, car pendant l'année, on aura un extrait de ce morceau à arranger.

https://youtu.be/PoYFHqwwppM?t=877

Il est 14 h, installés dans la grande salle du CIM, une belle salle avec cheminée. Les tables sont disposées en fer à cheval. Une petite table en face où Ivan s'assoit. Et juste à côté, le piano.

Nous sommes dix élèves. Le cours débute et va durer quatre heures.
Tout d'abord, c'est le tour de table où chacun se présente. En fait, je suis étonné de constater qu'il n'y a que trois élèves qui viennent des cours précédents du CIM, en ayant déjà fait les deux années préalables d'arrangement. Tous les autres entrent directement dans la classe en troisième année... Et tous (à par moi et les deux autres) sont déjà des pointures, des musiciens professionnels qui sont là en formation rémunérée par l'AFDAS (pour bénéficier de la formation, il faut être musicien pro et en vivre). Cinq de ces derniers habitent en province - l'un deux venant de... Marseille, n'hésitant pas à faire le trajet chaque semaine. Ce sont vraiment tous des cadors : des saxophonistes, des trompettistes, un contrebassiste, un batteur, des pianistes (mais en fait tous savent jouer du piano). Ils jouent tous régulièrement dans des orchestres, certains aussi dans des orchestres classique. Lisent tous à vue, font des séances de studio... ont de grands projets.
Je me sens tout petit mais je suis super content d'être là. Mais c'est vrai que je fais un peu tache dans le lot, avec mon pedigree de scientifique, arrivé un peu dans ce cours par hasard, n'ayant pas réfléchi au futur, juste là parce que j'adore apprendre.

Le cours d'aujourd'hui "n'est que" mise en bouche avec rappels de certains points très importants. "Petite mise au point élémentaire" comme le dira Ivan.
Et là, c'est parti pour quatre heures non stop.
Tout d'abord, il nous "rappelle" que pour faire des arrangements et lire une orchestration en "entendant tout de suite ce qu'elle donne en ut", il est indispensable de lire en clé de sol, clé de fa, et clé d'ut 4ème ligne. Bon, ouf... Je connais très bien la lecture dans les deux premières clés. J'imagine que lire en clé d'ut ne doit pas être si sorcier que ça (à l'époque je ne jouais pas encore de violoncelle, donc ne connaissais pas la clé d'ut 4e, qui peut servir aussi pour écrire pour les trombones [qui s'écrivent aussi en clé de fa], le basson (qui peut s'écrire dans les trois clés).

Et là, tout de suite, cela va se compliquer... Le cours n'a commencé que depuis 10 minutes...
"La clé de fa, outre écrire la partition des instruments qui lui correspondent, sert à transposer tous les instruments en Eb (saxs sopranino, alto, baryton, clarinette en Eb, etc.)
Ensuite, la clé d'ut 3e, indispensable pour lire les violons altos ou violons, qui s'écrivent en clé d'ut 3e et clé de sol. Puis ensuite vient la clé d'ut 2ème ligne qui sert à transposer tous les instruments en fa (cor, cor anglais, hautbois d'amour, cor de basset).
L'idéal, c'est aussi de lire en clé de fa 3e ligne (transposition de tous les instruments en sol, comme par exemple la flute alto).
Et n'oublions pas que la partie soprane, dans tous les devoirs d'harmonie, de chant choral, de fugue et de contrepoint s'écrivent en clé d'ut 1ere ligne".

Mais de toute façon, les 3 premières clés indispensables sont Sol, Fa 4e et ut 4e"


Gloups. :oops: Même s'il est indispensables de connaître sur le bout des doigts ces trois clés, je comprends en fait qu'il faut connaître toutes celles qu'il a indiquées.

Que je vous explique.
Si je dois écrire une partition pour une trompette en Bb, il faudra que j'écrive un ré sur la partition si je veux qu'elle joue un do. Mais inversement, si lors d'une répétition je l'entends ne pas jouer la bonne note qui est écrite, il faudra que je sois capable de faire la gymnastique inverse, et de lui dire qu'il fallait jouer un do (si je parle en ut). Donc si j'écris ré sur la partition et que j'imagine devant une clé d'ut 4, la lecture me dit que c'est en fait un do... Vous avez compris ?

Je prends un autre exemple : si j'écris pour un sax soprano (en Eb), si je veux qu'il joue un do, je lui écrirai un la sur la partition. Inversement, si je veux au cours de la répétition lui parler "en ut", il faudra que j'imagine une clé de fa 4 placée juste devant sa note pour pouvoir lui dire le bon nom de cette note. En effet, si on écrit un la en clé de sol, mais qu'on imagine une clé de fa juste devant la note, on a bien un do.

Autre gymnastique particulière pour par exemple un cor en fa, autre gymnastique pour par exemple la flute alto....

Dit d'une autre façon : il est primordial pour lire ou écrire une orchestration (les orchestrations étant écrites dans le ton de l'instrument) de connaître et de pratiquer couramment toutes les clés. Hormis pour la lecture des instruments dans leur clés propres, toutes ces clés sont nécessaires pour entendre en ut la lecture des instruments transpositeurs (la plupart d'entre eux en tous cas) ou pour corriger immédiatement une faute (d'altération par exemple) qui se serait glissée dans l'orchestration.
En gros :
clé de fa4 pour tous les instruments en Eb
clé de fa3 pour tous les instruments en sol
clé d"ut 4 pour tous les instruments en sib
clé d'ut 3 pour tous les instruments en ré (par exemple la trompette en ré [si si ça existe !]
clé d'ut 2 pour tous les instruments en fa
clé d'ut 1 pour tous les instruments en la

Et pan ! Y'a du boulot. Va falloir que je m'y mette sérieusement... Va y'avoir de la lecture de notes dans l'air, avec redoublement de dévotion.

Ivan continue :
"Bon maintenant, petit rappel de distinction entre arrangement et orchestration :
"que ce soit en jazz, en classique, en variété, musique de films, des publicités ou des jingles, on peut grosso modo diviser les arrangements en 2 types :
1) l'arrangement musical : la mélodie est faite par un ou plusieurs instruments solistes, ou bien un groupe d'instruments en tutti, ou bien tout cela, et le reste de l'orchestre accompagne ces divers solistes ou groupes d'instruments
2) L'accompagnement de chant : l'orchestre accompagne ou souligne un chanteur (euse) ou un groupe de chanteurs (euses).

