J’adore cet échange parce qu’il reflète largement mon idée sur ce type de sujet et un certain malaise qui m’habite dans le domaine de la musique « académique ».Ilia a écrit :C'est une approche que, personnellement, je trouve très logique et très bonne - mais mes profs me disent en général qu'on ne joue pas comme on veut, qu'il y a des règles bien précises et qu'il faut les respecter. Du coup, je me demandais quelle était la règle pour cette question précise - vu que mes différents profs ne sont pas tous d'accord les uns avec les autres.jeff62 a écrit :Pour ce qui me concerne donc il me semble que les reponses a ces questions sont dans la musique et qu'il suffit de se laisser porter par la, et/ou les lignes melodiques et que tout cela se sent naturellement , parfois quand je doute je fredonne le passage en question et je joue comme je chanterais.
mais bon je n'ai pas eu de vraie formation musicale approfondie et je passe peut etre a cote de beaucoup de choses.
mais ca me semble quand meme plus simple que de devoir reflechir a chaque note, et plus naturel aussi me semble t il
jf
Je suis sur la même longueur d’onde que jeff, sauf peut-être que dans la formulation, j’aurais évité le terme « naturellement ». En vérité, il n’y a rien de vraiment naturel dans le processus de faire de la musique. Je dirais plutôt « intuitivement », en ce sens que l’intuition combine notre nature avec nos acquis.
Le malaise que j’ai est parfaitement résumé dans ce « mes profs me disent en général qu'on ne joue pas comme on veut, qu'il y a des règles bien précises et qu'il faut les respecter. » mis en relation avec « différents profs ne sont pas tous d'accord les uns avec les autres ».
Ce que cela traduit, c’est que dans bien des cas (la plupart, à mon sens), les soi-disant règles ne sont en fait que l’expression des gouts et opinions personnels des profs.
Je suis d’avis qu’on doit jouer « comme on veut » sous une condition (o combien importante !) qui est d’avoir su développer une culture et un gout musicaux fiables, par l’écoute extensive des grands-maitres et, par la suite, l’analyse de ce qui marche et ce qui ne marche pas dans ce qu’ils font, ce qui implique une dose certaine de subjectivité.
C’est un débat particulièrement intéressant avec la musique de Bach, car il ne donnait que fort peu d’indications sur la manière de jouer sa musique, notamment en termes de phrasé, de tempo ou de dynamique. Cela dit, on raconte que Bach se plaignait beaucoup des musiciens qui jouaient ses œuvres, mais apparemment, cela avait surtout trait aux ornementations : l’interprétation baroque en usait et abusait, ce qui l’a poussé (de même que Couperin et Handel, ses contemporains) à formuler assez précisément comment et quand ornementer.
Ce qui frappe chez Bach, c’est que, musicalement il n’écrivait pas différemment en fonction de l’instrument, mis à part la nécessité d’adapter le texte aux limites techniques de chaque instrument.
Cela suggère que tous les questionnements « pédale ou pas pédale », « lier ou ne pas lier », « détacher les voix ou ne pas détacher les voix » relèvent un peu du débat sur le sexe des anges, surtout lorsque l’instrument dont on parle est le piano moderne qui n’existait pas à l’époque de Bach.