Lucas Debargue

[pianojar]

Beauvais Grieg 4 mains avec Berezovsky
https://www.youtube.com/watch?v=_fISJ_Kd-j0


Scarlatti les 4 sonates
https://www.youtube.com/watch?v=C85Pjb8RGm8

[Oupsi]

Merci Pianojar, Katy et JPS pour ces impressions de concert.
Ce que trouve très étonnant c'est ce que vous dites du pianiste fatigué, tendu, fermé, c'est tellement à l'opposé de ce que je ressentais dans les vidéos de Moscou, à savoir une présence très ouverte et généreuse et spontanée.

Je ne me rappelle plus dans quelle interview il disait que la relaxation ce n'était pas trop son truc...

[pianojar]

Je pense qu'il doit être dans une période peut-être plus éprouvante que lors du concours. Comme il l'avait dit à l'époque il n'avait pas grand chose à perdre, il était plutôt détendu et heureux d'être là-bas pour pouvoir simplement jouer.
Maintenant il doit avoir une certaine pression avec son contrat, les multiples concerts et sollicitations. Sa vie a du être complètement bouleversée et il faut lui donner un peu de temps. On sent que le musique est là et qu'il recèle de nombreuses potentialités.

[Lee]

Désolée, je ne sais pas comment j'ai raté le CR de Pianojar, et j'ai lu "je passe mon tour" de Katy.

Merci enfin à tous contributeurs. (Ce n'est pas facile pour tout le monde de donner leurs propres impressions, mais je crois que c'est bien de mettre en mots ce qu'on ressent, et chaque personne a des impressions unique à lui ou elle.)

[Oupsi]

@ pianojar Oui, c'est ce que je pense aussi.
Je me pose la question du choix, jusqu'à quel point a-t-il le choix? toute proportion gardée parce que bien entendu c'est fabuleux de donner tous ces concerts etc., mais les choses ne se passeraient-elles pas mieux s'il y avait plus de temps. Tout doit toujours aller si vite aujourd'hui...

[Okay]

Merci pour vos comptes rendus et ces liens. Oui ne l'enterrons pas à cause d'un concert, dont les circonstances étaient doublement compliquées. Et puis quelle idée de nous rabattre Méphisto (j'avais entendu ce début lent sur YouTube) quand on peut sortir une 4e sonate de Scriabine aussi hallucinante que celle-la. Dommage qu'il ne s'agisse pas d'une vraie prise de son, mais j'ai l'impression que ce n'est pas loin de valoir son Gaspard, c'est fou ! Qu'il joue la musique qui lui ressemble et lui parle, pas les pièces qu'il a sûrement un jour dû monter pour le conservatoire...

[pianojar]

.
Ca commençait un peu mal avec la queue à faire dehors pour récupérer des places déjà prises depuis longtemps, 150 à 200 personnes massées dans la rue pendant 30 minutes, entrant au compte-goutte pour vérifier les sacs, au mépris de toute notion de sécurité (on aurait pu les faire entrer dans le hall et vérifier les sacs à l'entrée de la salle ou bien organiser une circulation plus fluide, bref un très mauvais point à l'organisation).

Concernant ce point c'est exactement la réflexion que l'on s'est faite avec ma fille.
Ce soir elle est avec un amie à la Philharmonie et c'est pareil, elle vient de m'envoyer une photo de la queue d'attente interminable et dehors sur l'esplanade

[Marie-france]

Je me pose les mêmes questions que oupsi et pianojar.
Moi aussi je l'ai vu épanoui à Lunel. Et au concours Tchaïkovski il respirait le bonheur de jouer. J'espère qu'il va tenir bon et qu'il va retrouver ce plaisir-là.

[Lee]

Qu'il nous lisent pas alors, le pauvre.

[Moderato Cantabile]

Je ne pense pas qu'il soit déjà question de l'enterrer mais les comptes-rendus de ce dernier concert corroborent l'impression que j'en ai eue à Beauvais : une personnalité sensible à l'extrême qui semble avoir du mal à maîtriser ses affects et qui résiste mal à la fatigue tant morale que physique . Alors , simple malchance sur 2 concerts à 1 mois d'intervalle ? Difficulté à se réadapter à la France après l'idylle russe ?
La pression est certainement très forte et on peut logiquement penser qu'il ne s'attendait pas à cela lorsqu'il s'est présenté au Tchaïkowski. Il n'était probablement pas du tout préparé à un tel succès et à enchaîner ainsi les concerts. Tout est allé trop vite , je suppose ...
Espérons qu'il réussira à résister et à trouver son rythme afin de nous donner toujours de la belle musique en y prenant lui aussi plaisir ...

