Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

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Christof
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Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par Christof »

12 mars 2019, 20h30, Salle Cortot, 78 rue Cardinet, 75017 Paris
Muse.jpg
Muse.jpg (123.96 Kio) Vu 6390 fois

Six compositeurs se sont vu commander chacun par l'Institut Curie une œuvre (musique de chambre, d'une durée de quelque 10 minutes) inspirée par une découverte scientifique L'oeuvre peut inclure jusqu’à huit musiciens : piano, quatuor à cordes, clarinette, harpe, percussion.
Chaque compositeur devait prendre le thème scientifique qui l'inspirait le plus parmi une quinzaine de découvertes récentes. Pendant leurs processus de création, ils ont rencontré les chercheurs concernés afin d'appréhender leur sujet en profondeur et d'enrichir leurs pratiques.

L’aboutissement de ce projet est un concert qui mêle vulgarisation scientifique et valorisation de la musique contemporaine.

Les pièces seront interprétées par des musiciens membres de l’Orchestre Philharmonique de Radio France et l'Orchestre National de France.

Pour obtenir son billet (mais il ne faut pas traîner).


Programme :

1) Geoffrey Gordon : septuor pour quatuor à cordes, piano, harpe, clarinette
sujet: Les premières vibrations de l’univers et la quête des premiers amas de galaxies
Hervé Doyle, Institut d’Astrophysique Spatiale, Université Paris-Saclay, France

2) Amir Bitran : sextuor pour violon, alto, violoncelle, piano, clarinette, percussions (marimba, batterie)
sujet: Quand l’ADN fait des boucles
Leonid Mirny, MIT, USA, Amir Bitran, Harvard University Program in Biophysics, USA

3) Emmanuel Hieaux : septuor pour quatuor à cordes, piano, clarinette, marimba
sujet: Cassure de l’ADN : une danse multi-échelle
Judith Miné-Hattab, Rodney Rothstein laboratory, Columbia University Medical Center, New York, USA

4) Denis Ramos : septuor pour quatuor à cordes, harpe, clarinette, marimba
sujet: De la cellule à l’embryon: ces heures cruciales qui nous façonnent
Equipe Nathalie Dostatni, Institut Curie, Paris, France

5) Alexandra du Bois: quintette pour piano, violon, alto, violoncelle, clarinette
sujet: Quand nos cellules sommeillent : quiescence et renaissance
Equipe Angela Taddei, Institut Curie, Paris, France

6) Jean-Marie Gagez : pièce pour violoncelle seul
sujet: Les premières vibrations de l’univers et la quête des premiers amas de galaxies"
Hervé Doyle, Institut d’Astrophysique Spatiale, Université Paris-Saclay, France
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Christof
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par Christof »

Soirée passionnante pour moi, étant à la fois scientifique et musicien/musicien-scientifique : en remontant la genèse, je ne saurais d'ailleurs dire le domaine qui s'est d'abord emparé de moi dans mon enfance en sous-main, qui m'a façonné. J'imagine un peu les deux.

Ce n'est pas si fréquemment qu'on peut assister à un tel concert "science sujet d'inspiration pour les compositeurs". Et pour moi réellement rassurant, voire incroyable, lorsque l'on sait que ce projet a pu faire l'objet d'un soutien de l'Agence nationale de la Recherche dans le cadre des "Investissement d'avenir". Considérer le mariage musique et science comme un Investissement d'Avenir, finalement montre que tout n'est pas encore complètement pourri dans ce monde qui semble partir si souvent en quenouille.

Passionnant aussi parce que je sais pas pour vous, mais pour moi, si je me demande à quoi pouvait penser un compositeur (par exemple Beethoven, où bien d'autres) au moment où il a composé telle ou telle œuvre, je serais plus enclin à parler de sentiments, de contemplation de la nature aussi (qui, en fait, - paraît-il pour Beethoven - est un cliché), des éléments en action. Quand a-ton évoqué la science comme source d'inspiration pour les compositeurs ? (en peinture, oui, cela a pu être fait), mais en musique ? Il y a bien sûr par exemple l'IRCAM, mais là, on se rapproche plus de procédés mathématiques qu'autres choses. Peut-être pourrait-on penser à Bach : a-t'il composé ses œuvres en réaction à la chiralité ? Un compositeur, du temps de Newton (ou après), s'est-il inspiré de la gravitation et de ses implications dans une composition ? Peut-être y-a-t'il de grands connaisseurs dans le forum qui pourraient me rendre un peu moins bête sur ce sujet "Musique/Science et inspiration des compositeurs".
Si, à un moment j'ai pu penser par exemple à Dutilleux, me disant qu'il s'était inspiré des amas de galaxies lorsqu'il a composé ses Métaboles parce que si on regarde le graphisme de la partition, on voit bien cette forme caractéristique d'amas. Peut-être pensait-il plutôt à ce tableau de Van Gogh, La nuit étoilée ? Mais bon, j'ai appris par la suite que "Métaboles" a deux sens et peut se rattacher dans le premier cas au domaine de la rhétorique et, dans le second, à la biologie.