On a coutume de grouper tous ces travaux sous le nom "d'arrangement", une fois que la mélodie ou composition est terminée. Cependant, il faut faire une légère distinction entre "arrangement et orchestration".
L'arrangement, c'est plutôt le découpage mélodique (ajout ou suppression de mesures parfois), les modifications ou enrichissements harmoniques.
Les idées des contrechants, ou rythmiques.

L'orchestration consiste plutôt dans le choix des instruments, la connaissance de leurs tessitures et difficultés, et disposer tous ces instruments de façon à ce que "cela sonne". Cela suppose que l'arrangement soit déjà fait.

Cela dit, ne compliquons pas : en ce qui nous concerne, nous grouperons tout cela sous l’appellation "arrangement". Il faut donc, pour ce faire, considérer les styles, le choix des timbres et des instruments, le schéma harmonique et le climat. Et puis bien sûr, il y a des "trucs", que nous verrons à la fin du cours"


Bon, là, tout va bien (ouf... sauf que je comprends quand même l'étendue du travail). C'est une lapalissade, mais pour écrire pour un instrument, il faut connaître les notes que l'instrument est capable de produire, les difficultés, les choses qui sont injouables propres à chaque instrument. J'imagine qu'on va apprendre cela tranquillement au fur et à mesure).

Ivan poursuit :
" Le style : classique traditionnel, classique moderne, jazz, dixieland, vieux style, variétés, rock, funky, etc.
Et leurs tempos. Il y a des choses impossibles à faire sur tempo rapides ou sur des tempos lents. Résistance des lèvres pour les instruments à embouchure (trompette, trombone, cor et même flutes). Le style est déterminant pour les choix des instruments et des solistes."


Et ensuite, Ivan de nous énumérer les différentes composition d'orchestre, suivant les styles (je n'écris pas tout parce que sinon, ce ne va plus être un fil mais une vraie pelote...). Et de nous parler, pour le classique, des petites formations de cuivre (quintette Arban : 2 trompettes, 1 cor, 1 trombone, 1 tuba), de cordes , des orchestres de chambre (variables selon les œuvres), et qui peuvent varier d'une quinzaine de musiciens jusqu'à 30 ou 40, composition de l'orchestre symphonique (type "Daphnis et Chloé), ajout de choeurs...
Et en jazz, tous les types de formations : hot five, hot seven, formations conventionnels modernes (comme l'orchestre des Jazz Messenger d'Art Blakey, ou celles de Max Roach. Et puis les tentet (façon orchestre de Monk), les onztettes (orchestre de Patrice Caratini) et puis la formation la plus courante en grand orchestre : 4 trompettes, 3 (ou 4) trb, 5 saxes, piano, basse, batterie,guitare (Ellington, Basie). Ou alors 4 ou 5 trompettes, 2 cors, 2 flutes, 1 sax alto, 3 trombones, piano, basse, batterie et parfois percussion (Gil Evans). Le type aussi orchestre symphonique du genre de ceux qui accompagnaient Sinatra ou Ray Charles (avec en plus section de cordes (2 contrebasses, trois violoncelles, 4 violons alto et une douzaine de violons) et puis parfois quelques chœurs.
Et en variété, etc. etc.
Et en conclusion : le choix des musiciens en fonction de l'instrumentation est essentiel. Pour les rythmiques par exemple : si l'arrangeur ne connaît pas les musiciens pour lesquels il écrit, il a intérêt à leur écrire tout. Mais s'il les connaît, pour certains d'entre eux, il leur mettra par exemple les grilles, avec indication de style, les nuances, les breaks, descente de basse, etc.). La personnalité de chacun est importante... On ne prend pas par exemple Maxim Saury pour jouer du be bop.

Là, en gros, on en est à un peu plus d'une demi-heure de cours... Mais tout va bien.

Et là, on rentre dans les choses sérieuses, la pratique, sa pratique, tout ce qu'il a appris lui sur le terrain, comment il écrit et construit son conducteur (c'est ce qui le guide quand il dirige l'orchestre)...
"On écrit en haut le conducteur, et il doit bien être dégagé du reste de l'orchestration. Le conducteur, c'est la mélodie lead que l'on écrit dans une couleur voyante (rouge, bleu, vert...) et dessus ou dessous, les harmonies au crayon. En effet, le schéma harmonique de base est simple au début, puis au fur et à mesure de l'orchestration, peut devenir de plus en plus pointu, et même être modifié en fonction d'une contrechant, une ambiance, etc.
Au fur et à mesure que vous écrivez le conducteur, des idées peuvent survenir. Rythmiques : percussions, batterie, basse, cuivres, etc. Mélodiques : contre-chants. Ou des "effets" en fonction d'un climat particulier à un endroit de la mélodie ou de la chanson liée à son texte. Il convient de là où les marquer, et à quels instruments (violons, bois, cuivres, chœurs, rythmique ?). Ce seront les points de repère de votre inspiration. Une des facettes de votre arrangement consistera à "faire venir" cette intervention ou bien "la faire partir", avec bien sûr la préparation, ou au contraire ce qui en découle.

Très important : les scores, en dehors de la mélodie lead, doivent être écrits au crayon. On peut se tromper, on peut avoir envie de modifier certaines choses, et si on a écrit à l'encre, on est obligé de rayer, de raturer. Rien n'est plus désagréable à lire que des scores de ce type. Les scores, pour être efficaces, doivent être clairs, verticalement et horizontalement. Le conducteur se détachera bien et les familles d'instruments (cuivres, bois, cordes, rythmique, etc.) seront séparées entre elles par une portée."


exemple2.jpg
exemple2.jpg (45.46 Kio) Vu 1252 fois
Deux exemples de mes conducteurs, réalisés après quelques cours.
En rouge (ou bleu sur l'autre image), la mélodie lead. Au dessous, ou au dessus, le chiffrage harmonique, avec les valeurs rythmiques.
Au dessus de certaines notes de la mélodie, on voit aussi des chiffres, rayés. J'expliquerai cela dans le prochain message.

exemple1.jpg
exemple1.jpg (53.81 Kio) Vu 1252 fois
Bon, les chiffres rayés au dessus de la mélodie, c'est la suite du cours... Là, on en est qu'à même pas trois quart d'heure de cours...
Et c'est là que cela va se compliquer... parce qu'au programme, outre le choix des timbres et des instruments et puis quelques "trucs de pro" qu'il va nous délivrer, Ivan va aborder les points suivants : "Petite mise au point élémentaire du chiffrage américain dans les accords tonaux"... J'adore son "élémentaire" parce que là y'en a un maximum à savoir. Et puis les interdits, ce qu'il appelle les accords tête de mort.