[katy]

Qu'il nous lisent pas alors, le pauvre.

Alors là... je vais te dire... voyant ce qu'il disait en interview en regard de ce que nous avions écrit notamment sur le post Concours Tchaikovski j'ai comme un doute

[katy]

Je ne pense pas qu'il soit déjà question de l'enterrer mais les comptes-rendus de ce dernier concert corroborent l'impression que j'en ai eue à Beauvais : une personnalité sensible à l'extrême qui semble avoir du mal à maîtriser ses affects et qui résiste mal à la fatigue tant morale que physique . Alors , simple malchance sur 2 concerts à 1 mois d'intervalle ? Difficulté à se réadapter à la France après l'idylle russe ?
La pression est certainement très forte et on peut logiquement penser qu'il ne s'attendait pas à cela lorsqu'il s'est présenté au Tchaïkowski. Il n'était probablement pas du tout préparé à un tel succès et à enchaîner ainsi les concerts. Tout est allé trop vite , je suppose ...
Espérons qu'il réussira à résister et à trouver son rythme afin de nous donner toujours de la belle musique en y prenant lui aussi plaisir ...

Cela dit, je pense qu'il n'est pas né pour être fonctionnaire (et je suis fonctionnaire moi ), il est comme ça... il doit avoir un sacré fond de tristesse et de mélancolie pour pouvoir jouer si tristement (Grieg, à faire pleurer les pierres). Il aurait dit (une voisine russe m'a dit ça au concert) : "si vous voulez jouer comme moi, alors il faut vivre comme moi et je ne vous le conseille pas. "

On n'en fera pas une machine de guerre...
J'ai aussi entendu autour de moi : "c'est un nouveau Samson François".
Sa prof semble très présente quand même ! Elle était là, sur tous les fronts, elle a présenté le concert (ils rentraient tous deux de Russie)

[pianojar]

Il faut quand même relativiser
Pour moi cela reste un très beau concert et comme je le disais je suis prêt à retourner l'écouter une 3ème fois.
Quoiqu'on pense de ces interprétations et malgré les quelques accrocs, il sait captiver un auditoire et défendre ses conceptions artistiques, ce qui en concert n'est quand même pas négligeable.
Le fait même qu'il fasse débat et ce depuis ses premières prestations est la marque d'un grand interprète, encore en devenir certes, mais pour moi il reste le choc de cette année musicale

[pianojar]

il est comme ça... il doit avoir un sacré fond de tristesse et de mélancolie pour pouvoir jouer si tristement (Grieg, à faire pleurer les pierres).

La mélancolie est un sentiment très russe et ce bis effectivement il l'a joué comme un russe et sans doute c'est un peu pour celà que j'ai cru que c'était une composition russe.
Il a un profond attachement à la culture russe comme il l'a dit dans ces interviews et cela se ressent dans son piano : il n'y a qu'à écouter son Medtner, Tchaikowsky ou Scriabine, on sent bien qu'une grande partie de son répertoire est là.

[Provençal-le-Gaulois]

C'est marrant j'avais pensé partager cette vidéo de sa sonate de Scriabine, c'était dans le fil sur le concours Thaïkovsky à propos des fleurs, c'est vrai qu'il est assailli de fleurs à la fin il recueille un bouquet aussi gros que lui Je n'ai pas souvenir d'avoir vu cela de façon aussi marquée qu'en Russie.

Bref, perso je n'aime pas trop cette version, je trouve ça trop brusque (certaines basses notamment agressives) et trop "avalé" comme dit précédemment de son Gaspard, dont j'avais eu la même impression dans le Scarbo (celui de son live au théâtre Mariinsky pour ma part). Ce sont des oeuvres brillantes mais elles gagnent à ne pas être jouées trop vite sous peine de ne pas faire entendre toutes leurs richesses (c'est le cas de beaucoup de pièces brillantes de grands compositeurs). En tous cas c'est la façon dont je les conçois.
C'est peut-être là aussi un manque d'expérience, savoir ne pas emballer les chevaux avec la pression et la passion de jouer pour un large public. J'espère en tous cas l'entendre car j'aime sinon beaucoup son jeu et son répertoire.