Voilà les pensées fugaces qui me traversaient, là, assis au premier rang, avant que le concert ne commence.

Ainsi pour cette soirée [comme je l'ai écrit dans mon précédent message], était programmées les œuvres de six compositeurs, inspirés par six découvertes scientifiques.
Relater les six serait super long et vous trouveriez peut-être cela lassant ?
En tous cas, j'ai envie de parler ici particulièrement du premier morceau qui, pour moi, n'est finalement pas sans rapport avec ce forum... sorte de métaphore (ou plutôt métonymie) ?

Son compositeur, Emmanuel Hieaux lui a donné pour titre "Du déroulement multiple et révélé du temps, affleure le bal des retrouvailles". C'est une oeuvre pour clarinette, quatuor à cordes, marimba et piano.

Les recherches qui l'ont inspiré posaient cette question : Comment l'organisation et la dynamique de l'ADN sont-elles affectées lorsque l'ADN subit une cassure ?

En effet, il faut savoir que notre génome subit constamment des dommages dont les plus dangereux sont des cassures double brin. Une seule cassure double brin, si elle n'est pas réparée, peut entraîner la mort de la cellule ou générer une instabilité de notre génome. Mais il existe des mécanismes de réparations. Pour cela, la séquence endommagée doit trouver au sein de notre génome une séquence homologue intacte, puis s'aligner avec elle. Et il y a là une espèce "d'intelligence" dans ce processus car étant donné la taille de notre génome, trouver une séquence homologue au sein de notre génome reviendrait un peu, pour donner ici une image, à retrouver une petite phrase dans l'équivalent de 10 volumes du livre "Les misérables" de Victor Hugo. Ce qu'il fait d'ailleurs très vite, à l'aise Blaise (bon, là, je fais des raccourcis, ne vous expliquant pas tout ce en quoi a consisté cette étude parce que, sinon, la page va faire douze mille kilomètres, genre ADN dont la molécule qui, dans chaque cellule mesure 2 mètre de longs (si on la déroule), doit rentrer dans le noyau cellulaire d'un diamètre de l'ordre de 10 micromètres, soit 200 000 fois plus petit que l'ADN déroulé.
Bon, mais en gros, il faut savoir que quand il y a cassure, l'ADN devient beaucoup plus mobile, et par ailleurs devient plus rigide en réponse aux dommage.

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Et voilà ce qu'en a dit le compositeur :"Ma rencontre avec ce sujet de recherche a été fulgurante : insouciance, rupture et réparation ; voilà un conte scientifique, une allégorie de la vie dont la mise en musique allait me permettre d'unir la description rigoureuse de la découverte à l'insolente et harmonieuse licence poétique et d'écrire une pièce en trois mouvements.
Dans un univers peuplé de protéines, qui se meuvent dans une parfait plénitude, apparaît un long double brin d'ADN
(interprété ici par l'alto et la clarinette). Ce brin s'enroule autour de ces protéines, indépendantes les unes des autres (ces protéines étant suggérées par le piano, le marimba, le violoncelle et les deux violons). Ils chanteront, ils danseront dans un contrepoint mélodique et rythmique. L'ADN se resserre et devient une minuscule et dense pelote qui, dans un rythme de plus en plus effréné, danse au-dessus du volcan.
Survient la cassure, représentée par des pulsations multiples. Le double brin fractionné s'affole et souffre d'avoir perdu une partie de lui-même. S'ensuit le temps de la réparation. ADN d'une dynamique complexe, en un contrepoint qui résulte de la superposition de différentes sortes de mouvements. Le double brin brisé doit retrouver son homologue qui lui remettra la partie manquante et lui permettra ainsi de retrouver son unité
(découpage objectif du temps de réparation. Mesurer cette durée à des échelles de plus en plus petites permet de révéler, simultanément à l’immobilisme apparent des éléments, leurs mouvements de plus en plus vifs.). Une fois cela accompli, revient la paix."


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jean-séb
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par jean-séb »

Christof, un très grand merci pour ce compte rendu qui a dû te demander beaucoup de ton temps. Je n'ai pas le temps de tout lire aujourd'hui, mais j'écoute le morceau en ce moment et j'aime beaucoup, quoique mon appréciation soit purement musicale et que le rapport avec l'inspiration scientifique m'échappe.
Je reviendrai sur ce compte rendu dès que j'aurai du temps (pas aujourd'hui) mais d'ores et déjà je suis demandeur des autres morceaux, d'autant que j'avais prévu d'assister à ce concert mais que des empêchements de dernière minute s'y sont opposés.
arg

Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par arg »

ah mais c'est tout à fait génial cette idée de composer de la musique sur des questions scientifiques ! je n'avais pas vu l'annonce du concert par Christof. Merci de ce CR ! je n'ai pas encore le temps d'écouter mais j'aime vraiment beaucoup l'idée et son application . Cela recoupe aussi des questionnements personnels et professionnels.
arg

Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par arg »

et j'adore ce qu'en dit le compositeur: il raconte immédiatement une histoire métaphorique avec tous les ingrédients d'un conte... là aussi il y a de quoi s'en inspirer
Tatafanfan
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par Tatafanfan »

Merci aussi, je savais que tu allais à ce concert, cela demande une lecture en plusieurs fois (plus l'écoute) apparemment deux grandes tendances en sortent, l'astrophysique et la biologie. Pas étonnant!
David Elbaz, Roland Lehoucq à écouter et contacter (dans le domaine de l'astrophysique et pourquoi pas de la musique céleste????) car peut-être eux- mêmes auraient des choses à dire, voir leurs sites Web.
ADN, embryon et pour finir nous, avec ou sans anomalies (cassures), cela est moins inspirant pour moi dans le domaine musical, il faudra écouter !
En tout cas merci !
Tatafanfan (j'ai pas de harpe à mettre en émoticon)
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Christof
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par Christof »

Suite du concert...
Histoire de changer de la biologie, je passe directement au troisième morceau, qui fait appel à l'astrophysique (mais je reviendrai au deuxième plus tard, qui faisait appel à la quiescence et la renaissance dans les cellules).

Ce morceau intitulé "Inflation cosmique et la fin des âges noirs", composé par l'ango-américain Geoffroy Gordon, s'est attaché aux travaux scientifiques d'Hervé Dole, de l'Institut d'Astrophysique spatiale - université de Paris Saclay.

Grâce au satellite Planck, lancé dans l'espace en 2009, ont pu être mesurées avec une précision sans précédent les propriétés de la lumière du rayonnement fossile – aussi appelé fond diffus cosmologique, sorte d’écho lumineux du Big Bang qui traduit ses premières vibrations. Ont été publiés deux séries de résultats cosmologiques, parmi lesquels les mesures les plus précises jamais obtenues de l’âge de l’Univers et sa composition globale.
Les données apportent également un éclairage nouveau sur deux périodes particulièrement énigmatiques : l’inflation juste après le Big Bang et la sortie des âges sombres quand les premières étoiles et galaxies se sont formées.
L’analyse des données recueillies par Planck révèle, en outre, une mine d’informations impressionnantes concernant la formation des grandes structures : amas de galaxies, galaxies. Dans ce cadre, le Professeur Hervé Dole a mené des travaux de recherche en vue de découvrir les premiers amas de galaxies (grandes structures composées de galaxies, de matière noire, de matière traditionnelle notamment). Ces premières grandes structures sont issues des premières vibrations de l’univers. Les relations entre musique et astrophysique et cosmologiques sont donc potentiellement fructueuses.
Les autres résultats importants de Planck proviennent des premières vibrations de l’univers. Ces vibrations (les astrophysiciens utilisent le terme d’« oscillations acoustiques ») dans l’univers jeune encore composé de plasma chaud se retrouvent dans la lumière que nous observons aujourd’hui. Ce rayonnement fossile, ou rayonnement cosmologique, des débuts de l’univers est scruté de nos jours par les satellites puisqu’il nous renseigne sur les tous premiers instants de l’univers et ses processus physiques.

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Inspiré donc par ce sujet des "premières vibrations de l'univers et la quête des premiers amas de galaxies", le compositeur a choisi ici l'emploi d'un septuor : clarinette basse (et aussi clarinette en sib joué par la même musicienne durant le morceau), harpe, piano et quatuor à cordes.
"Une grande partie de mon travail a été influencée, de diverses manières, par mon intérêt profond pour la science, non seulement l'acoustique et les mécanismes de la musique comme exploration sonore, mais également les nombreux aspects de l'étude scientifique qui semblent avoir une affiliation naturelle avec la musique. J'étais très heureux de pouvoir explorer l'univers primitif, car cela m'intéresse tout particulièrement" .

"Le privilège de travailler avec Hervé Dole a été unique. Ses recherches sont extraordinaires et créent un partenariat naturel avec son. Tant d'inventions sonores sont enfouies dans cette recherche sur les vibrations et les motifs de l'univers primitif : le défi était pour moi de parvenir à regrouper ces idées en une oeuvre de musique de chambre de dix minutes. Ma musique contient de nombreux corollaires qui découlent directement de recherches du professeur Dole, de l'inflation cosmique de l'univers primitif au lendemain du Big Bang à la transparence de l'univers et à la disparition de la lumière qui a suivi. "
"Ce morceau exprime la violence et la transparence de ces moments intenses de création, en tant que paysage musical composé de groupes de sonorité et d'harmoniques limpides, de pizzicati aux cordes, de glissandi de harpe intermittents et de gémissements profonds de la clarinette basse.
Il y a des mathématiques dans la musique, mais le son de la création, inspiré par la science, est exécuté ici comme un son pur".


