Inégalité femmes/hommes

Hors-sujet, questions sur l'utilisation du forum...
Répondre
mieuvotar

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par mieuvotar »

2 petites remarques pour remettre un peu les choses en perspective :

1) En 2017, on ne compte que cinq membres de sexe féminin à l'Académie. Et en quatre siècles, il n’y a eu que huit femmes sur 729 académiciens...

2) "Le Dictionnaire de l’Académie française (…) donne une certaine image de la langue soignée, et la caution de ce juge sévère suffit à rendre légitimes des tours que l’on avait critiqués. En revanche, ses mises en garde sont plus d’une fois discutables, parfois même oubliées par les académiciens aussitôt quitté le quai de Conti" (dans Le Bon Usage de Grevisse et Goosse)

:mrgreen:

Source
Avatar du membre
Moderato Cantabile
Messages : 1573
Enregistré le : ven. 01 juil., 2011 13:48
Mon piano : Erard 1 - Seiler 206

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Moderato Cantabile »

Arabesque : il semblerait que pour les professions féminines les vocables : médecine , philosophesse, etc.... aient été utilisés autrefois . Je ne suis toutefois pas certaine de l'époque concernée ..... Sans doute au Moyen Age où la place des femmes dans la société était importante et reconnue . Il y eut d'ailleurs la célèbre Papesse Jeanne ! :wink:

En 1634 Richelieu crée l'Académie Française qui initie le mouvement d'unification du territoire par la langue, pendant aux conquêtes territoriales. Les grammairiens du XVIIe entreprennent donc de réformer la langue pour la codifier. La masculinisation ne fait pas d'emblée consensus et provoque de grands débats.

Sur le plan du genre des noms de fonction, en 1607 Charles Maupas publie sa "Grammaire Françoise contenant règles très certaines" dans laquelle il énonce : « Tout nom concernant office d'homme est de genre masculin, et tout nom concernent la femme est féminin, de quelque terminaison qu'ils soient. »
Fréron écrit dans l'année littéraire de 1768 : « (...) spectacle lyrique de Mlle Saint André, artificière du Roi, seule approuvée de l'Académie Royale des Sciences »
Sur la question de l'accord en genre cependant, un grammairien illustre, Claude Favre de Vaugelas affirme depuis 1647 dans un ouvrage de grammaire qui devient vite une référence majeure : « Le genre masculin étant le plus noble, il doit prédominer chaque fois que le féminin et le masculin se trouvent ensemble. »
Cette posture ne fut pas unanimement acceptée.
Ainsi Vaugelas note-t-il lui-même la résistance des femmes de la cour à cette masculinisation et propose-t-il de se soumettre à l'usage : « Néanmoins, puisque toutes les femmes aux lieux où l'on parle bien, disent la et non le, peut-être que l'usage l'emportera sur la raison, et que ce ne sera plus une faute ».

Cette résistance est aujourd'hui attestée et documentée. Gilles Ménage rapporte ainsi une conversation avec Madame de Sévigné :
« Madame de Sévigné s'informant sur ma santé, je lui dis: madame, je suis enrhumé. Je la suis aussi, me dit-elle. Il me semble, Madame, que selon les règles de notre langue, il faudrait dire: je le suis. Vous direz comme il vous plaira, ajouta-t-elle, mais pour moi, je croirais avoir de la barbe au menton si je disais autrement » :mrgreen: =D>

À la veille de la Révolution, selon Elaine Viennot, Beaumarchais écrit dans les Noces de Figaro : « J'étais née, moi encore, pour être sage, et je la suis devenue . »
En France, l'avènement de la bourgeoisie consacre la règle établie par les spécialistes de la grammaire qui veut que l'on utilise le masculin pour désigner aussi bien des femmes que des hommes (d’où des locutions comme « madame le secrétaire général », etc.). Il a aussi été d'usage d'utiliser les formes féminines pour désigner les épouses d'un professionnel (« boulangère » pour l'épouse du boulanger).