[Virgule]

trop "avalé" comme dit précédemment de son Gaspard, dont j'avais eu la même impression dans le Scarbo (celui de son live au théâtre Mariinsky pour ma part). Ce sont des oeuvres brillantes mais elles gagnent à ne pas être jouées trop vite sous peine de ne pas faire entendre toutes leurs richesses

Visiblement, Lucas Debargue aime jouer vite, par exemple dans les sonates de Scarlatti. Mais à aucun moment je n'ai souhaité qu'il joue Scarbo moins vite, même pas à ma première écoute, même si en conséquence il avale effectivement quelques notes. Pourtant je préfère généralement que les musiciens ne jouent pas trop vite. Mais pour le Scarbo de Lucas, non. Explication.

Cet été, j'ai d'abord écouté Scarbo, puisque j'avais lu des commentaires sur internet disant qu'il était remarquable. Et immédiatement, j'ai été saisie aux tripes, immédiatement j'ai vu - je me suis vue marchant dans un cimetière la nuit quand tout à coup, quelque chose d'informe et de vaguement fantomatique sort très vite de derrière une tombe, me frôle et disparaît, si vite que je me demande si je n'ai pas rêvé. Et ça continue, cette vision d'un être irréel, informe, une sorte de plasma quasi transparent qui jaillit vivement quelque part en périphérie de mon champ de vision et, le temps que je me retourne pour le voir, il est ailleurs. J'étais sidérée du réalisme de l'effet créé… pas par un orchestre, mais par un piano, pardi ! Incroyable ! Totalement visuel et totalement surréaliste. Le pouvoir d'évocation de ce très grand artiste est sidérant.

Depuis ma première écoute sur Medici, je l'ai réécouté très régulièrement, une ou deux fois par mois, généralement avec écouteurs mais à quelques occasions sur les haut-parleurs du salon--ce qui crée un tout autre effet. Dans l'espace, l'effet du petit fantôme qui jaillit quelque part pour disparaître aussitôt et se montrer ailleurs est encore plus saisissant. Tellement saisissant que j'en ai des frissons et que chaque fois je finis par éclater de rire ! Rire de plaisir, rire d'enchantement, parce que même si je sais ce qui s'en vient, je me fais prendre à tout coup! C'est exactement comme quand je revois le film Carrie de Brian de Palma et que, même sachant exactement ce qui va arriver à la fin, je me fais quand même prendre, je sursaute puis j'éclate de rire de m'être encore une fois fait avoir.

Comment Lucas Debargue arrive-t-il à créer cet effet ? La réponse s'impose: la vitesse de son jeu en est un élément essentiel. Sa légèreté aussi, la remarquable maîtrise des plans sonores, les passages du forte au pianissimo en deux secondes--mais impossible quant à moi de réussir ce qu'il réussit dans Scarbo en jouant moins vite. Si on entend tous les détails, toutes les notes, on peut suivre le lutin, on ne le perd plus de vue et l'effet de surprise, de frayeur peut-être, disparaît. On ne se fait plus avoir et la magie n'opère plus. Il faut choisir entre l'exécution 'parfaite' (qui a aussi son attrait) et l'évocation du poème, choisir entre la netteté des notes et l'évocation d'images fortes et bouleversantes. À l'opposé de beaucoup d'interprètes de Gaspard, Lucas choisit de privilégier les images, pour notre enchantement. La musique, ce n'est pas des notes, ce n'est pas une partition, c'est une communication, d'une vision ou d'une émotion.