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jean-séb
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par jean-séb »

Encore merci pour ce morceau. J'en aime beaucoup le début, un tout petit peu moins la partie centrale. C'est drôle, j'ai l'impression d'entendre un marimba, mais tu n'en cites pas dans les instruments, c'est probablement l’enregistrement de la harpe qui donne cette impression.
Naturellement, je n'arrive pas à percevoir de lien entre ce que j'entends et les explications techniques données avant, mais tant mieux si elles ont su inspirer le compositeur. Le résultat est plus qu'intéressant ; c'est de la musique !
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Christof
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par Christof »

Et non Jean-Seb, il n'y avait pas de marimba dans le deuxième morceau....

Voici le troisième morceau (en fait, c'était le deuxième joué le jour du concert, mais ici on retombe sur la biologie).
Il s'agit ici des travaux de l'équipe d'Angela Taddei (PSL Research University, Institut Curie).

Les cellules vivantes ont la capacité fascinante de pouvoir sortir du cycle cellulaire normal (état de prolifération) et entrer dans un état alternatif (dormant) appelé quiescence, par exemple lorsqu'elles manquent d'une ou plusieurs substances nutritives. Durant cette phase, elles ont la capacité intrigante d'assurer leur viabilité pendant une longue période (parfois plusieurs mois ou plusieurs années) et de reprendre leur développement après s'être nourries des substances nutritives manquantes.

Bien que les cellules passent la plupart de leur temps dans un état de quiescence, la majeure partie des études réalisées dans des laboratoires de recherche se concentrent sur les cellules qui traversent un cycle cellulaire normal. Par conséquent, il existe très peu de données sur l'organisation des cellules en quiescence: comment survivent-elles au manque de substances nutritives durant d'aussi longues périodes, comment retournent-elles à nouveau dans le cycle cellulaire normal lorsque la substance nutritive manquante est ajoutée ?

Les cellules quiescentes ont plusieurs caractéristiques, dont une paroi cellulaire épaissie, un profil transcriptionnel spécifique ainsi qu'une résistance accrue à la chaleur et au stress oxydatif. L'équipe d'Angela Taddei a récemment mis à jour la façon dont les noyaux cellulaires sont organisés, à l'intérieur de l'espace tridimensionnel du noyau.
Grace à des approches de microscopie en fluorescence permettant de visualiser les extrémités des chromosomes (télomères), elle a pu montrer que le génome de cellules quiescentes est soumis à une réorganisation spatiale majeure. Chez la levure de boulanger, durant la phase exponentielle, la chromatine silencieuse (c'est-à-dire non transcrite, la transcription étant la copie d'une séquence d'ADN en un molécule d'ARN, première étape permettant de "recopier" les données), trouvée principalement sur les 32 télomères, s'accumule sur l'enveloppe nucléaire, formant 3 à 5 foyers ; en quiescence, les télomères se réorganisent de manière spectaculaire en se regroupant sous la forme d'un «hypercluste » situé au centre du noyau.

Pour comprendre comment s'organise le génome autour de cet hypercluster de télomères, sont actuellement utilisées des techniques de microscopie super-résolution, permettant l'observation de la structure de la chromatine de façon très fine. Les résultats ont révélé qu'autour de l'hypercluster de télomères, la chromatine est hautement compacte et présente une organisation concentrique, extrêmement différente de ce que l'on observe durant le cycle cellulaire normal. Lorsque la substance nutritive manquante est ajoutée, les cellules quiescentes peuvent entrer à nouveau dans le cycle cellulaire normal en seulement 30 minutes.
L'origine de cette réorganisation drastique du génome reste inconnue à ce jour.
De manière plus générale, les mécanismes qui sous-tendent la «quiescence» et la «renaissance» des cellules demeurent mystérieux et font l'objet de nombreuses recherches actives.



Pour illustrer ces travaux, la compositrice Alexandra du Bois, proposait le morceau "Quiescence",
pour clarinette basse (jouant aussi une clarinette en sib), violon, alto, violoncelle et piano


"L’idée que les cellules peuvent être très actives en «dormant» et que derrière la beauté sereine du «sommeil» ou du son peut se trouver le réservoir le plus intense d’émotions, de textures musicales et de simplicité active : ce concept et cette dichotomie de la quiescence en biologie cellulaire traduits directement en musique représentent pour moi le noyau du quintette."



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"Les échanges directs avec l’équipe scientifique ont permis de renforcer cette inspiration, créant ainsi une sorte d’intimité musicale avec la science. La mélodie, les effets, les motifs et couches rythmiques ont été inspirés par la quiescence : la musique peut être statique, inactive et calme tout en étant extrêmement active.
Le clignotement stochastique [mot synonyme d'aléatoire, en référence au hasard et s’oppose par définition au déterminisme ]vacillant généré par la microscopie PALM1* a également exercé une influence musicale directe sur le quintette."


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* Photo Activable Localozation Micrsocopy) : c'est une technique de microscopie super résolution récemment développée permettant de visualiser chaque molécule présente dans des objets biologiques avec une précision allant jusqu'à 20 nanomètres. On parle de microscopie à l'échelle de la molécule unique. Son principe est de faire apparaître chaque molécule l'une après l'autre, de manière à pouvoir les localiser au-delà de la limite de la diffraction de la lumière. Ces expériences, dans lesquelles chaque molécule brille puis s'éteint l'une après l'autre, révélant la structure complexe et détaillée d'un objet, donnent un rendu très poétique.