Et enfin, le truc du pro de chez pro : ce qu'il appelle le "hors limite". C'est à dire les accords qui ne sonneront pas dans l'orchestration, parce que par exemple le premier écart entre les basses est une sixte mineure, et que vous êtes descendu sous le sol (celui de la première ligne de la portée lue en clé de fa)... , ou en fonction de la hauteur ou vous avez écrit par exemple une seconde mineure dans l'accord, ou une tierce mineure, ou majeure, ou tout autre note...
Le truc qu'on n'a pu vraiment savoir que lorsque, comme lui, on a écrit plus de 10 000 arrangements, dans tout type de configurations d'instruments. Cela vaut de l'or. Et lui nous le donne sur un plateau d'argent.

Donc mon état au bout de 3/4 d'heures de cours... c'est cette impression que ma tête va être vite farcie et qu'il y a intérêt à ne pas paniquer et à s'organiser. Se dire qu'il faut rester super concentré pendant le cours parce que sinon, on pourrait vite laisser son esprit vagabonder et en perdre un maximum en route. Se rassurer aussi en se disant : bon, là, pour Ivan, ce sont des mises au point de "révision". Si j'arrive à digérer tout cela à vitesse grand V, en m'accrochant un maximum, je serai au niveau pour la suite des cours. Va pas falloir chômer dans la semaine...

A suivre...
Modifié en dernier par Christof le lun. 19 juin, 2023 16:55, modifié 21 fois.
dilettante
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par dilettante »

Super intéressant. Et très bien écrit. Ça se lit comme un thriller.

Je suis sidéré que ce gars ait pu apprendre le solfège si tardivement.
Et surtout toutes ces clefs. (J'ai fait beaucoup de solfège mais la clef d'ut 4 j'ai toujours triché...)
Un surdoué avec une oreille exceptionnelle.

Mais ça fait un moment que je me dis que tout est sans les arrangements.
Un truc nul bien arrangé ça sonne bien.

Ça me rapelle aussi les Beatles, en fait les Beatles c'est surtout George Martin qui a fait tous leur arrangements.
Mais lui avait une très solide formation musicale.
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par mieuvotar »

Merci Christof. Tes histoires, celle-ci et l'autre, se lisent comme un roman, c'est un plaisir ! En plus, la qualité de ta plume est impressionnante.

Bon, sur le fond et la dimension technique, je suis complètement largué, hein :oops:. Mais ce n'est pas grave, ça n'ôte rien au régal de la lecture. Un peu comme quand je lis un ouvrage (supposément de vulgarisation) sur la physique quantique. Passionnant, fascinant, vertigineux et prenant - même si je pige que dalle. :?

J'en profite d'ailleurs pour faire étalage de mon inculture musicale, mais je me pose fréquemment la question pourquoi, quand on veut qu'un saxo, ou un flûte, ou une trompette joue une note, on en écrit une autre sur la partition ? J'ai bien compris que ces instruments étaient accordés différemment, mais pourquoi ? Pourquoi faire compliqué quand on pourrait faire simple et écrire un do pour la trompette si c'est un do qu'on veut lui faire jouer ? Pourquoi ne pas faire en sorte que, lorsque on appuie sur la touche do de l'instrument, c'est un do qui en sort ? :-k Et est-ce que c'est pareil quand ces instruments jouent un répertoire classique, dans un orchestre classique ?
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

dilettante a écrit :Super intéressant. Et très bien écrit. Ça se lit comme un thriller.
Merci de ton intérêt qui m'encourage.
dilettante a écrit :Je suis sidéré que ce gars ait pu apprendre le solfège si tardivement. Et surtout toutes ces clefs. (J'ai fait beaucoup de solfège mais la clef d'ut 4 j'ai toujours triché...)Un surdoué avec une oreille exceptionnelle.
En fait, ce n'est pas vraiment ça. il n'a pas appris le solfège tardivement, simplement, il a débuté la trompette à 22 ans. Au début, il faisait tout d'oreille, mais a ensuite pris des cours. Quand il dit qu'il était "débutant", c'est qu'en rentrant dans l'orchestre de Bennie Bennett, il n'était pas un lecteur à vue qui peut jouer tout du premier coup directement et puis aussi qu'il ne savait pas bien jouer les aigus comme peut le faire un premier trompette. Être premier trompette, c'est vraiment quelque chose. Il faut avoir une super résistance, être virtuose, savoir faire des chorus d'enfer. Et ça, il l'a appris petit à petit en faisant le métier.

En revanche, ce n'était pas rare à cette époque (et avant) de voir des musiciens exceptionnels qui ne savaient pas lire la musique.
Par exemple, et qui l'aurait cru : dans l'orchestre de Duke Ellington, certains et pas des moindres ne lisaient pas la musique, jouant tout d'oreille. Certains saxs par exemple leur montraient ce qu'ils avaient à jouer... et c'était là pour toujours. Ivan Jullien nous a raconté que certains musiciens n'avaient en guise de partition que des "pense-bête"... (il a participé à un enregistrement dans l'orchestre de Duke lorsque son orchestre est venu en France).
Le quintet de Monk, c'était quelque chose aussi... C'était pas rare que les musiciens ne sachent pas vraiment ce que Monk avait prévu de leur faire jouer, et cela , juste avant le concert. Quelquefois alors, cela se passait juste dans le bus qui les emmenaient (heureusement pas mal en avance) sur le lieu du concert. Le sax Charlie Rouse (mandaté par les autres musiciens) essayait d'avoir les partochs des nouveaux morceaux... et puis disant à Monk : oui mais là, tu vas jouer quelle note ? Comment sera l'accord ? Monk de dire : oh, peut-être ça, ou ça.. Choisis une note on verra. Et alors Charlie Rouse d'expliquer aux autres : bon, là, je vais jouer cela, toi tu n'as qu'à prendre à la tierce... Pas mal de choses se faisaient à l'oreille.

