

Mercredi dernier, j'ai fait une folie : j'ai dépensé tous mes sous chez Gibert pour ce coffret, qui se présente sous la forme d'un magnifique livre de 212 pages, contenant 15 CD.
Il faut dire que j'étais déjà aller le reluquer la veille ce coffret, sauf que j'avais hésité. Mais finalement, comment résister...
Et donc mercredi juste avant la fermeture, c'était plié.
Ce magnifique cadeau d'édition raconte l’histoire en 15 disques du retour de Vladimir Horowitz sur la scène du Carnegie Hall à New-York, le 9 mai 1965. Un retour extrêmement attendu puisque le pianiste ne s’était plus produit en scène depuis douze ans. Une longue absence du fait de sa personnalité complexe (il était un peu dépressif et a eu quatre périodes d’interruption où il ne voulait plus jouer en concert), mais pour celle-là, la plus longue, même si une part de mystère demeure, il y a deux éléments qui ont déclenché, puis prolongé son retrait de la scène. D’abord une altercation avec le chef Georges Szell après leur concert du 12 janvier 1953, qui l’a profondément blessé, jusqu’à le plonger dans une grande dépression et ensuite, en 1957, alors qu’il songeait à un éventuel retour, sa fille Sonia a eu un grave accident (qui aurait été sans doute une tentative de suicide), qui l’a fait rechuter.
"Je me suis arrêté comme on arrête une voiture dont on ne veut pas brûler le moteur. Je pensais que je ne rejouerai jamais."
Et donc, avec ce coffret, on suit toute la préparation de ce retour, depuis les premiers pas d'Horowitz sur la scène du Carnegie Hall pour répéter, dès le 7 janvier 1965. Il arrive, essaie le piano et se met à improviser… Une merveille !
C’est par cette improvisation qu’il se remet au piano (il y en a plusieurs dans le coffret, ce qui permet de découvrir son immense talent dans ce domaine). Le saviez-vous : Horowitz disait souvent que son plus grand regret était de ne pas être devenu compositeur.

Je ne résiste pas à vous mettre une de ses improvisations ici :
De manière minutieuse, et avec le meilleur son possible, cette édition retrace ses répétitions (9 CD, dont un est une véritable séance d'enregistrement) pour son comeback, et reprend ses concerts (du 9 mai 1965 et du 17 avril 1966 (4 CD)) et enregistrements consécutif (et interview en juin 1965 – 2CD). En outre, le livre qui accompagne ces disques, truffé d’une belle et rare documentation photographique, montre avec quel enthousiasme Horowitz a été accueilli lors de son retour à la scène.
L’objectif de ces documents sonores est de nous introduire dans le cercle des rares personnes qui furent autorisées à assister aux séances de répétition, et d’enregistrement de l’artiste, dans un Carnegie Hall sombre et pratiquement désert.
Les conversations enregistrées dans cette atmosphère studieuse, à huit-clos, permettent de se faire une idée de la manière de travailler du pianiste qui se présentait alors au public au sommet de son art. En même temps, on découvre de manière on ne peut plus complète, des traits caractéristiques de sa personnalité, depuis son humour et son plurilinguisme jusqu’à son exigence d’avoir de parfaites conditions de travail (rappelons par exemple son souci devenu légendaire de trouver la position idéale de son Steinway sur la scène du Carnegie Hall, ou son besoin permanent de recueillir un avis ou une confirmation sur les résultats musicaux qu’il produisait).
En comparant les enregistrements en studio et les prises des répétitions de Carnegie Hall, on constate avec étonnement à quel point celles-ci étaient improvisées. Le pianiste jouait ce que bon lui semblait et les ingénieurs du son de Columbia laissaient tourner les magnétophones, ce dont on peut se réjouir car cela nous permet de découvrir aujourd'hui de multiples conversations inédites.
A savoir : quand les billets ont été mis en vente pour le premier concert de retour le 26 avril 1965 à 10 h du matin, des centaines de personnes avaient fait la queue depuis la veille. Horowitz, en apprenant à minuit que les gens campaient sous la pluie devant Carnegie Hall, a fait porter par sa femme une centaine de tasses de café et à quatre heures du matin, le couple reçu ce télégramme : Cher Maestro et madame, la centaine d’entre nous qui avons passé la nuit à faire la queue souhaitent vous remercier pour le café qui nous a réchauffé le cœur et exprimer la joie et l’impatience avec lesquelles nous attendons votre retour. Avec l’affection et l’admiration de nous tous.

Vladimir Horowitz - concert du 9 mai 1965
Et pour ce qui est de la musique, je ne vous dis pas... Un véritable enchantement ! Bach, Scarlatti, Debussy, Chopin, Scriabin, Schumann, Beethoven, Mandelssohn, Liszt, Moszkowski, Rachmaninoff, Mozart...
Et ce qui est aussi fantastique ici, c'est que pour la plupart des morceaux, ce matériau enregistré en 1965/1966 documente l'évolution de l'interprétation, dans un temps très serré. Si par exemple l'Addagio du Bach/Busoni s'épanouissait déjà magnifiquement le 7 janvier 1965, les lectures d'avril offrent encore plus d'ampleur et de gravité, ainsi qu'une main gauche plus présente. Les bandes contiennent aussi plusieurs morceaux qu'il ne joua qu'une seule fois pendant cette période.
Alors faites comme moi, courrez-y ! D'autant plus que ce coffret est en prix "Promotion" jusqu'au 30 septembre...
Un enchantement !
CD 1 : répétition du 7 janvier 1965, Carnegie Hall*
CD 2 : répétition du 13 janvier 1965, Carnegie Hall*
CD 3 : séance d’enregistrement, 26 janvier 1965, studio Columbia 30th Street Studio*
CD 4 : répétition du 7 avril 1965, Carnegie Hall*
CD 5/6 : répétition du 14 avril 1965, Carnegie Hall*
CD 7/8 : récital du 9 mai 1965, Carnegie Hall « An Historic Return »**
CD 9 : répétition du 9 novembre 1965, Carnegie Hall « Blackout Concert »*, séance d’enregistrement du 18 mai 1966, Columbia 30th Street Studio*
CD 10/11 : répétition du 5 avril 1966 : Carnegie Hall*
CD 12/13 : récital du 17 avril 1966 : Carnegie Hall**
CD 14/15 : entrevue avec Abram Chasins, juin 1965*
* inédit ** remasterisé