"Mais la traduction en musique de cette source d’inspiration provenant de la science n’était pas littérale ; je ne voulais pas imiter ou mimer des processus scientifiques d’imagerie ou de recherche.
À la place, j’ai écouté mon ressenti personnel et j’ai exploré, à travers le prisme de la poésie et de l’abstraction, certains des sons et des motifs que j’associe à l’imagerie, à la recherche scientifique et aux mouvements liés à l’état de quiescence.
«L’Abstraction», dit le peintre arméno-américain Arshile Gorky, «permet à l’homme de voir avec son esprit ce qu’il ne peut pas voir physiquement avec ses yeux. L’art abstrait permet à l’artiste de percevoir au-delà du tangible, d’extraire l’infini du fini. C’est l’émancipation de l’esprit. C’est une explosion en des territoires inconnus"


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Tatafanfan
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par Tatafanfan »

jean-séb a écrit : dim. 17 mars, 2019 20:47 Encore merci pour ce morceau. J'en aime beaucoup le début, un tout petit peu moins la partie centrale. C'est drôle, j'ai l'impression d'entendre un marimba, mais tu n'en cites pas dans les instruments, c'est probablement l’enregistrement de la harpe qui donne cette impression.
Naturellement, je n'arrive pas à percevoir de lien entre ce que j'entends et les explications techniques données avant, mais tant mieux si elles ont su inspirer le compositeur. Le résultat est plus qu'intéressant ; c'est de la musique !
Et la réalité: le son du Big bang et du fonds diffus cosmologique, c'est angoissant ! j'avais perdu ce fil! :? :? :?
Cela aurait été plus malin si je n'avais pas omis de mettre l'URL:
https://www.gurumed.org/2013/04/10/ecou ... -big-bang/
:( :( :(
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Christof
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par Christof »

J'avais un peu laissé tomber, étant pris par plein d'autres choses...
Je continue avec la quatrième oeuvre, intitulée : Les voix de la lumière, composé pour violoncelle par Jean-Marie Gagez.
Morceau inspiré par le sujet "Les premières vibrations de l'univers et la quête des premiers amas de galaxies (Hervé Dole), dont j'ai déjà parlé plus haut "Les premières vibrations de l’univers et la quête des premiers amas de galaxies,, et particulièrement sur l'image du "fonds diffus cosmologique".

Voilà ce qu'en dit le compositeur :
"Passionné depuis l’enfance par tout ce qui touche de près ou de loin à l’espace, je me suis naturellement tourné vers un des sujets d’astrophysique proposés par le projet.

Le sujet d’Hervé Dole me paraissait le plus adéquate à mettre en musique. J’en ai dégagé deux idées principales : la première concerne l’apparition de la lumière. Jusqu’en 380 000 après le Big Bang, le cosmos nous apparaît dense et opaque. Mais à cette date, l’univers devient transparent, laissant apparaître la lumière du rayonnement fossile. L’univers s’illumine alors, mais cette lumière est diffuse car les sources de lumière localisées que sont les étoiles et les galaxies n’ont pas encore fait leur apparition.

La seconde idée est que, sous l’effet de son expansion, l’univers se dilue et se refroidit, entraînant ainsi l’inversion du rapport énergétique entre lumière et matière. La lumière va peu à peu perdre de sa dominance et c’est la matière qui va prendre le contrôle des affaires de l’univers. La gravité va faire croître les semences de galaxies, détectées comme de minuscules fluctuations de température du rayonnement fossile. Des structures de plus en plus élaborées font leur apparition au cours du temps jusqu’à ce que les boules gazeuses formant les étoiles s’allument, marquant ainsi la fin de l’ère pré-stellaire.

Avec cette œuvre j’ai voulu traduire au plus près ce processus cosmique et le sentiment d’émerveillement qu'il en résulte. Par la richesse et la diversité de leur timbre, les instruments à cordes frottées étaient tout désignés pour ce projet. Après plusieurs essais avec différentes combinaisons, le choix d’utiliser un seul instrument – le violoncelle – m’est apparu comme une évidence pour traduire à la fois l’unité, la profondeur et l’homogénéité initiales de l’univers. Cette évidence à été renforcée par la possibilité d’une correspondance entre les quatre cordes du violoncelle et les quatre forces fondamentales qui gouvernent l’univers (gravitationnelle, électromagnétique, interaction faible et interaction forte). Il y a aussi un clin d’œil à la célèbre Théorie des cordes qui tente de réconcilier la physique quantique et la relativité générale en stipulant que toutes ces forces viennent à l’origine d’un seul élément : les cordes…

