Lucas Debargue

[Oupsi]

Merci pour ce beau compte rendu. Je me rappelle de cette image magnifique de l'oiseau dans la main. L'enjeu n'est pas mince. C'est sans doute un danger qui guette un artiste tout au long de sa vie. Il explique peut-être les absences, les longues interruptions dans certaines existences. La personnalité de Debargue m'impressionne infiniment: d'un côté il y a une sensation de fraternité absolument inexplicable pour moi, que je retrouve dans ce que tu écris, que quelque chose "tien" soit aussi "sien", c'est-à-dire qu'il y ait une telle ouverture immédiate sur du "nôtre", un lien si fort, ce qui est une expérience assez rare finalement; et puis l'autre versant, qui me fait peur comme s'il y avait une solitude, une fragilité et un risque affolants. La musique accueille et exprime tout cela!
Du coup j'attends un peu avant de retourner l'écouter en concert. J'ai un peu peur, je me sens un peu impudique, c'est très bizarre.

[pianojar]

Merci beaucoup oui pour ce très beau compte rendu
Le bis c'est sans doute Nostalgie de Milosz Magin
N'attend pas trop Oupsi c'est à chaque fois une expérience irremplaçable. ..

[M-Olib]

Oui effectivement, il s’agissait bien de Nostalgie du pays de Milosz Magin.
C’était le premier rappel, juste après Szymanovski et Lucas a dit : après ce mur de son, un autre compositeur Polonais, beaucoup plus minimaliste, qui a écrit pour les enfants et disparu récemment…
Récemment, récemment, c’était en 1999 et Lucas avait 9 ans, ce jeune homme a une conception personnelle en toutes choses.
Sinon, je souscris au compte-rendu fait par Florestan, et bien que n’étant pas un grand amateur de Schubert, j’ai aussi été pris par ce mouvement lent de la sonate D664 .
Pour la sonate de Szymanowski à laquelle je restais hermétique malgré de nombreuses écoutes, le concert n’a rien changé et je l’ai plus regardé la jouer qu’écouté, mais quel spectacle !
La chaleur du public, très expressif lors des rappels, a scellé le succès de ce concert.

[Virgule]

Merci beaucoup Florestan pour ce beau commentaire très vivant et détaillé, comme si on y était ! Ça me fait revivre l'expérience de l'été dernier à Auvers-sur-Oise - jusqu'à ta réaction à la sonate de Szymanowski, si exactement semblable à la mienne alors (jusqu'à l'absence de thème intelligible), mais qui a été un grand moment pour moi (avec le même programme). Merci aussi à M-Olib de partager tes impressions.

Je comprends très bien vos réactions à la sonate de Szymanowski, qui est aussi exactement celle que j'ai eue l'été dernier, et ensuite en écoutant le cd. Je m'étais promis de l'écouter jusqu'à la connaître au point de savoir ce qui s'en vient quand je l'écoute - et j'y suis, à peu près. Eh bien, ce n'est pas encore la passion mais j'avoue la trouver de plus en plus intéressante. Est-ce que je comprends sa structure ? Non, mais ça n'est pas unique - je me pose rarement la question de la structure d'une oeuvre. La seule structure que je sais reconnaître c'est la forme sonate classique... Je ne comprends pas non plus la structure de la sonate de Liszt, mais j'ai appris à l'aimer quand même.

Oupsi, merci à toi aussi, ce que tu écris est touchant et m'interpelle. Ma réaction à moi qui ne manque pas une occasion d'aller entendre Lucas en concert, c'est plutôt que j'ai chaque fois peur d'être déçue (et je l'ai parfois été, bien que jamais pour un concert entier), peur qu'il perde sa fragilité justement, qu'il change à cause de la pression, et du milieu d'ailleurs... qu'il devienne un pianiste comme les autres. Je trouve drôle que tu dises te sentir impudique devant Lucas. D'un côté je pense que je comprends, car cette communication est véritablement une conversation intime. Mais d'un autre côté, tout artiste qui se donne vraiment se met à nu sur scène. C'est nécessaire, on ne peut se donner autrement. C'est pour ça que j'ai peur, moi, peur que la fréquence de ses concerts ne le pousse à vouloir se protéger, qu'il s'endurcisse et perde cette fragilité qui nous touche tant. N'attends pas que ça arrive - ou qu'il cesse de jouer pour se consacrer à la composition - avant d'aller l'entendre !

[Presto]

e ne comprends pas non plus la structure de la sonate de Liszt,

En a-t-elle une ou est-ce une sonate ?