C'est bien plus tard qu'au lieu d'invoquer la supériorité du genre masculin, l'Académie Française le désigne comme genre « non marqué » ou "neutre" pour conserver cette règle qui date du XVIIe siècle seulement dans l'histoire de la langue française.

(source Wikipédia)

Eh oui Oupsi , tu as raison : notre omniprésent masculin est en fait neutre selon l'Académie Française . :wink:
"Il faut que cela soit si gai , si gai , que l'on ait envie de fondre en larmes ."
Avatar du membre
Arabesque44
Messages : 3785
Enregistré le : lun. 07 oct., 2013 18:11
Mon piano : Bechstein 175 Yamaha 155P
Localisation : Nantes

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Arabesque44 »

Merci Moderato, très intéressant...
La position du dénommé Vaugelas n'est heureusement plus prédominante, et ce n'est pas parce que parmi les Immortels il n'y a pas (encore) eu beaucoup de femmes , qu'ils faut soupçonner l'Académie Française de sexisme. Les Académiciennes sont d'ailleurs parmi les plus hostiles à la féminisation systématique des professions et titres. Cf Hélène Carrère d'Encausse:
Elle est élue secrétaire perpétuel de l'Académie le 21 octobre 1999, avec 26 suffrages sur 31, en remplacement de Maurice Druon, démissionnaire de cette fonction36. Le titre non féminisé est utilisé à la demande expresse de l'intéressée aussitôt après son élection36. Cet usage est généralement respecté dans les médias. Elle est la première femme à accéder à ce poste.
Et a-t-on une explication pour la situation inverse dans la langue allemande? Le féminin qui "l'emporte sur le masculin" témoigne-t-il d'une domination féminine au moment de la formation de la langue ( certes non, vu l'Histoire!) , ou d'une croyance à une supériorité féminine (j'en doute fort, tant nos civilisations sont proches.)
Lazur84
Messages : 557
Enregistré le : ven. 17 févr., 2017 15:02

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Lazur84 »

Je ne sais pas du tout ce qu'il en est pour l'allemand mais je sais qu'avant Vaugelas, en France, on pratiquait couramment pour les accords la "règle de proximité", calquée en fait sur le latin et le grec. Ainsi, on pouvait écrire : Les haricots et les pommes sont vertes.
Personnellement, je préfère cette solution à l'écriture inclusive (Les haricots et les pommes sont vert-e-s) qui présente 2 inconvénients majeurs : 1/ Présenter les humains de façon binaire, comme l'a souligné Oupsi. 2/ Compliquer l'orthographe du français qui l'est déjà suffisamment...
N'oublions pas que Vaugelas visait avant tout à rationaliser l'orthographe (bon, en tant qu'homme il a choisi une règle "sexiste" :mrgreen: ... règle assez naïve d'ailleurs, qui s'appuie sur une correspondance supposée entre genre grammatical et genre sexué...)
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11173
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par jean-séb »

Arabesque44 a écrit : sam. 28 oct., 2017 11:07Et a-t-on une explication pour la situation inverse dans la langue allemande? Le féminin qui "l'emporte sur le masculin" témoigne-t-il d'une domination féminine au moment de la formation de la langue ( certes non, vu l'Histoire!) , ou d'une croyance à une supériorité féminine (j'en doute fort, tant nos civilisations sont proches.)
J'ai dû roupiller pendant mes cours d'allemand, je ne me rappelle pas cette histoire. À moins que tu ne fasses allusion à l'utilisation de "Sie", analogue au pronom féminin, 3e personne du singulier, en tant pronom de politesse et aussi en tant que pronom 3e personne du pluriel, tous genres.
Avatar du membre
Arabesque44
Messages : 3785
Enregistré le : lun. 07 oct., 2013 18:11
Mon piano : Bechstein 175 Yamaha 155P
Localisation : Nantes

