Nyro Xeo a écrit : Nox, on a déjà participé à un débat très similaire il y a quelques années
Quelques années ? T'es sûr ? Ca me dit rien
En fait, je suis partiellement d'accord.
Je suis d'ailleurs un assez farouche défenseur de la musique intuitive (vu mon parcours, ca m'arrange aussi de défendre cette position ), mais dans certaines limites.
Ca permet de comprendre ce que le compositeur a voulu exprimer précisément, de trouver une direction générale du morceau.Nyro Xeo a écrit : Alors d'accord, oui on peut analyser un morceau, ses harmonies, ses modulations, etc. et après ? En quoi on le comprend mieux ? En quoi connaître toutes ces choses permet-il de mieux jouer de la musique ?
Jouer intuitivement, ca marche dans une certaine mesure, mais s'amuser à ça par exemple pour "La vallée d'Obermann", l'opus 111 de Beethoven etc..., ca ne mène nulle part. Il faut construire un minimum, donner une direction, et faire ça de tête, à l'oreille, sur des pièces pareilles, c'est peine perdue...
Etant musicien nous-même, oui, je trouve qu'on pressent parfois qu'il y a beaucoup de travail (Dinu Lipatti, Vladimir Horowitz). Mais les maîtres savent nous le faire oublier, puisqu'ils s'approprient le morceau, jusqu'à le jouer "naturellement".Nyro Xeo a écrit :Est-ce que quand vous écoutez la prestation d'un gars qui joue bien (pour reprendre le fameux "gars qui joue bien" :-p), vous savez indubitablement que oui, ce gars-là a analysé son morceau, qu'il sait exactement quelles modulations il a pu faire, qu'il a une connaissance approfondie de la théorie de la musique, c'est forcé sinon il aurait pas pu jouer aussi bien ?
Là je te rejoins à 200%, et rien ne m'insupporte autant que ce genre d'analyse (ca existe en poésie aussi : "Là y'a 5 voyelles et 24 consonnes, donc ca exprime la colère" ).Nyro Xeo a écrit :Personnellement, je trouverais ça triste que quelqu'un qui décide d'apprendre la Grande polonaise de Chopin (op. 22) se procure la partition, et commence à la déchiffrer au piano, puis commence à l'analyser, et se dise « Alors, voyons cela, la main gauche de la neuvième mesure est composée d'une croche, de deux double-croches, et quatre croches. Tiens, la première mesure est composée d'une croche, de deux double-croches, et de trois croches. La neuvième et la première mesure ont donc la même construction rythmique, il faut donc que je joue cela de telle manière pour qu'on voit la similitude »
Mais c'est un peu une parodie d'analyse que tu nous proposes là
Analyser pour moi ca ne veut pas dire "déconstruire" jusqu'à se retrouver devant un amas de notes. C'est de l'analyse musicale qu'il faut faire. Pourquoi cette tonalité ? Pourquoi le thème revient-il ici sous cette forme ? qu'est ce qui fait la nostalgie de ce passage ? etc...
Ah, là je trouve déjà que c'est plus utile. Pour ce qui est des modulations etc, je suis persuadé que ca permet de mieux comprendre comment la pièce a été écrite. J'ai un ami qui connaît énormément de Bach par coeur, et il m'a dit que ce qu'il retenait, c'était principalement les progressions harmoniques. C'est grâce à ça qu'il peut tout retenir et retrouver.Nyro Xeo a écrit :ou encore que quelqu'un ouvre une partition quelconque du Clavier bien Tempéré, et qu'il se dise « Ah, ici on a modulé à la dominante, et ici, cette suite de notes est constituée des mêmes intervalles que le thème. Ce doit être le thème repris à la tierce... »
Et puis pour ton exemple "cette suite de notes est constituée des mêmes intervalles que le thème. Ce doit être le thème repris à la tierce", ca me paraît assez essentiel comme analyse non ? Basique disons. Si tu joues une fugue et que tu passes à côté de la moitié des entrées du thème, ca gâche un peu le morceau.
Un morceau joué à l'instinct sera forcément limité dans l'expression (sauf génie hors du commun).
Je me souviens avoir lu un jour un texte de Liszt (une lettre je crois), dans lequel il déplore l'incompréhension des auditeurs. Il passe des heures et des heures à écrire des oeuvres dans lesquelles il se confie, il exprime des choses profondes, et le public n'entend que des choses "jolies".
Je reprends l'exemple de la vallée d'Obermann. Je me souviens d'un jour à un concert, une personne avait joué cette pièce, et j'avais entendu une dame dans le public "c'est joli cette pièce, on imagine bien la vallée, avec les arbres et tout ça"
A part ça, gardons quand même à l'esprit que le débat ici va plus loin, il ne s'agit même pas d'analyser, mais d'apprendre à lire une partition. Quand même, il y a de la marge avant d'en arriver à l'analyse, non ?