Les quatre cordes à vide de l'instrument forment le matériau de base de l'œuvre construite sur deux moments contrastés : le premier, très "vibratoire", évoque par des effets d’harmoniques l’apparition progressive de la lumière autour de l’idée de transparence. Le second, plus contemplatif, cherche à traduire la découverte des premiers amas de galaxies. L’un des enjeux majeurs de la pièce repose sur un double paradoxe : vouloir évoquer le déploiement de l’infiniment grand sur des durées vertigineuses avec une pièce de dix minutes écrite pour un instrument seul. "


C'est un des morceaux qui a semblé le plus déstabiliser le public (l'ennuyer?), d'ailleurs, pas mal de gens n'arrêtaient pas de bouger sur leurs chaises, et cela faisait craquer le plancher.
De mon côté, j'ai adoré. Et puis j'ai été estomaqué par les connaissances du compositeur sur la technique du violoncelle. C'est ce que j'avais expliqué un jour dans le fil orchestration arrangement : pour écrire pour un instrument, il faut un minimum (qui est déjà assez poussé) de connaissances de ses possibilités. Et là chapeau... Les trois quarts se jouent ici sur des harmoniques. Et bonjour la virtuosité qu'il faut (même si cela n'a pas l'air d'y toucher)... Bravo à Hélène Bartissol [elle est notamment deuxième violoncelle solo de l'Orchestre Philharmonique de Radio France et professeur assistante au CNSM de Paris.

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Modifié en dernier par Christof le mar. 26 mars, 2019 18:08, modifié 4 fois.
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jean-séb
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par jean-séb »

Merci encore pour ces commentaires et l'enregistrement.
Je comprends que la pièce ait pu ennuyer. Vers 5', on ne sait plus très bien si la violoncelliste joue ou s'accorde ! Tout cela est très expérimental mais je dois dire que je suis plutôt bon public ; une amie compositrice dont c'est assez le style m'a un peu habitué à cette austérité et ce discours très porté sur l'expérimentation sonore.
Comme pour les autres morceaux, je trouve que les explications sont assez... nébuleuses (ce qui est dans le thème !), mais elles le seraient pour toute création, toute composition, dont finalement je m'explique toujours très mal les processus.
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par Christof »

jean-séb a écrit : mar. 26 mars, 2019 17:55 Comme pour les autres morceaux, je trouve que les explications sont assez... nébuleuses (ce qui est dans le thème !), mais elles le seraient pour toute création, toute composition, dont finalement je m'explique toujours très mal les processus.
Oui, comme tu le dis, c'est aussi pour moi assez nébuleux... En plus, c'est souvent de la musique atonale, comme si on avait affaire expressément à une école de compositeurs et pas une autre... Et je ne vois pas forcément pourquoi. Des événements peuvent partir de choses qui semble désordonnées, et l'ordre vient finalement le plus souvent s'établir. Alors pourquoi pas de musique vraiment tonale ?

Dès que j'ai un moment, je posterai la suite...
Merci encore de ton écoute.
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par Tatafanfan »

Il va falloir que je me prenne le temps (dimanche tantôt, j'espère), pour écouter tout et en regard de tes commentaires....... Le son (réel) du fond diffus cosmologique que j'ai retrouvé et posté a peut être incité ces musiciens à ce style "déstabilisant" (et pour le public, la méconnaissance du sujet.....).
Certains d'entre vous n'avaient pas SETI online implémenté sur leur ordinateur dans l'espoir de détecter une manifestation extra-terrestre (SETI = Searching for Extra Terrestrial Inetlligence)? On se prenait à être Carl Sagan dans "Contact" !
:x
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par Christof »

Voici le cinquième morceau.
Pour le réaliser, le compositeur s'est inspiré des travaux de Léonid Mirny (MIT - USA) et Amir Bitran (compositeur mais également scientifique - Harvard University Program in Biophysicis - USA) sur "Le modèle de Boucle à extrusions".

Pour comprendre ces travaux, il faut tout d'abord savoir que le génome des organismes vivants – à savoir l'ensemble de l'ADN qui transporte des instructions héréditaires à vie – est bien plus qu'un chapelet de «lettres» chimiques. En réalité, dans tous les organismes les génomes sont physiquement organisés en structures complexes qui sont cruciales pour leur fonction.
Par exemple, grâce aux structures génomiques variées dans les différentes cellules humaines (p. ex. les neurones, les globules sanguins), ces cellules peuvent remplir des tâches différentes bien qu'elles partagent les mêmes séquences d'ADN sous-jacentes. Des anomalies dans la structure des génomes ont été reliées à diverses maladies, dont le cancer. Pour ces raisons, il est crucial de comprendre quels sont les mécanismes utilisés par les cellules pour organiser leur génome. Notre recherche a pour but de traiter cette question.