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Arabesque44 »

En allemand, on a aussi l'article "die" qui est le même pour le féminin singulier, et pour le pluriel des trois genres ( der, die, das au singulier)
"Sie" est le pronom personnel employé au pluriel à la place de "ils" ou "elles", quel que soit le sexe des personnes concernées ( ou le genre des objets ,neutre, masculin ou féminin)
Je m'en étais rendue compte en apprenant l'allemand, je me réjouissais que "le féminin l'emporte sur le masculin" :mrgreen: mais je n'ai pas souvenir que les profs aient insisté là-dessus. Ca allait de soi, comme en français, et on ne se posait pas trop de question ( mais les mâles de ma famille aimaient me faire "enrager pour rire" avec ce "masculin qui l'emporte sur le féminin" dans la langue française :mrgreen: )
Aujourd'hui, je suis beaucoup moins susceptible, heureusement, et avec l'éclairage de ces souvenirs lointains, ces polémiques me semblent donc avant tout des enfantillages...
Avatar du membre
Arabesque44
Messages : 3785
Enregistré le : lun. 07 oct., 2013 18:11
Mon piano : Bechstein 175 Yamaha 155P
Localisation : Nantes

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Arabesque44 »

Lazur84 a écrit : sam. 28 oct., 2017 11:57 Les haricots et les pommes sont vertes
Pas bête du tout. Le dernier a toujours raison!
Dans le même ordre d'idée que "l'un et l'autre se dit ou se disent", où là, les grammairiens n'ont pas tranché!
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11173
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par jean-séb »

Arabesque44 a écrit : sam. 28 oct., 2017 13:40 En allemand, on a aussi l'article "die" qui est le même pour le féminin singulier, et pour le pluriel des trois genres ( der, die, das au singulier)
"Sie" est le pronom personnel employé au pluriel à la place de "ils" ou "elles", quel que soit le sexe des personnes concernées ( ou le genre des objets ,neutre, masculin ou féminin)
Je m'en étais rendue compte en apprenant l'allemand, je me réjouissais que "le féminin l'emporte sur le masculin" :mrgreen: mais je n'ai pas souvenir que les profs aient insisté là-dessus.
Parce que la question ne se pose pas du tout dans ces termes. D'ailleurs l'article féminin "die" fait "der" au génitif et au datif et reprend donc le nominatif masculin ! Ce sont pures coïncidences de désinences.
Par ailleurs, en allemand, contrairement au français, l'adjectif attribut ne se décline pas. Mais il a la forme masculine (ou neutre) comme en français, sans désinence, non seulement en cas de pluralité de donneurs masculins et féminins, mais même pour des donneurs seulement féminins : Die Kühe sind alt, les vaches sont vieilles.
Avatar du membre
Arabesque44
Messages : 3785
Enregistré le : lun. 07 oct., 2013 18:11
Mon piano : Bechstein 175 Yamaha 155P
Localisation : Nantes

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Arabesque44 »

jean-séb a écrit : sam. 28 oct., 2017 14:51 Par ailleurs, en allemand, contrairement au français, l'adjectif attribut ne se décline pas. Mais il a la forme masculine (ou neutre) comme en français
La je n'y vois pas une marque de "masculinité", car l'adjectif attribut est totalement neutre. "Alt" au masculin se décline aussi! (ein alter Mann)
Pour les articles, j'admets qu'y voir un parallèle "sexué" est un peu tiré par les cheveux, mais concernant le pronom personnel au pluriel , en cas de groupe mixte, on utilise bel et bien le pronom féminin singulier qui devient pluriel sans changement.
De même, "Sie" est la forme courante de politesse au singulier comme au pluriel( "elle" est utilisé aussi en français dans certains cas marginaux)
C'est un constat, et je ne crois pas un instant que c'ait été fait "exprès"! Je le rappelle surtout pour faire comprendre qu'il y a très peu ou pas de sexisme dans la langue allemande, et dans l'autre sens, très peu chez nous également. Ce sont surtout de commodités de langage, des conventions.
Avatar du membre
Lee
Messages : 11345
Enregistré le : lun. 09 sept., 2013 0:09
Mon piano : Pleyel 3bis 1925