Chet Baker, de son côté, ne savait pas lire la musique, il s'y est mis vraiment sur le tard. Il suffisait qu'on lui joue une fois un thème pour qu'il s'en rappelle à jamais. C'était gravé. Sentir aussi tout de suite les harmonies sous-jacente dans la grille... un don exceptionnel.
dilettante a écrit :Mais ça fait un moment que je me dis que tout est sans les arrangements.
Un truc nul bien arrangé ça sonne bien.
Oui, tu as raison. Tout est dans les arrangements. Ivan Jullien nous a raconté par exemple pour "Oh Mammie Blue". La plus grande erreur de sa vie. Quand on lui a amené la chanson à arranger, pour Nicoletta, il s'est dit : ouh la la, c'est nul ce truc... Un arrangeur avait le choix : soit il se faisait payer directement l'arrangement et puis on n'en parlait plus. Soit il prenait 12% des gains que généreraient le morceau par les différentes écoutes à la télé, radio, concerts durant toute la période avant que cela ne tombe dans le domaine public... Et ce jour là, il a vraiment manqué de flair (et pourtant du flair, il en avait)... Il a choisi de se faire payer directement, ne croyant pas une minute que Nicoletta ferait des étincelles avec ça.
Et ce qui est injuste aussi, c'est que, le plus souvent, en se faisant payer directement l'arrangement, le nom de l'arrangeur n'apparaît même pas sur la pochette du disque. Sur le 45 tours qui est sorti est simplement mentionné "Direction musicale: Ivan Jullien (face A)".
Je ne me souviens plus combien il a pris pour faire l'arrangement (je crois me rappeler qu'il nous avait parlé de 5000 francs, peut-être moins en nous racontant l'anecdote). "Et dire que si j'avais choisi la participation, je serais plus que millionnaire" nous disait-il en riant.

Lors d'un cours, il nous avait aussi fait écouter un morceau, enregistré sur un minicassette(je crois me rappeler que c'était Julien Clerc qui lui avait donné cette cassette où on l'entendait chanter et jouer au piano (son tout pourri) - ou alors c'était Michel Jonasz ?, je ne me souviens plus... en lui demandant s'il pouvait lui faire l'arrangement. Il fallait voir l'accompagnement indigent au piano, le truc pas abouti du tout, par moments. Maintenant je crois me rappeler que c'est Jonasz, et le morceau c'était : "Est-ce la paix qui passe dans l'espace". Souvent, à la place d'un accord Jonasz joue juste une note ...
Et il faut voir ce qu'Ivan Jullien en a fait.
dilettante a écrit :Ça me rappelle aussi les Beatles, en fait les Beatles c'est surtout George Martin qui a fait tous leur arrangements.
Mais lui avait une très solide formation musicale.
Oui, Georges Martin était génial, ajoutant à la notoriété des Beatles. L'idée des cuivres dans "All you need is love", c'est lui ; les cordes dans Eleonor Rigby ; et puis cette idée géniale de la trompette piccolo dans Penny Lane... Ahhhhhhhhh "A day in the life", merveille des merveilles. Et puis le quatuor à cordes dans yesterday.
Cela dit, les Beatles n'étaient pas des mauvais. La version de Yesterday juste avec Mc Cartney voix-guitare : sublime. Lennon chantant Imagine, juste au piano : sublime.
Modifié en dernier par Christof le sam. 01 oct., 2016 21:14, modifié 5 fois.
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Gracou »

Merci beaucoup pour ce partage que je me régale à lire. :wink:
La différence entre un fou et moi, c'est que je ne suis pas fou. Salvador Dali.
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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

mieuvotar a écrit :Merci Christof. Tes histoires, celle-ci et l'autre, se lisent comme un roman, c'est un plaisir ! En plus, la qualité de ta plume est impressionnante.
Oh, merci !
mieuvotar a écrit :Bon, sur le fond et la dimension technique, je suis complètement largué, hein :oops:. Mais ce n'est pas grave, ça n'ôte rien au régal de la lecture. Un peu comme quand je lis un ouvrage (supposément de vulgarisation) sur la physique quantique. Passionnant, fascinant, vertigineux et prenant - même si je pige que dalle. :? .
As-tu lu ce livre : "Le quantique des quantiques" par Sven Ortoli, Jean-Pierre Pharabo ?, livre super intelligent et d'une incroyable clarté pour aborder le sujet.
Et puis, si tu veux planer, lire "L'étoffe de la réalité" du physicien anglais David Deutsch. Livre un peu plus compliqué, visant à proposer une théorie du monde qui soit une synthèse des quatre grandes théories reconnues par les sciences actuelles (et dont la physique quantique est l'une d'elles). Passionnant!
mieuvotar a écrit :je me pose fréquemment la question pourquoi, quand on veut qu'un saxo, ou un flûte, ou une trompette joue une note, on en écrit une autre sur la partition ? J'ai bien compris que ces instruments étaient accordés différemment, mais pourquoi ? (...) Et est-ce que c'est pareil quand ces instruments jouent un répertoire classique, dans un orchestre classique ?
Oui, c'est pareil.
La raison c'est que la fréquence d'un son pour un instrument transpositeur dépend de la longueur de la colonne d'air qui est mise en résonance. Dit autrement, c''est la longueur de l'instrument qui détermine la note : l'instrument a donc une tonalité propre qui dépend (notamment, d'autres éléments rentrent en ligne de compte mais ne compliquons pas) de sa longueur. Si tu changes la longueur "un peu", tout ne va pas sonner juste... Il y a aussi la question des doigtés. Par exemple, à la clarinette, tu as le premier doigté simple, qui correspondrait en quelque sorte à un doigté de base (un peu comme nous au piano, avec la tonalité de base, do majeur parce que ce sont des touches blanches). Si on joue alors la première note avec le doigté de base à la clarinette, on entendra un sib (et pourtant, pour le clarinettiste sa partition dira que c'est un do).
Alors oui, on peut se poser la question : pourquoi ne pas changer et simplifier... résoudre le truc en pensant pour tous les instruments en note réelle ? Cela pourrait être fait (quitte à enseigner autrement aux musiciens utilisant des instruments transpositeurs), mais alors il faudrait réécrire tout le répertoire de ces instruments, ce qui ne s'est jamais fait et n'est certainement pas près de l'être. Et puis ce serait nier la construction de leur histoire.