Le génome est structuré de manière hiérarchique. À la plus petite échelle, l'ADN est enroulé autour de protéines pour former une structure appelée chromatine. Cette chromatine est, à son tour, organisée en domaines, ou segments continus d'ADN (d'une longueur de quelques millions de paires de base), qui tendent à s'associer les uns aux autres. Les structures des domaines sont importantes pour la régulation de l'activation ou de la désactivation des gènes dans une cellule. Par exemple, les gènes inactifs peuvent être entassés dans des domaines étanches difficiles d'accès pour la machinerie cellulaire, tandis que les gènes actifs s'associent dans des domaines qui sont plus faciles d'accès. À une plus grande échelle, le génome est replié afin qu'il puisse entrer dans la cellule. Chez les humains, l'ADN – qui, si l'on devait le dérouler complètement, mesurerait plusieurs mètres – est comprimé dans un noyau cellulaire de quelques micromètres.
Cette remarquable tâche revient à faire entrer une ficelle de la longueur d'un gratte-ciel dans une graine de sésame !

Le travail du chercheur a proposé un mécanisme simple pour expliquer la formation de structures de chromatine, en particulier à l'échelle de longueur intermédiaire des domaines. Notamment, ses travaux supposent que la chromatine, à l'intérieur d'un domaine, est réunie par des boucles. Étant donné que ces boucles grandissent de plus en plus avec l'aide des protéines, des régions plus distantes de l'ADN peuvent être mises en contact, permettant ainsi la formation d'une organisation à grande échelle.
Des simulations de ce processus, appelé extrusion de boucle, ont été réalisées. Elles ont montré qu'il réussit à reproduire différentes structures génomiques observées à titre expérimental. Ceci donne à penser qu'un processus d'extrusion peut jouer plusieurs rôles importants dans l'organisation du génome à l'intérieur des structures fonctionnelles de cellules vivantes. Notre recherche actuelle vise à tester cette théorie en évaluant si elle peut créer des structures génomiques, et par conséquent favoriser les processus vitaux de régulation dans un large éventail d'organismes.



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Modèle d'extrusion de boucle d'ADN par des condensines.
Première rangée, les règles actualisées utilisées dans les simulations : (A) une condensine crée une boucle par extrusion en bougeant ses deux extrémités le long du chromosome dans des directions opposées, (B) la collision de condensines liées aux chromosomes bloque l'extrusion de boucle sur les côtés entrés en collision, (C) une condensine se dissocie spontanément et la boucle se défait ; (D) une condensine s'associe à un site choisi de manière aléatoire et commence à former une boucle par extrusion. Deuxième rangée, (E) nous utilisons des simulations de polymère pour étudier comment l'action combinée de plusieurs condensines formant des boucles par extrusion modifie la structure d'un chromosome long.


Pour illustrer ces travaux, le compositeur Amir Bitran proposait le morceau "Quand l'ADN fait des boucles"
pour clarinette en sib, violon, alto, violoncelle, piano, percussions (marimba, batterie)


Voici comment il explique son travail :
"Cette œuvre est une peinture musicale de l’ADN de notre corps et de ses dynamiques et structures changeantes et élégantes à la fois. Toutes les cellules de notre corps partagent le même génome (la totalité de l’ADN d’un organisme) et pourtant, chacune d’entre elles remplit des fonctions très différentes. Ces différences résultent de variations dans l’organisation physique du génome, qui détermine si différents gènes sont «activés» ou «désactivés».

Cette composition décrit les processus par lesquels le génome acquiert ses diverses structures, en se concentrant sur un processus récemment découvert par lequel les protéines extrudent de longues fibres d’ADN en boucles. Sur le plan musical, ces « boucles » émergent tout d’abord de l’alto et sont ensuite transmises à d’autres instruments ; elles grandissent et se rétractent pour créer des textures plus élaborées évoquant l’action et l’organisation concertées de multiples boucles dans l’ADN. Mais outre ce processus hautement dirigé et guidé, notre génome est également sculpté par des forces plus passives s’apparentant à la gravité, qui provoquent l’effondrement et l’union de différentes parties de l’ADN.

Cet effondrement est décrit musicalement quelques minutes après le début de l’œuvre par des glissandi descendants ou encore des sonorités ressemblant à des soupirs. Bien que ces deux types de processus conduisent à des dynamiques contrastées, ils doivent travailler de concert pour organiser le génome. Au fur et à mesure que la pièce avance, on parvient à distinguer un certain rapprochement entre ces différentes textures musicales, qui finissent par se transformer en un grand final rappelant un choral. Les forces qui organisent notre génome à l’échelle microscopique sont changeantes et chaotiques, mais elles créent collectivement de magnifiques structures qui génèrent l’incroyable diversité de la vie sur Terre.


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jean-séb
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par jean-séb »

C'est un morceau qui a dû réveiller le public qui s'était endormi lors du précédent ! Pas mal du tout.
Encore merci Christof.
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Oupsi
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par Oupsi »

Bon moi je suis en retard ici comme ailleurs donc j'écoute les morceaux anciens,mais avec grand intérêt. Pour l'instant j'ai vraiment beaucoup aimé Inflation cosmique. Merci Christof pour le partage et les textes.
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Christof
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Re: Concert gratuit "Musique et découverte scientifique"

Message par Christof »

Merci Jean-Seb, Arg, Tatafanfan et Oupsi pour vos messages.