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Lee »

La discussion sur mon choix d'écriture pour mon fil original de sondage compositeurs/compositrices étant transféré ici je me permets d'intervenir juste pour citer des informations malgré moi, j'ai l'impression qu'on a mal compris ce que l'écriture inclusive veut dire.
Quelles sont les règles de l’écriture inclusive ?

Pour rédiger un texte non sexiste, il faut respecter trois principes. D’abord accorder les grades, les fonctions occupées, les métiers ou encore les titres en fonction du genre. Ainsi, on parlera d’une charpentière, d’une professeure, d’une pompière, d’une auteure ou autrice (au choix). A l’inverse, dans un idéal égalitaire, est-ce qu’on masculinise les noms féminins ? Oui, même si c’est plus rare. L’Office québécois de la langue française recommande, par exemple, d’écrire «un homme de ménage» et«une ménagère, un ménager». «En France, il n’y a aucun problème pour dire "infirmier" mais il y en a beaucoup apparemment pour dire "chirurgienne". C’est pour les métiers valorisés socialement qu’il y a le plus de résistances», souligne Raphaël Haddad.

Deuxième règle : pour évoquer un groupe de personnes, on prend le soin de décliner à la fois au féminin et au masculin. C’est ce qu’on appelle la double-flexion. On obtient alors «les candidates et les candidats à l’élection présidentielle» ou «les cheffes et les chefs de service» si l’on choisit d’énumérer. Mais met-on d’abord les métiers féminins ou masculins ? C’est l’ordre alphabétique qui va primer : «les maçonnes et les maçons», «les décorateurs et décoratrices», «les maires et les mairesses», «les plombières et les plombiers». Il est aussi possible de condenser le tout dans un seul mot, en séparant par un point, comme l’a fait Hatier dans son manuel en écrivant que, «grâce aux agriculteur·rice·s, aux artisan·e·s et aux commerçant·e·s, la Gaule était un pays riche».

Enfin, on évite les mots «homme» et «femme» et on utilise des termes génériques, plus universels. Le Haut conseil à l’égalité préférait par exemple, dans son rapport, «droits humains» à «droits de l’homme». Au lieu d’écrire «les enseignant·e·s» ou «les enseignantes et les enseignants» , on peut préférer parler du «corps enseignant» pour alléger le texte.

Pour la conjugaison et les accords, là aussi, on abandonne la primauté masculine au profit de la proximité. Le nom le plus proche du verbe l’emporte. Ce qui donne : «les maires et les mairesses sont satisfaites» et «les plombières et les plombiers sont occupés».

Cas pratique : dans une entreprise, on souhaite parler des collaborateurs, mot qui est masculin au pluriel. En langue inclusive, la première option est la double flexion : «les collaborateurs et les collaboratrices». La deuxième est d’utiliser une reformulation épicène, c’est-à-dire à l’aide de mots hermaphrodites. On pourrait ainsi remplacer «les collaborateurs» par «les membres», car cela fonctionne avec «une» et «un». La troisième option serait d’utiliser les points milieu : collaborateur·rice·s. «On peut jongler entre ces trois options au cas par cas. C’est ce que l’on fait toutes et tous au quotidien, on choisit le mot le plus adapté en fonction du contexte. Ainsi, l’écriture inclusive ne rigidifie pas la langue. On peut aussi très bien écrire un texte entier sans aucun point milieu si on est rebuté par ce type de ponctuation», note Raphaël Haddad.

Pourquoi le point milieu est-il préféré à la parenthèse, au point ou au tiret ?

