D’accord, d’accord, je reviens alors que j’avais dit qu’on ne m’y prendrait plus. Ce n’est pas pour relancer le sujet, c’est qu’après réflexion, il m’importe d’avoir été bien comprise. Je partage ton point de vue sur le but d’un débat, Lee : sur le fond, il s’agit bien de convaincre l’autre de ses idées. Mais sur la forme, je trouve qu’intervenir de façon véhémente sans avoir pris le temps de lire ce qui précède, ou sans l’avoir compris, ou en caricaturant les arguments de l'autre, ou en le soupçonnant d’emblée d’être un être léger, stupide, fataliste, indifférent est inacceptable et surtout très frustrant.
L’extrême audace ou l’extrême platitude, selon, de mes propos ont entraîné bien des énervements inutiles :
1/ Je n’aurais absolument aucune conscience de la réalité des discriminations à l’égard des femmes.
Je ne comprends pas. N’importe qui lisant ce que j’ai écrit y verrait apparaître exactement l’inverse. Dès lors, je ne vois pas pourquoi JPS estime nécessaire de me faire une liste dans son 2ème message de quelques exemples de discriminations à l’égard des femmes, ni pourquoi il suppose que je vis dans une réalité différente de la sienne. J’ignore quelles sont tes activités, JPS, qui te permettent de laisser entendre que tu es davantage confronté que moi à l’inégalité homme / femme, mais tu ignores aussi les miennes. Elles sont fort communes, au demeurant : sur le plan professionnel, il est vrai que j’exerce un métier – enseignante – auquel les femmes accèdent sans aucune forme de discrimination (encore que je pourrais me demander pourquoi il est si massivement investi par les femmes et si délaissé par les hommes). Sur un plan plus personnel, comme beaucoup de gens, je lis, me documente, m’intéresse à l’actualité, et interviens plus particulièrement en tant qu’« accompagnante » dans une association autour du deuil périnatal : elle a peu à voir a priori avec le thème des discriminations mais la thématique étant essentiellement féminine, je peux affirmer que c’est une occasion supplémentaire pour moi de prendre la mesure des préjugés qui persistent – véhiculés à tous les échelons de la société, par des hommes ou femmes - à l’égard des femmes dans notre pays, spécialement, mais pas seulement, quand des sujets comme l’avortement sont abordés.
Alors c'est vrai, mes activités ne sont pas exceptionnelles et je ne doute pas que les tiennes le soient davantage. Ceci dit, je ne pense pas que le débat se situe là : je suis convaincue que chaque homme ou chaque femme de ce pays, quels que soient son statut, ses engagements, son métier, a les moyens de prendre la mesure des problèmes sitôt qu’il y est sensible.
A ce titre, j’affirmerai, en espérant n’être pas trop polémique et ne choquer personne, qu’une femme est par nature, plus sensible aux discriminations, précisément parce qu’elle est une femme et qu’elle vit quotidiennement le sexisme ordinaire. Quelques exemples en ce qui me concerne : Quand, après avoir accouché, le médecin me demande des nouvelles, que j’ose que plaindre que l’épisiotomie est très douloureuse (aaah désolée pour les détails) et qu’il lève les yeux au ciel, balaie la question d’un air impatienté : « Mais vous êtes contente, vous avez deux beaux bébés. » Quand j’ouvre la porte à mon voisin qui s’interroge sur une limite de propriété et qu’il demande à parler à mon mari. Quand je me fais traiter de « mal baisée » au volant (tiens, là, c’était une conductrice)... je ne continue pas, c’est inutile, et chaque femme peut faire sa propre liste.
2/ J’ai osé écrire que le débat prend peut-être un peu trop d’ampleur en regard de son point de départ : le problème des compositrices discriminées.
Oui. Je le maintiens.
Je le maintiens parce qu’en France, une femme a les mêmes droits civiques qu’un homme : celui d’aller à l’école, celui de travailler, celui de conduire, celui de voter, celui de choisir son mari, et même de le tromper, celui d’être en bikini sur la plage (ah tiens, pas celui d’être en burkini... mais au secours, pas de débat sur ce forum), et tout ça sans risquer d’être arrêtée par la police des mœurs ni d’être battue, lapidée ou mise à mort.
C’est toute la différence qui sépare une compositrice discriminée d’une femme afghane, par exemple.
3/ J’ai écrit cette chose triste : « Au mieux, je pense la discrimination positive peu efficace, au pire contre-productive. »...
... Mais quand même, j’ai pris la peine de développer pour ne pas trop vous attrister. JPS, Lee, ce serait sympa de noter mes efforts et de ne pas pousser trop rapidement des cris d’orfraie parce que vous soupçonnez qu’une vilaine diseuse de lieux communs ou une dangereuse néo-nazie se cache derrière cette phrase. Parce que moi aussi je lis des phrases qui me laissent perplexe. Comme celle-là, par exemple, et que je ne me pâme pas d'horreur pour autant :
JPS :
Il est simplement question d'obtenir un traitement égalitaire pour toutes les personnes.