Il existe des arrangeurs qui écrivent toutes les parties comme si c'était en do, sans tenir compte de la transposition des instruments qui la nécessite... et c'est alors le copiste qui se tape tout le boulot en fournissant les partitions transposées aux instrumentistes.
Mais cela peut poser problème si le chef d'orchestre ne sait plus transposer, parce que si l'instrumentiste (par exemple à la clarinette en mib) s'est trompé en ne jouant pas la bonne note à un endroit précis, il aura beau dire "31ème mesure, 3e temps, ce n'est pas un la mais un lab", ils vont avoir du mal à se comprendre...

Finalement, c'est peut-être plus simple que ce soit juste le chef d'orchestre qui sache écrire avec les notes transposées... Mais c'est vrai que c'est pas simple. pour lui... Mais finalement, pourquoi ne pas faire simple quand on peut faire (vraiment) compliqué ? :)
Modifié en dernier par Christof le mar. 19 mars, 2019 7:38, modifié 1 fois.
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Gracou a écrit :Merci beaucoup pour ce partage que je me régale à lire. :wink:
Merci. Je pense que cela va être un fil fleuve... alors tant mieux si tu te régales à me lire.
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Le 1er cours - suite et fin


Bientôt en ligne : zut de zut, j'avais écris toute la suite et j'ai fait une fausse manip...
Tout à réécrire car c'est perdu de chez perdu...
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par mieuvotar »

Aïe... Ca me rappelle des incidents fréquents au bureau quelques années en arrière quand je perdais des rapports entiers rédigés sur les 1ères versions de Word et qu'il n'y avait pas de sauvegarde automatique. Bon courage en tout cas !

Merci pour tes explications lumineuses... En particulier, tu m'as apporté la réponse fondamentale avec ceci :
Christof a écrit :Alors oui, on peut se poser la question : pourquoi ne pas changer et simplifier... résoudre le truc en pensant pour tous les instruments en note réelle ? Cela pourrait être fait (quitte à enseigner autrement aux musiciens utilisant des instruments transpositeurs), mais alors il faudrait réécrire tout le répertoire de ces instruments, ce qui ne s'est jamais fait et n'est certainement pas près de l'être. Et puis ce serait nier la construction de leur histoire.
Et surtout la fin de cette phrase, que je trouve très pertinente.
Christof a écrit :Mais finalement, pourquoi ne pas faire simple quand on peut faire (vraiment) compliqué ?
Vi, c'est vrai, on pourrait tout passer au rasoir d'Ockham. Mais beaucoup de choses perdraient de leur charme au fond.
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Oupsi »

Christof a écrit :Le 1er cours - suite et fin


Bientôt en ligne : zut de zut, j'avais écris toute la suite et j'ai fait une fausse manip...
Tout à réécrire car c'est perdu de chez perdu...
Parfois juste au moment de la manip une série de "Ctrl Z" permet d'annuler la manip erronnée;
ou Alt flèche gauche pour revenir à l'écran précédent.

J'ai pu récupérer des textes comme ça.
OU bien, penser à enregistrer régulièrement le brouillon quand on écrit un texte long.

Je commenterai ton magnifique texte à un autre moment, Christof, là je suis un peu coincée avec le travail.
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Oupsi a écrit :Parfois juste au moment de la manip une série de "Ctrl Z" permet d'annuler la manip erronnée;
ou Alt flèche gauche pour revenir à l'écran précédent.
Oui, je sais tout ça, mais là, j'ai vraiment fait l'erreur bêêêêêteuuuuu (à bouffer du foin) : au lieu de faire "envoyer" (je venais de finir tout le texte, assez long), j'ai fermé le navigateur.
Oupsi a écrit :Je commenterai ton magnifique texte à un autre moment, Christof, là je suis un peu coincée avec le travail.
Merci Oupsi
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

mieuvotar a écrit :c'est vrai, on pourrait tout passer au rasoir d'Ockham. Mais beaucoup de choses perdraient de leur charme au fond.
Oui, et si on passait tout au rasoir d'Ockham, par exemple les trois quarts des réunions qu'on peut avoir au travail sauteraient :D

Connais-tu ce jeu :
Vous endormez-vous souvent pendant les réunions ou pendant les longues conversations téléphoniques au travail ("conference call")qui ne servent à rien ? Voici un jeu pour pallier ce problème...

Comment jouer ?

Cochez chaque case du tableau ci-dessous au fur et à mesure que vous entendez leur contenu durant la réunion ou la conférence téléphonique...
Une fois que vous avez obtenu une ligne ou une colonne complète ou encore une des 2 diagonales, levez-vous et criez: FOUTAISES!!!

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Gagnant-gagnant |Profiling |Tableaux de bord | Partenariat | Typologie | ASAP |
Schéma directeur | Faisabilité |Référentiel | Equipe projet |Méthodologie | Interface |
Adéquation |Transversal |Challenge |Compétence |Cohérence |Légitimité |
Changement | Audit | Pilotage | Démarche | Finalité | Stratégie |
Cahier des charges |Problématique |Equipe projet | Web 2.0 |Site en responsive |Effets de bord |
------------------------------------------------------------------------------------------------

Témoignages de joueurs satisfaits:

"Ma capacité d'écoute a fortement augmenté depuis que je pratique ce jeu" - Joseph A. Rueil Malmaison.

"L'atmosphère de la dernière réunion du conseil fut extrêmement tendue, alors que 14 d'entre nous attendions sur la 6ème case" - Danièle C. Paris.

"Cela faisait à peine 5 minutes que j'étais en réunion que j'avais déjà gagné" - Pierre LD. Paris

"La présidente fut absolument stupéfaite lorsque 8 d'entre nous avons hurlé: Foutaises!!! pour la 3ème fois en 1 heure" Nicolas L Issy les moulineaux.

"Je suis à nouveau content de me lever et d'aller travailler chaque matin. J'ai retrouvé l'envie de gagner avec cette façon d'aborder les réunions". Gilles S Bobigny.