La parenthèse a été exclue d’office car cela revient à mettre le féminin entre parenthèses. Le point final et le tiret ont déjà une vocation dans l’écriture, donc les promoteurs de l’écriture inclusive ne voulaient pas les détourner de leur usage grammatical. C’est comme ça que le point milieu est né. Sous Windows, on l’obtient (un peu difficilement) grâce au raccourci Alt+0183 et sur Mac Alt+maj+F. L’Afnor est en train de réformer le clavier AZERTY et a fait des propositions qui incluent le point milieu. Ce signe sera imprimé sur les futurs claviers, ce qui le rendra donc plus accessible. Reste que l’utilisation de ce signe est critiquée car il rendrait les textes incompréhensibles pour les non-initiés. «Dire que c’est illisible est faux, une étude a démontré que la vitesse de lecture est à son niveau normal à partir de la deuxième occurrence, soutient Raphaël Haddad. Quand on rencontre le point milieu la première fois, on se dit qu’il se passe un truc étrange et la deuxième fois on arrive parfaitement à le lire.»
Source
http://www.liberation.fr/france/2017/09 ... ve_1598867
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
Avatar du membre
Oupsi
Messages : 4418
Enregistré le : ven. 31 juil., 2009 14:06
Localisation : S.-O.

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Oupsi »

Merci pour ces explications. Je vais tenter d'expliquer ce que j'essayais de dire. Prenons les choses par l'autre bout, ce sera peut-être plus clair.
Si cet usage se généralise, ce changement d'écriture n'est pas seulement une convention de l'écrit, il entraîne un changement de signification des mots ou de leurs flexions. C'est d'ailleurs ce qui est visé, et l'idée est légitime : désinvisibiliser les femmes.

Aujourd'hui, si je dis : je vais retrouver mes amis, le référent du signe "amis", c'est à dire ce que ça désigne dans la réalité, est mixte, non marqué, non connoté. Ça peut être des hommes seulement, ou des hommes et des femmes. La représentation mentale associée au signifiant "amis", à l'oral comme à l'écrit, admet cette variance, cette indétermination et cette mixité, dont la teneur est laissée à la discrétion du réel, en quelque sorte. Si mon interlocuteur veut des détails, il demande: tes amis, ou tes amies? (faites sonner le "e" à l'oral).
La même chose s'applique à une phrase comme 'je respecte les compositeurs contemporains". Le référent est mixte. (Une partie de la signification étant culturelle, le référent est, d'une certaine manière, "brouillé" par le fait qu'il y a beaucoup moins de femmes que d'hommes compositeurs dans l'histoire et encore aujourd'hui, de sorte que, selon la culture de la personne qui énonce et reçoit le message, le fameux référent sera plus ou moins précis. Pour l'immense majorité des gens, le référent aura deux ou trois "représentants", disons Boulez et Stockhausen, et aucune femme. Pour que ces gens changent de représentation, il faut surtout diffuser les œuvres des femmes et les faire écouter, ça aura plus d'effet que d'écrire compositeur·trice·s mais bon c'est un autre débat).
Ce que je veux dire, c'est qu'il y a des choses dans une langue qui sont plus ou moins déterminées. C'est ça qui va évoluer probablement avec ce nouvel usage.
Dans quelque temps, l'écriture inclusive généralisera l'idée que la présence de femmes dans un groupe doit être marquée dans le signifiant dès lors que le signifiant non marqué a la forme masculine. Donc, je peux imaginer que dans quelque temps, lorsque je dirai ou écrirai "je vais retrouver mes amis", le référent sera masculin, car il n'y aura pas de marque pour le féminin dans mon énoncé. Donc je devrai préciser les choses, d'une manière ou d'une autre, pour que mon interlocuteur forme dans sa tête la même signification que moi lorsqu'il décode mon message. Pour reprendre l'exemple de Lee, dans quelque temps, si j'écris ou demande à l'oral "quels sont vos compositeurs préférés?", la question sera comprise comme ne portant que sur les hommes. Donc pour tout énoncé de ce genre, se posera le choix au moment où j'encode mon message : "de qui veux-je parler? des hommes seulement, des femmes seulement, ou des deux?" Comme bien évidemment, sauf exception, quand on parle des compositeurs ça englobe les deux sexes, ça veut dire que la forme compositeur·trice·s deviendra le mot pour désigner ce qu'on désigne actuellement par la forme "compositeurs". Sauf qu'à l'oral ça se prononcera "compositeurs et compositrices".
Voilà, je ne sais pas si je m'explique. L'article de Libé confirme en filigrane ce que je disais sur la mixité implicite. L'argument est de dire que quand on peut dire "un" ou "une" avant le mot au singulier, la question ne se pose pas au pluriel (donc, théoriquement, la question ne se posera pas pour "les pianistes" ni d'ailleurs, à l'oral, pour mon exemple des amis). Je veux bien, mais ça fait des distorsions étranges dans la manière dont se distribue la signification et ses déterminations. Cela dit, l'esprit humain est fabuleux et nous ne sommes pas à une distorsion près, ni dans nos idéologies, ni dans nos langues. Je lirai avec intérêt les futures grammaires et analyses linguistiques.
Avatar du membre
Lee
Messages : 11345
Enregistré le : lun. 09 sept., 2013 0:09
Mon piano : Pleyel 3bis 1925