[Florestan]

Oupsi, je suis bien d'accord : l'enjeu n'est pas mince. Comment l'intégrité d'un artiste survit elle à toutes les contraintes imposées par la nécessité d'une carrière ?
Dans le cas de Lucas, c'est la seule (petite) réserve qui me reste du concert: ce surcroit de force, cette préparation, cette assurance sont évidemment des atouts maitres pour fonctionner au plus haut niveau, plus encore à une époque où les oreilles sont formatées par les enregistrements et la perfection trompeuse qu'ils mettent en avant. J'espère juste que tout cela ne grandira pas au détriment de la spontanéité et du chant intérieur. Ce qui m'a tant touché dans le concours en 2015 (et certainement beaucoup d'autres, par exemple Laurent Martin a qui j'avais envoyé le lien du deuxième tour m'a dit textuellement qu'il n'avait pas été autant touché par de la musique "depuis des décennies" !) c'est moins ce qu'il disait que l'endroit depuis lequel il s'adressait à nous, et au delà de la beauté, l'impression de liberté suprême que cela transmettait.
J'espère que Lucas ne désertera pas cet endroit exigeant. Je l'y entends toujours, mais l'évolution est nette: un léger glissement de l'art vivant vers l'art plastique...
Pour finir je pense qu'il est très conscient de tout cela. Je l'ai entendu il y a quelque mois un matin à la radio rendre un hommage sincère à Martha Argerich, à sa liberté, à son côté imprévisible et sauvage, complètement à contre courant du spectacle moderne. Même s'il est lucide sur le mouvement du monde et les exigences de l'époque, je pense qu'il conservera une très haute idée de son art et une très haute exigence envers lui même. J'espère qu'il saura rester sourd à la mortifère peur de décevoir.

[Florestan]

Est-ce que je comprends sa structure ? Non, mais ça n'est pas unique - je me pose rarement la question de la structure d'une oeuvre. La seule structure que je sais reconnaître c'est la forme sonate classique... Je ne comprends pas non plus la structure de la sonate de Liszt, mais j'ai appris à l'aimer quand même.

Je me suis très imparfaitement exprimé. Ce que je voulais dire, c'est qu'en identifiant un thème on est plus à même de suivre le discours musical et l'originalité harmonique, par la façon dont ce thème évolue et se voit confronté à d'autres idées. Dans la sonate de Liszt on entend très bien cette évolution permanente, ces quelques thèmes qui reviennent sous d'autres formes et s'opposent ou s'épaulent de façon constamment nouvelle.
Dans le premier mouvement de la sonate de Szymanovski, je n'ai pas su identifier un thème et donc je me suis retrouvé perdu dans un flot où seule la dynamique et l'épaisseur du tissu harmonique fabriquaient le discours.
Le thème varié était lui beaucoup plus saillant, comme celui de la fugue (je crois même avoir entendu son renversement).

[ritenuto]

Bientôt un évenement à ne pas manquer
Le pianiste Lucas Debargue est nommé dans la catégorie Soliste Instrumental pour les 25èmes Victoires de la Musique Classique.
Né en 1990, Lucas Debargue commence le piano à l’âge de onze ans mais s’oriente rapidement vers la littérature. C’est à l’âge de 20 ans qu’il décide de concevoir le piano sous un angle professionnel. En 2015, il est parmi les lauréats du 15e Concours International Tchaïkovski à Moscou et est aujourd’hui invité à jouer en solo avec les meilleurs orchestres mondiaux dans des salles prestigieuses. Compositeur et interprète de sa propre musique, il a également sorti 3 albums chez Sony Classical et a remporté le prestigieux prix allemand « Echo Klassik ». Son parcours a inspiré Martin Mirabel qui a réalisé le documentaire « Lucas Debargue – Tout à la musique » en automne 2017.
La cérémonie sera diffusée sur France 3, France Musique et Culturebox, avec Frédéric Lodéon et Leïla Kaddour-Boudadi

[Virgule]

Je ne comprends pas non plus la structure de la sonate de Liszt,

En a-t-elle une ou est-ce une sonate ?

Presto, tu te moques de moi, là, non ? Ce n'est certes pas une sonate classique, mais elle porte quand même le titre de sonate, comme d'autres qui suivront (celles de Bartok, de Chostakovitch, sont plutôt de forme classique quand même...), et oui, elle a certainement une structure, mais que je ne sais pas analyser, voilà tout (je n'analyse pas non plus la stucture des sonates de Haydn, Mozart ou Beethoven, mais j'ai une telle connaissance non-verbale de cette forme, tellement entendue, que c'est toujours complètement reconnaissable).