Il semble selon les compte-rendus ci-dessus que Gaspard n'ait pas été aussi réussi à la Salle Cortot qu'à Moscou. Sur l'enregistrement de fntms, ce qui m'a frappée ce n'est pas la vitesse (le Scarbo dure 9 minutes, exactement comme à Moscou), mais l'impression de moins d'abandon à la musique (stress lié à la fatigue ou à l'enregistrement ?), avec pour résultat que je sentais moins le mystère et la magie, moins l'unité aussi comme le soulignait JPS. Communication apparemment moins réussie. En fait, avec maintenant quatre versions du Gaspard de Lucas (incluant le Mariinsky) à comparer dans un son potable, ce qui me frappe c'est la remarquable constance de son interprétation (y compris de la vitesse du jeu). Ce qui varie, c'est le piano et la salle (le son), et surtout, l'état psychologique et le niveau d'implication de l'artiste, qui est finalement un être humain avec ses hauts et ses bas comme tout le monde.

Ça m'inquiète uniquement dans la mesure où je m'inquiète de la santé de Lucas, du stress qu'il doit certainement vivre actuellement. Mais je ne suis pas inquiète pour son talent, je n'ai pas peur qu'il ait créé des attentes démesurées. On peut encore écouter sur France Musique l'interprétation qu'il donnait du Gaspard en direct à l'émission Génération Jeunes Interprètes il y a un an (http://www.francemusique.fr/emission/ge ... 10-25-2014) et tout y est déjà, la poésie d'Ondine, la tension très soutenue du Gibet (avec à peine un peu moins de mystère qu'à Moscou, où les immenses pianissimo étaient déchirants), un Scarbo sombre, sourd, convainquant, joué un poil plus vite qu'à Moscou--c'est en octobre 2014, seulement trois ans après sa rencontre avec Rena Shereshevskaya. S'il a pu faire un tel chemin en si peu de temps, imaginez la suite…

S'il y a une chose que j'ai apprise au cours de mes années de fréquentation des salles, c'est que même les plus grands musiciens ne font pas toujours de la magie en concert. On l'espère toujours et on bénit sa chance quand ça arrive. J'ai pu le vérifier avec ceux que j'ai vus plus d'une fois: parfois très bons, parfois totalement miraculeux. Ils peuvent même être miraculeux pendant seulement une partie du concert - rarement dans la première oeuvre, souvent seulement après l'entracte, parfois seulement en rappel, quand la tension retombe. Je peux vous citer plusieurs exemples comme ça sans même me casser la tête. Mais c'est toujours meilleur qu'au disque et ça vaut toujours la peine d'aller au concert. Et il faut surtout aimer les artistes, être indulgents et qu'ils le sentent car c'est alors qu'ils sont à leur meilleur, parce qu'ils se donnent. Ils mettent leur âme à nu sur scène et se livrent, se donnent à nous à leurs risques et périls--c'est exactement ce qu'a fait Lucas Debargue à Moscou et c'est pour cela qu'on l'a tellement aimé. Et pour cela, pour que ça puisse continuer d'arriver, il faut les aimer et les soutenir même quand ils ne sont pas à leur meilleur.

[Oupsi]

Je suis complètement d'accord avec toi, et je partage cette ferveur d'écoute (je ne parle pas de connaissances), qui est vraiment mystérieuse et dont j'ai pensé, en te lisant, que toute proportion gardée elle n'est pas à des années lumières de la ferveur de l'acte créateur. Il y a une interaction et une rencontre, ce que tu écris en témoigne avec force.

[pianojar]

Je ne peux qu'acquiescer et c'est pourquoi je suis prêt à aller le revoir en concert une 3ème fois et que je ne peux que conseiller à ceux qui n'ont pas encore eu ma chance de l'entendre live d'y aller aussi

[Guzelya]

Ça m'inquiète uniquement dans la mesure où je m'inquiète de la santé de Lucas, du stress qu'il doit certainement vivre actuellement. Mais je ne suis pas inquiète pour son talent,

C'est ce qu'on s'est dit avec mon mari et Hoffmann 13 après avoir parlé à Lucas à Lunel cet été - il doit avoir le problème de résister ce tempo de sa vie actuelle avec autant des concerts et enregistrements et tournées... il ne fait pas du sport ni aucun entrainement physique... et en plus il fume beaucoup. Dommage...

[jean-séb]

il ne fait pas du sport ni aucun entrainement physique... et en plus il fume beaucoup. Dommage...

Non, non, c'était le secret de la forme et de la longévité de Churchill ! Il faut ajouter le whisky aussi !
“No sports, just whisky and cigars.”