Voilà, j'entame la fin :
le dernier morceau du concert, illustrant encore de la biologie, s'appuyait sur les recherches de Carmina Perez Romero (université McMaster et PSL research university, Institut Curie), Cecile Fradin (université McMaster ) et Nathalie Dostani (PSL research university, Institut Curie), recherches liées au développement de la cellule à l'embryon.

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Vous êtes-vous déjà demandé comment une simple cellule pouvait devenir un organisme pleinement développé ? En fait, tout a commencé par la fusion d'un œuf et de sperme en une même cellule, laquelle, au fil du temps, a commencé à se diviser, encore et encore, jusqu'à former un organisme. Pendant le processus de développement, d'une manière ou d'une autre les cellules savent exactement où elles se trouvent et ce qu'elles doivent devenir pour former l'organisme. Mais nous ne comprenons pas totalement ce processus, et la question à laquelle notre recherche espère répondre est la suivante : comment les cellules savent-elles où elles se trouvent ? Ce qu'elles doivent devenir ?



Les chercheurs étudient ce processus chez la mouche des fruits. Même si les mouches des fruits ne nous ressemblent pas beaucoup, au début du développement embryonnaire nous sommes assez similaires. On peut donc tenter de répondre à cette question pour les mouches des fruits, et les conclusions seront peut-être pertinentes pour d'autres organismes comme le nôtre.

Au cours de son développement, la première chose qu'un embryon a besoin de connaître est l'orientation du corps : où se trouveront le haut, le bas, la gauche, la droite, le devant et l'arrière du corps.

Pour savoir où se trouvera la tête, l'embryon libère des protéines appelées morphogènes qui transmettent des instructions à d'autres gènes, afin que les cellules sachent où elles se trouvent et ce qu'elles doivent devenir. Ce morphogène est le Bicoïd. Sa concentration est beaucoup plus élevée à la tête de l'embryon et de plus en plus faible au fur et à mesure que l'on se déplace vers la queue. Le Bicoïd active le gène Hunchback (bossu), ce qui a pour effet de diviser l'embryon en deux parties, le haut et le bas. Toutefois, le message du Bicoïd s'estompe après chaque division cellulaire, si bien que nous ne savons pas comment le message est relayé dans le temps.

Les chercheurs pensent que les cellules ont une mémoire, qu'elles savent qui était leur mère et qu'elles se souviennent des instructions transmises, de sorte qu'elles savent où elles se trouvent et ce qu'elles deviendront.
Pour étudier cette hypothèse, ce laboratoire a tenté d'observer l'expression du gène Hunchback dans la vie réelle, afin d'obtenir des informations sur la façon dont il est activé et de le suivre au fil du temps.

Pour illustrer ces travaux, le compositeur Denis Ramos, proposait le morceau "Aiön",
pour clarinette en sib, marimba, harpe et quatuor à cordes


Voila ce qu'en dit le compositeur :
"Aiôn est une divinité primordiale dans la mythologie grecque, ainsi qu’un concept philosophique antique lié à l’infinitude du temps. Ce mot signifie littéralement «durée de la vie», puis par extension «destinée» et «éternité».

C’est dans la perspective d’un temps vital se perpétuant à l’infini qu’une correspondance s’est amorcée entre la recherche scientifique de Carmina Perez Romero et mes propres recherches compositionnelles.
J’ai été frappé par la beauté de vidéos réalisés par ces chercheurs. Deux films montrent en vision microscopique les premières divisions cellulaires d’un embryon de drosophile. On y voit un groupe de cellules qui toutes au même instant se divisent pour créer chacune deux nouvelles cellules, et ainsi de suite. Le temps des vidéos est condensé de sorte que l’on voit en 1 minute ce qui est censé se passer en 1 heure et demi, grâce à cela la vie cellulaire est beaucoup plus perceptible à nos sens et on a l’impression d’assister à un vrai ballet organique.

Dans ma partition, j’ai développé une polyphonie musicale qui se veut le reflet des processus de division et de prolifération cellulaires. La notion de cycle y est fondamentale. Le flux polyphonique se répartit en trois groupes instrumentaux: le quatuor à cordes, le duo clarinette/marimba, et la harpe.
Un préambule et un postambule encadrent et complètent ce long processus sonore qui se déploie durant près de huit minutes.

J’ai aussi transposé musicalement et avec une certaine liberté d’autres phénomènes qui se produisent durant cette genèse: notamment la «nucléarisation» des cellules qui a lieu au 14ème cycle de division cellulaire, ainsi que la «vague mitotique» qui résulte du décalage progressif des divisions d’une cellule à l’autre.

Les échanges avec Carmina Perez Romero et Nathalie Dostatni, toutes deux membres de l’équipe de recherche, ont été déterminants dans l’élaboration de ma pièce. J’ai eu la chance de pouvoir visiter leur laboratoire à l’Institut Curie, de rencontrer une partie de l’équipe, d’en apprendre plus sur leur pratique et même de m’essayer à l’observation de drosophiles au microscope! Cette immersion dans l’univers de la recherche scientifique était passionnante et m’a permis d’aller plus loin dans ma démarche créative.

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