Je pourrais écrire : « Voilà le triste argument qu’on entend partout », mais ce serait pur esprit de vengeance, et puis ça ne me rend même pas triste. C’est juste que je trouve ça un peu naïf. Dans l’expression « discrimination positive », il y a le mot « discrimination ». Donc par définition, toute forme de discrimination, ne peut être égalitaire. Cette phrase est un non-sens. Dès lors qu’une femme est choisie parce qu’elle est femme, et même si c’est dans les meilleures intentions du monde, elle est discriminée. C’est dans ce sens que je disais la discrimination positive peu productive : parce que finalement, elle ne met pas fin aux clichés, parce qu’encore une fois, l’être humain est réduit à ce qui n’est qu’une partie de son identité. Même discriminée positivement, une femme devra quand même montrer deux fois plus, au moins pour prouver qu’on ne s’est pas trompé quand on l’a choisie.
Mais comme je prends soin de lire JPS et parce que je sais qu’il est facile de sortir une phrase de son contexte en ricanant de sa vacuité, je me doute qu’il s’est seulement mal exprimé et qu’en réalité, il voulait dire que la discrimination positive permettait de corriger un tant soit peu des inégalité inacceptables. Mais ça, ça ne servait plus à rien de le dire à ce moment du débat puisque Oupsi venait de l’expliquer avec conviction et que j’avais admis qu’elle avait raison.
De toute évidence, JPS, tu es intervenu vite, parce que tu avais saisi une phrase au hasard qui ne te plaisait pas, sans lire les échanges précédents, peut-être parce qu’à ce moment précis tu te sentais une âme de justicier. Mais si on se dit choqué, triste et que décidément, on ne peut pas laisser passer une fois de plus un énième exemple de la bêtise humaine, c’est que la chose est grave : alors on prend le temps de bien le faire. Et sans doute, on évite de prendre trop rapidement ombrage de l’ignorance : personnellement, et sans vouloir employer de grands mots, je trouve que c’est une posture épistémique intéressante. Elle permet d’interroger le monde en toute naïveté, pour infirmer ou confirmer n’importe quelle idée trop établie, bonne ou mauvaise, et j’aime mieux discuter avec Socrate qu’avec Zorro.
4/ Le monde va mal, et je préfère ne rien faire
C’est faux. Alors bien sûr, je ne suis ni militante, ni femme politique, ni décisionnaire de quoi que ce soit, seulement prof. Mais à mon petit niveau, avec mes petits moyens, je me dis que je ne suis pas inutile : j’apprends à des élèves de 15 à 18 ans à analyser un texte, à se former un jugement, à organiser et clarifier sa pensée, et peu importe la matière que j’enseigne, l’école aide quand même un peu à lutter contre les préjugés, il me semble.
En fait, ce qui est formidable, c’est que chacun, quels que soient son métier ou ses activités, lutte contre les préjugés, selon ses moyens, à partir du moment où il y est sensible. Mais ce qui est encore plus formidable, c’est que chacun est libre de s’en foutre. Et je ne trouve pas ça triste, parce que ça s’appelle la liberté de penser et que j’y suis plutôt attachée.
Lee, tu prends toutes ces questions très à cœur et t’interroges sur la meilleure façon d’agir. Je ne veux pas être présomptueuse et te donner des leçons sur un sujet que je ne maîtrise pas mieux que toi, mais peut-être qu’un premier pas serait d’admettre que la bêtise existe, de l’accepter comme telle, et de ne pas détester le genre humain pour autant.
Pour ceux qui seraient arrivés à la fin de ce loooong message (bon à ce stade, je sais bien que j’ai perdu JPS) je me permets de donner le titre de mon livre de chevet sur les femmes. En fait, c’est une BD : drôle, documentée, intelligente, militante mais pas dogmatique, et mille fois plus instructive que tout ce qu’on aura pu écrire sur ce fil :
L’Origine du monde, par Liv Strömquist, une auteure suédoise.
http://www.editions-rackham.com/produit ... -du-monde/
Lee :
Cet article était destiné au lecteur américain moyen,où les femmes sont en train de perdre toute controle de leurs corps en tout qui concerne contraception et avortement. Il y a question que les quelques accès aux soins que Obama a apporté soit enlevé...À l'heure actuel aux Etats-Unis les enfants amenés petits qui ont grandi et se sont passés toute leur vie là sont menacés de deportation.
Au fait, c'est quoi ça, Lee, un préjugé laissant entendre que comme la cause est bonne, on peut écrire un article un peu simpliste pour convaincre des Américains un peu simplets d'agir ? Alors là, bravo, un message appelant à la manipulation des masses présumées incultes et idiotes