Néanmoins, je trouve que la sonate de Szymanowski, que je commence à avoir dans l'oreille, ressemble à celle Liszt par certains aspects de sa structure (mais faut pas me demander d'expliquer... c'est intuitif). Il semble bel et bien y avoir un thème dans le premier mouvement, c'est juste qu'il est essentiellement chromatique, donc sans charme et pas du tout accrocheur - on n'entend que des gammes ! Reste que ça me parait beaucoup plus intellectuel, beaucoup moins émotif que la sonate de Liszt. Un pur exercice de composition, je dirais. (Que Lucas ne me lise pas, car je pense qu'il serait furieux ! )

[Virgule]

Je me suis très imparfaitement exprimé. Ce que je voulais dire, c'est qu'en identifiant un thème on est plus à même de suivre le discours musical et l'originalité harmonique, par la façon dont ce thème évolue et se voit confronté à d'autres idées. Dans la sonate de Liszt on entend très bien cette évolution permanente, ces quelques thèmes qui reviennent sous d'autres formes et s'opposent ou s'épaulent de façon constamment nouvelle.
Dans le premier mouvement de la sonate de Szymanovski, je n'ai pas su identifier un thème et donc je me suis retrouvé perdu dans un flot où seule la dynamique et l'épaisseur du tissu harmonique fabriquaient le discours.
Le thème varié était lui beaucoup plus saillant, comme celui de la fugue (je crois même avoir entendu son renversement).

Merci Florestan, mais en fait je t'avais parfaitement compris - c'est moi qui me suis mal exprimée. Alors même que j'écrivais ne pas comprendre la structure de la sonate de Liszt et l'aimer quand même, j'ai exactement pensé 'oui mais cette sonate, elle, a bel et bien des airs - des thèmes bien reconnaissables - auxquels on accroche et qu'on peut suivre'. Je l'ai pensé mais je n'ai pas pris la peine de l'écrire (paresse ? manque de temps ?).

Merci encore pour ton compte rendu et la discussion qui a suivi. C'est un plaisir de te lire. Je suis éblouie par l'élégance et la clarté de ton style, au point que je me demande comment j'ose encore écrire des comptes rendus... Oui, je préviens souvent que je n'exprime que mes impressions et que je ne connais pas suffisamment la théorie musicale et la technique du piano pour en parler; mais toi tu écris des comptes rendus qui ne font aucunement appel à des concepts musicaux avancés (je comprends tout ) et pourtant ça parle tellement ! En te lisant je reconnais exactement ce que j'ai ressenti sans savoir l'exprimer. Ce qui me manque n'est donc pas (que) la connaissance de la musique, c'est surtout la maîtrise de la langue... Merci et bravo.

[Florestan]

Chère Virgule, merci pour ton généreux retour, mais tu es certainement encore plus dure avec toi même que je ne le suis, ce qui n'est pas peu dire...
Je t'assure que tu n'as vraiment aucun complexe à nourrir, et que je lis tes comptes rendus et autres interventions avec beaucoup d'intérêt et de plaisir. S'il te plait ne te gêne pas pour continuer!

[pianojar]

Dans le répertoire en post initial j'ai rajouté le concerto n°12 KV 414 de Mozart qu'il va donner dans quelques jours au Japon

[ritenuto]

Et il y manque la Valse musette de Poulenc pour 2 pianos qu'il a joué à Moscou avec Rémi Géniet

[pianojar]

Merci c'est rajouté

[ritenuto]

C'est ce soir:

https://culturebox.francetvinfo.fr/oper ... 018-269051

[mieuvotar]

Et c'est à deux pas de chez moi, dans la belle salle de La Grange au Lac, à Evian...

[scaramouche75]

La Grange au Lac, déjà son nom est magique, la «tente en bois», comme l'appelait Miroslaw Rostropovich.
les troncs blancs d'une forêt de bouleaux donnant l'impression d'être au milieu d'un bois épais.
Poésie d'un lieu magnifique.
J’ai eu la chance de découvrir cette salle l'été 2016 à l’occasion des Rencontres Musicales d’Evian.

[Bastien]

Il va jouer là maintenant un mouvement de concerto de Saint-Saëns sur France 2

[mieuvotar]

Bon, ce n'est pas LD.
Pas grave, Pianojar, tu trouveras bien un autre occasion de déboucher le champagne que tu avais mis au frigo...

[pianojar]

Non pas vraiment car j'étais à peu près sûr que ce ne serait pas lui
Je m'étonnais même qu'il soit nominé mais je pense qu'il n'a pas son mot à dire là dessus. Cela concerne plutôt les maisons de disques etc .... non ?
Je me consolerais en allant l'écouter très prochainement une 3ème fois en direct depuis le début de l'année