@ Nox.
1. Je ne fais aucune pirouette linguistique. Je dis seulement que tu vas chercher Ansermet à la rescousse en ne tenant pas compte du contexte dans lequel il a rédigé son pamphlet. En pleine querelle entre les partisans du sériel pur et dur et les modérés. Une époque où il était indispensable de se positionner car les débats étaient particulièrement animés. Voilà pour la forme. Pour le fond, faut-il rappeler que ce manifeste est l'oeuvre d'un homme de près de 80 ans, dont la perception, les codes et le langage ne sont plus en phase avec son époque.
Donc, tu ne déformes peut-être pas une ligne de ce qu'il écrit, effectivement, puisque tu te contentes de mettre ce texte sur le tapis, comme argument d'autorité... (et comme je m'assois sur les arguments d'autorité...
)
2. Tu crois vraiment que Bach avait si peu d'ambition : "faire quelque chose de beau qui plairait" ? Il s'adressait directement à Dieu. Sa musique était une musique de fonction. Une courroie de transmission entre les fidèles et l'esprit saint. Il utilisait pour ça les outils d'un artisan. Nous les trouvons beaux. Ils le sont. Beethoven aurait sans doute adoré être aimé pour toute son oeuvre. Mais si tu avais été son contemporain, tu aurais jeté ses sonates, ses quatuors et ses symphonies aux orties. Schubert... A toujours rêvé de toucher un large auditoire, en composant... Des opéras ! Non. il est bien trop long de faire l'énumération des compositeurs qui ne composent pas "pour plaire", mais simplement parce qu'une force leur dicte de le faire... Même lorsque cette force est la nécessité de bouffer.
D'autre part, la vision du compositeur incompris, persuadé de s'adresser aux générations futures, est très romanesque mais peu crédible.
3. Arrête de systématiquement nous balancer les deux mêmes exemples. Si je prends telle mouvement de sonate un peu faible du jeune Beethoven, et que je te dis par syllogisme que la musique de Beethoven est faible, tu trouveras à juste titre que mon argumentaire manque d'assise, pêche par omission à dessein, ou montre un manque de connaissance. Tu trouveras aussi que je suis incapable de situer tel fragment de l'oeuvre d'un grand compositeur dans un contexte, comme un moment précis de son évolution, de son langage, une expérience... 4.33 est un happening. Il visait justement à montrer l'ampleur du snobisme d'une certaine expérimentation artistique. Il visait au delà à créer cet espace de vide et de questionnement que l'on peut se poser face à la codification du concert classique.
Quand au travail sur une seule note, je te renvoie à une part très forte de l'oeuvre de Scelsi. Une note unique devient une trame granuleuse, altérée, griffée, texturée, pulsée, écartelée. Cette note devient une sonnerie mortuaire, une alarme terrifiante, une réminiscence de civilisation disparue, un voyage fantastique dans le temps... Voilà ce qu'on peut faire avec UNE note...