"En jouant beaucoup, on devient un véritable expert Maintenant, quand l'un des grands chefs de la boîte va parler, je sais presque à coup sur quelles cases je vais cocher!
J'impressionne tout le monde par mon adresse à ce jeu" !!!
Annie D.Cormeilles.
Modifié en dernier par Christof le sam. 01 oct., 2016 21:18, modifié 4 fois.
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Caralire »

Ah c'était donc ça le fffffff !

Je compatis, ça m'est aussi arrivé une paire de fois. Maintenant quand j'y pense je prépare mes textes en amont dans un éditeur de texte avant de copier coller ici.

Bon je savais bien qu'il fallait que tu commences à parler de toi pour que ça devienne passionnant. La biographie d'Ivan Jullien est très intéressante mais ne prend de sens que quand tu commences à raconter tes interactions avec lui.

Faut y croire quand même. Et aussi ne plus faire que ça je pense. Parce que vu d'ici, je crois que je me sentirais accablée par l'immense montagne devant moi.
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Caralire a écrit :Bon je savais bien qu'il fallait que tu commences à parler de toi pour que ça devienne passionnant. La biographie d'Ivan Jullien est très intéressante mais ne prend de sens que quand tu commences à raconter tes interactions avec lui.
Merci Oupsi de tes encouragements. Maintenant, j'écrirai d'abord dans un fichier que je sauverai au fur et à mesure...
Oui, la bio, c'était juste pour dresser le paysage... pour mieux ensuite entrer dans les choses vécues...
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Caralire »

Christof a écrit :
Caralire a écrit :Bon je savais bien qu'il fallait que tu commences à parler de toi pour que ça devienne passionnant. La biographie d'Ivan Jullien est très intéressante mais ne prend de sens que quand tu commences à raconter tes interactions avec lui.
Merci Oupsi
Tssss... Et voilà que tu te mets à nous confondre :roll: :mrgreen:
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Cristof a écrit :Merci Oupsi
Caralire a écrit :Tssss... Et voilà que tu te mets à nous confondre :roll: :mrgreen:
Ouh la la :oops: :oops: :oops: :oops: :oops: :oops:
Mille excuses Caralire
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Le 1er cours - suite et fin


"Bon, maintenant, abordons le choix des timbres et des instruments.. "

... la voix d'Ivan me ramène dans la pièce. J’étais ailleurs, fraction de seconde, esprit caressant de ma main ce mur tout en boiserie et la cheminée digne d’un château du moyen-âge. Immanence des images, sons, odeurs. Salle habitée qui en aura vu des musiciens - orchestre de guitares, big band et grandes formations, répétitions en atelier, masterclass, concerts... durant ces deux ans de mon passage ici. Elle résonne encore cette salle, des morceaux aussi qu'on a pu jouer avec mon groupe lors de deux fêtes de fin d’année.

Image
Photo prise dans la grande salle (avec la belle cheminée) – C'est pas flagrant sur la photo, mais cette salle est immense.
Au premier plan : Denis Badault (qui a été à une époque mon prof de piano)
derrière, de gauche à droite : Kahlil Chahine, Ivan Jullien, Alain Guerrini


"lorsqu’on a un triple forte, on fait souvent « rentrer » les cuivres, les timbales, la rythmique (mais toutes ces sections peuvent jouer aussi double piano). Et quand l’ambiance est plutôt mezzo forte ou piano, on fera plutôt jouer les cordes, les bois (qui peuvent cependant jouer double forte comme le piccolo). continue Ivan.

C’est évidemment une généralité et seul votre goût est déterminant. Mais dans tous les cas, une bonne connaissance des instruments envisagés, leurs tessitures, leurs servitudes, leurs impossibilités ou leurs notes fausses est essentielle. Ainsi, par exemple pour la trompette, les notes (je parle en ut) do# ré (sous le sol de la clé de sol) sont fausses et doivent être redressées par une pompe spéciale (qui allonge la colonne d'air) si on désire absolument qu’elles soient jouées. De même le trille mi-sol# (ces notes au-dessus du sol de la clé de sol) est pratiquement impossible aux trompettes te même au cours..
Les cordes et saxes préfèrent lire en dièses plus qu’en bémol. Pour eux, par exemple, si on a le choix entre la tonalité solb ou Fa#, il vaut mieux prendre la seconde.

En général, on peut se permettre n’importe quoi dans le médium des instruments. Dans l’aigu, on risque la stridence et la fausseté. Dans le grave, on risque la fausseté et le pâteux (j’y reviendrai quand je vous parlerai des « Hors limites »).


Et Ivan d’aller au tableau et nous proposer 3 positions différentes d’accords (notes jouées par 4 trombones) pour un fa-7. La première est difficile à jouer car trop dans l’aigu et risque de sonner faux ; la deuxième qui sonne «rond», sans problème, et la troisième qui sonne «épais, pâteux et hors limite»).
Et puis pour bien enfoncer le clou, il nous montre aussi cela pour 4 trompettes, sur un A-7…

« Bien sûr, vous risquez moins ce genre de problème si vous avez d’excellents musiciens, mais… Et puis vous pouvez avoir besoin d’un effet précisément strident ou pâteux. Mais d’une façon générale, faites jouer les musiciens dans leurs bonnes tessitures.
Ceci est aussi valable pour tout l’ensemble de l’orchestre : espacez dans le grave, n’ayez pas peur d’une dixième, et espacez un peu dans l’aigu
(nb : ce qui est vrai aussi au piano).

La tessiture générale de l’orchestre fait six octaves, des contrebasses, bassons, tubas, jusqu’aux violons piccolo, etc. Il serait aberrant par exemple – sauf pour un effet – d’écrire le picolo dans le grave et le tuba dans l’aigu. »

Des choses simples à savoir, qui peuvent produire des effets spectaculaires

Et Ivan de continuer avec des trucs de pro qui nous seront utiles. Bien sûr, des ficelles il y en a toute une ribambelle: il suffit d’écouter les arrangements d’Ennio Moricone ; d’Henry Mancini, de MIchel Legrand, de Bartok, etc. Mais ceux qu’il nous donne alors sont faciles à retenir et bien pratiques, notamment (et entre autres) pour les modulations.