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Lee »

Merci Oupsi pour cette explication, je crois comprendre ce que tu veux dire.

Effectivement je crois que le basculement des pensées que tu évoques peut gêner les normes dans le sens qu'on peut désormais poser des questions qui n'avaient pas lieu à être posées avant. Pour développer ton exemple, avant (et actuellement encore) on peut dire "les compositeurs sur le programme proposé" - s'il n'y a aucune compositrice, ce fait peut être "brouillé" comme tu dis et la mixité n'est pas une question qui se pose naturellement, soit il y a des femmes, soit il n'y a pas, et quelque part, on considére que cette compréhension sans clarité n'est pas un problème. Désormais, s'il y a le basculement que tu évoques et tout devient "en clair" quand on dira "les compositeurs sur le programme proposé" on comprend qu'il n'y a aucune femme. Dans ce sens, c'est indéniable que l'écriture inclusive est bien politique et feministe, il s'agit de pouvoir poser des questions ou de mettre en lumière la situation des femmes. Et grâce à toi, j'ai enfin vu une possibilité du verre à moitié plein pour la langue française 8) et tous ses mots masculins et feminines : en anglais "the composers" pourraient toujours être sans mixité, sans clarité et sans soupçon.
Modifié en dernier par Lee le dim. 29 oct., 2017 8:09, modifié 1 fois.
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11173
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par jean-séb »

Lee a écrit : dim. 29 oct., 2017 0:02 Et grâce à toi, j'ai enfin vu une possibilité du verre à moitié plein pour la langue française 8) et tous ses mots masculins et feminines : en anglais "the composers" pourraient toujours être sans mixité, sans clarité et sans soupçon.
Quand on voit les difficultés que des changements très logiques et très innocents comme nénuphar en nénufar ont à s'imposer, je me dis que ce n'est pas demain la veille que l'écriture inclusive va s'imposer.
Mais Lee, tu viens de me faire penser à une solution beaucoup plus simple, pour le français, que tous ces changements proposés jusque-là, dont l'ampleur même les rend difficiles à envisager (féminisation de tous les noms, écriture inclusive). Et cette solution, elle m'est inspirée par l'anglais ; puisque composer y est épicène et convient à tout le monde, puisque le français a eu le tort de former un mot féminin spécifique comme compositrice et que de là vient tout le mal, la solution, la voici : éliminons de la langue française tous ces mots formés spécifiquement pour concerner un genre et ne conservons qu'un seul mot, généralement le plus ancien en date, au titre de mot épicène, qu'il soit formellement masculin ou féminin (compositeur, pianiste, recrue, sentinelle, vedette, souris, girafe, mulot). Ces noms auront vocation, comme c'est déjà le cas pour un certain nombre d'entre eux, à désigner les deux genres, et quand on voudrait préciser si on désigne un mâle ou une femelle, on ajouterait un signe spécifique à convenir. Comme les Français sont fanatiques d'anglicismes, on pourrait leur proposer un préfixe he- ou she- , ou s'il faut franciser , un Il- ou el- ou un om- ou fam-.
Chausson et si un charmant he-compositeur, il-compositeur, om-compositeur et Mel Bonis une grande she-compositeur, el-compositeur ou fam-compositeur. Simple, non ?
Avatar du membre
Lee
Messages : 11345
Enregistré le : lun. 09 sept., 2013 0:09
Mon piano : Pleyel 3bis 1925

