Notes sur Chopin

[Chaupain]

Quelques mots d'André Gide:
" [...] la musique s'était faite surtout effusive, étalant l'émotion le plus amplement et le plus intensément qu'il se pouvait. Chopin, le premier, bannit au contraire tout développement oratoire. Il n'a soucis, semble-t-il, que de rétrécir des limites, de réduire à l'indispensable les moyens d'expression. Loin de charger de notes son émotion, à la manière de Wagner par exemple, il charge d'émotion chaque note, et j'allais dire: de responsabilité. De sorte que l'oeuvre de Chopin, guère plus volumineuse dans son genre que l'oeuvre poétique de Baudelaire, est comparable aux "Fleurs du mal" par l'intense concentration et signification des meilleures pièces qui la composent [...]."

[Oupsi]

Joli, et très juste me semble-t-il.

[natty_dread78]

Merci Chaupain, c'est très intéressant. Après de longues reflexions, je pense etre convaincu que Chopin est le plus grand compositeur pour piano. En tout cas mon préféré. Je reviens toujours à lui.
Concernant la citation, je n'ai pas très bien compris ce qu'il veut dire la:
"De sorte que l'oeuvre de Chopin, guère plus volumineuse dans son genre que l'oeuvre poétique de Baudelaire"
Pour moi, Chopin est très prolifique et son oeuvre très volumineuse. Ou bien est ce ironique ou autre figure de style ? Moi pas bon en francais...

[Chaupain]

En fait, il comparait à Wagner, suite d'une allusion à une conversation avec un de ses amis allemand qui disait adorer Chopin.

"Aussi bien celui que je veux comparer à Wagner, ce n'est point Bizet, comme Nietzshe se plaisait à faire et non sans malignité, mais Chopin. Et si l'on m'objecte qu'il y a disproportion ridicule avec la masse énorme de Wagner, et qu'à côté de son oeuvre gigantesque l'oeuvre de Chopin paraît incomparablement menue, je répondrai que c'est par là précisément que je veux les opposer d'abord, et que c'est par l'énormité que l'oeuvre de Wagner me paraît le plus germanique. Cette énormité, je la sens non seulement dans la longueur inhumaine de chaque oeuvre, mais dans les excès de tous genres, dans l'insistance, dans le nombre des instruments, dans le surmenage des voix, dans le pathos."

[Xiro]

Je ne pense pas que ce soit ironique, Chopin n'est pas si prolifique, même pas 80op si ma mémoire est bonne Après sur le souci de simplicité et d'épuration je ne suis pas vraimnet d'accord, harmoniquement c'est très compliqué, et pour le "loin de charger de notes son émotion" l'expression est belle mais tellement inexacte! Enfin je sais pas mais si on prend les deux cycles d'études, les sonates, les ballades.....je ne vois pas du tout une absence de notes

[natty_dread78]

D'accord, ca a plus de sens. Merci pour l'explication Chaupain. Etrange, cependant, de comparer Wagner à Chopin...
Xiro, tu as raison, d'une certaine manière. Mais regarde la deuxième citation de Chaupain. Tout est question de référence. Si on le compare à Wagner, Chopin apparait epuré. Pareil si on le compare à Liszt, sans doute. De la meme manière, ce n'est surement plus du tout le cas si on le compare à Mozart...

[Chaupain]

Oui la comparaison avec Wagner a un certain sens parce qu'elle est dans le contexte. Je ne la trouvais pas si intéressante, c'est pour ça que je ne l'avais pas indiquée au début.
Quand au poids des notes, bizarrement, Gide semble faire surtout allusion aux préludes et impromptus. Il le précise plus loin dans son livre quand il parle de la vitesse excessive à laquelle on joue trop souvent Chopin.

[natty_dread78]

Je suis assez d'accord avec les citations de Gide. L'importance, le poids, l'émotion de chaque note. Et aussi sur le fait de jouer trop vite les oeuvres de Chopin.
Ca me fait d'ailleurs penser à la manière dont F. Samson interprète Chopin (ou les autres compositeurs d'ailleurs).
Par exemple dans cet extrait, Samson parle de la manière dont il pense les oeuvres "note par note":
http://www.youtube.com/watch?v=7-SrkJR8gAo&t=2m53s

Il joue vraiment Chopin comme personne...

[Xiro]

C'est bien joli tout ça mais je trouve que c'est un peu surfait Si on ne pense que notes par notes on perd la ligne mélodique (je renvoie à Cassard et son matin des musiciens de vette semaine sur les études op10 où il explique très bien ce point sur "tristesse"). Et chez Chopin, perdre la ligne, comme dans la vraie vie cela alourdit le rendu

[natty_dread78]

Oui, mais Samson dit aussi un peu plus loin: "Je cherche à savoir ou me conduit une phrase".
Il ne pense pas vraiment "note par note", mot pour mot. Il faut plus le voir comme chaque note étant pensée, réfléchie, pour voir ou ca conduit. Ca correspond plutot à la vieille école, je pense. Cortot, Neuhaus, etc...
Maintenant j'ai l'impression que les pianistes réflechissent plus phrase par phrase, et font défiler les notes de la phrase à une vitesse ahurissante sans vraiment réflechir à chaque note. C'est un peu caricatural, mais ca correspond assez à l'évolution générale, je trouve.