1) Sur les pédales – aiguës, médiums ou graves, tous les accords passent s’ils ne durent pas (nb : ça je m’en sers aussi allègrement au piano)

2) Dans les suites harmoniques, il faut envisager les notes comme pour s’en servir en vue d’un contrechant ou d’une pédale (ça je m’en sers souvent aussi au piano)
Par exemple dans cette suite harmonique : D-7 9 ; G9 13, C maj7, Fmaj 7, E9b 5+, la note mi est présente partout. Donc on peut écrire une pédale de mi. En orchestre, il faudra la faire dans l’aigu (car dans le grave, on sera Hors limite (on va y revenir) et aussi parce qu’il faut espacer dans le grave)

3) Inversement, on peut créer une marche harmonique sur une pédale de une note, ou même de deux. La basse conditionne la marche harmonique, même si celle-ci n’est pas évidente.
(bon, je ne détaille pas ici parce que ce serait très long à expliquer)

4) Les chromatismes allant d’un endroit à un autre passent, à condition de ne pas durer et que la note d’arrivée sur l’accord visée en fasse partie

5) Lorsque la mélodie devient trop aiguë et risque de faire jouer les musiciens dans un registre top aigu, on a intérêt à inverser les voix. Par exemple sur un accord de C ou la trompette aurait à jouer un contre ut. SI on examine les possibilités pour cet accord fait à 3 par : une trompette en sib, un sax alto (en mib) et un trombone (soient les notes mi sol do (ces notes se situant au-dessus du sol de la clé de sol) : pour la trompette, c’est aigu mais possible, pour le sax c’est très aigu, mais encore possible, pour le trombone c’est très difficile et il ne va pas être content du tout. Donc il vaudra mieux répartir l’accord comme ça : trombone joue sol (sol de la clé de sol), le sax joue le mi, et la trompette le do.

6) Un truc – spectaculaire – consiste à créer des marches harmoniques favorisant le mouvement ascendants aux basses simultanément avec des mouvements descendants aux aigus. Et inversement.

« Allez, petite pause de cinq minutes. »

Un aveugle qui commencerait à voir

Presque tous quittent la salle, pour aller boire vite fait un café chez Jeannot en face. Je préfère rester là à goûter cet instant de silence, comme pour mieux accuser le coup. Besoin d’un certain recueillement parce que quelque chose à l’intérieur a besoin d’être clarifié. Je ne peux encore y mettre des mots. Quelque chose qui commence à naître des profondeurs.
Vous savez, un jour, quelque chose de nouveau se déclenche, vous ne savez pas vraiment quoi. Vous savez que cela n’existait pas avant, et soudain c’est là, dans des couches si profondes. Peut-être que cela a toujours été là, mais inutilisé parce qu’on n’en avait pas besoin jusqu’alors. Comme quelqu'un qui est tombé aveugle juste hier et, ce matin, comprend qu’il va « voir » avec des ressources qu’il voudrait convoquer, dont il a senti un frémissement, et qu’il n’avait jamais imaginé possibles. Le tissu qu’on sait être en soie à la nature du froissement de l'air lorsque la personne se déplace, le sol qu’on sait être en bitume - un bitume chaud et doux - simplement en le foulant de ses pieds.

Voilà ! C’est ça… Je commence à me rendre compte que même si je n’entends encore pas grand-chose, lorsqu’Ivan parlait d’un accord à trois instruments – trompette, sax alto, trombone – mon cerveau voulait inconsciemment faire le travail, prémisses du goût du mélange des timbres, de leur saveur, des harmoniques et vibrations qu’ils délivrent dans la pièce. Lorsqu’il parle de marches harmoniques en mouvement ascendants aux basses, descendants au aigus, tout de suite j’ai eu en toile de fond l’image d’un orchestre philharmonique, j’entendais un peu l'effet dont il parlait.
Quelque chose fonctionne en moi déjà autrement, comme l’aveugle qui commence un peu à voir, à entendre différemment (oh, juste un micro flash).
Dans un autre fil, je me suis demandé "si les mots pouvaient dire la musique".
Est-ce que cela vous fait pareil que moi en lisant ce texte et en buvant les paroles d’Ivan Jullien ? Sentez-vous quelque chose de nouveau qui veut commencer à poindre ?

Alors je me dis que ce premier cours d’introduction, avec toutes ces informations qu’Ivan ne cesse d’apporter, c’est peut-être rien que pour ça, c'est dit à dessein. Pour qu’on commence à sentir. Que le plus important finalement (même si il va falloir s’ingurgiter tout ça) est de prendre conscience de ce trésor à développer, cette graine semée, qu’il va falloir maintenant arroser à chaque instant.

Je dois avoir la tête d’un rescapé ? En tous cas, tout le monde est maintenant revenu dans la salle. Personne ne voit mon trouble de nouveau-né. Je ne lis aucun étonnement dans leurs yeux. Sûrement parce que ce sont déjà tous des pointures.. Je comprends qu’ils ont tous déjà le cordon ombilical coupé, ne serait-ce que par les nombreuses séances où ils ont pu jouer en orchestre ou en studio. Ils entendent déjà tout...

Petite mise au point élémentaire du chiffrage américain dans les accords tonaux

« Maintenant, j’aimerais aborder un autre sujet que j’appelle « Petite mise au point élémentaire du chiffrage américain dans les accords tonaux », continue Ivan.

Bon ça va, le chiffrage américain, ça me connaît…
Sauf que je vais m’apercevoir que sa « petite mise au point élémentaire » va nécessiter une prise de note sur dix pages de mon beau cahier…
Mais ça, ça va à peu près, j’en connais déjà un bon rayon.

Je ne vais pas tout vous dire ici parce que cela serait très très très long.
On passe à cet effet en revue les accords majeurs, mineurs, diminués. Mais quand je parle d'accords, je parle du simple jusqu'aux accords avec toutes les colorations possibles, accords souvent à 7 notes, toutes différentes.
Pour vous en donner une idée, voici la conclusion que j’ai notée dans le beau cahier (maintenant il est drôlement usé ce cahier, mais j'y tiens comme la prunelle de mes yeux aveuglés) concernant les accords majeurs (conclusion qui vient après 4 pages déjà noircies) :

- «Dans les accords majeurs, bien indiquer si l’on veut une septième majeure , auquel cas, la 9e juste (terme impropre mais c’est pour dire que ce n’est pas une 9eb ou 9#) est automatiquement incluse (quand on ne l’a pas indiquée altérée).