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Lee »

Ta "solution" est simple, mais les Français préférent faire compliqué, et les expressions comme "il-compositeur" trop aesthetiquement repoussant pour être prise et acceptée, j'en suis sûre...à tel point je me demande si ton message n'est pas une boutade, reductio ad absurdum ? :mrgreen:
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11173
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par jean-séb »

il-compositeur ou el-compositeur n'ont vocation à s'employer que quand on veut spécifier le genre, ce qui, au fond, est certainement le cas le plus rare. Dans la majorité des cas, on ne vise pas un genre, et on utilisera compositeur, tout simplement, comme tu utilises composer en anglais. Et il est quand même clair que de rares occurrences de il-compositeur ou el-compositeur sont bien moins gênantes visuellement qu'une infinité de composit.eur.rice ou autre innovation.
De toute façon, rien de tout cela ne prendra ; on ne modifie pas la langue aussi facilement que ça. Les résistances sont immenses, même quand les modifications sont bien fondées.
Avatar du membre
Lee
Messages : 11345
Enregistré le : lun. 09 sept., 2013 0:09
Mon piano : Pleyel 3bis 1925

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Lee »

jean-séb a écrit : dim. 29 oct., 2017 11:47 De toute façon, rien de tout cela ne prendra ; on ne modifie pas la langue aussi facilement que ça. Les résistances sont immenses, même quand les modifications sont bien fondées.
Je me permets de souligner ne pas avoir été la première de l'utiliser sur le forum. Par exemple si je ne trompe pas, un de mes jeunes héroes du forum. :D Alors je garde espoir pour l'avenir quand même...
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
nox
Messages : 7904
Enregistré le : jeu. 17 mai, 2007 22:22

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par nox »

Allez hop, il ne sera pas dit que je n'aurai pas contribué à ce fil :
Avatar du membre
Lee
Messages : 11345
Enregistré le : lun. 09 sept., 2013 0:09
Mon piano : Pleyel 3bis 1925

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Lee »

Attention. :mrgreen: Être réac fait vieillir à un rythme acceleré.
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
nox
Messages : 7904
Enregistré le : jeu. 17 mai, 2007 22:22

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par nox »

Allez, vous reprendrez bien encore un peu de cynisme ?
https://unodieuxconnard.com/2017/11/14/ ... inclusive/
Avatar du membre
Lee
Messages : 11345
Enregistré le : lun. 09 sept., 2013 0:09
Mon piano : Pleyel 3bis 1925

Re: Inégalité femmes/hommes

Message par Lee »

On a de la chance, je me suis calmée en lisant cette recherche :
https://www.researchgate.net/publicatio ... _Languages
En gros le français comme les langues avec les noms genrés (ou neutres) est simplement désavantagé pour la parité, alors je baisse les bras contre une langue qui est partiellement responsable pour les esprits pas ouverts, contre toute progression ou réacs... :twisted:
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
Répondre