- Dans le cas d’une sixte sans 7e, la 7e majeure est possible, la 9e, la 9+ (indiqué avec une 7e majeure) ; la 5 juste et la quinte - (en position de 11+) également. La 5+ est interdite (sauf dans le cas d’une 7e majeure – indiquée – et sans quinte juste évidemment).

- Dans le cas d’une 7e, la neuvième est pratiquement automatique, le 9b ou 9+ ou les 2 (indiquées), la 5 juste et 5- (ou 11 #), la sixte (ou 13e) sont possibles.

- Dans le cas d’une 7e majeure, voir la sixte.

- Dans le cas d’une 9b, 7e majeure interdite, 7e obligatoire, 9+, 5 juste, 5- (ou 11#) 6 (en 13e) possible (si on met13b, bien sûr pas de 5 ni de 5+). 9 bécarre pas possible.

- Dans le cas d’une 9+ : 7e majeure possible mais mentionnée et sans 9eb. Sinon : 7 automatique, 5 juste et 5- (en 11+), 9b, 6 (en 13e) possibles. 9 bécarre interdite ainsi que 6 ou 13 (sauf dans le cas d’une 5+ avec une 7e majeure). Mais la 5- est possible.
Il faut cependant faire attention à ne pas surcharger les accords. Ainsi, dans le cas de C9b/6 on a le droit aussi à la 9+ et à la 5-. Ce qui nous ferait un accord à 8 sons, alors que nous travaillons avec des accords à 7 sons. Ainsi écrit ( do (le do étant celui deux lignes en dessous de la clé de fa (et qui sonne encore un octave en dessous à la contrebasse) sol mi sib réb mib sol la), cet accord risque d’être vraiment pâteux. Aussi l’arrangeur aura tout intérêt à espacer, aussi bien dans l’aigu que dans le grave. Et de tout façon, on aura peut-être intérêt à plutôt le chiffrer F# -/sur accord C9+ (soit do sol mi sib ré# (c’est la 9+) fa# (c’est la 5- ou 11}) do# (c’est la 9eb) la (c’est la sixte ou 13), ou à la rigueur Fa – 6/sur accord C9+ /
Il faut, dans cette manière de chiffrer, bien insister que F# - 6 ainsi que C7 doivent être joués sans aucune autre note que celles suggérées dans ces accords particuliers et en superposition. Si par exemple on ajoute une 9e à l’accord de Fa#-6, cela nous donne un G# qui sonne faux dans l’accord de C9b/6, puisque c’est la 5+ de C. Il en sera de même pour C7, si nous lui ajoutons une 9bécarre qui évidemment frottera avec la 9eb de C9b."


Bon vous voyez le style… Mais déjà, cela m’apprend un aspect fondamental : des accords qui semblent sonner au piano (par exemple, l'habitude que j'ai le plus souvent de rajouter presque systématiquement une 9e sur un accord mineur7) peuvent sonner de manière catastrophique dans un big band, selon le registre ou c’est distribué (et du coup, je vais faire des progrès formidable au piano, question composition).

Ceci vous explique pourquoi certaines notes possibles (ou pas), symbolisées par leur fonction (5+, 9e, 13e, etc.), apparaissent rayées au dessus du conducteur (vous vous rappelez les images dans le cours précédent ?). Certaines de ces notes sont bien sûr interdites : c’est ce qu’Ivan appelle les têtes de mort (il la dessinera souvent cette tête de mort lors des corrections des arrangements qu'on lui rendra... à l'endroit où l'on n'a pas respecté la règle). Par exemple, faites sonner un C7 13 comme ça : do mi sol la ré sib. Vous verrez que l’écart de 9e b entre le la et le sib du haut ne sonne pas (mais alors pas du tout de pas du tout). [Nb : mais on verra plus tard, en deuxième année qu’on peut quand même se permettre des choses (si par exemple on veut faire certains effet à la Gil Evans)].
En revanche, la disposition : do mi sib ré la, elle, sonnera.

Voilà pourquoi, dans le conducteur, certaines notes de coloration sont rayées par mesures de protection. Certaines parce que ce n’est pas du tout évident à utiliser, d’autres parce que c’est une tête de mort (un écart de 9eb) et que là, c’est la catastrophe assurée.
En fait cela peut paraître simple, mais je vous assure que lorsque vous avec un ensemble avec 4 trompettes, 5 saxes, 4 trombones dont un trombone basse, des bois, des cordes… c’est vite fait de faire des erreurs. Je vous montrerai dans la suite de cette histoire que des têtes de mort, j’en ai écrites pas mal… qui m’avaient vraiment échappées.

[iUn exemples de mes conducteurs, réalisés après quelques cours.
Comme expliqué plus haut, on voit certains chiffres rayés. [/i]
exemple2.jpg
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Par exemple, on voit que sur le Ab9, on ne jouera pas une 11+ (un fa), parce qu'il va frotter méchamment avec la 7e (le sol b) : écart de 9b. Pour l’accord suivant, qui est chiffré en 13b, on ne va pas mettre la 13e… Sur le C-7, on ne va pas rajouter une 11+ (fa# ou sol b) qui va frotter méchant avec le sol de la mélodie… Etc.



Le hors limite

« Voyons maintenant, comme je vous l’avait promis », ce qui s’appelle le hors limite »


Et là, Ivan nous offre le truc en or, ce qu’on ne peut vraiment savoir que lorsque comme lui, on a écrit plus de 10000 arrangements dans un peu toutes les configurations.
Savoir par exemple à partir de quel écart et à quel endroit les deux premières notes de basse construisant l’accord ne sonneront pas du tout. Par exemple, pour une 7e mineure, fa (du fa sous la clé de fa) et mib, c'est la limite (1/2 ton plus bas, à la rigueur ça sonne encore)… mais plus bas, c’est rédhibitoire… cela sonne pâteux. Si par exemple l’accord (répartis entre différents instruments) contient une seconde mineure (par exemple mi et fa), il ne faut pas que celle-ci ne dépasse pas le mi et fa (du fa de la clé de fa). Pour une tierce mineure, do mib (sous le fa de la clé de fa) est la limite inférieure. On peut tenter celle un demi ton en dessous, mais un ton en dessous, c’est sûr que cela ne va pas sonner. Etc. etc.

A suivre...
Modifié en dernier par Christof le mer. 21 juin, 2023 16:08, modifié 53 fois.
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