L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
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quasimodo
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L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par quasimodo »

J’espère que cela n’apparaitra pas comme vaniteux, mais il me semble intéressant de regrouper dans un même sujet ce que je crois être les meilleures pratiques pour travailler des pièces de piano. Je ne suis évidemment pas l’inventeur de ces idées mais juste un fervent avocat. Tout ce qui suit (ou presque) n’est jamais que la reformulation de choses qui ont déjà été dites, par moi ou par d’autres, dans ce même forum.

Tous ces conseils ont un point fondamental en commun : la gestion du temps. Le temps est la ressource la plus précieuse qu’il ne faut surtout pas gaspiller dans l’apprentissage du piano. Une bonne méthode est une méthode qui procure les résultats attendus dans le délai le plus réduit. Entrons donc sans plus attendre dans le vif du sujet.

1) Pour chaque pièce, retarder le plus possible le travail au clavier.


La précipitation est l’ennemie de la rapidité. Il faut prendre le temps de préparer le travail qu’on va faire au piano : étudier et analyser la partition, écouter l’œuvre interprétée par un maximum possible d’interprètes, planifier le travail en identifiant les passages-clef de la pièce – c’est-à-dire les plus difficiles – qui seront à maitriser en priorité.

La planification du travail doit aller loin dans le détail. Il s’agit de découper la pièce en sections et d’établir un planning pour chacune d’entre elles. Au départ, il est fort probable que votre planification soit infirmée par la réalité de votre travail mais ce n’est pas grave, faites-la systématiquement ; au fil du temps, vous vous améliorerez et votre progression réelle s’approchera de mieux en mieux de votre plan (et vice-versa).

L’analyse et l’écoute active visent à être familier avec la pièce avant même d’en avoir joue la première note. Idéalement, n’allez pas au piano avant de savoir entendre « de tête » la pièce de bout en bout, dans un premier temps, il est évident que ce « jouer de tête » ne sera pas précis à la note près, mais cela viendra aussi avec le temps.

Une autre raison pour l’écoute active du plus grand nombre possible d’interprétations de la pièce est de se bâtir une première approche de votre propre interprétation : dans chaque version identifiez ce qui vous plait le plus, mais surtout ce qui vous déplait. En vous habituant à cet exercice, d’une part, vous développez votre propre musicalité, et d’autre part, vous arrivez au piano avec une intention claire sur ce que vous voulez réaliser et cela vaut toujours mieux que d’avancer en aveugle.

2) S’efforcer de travailler en premier lieu les sections les plus dures.

C’est une démarche que beaucoup ont du mal à accepter intellectuellement, préférant travailler séquentiellement en partant de la première note et avancer mesure après mesure.

Il y a pourtant deux raisons absolument fondamentales de commencer par le plus dur :
- une raison très pratique d’abord : de savoir s’il est raisonnable de s’attaquer à la pièce en question ou si cela risque d’être un tragique gâchis de votre temps. Il ne faut pas croire qu’en commençant par le plus facile, lorsque le moment sera venu d’attaquer les sections critiques, la difficulté sera plus abordable, c’est très souvent faux et dans ce cas-là le temps passé sur la partie facile aura été gaspillé, perdu à jamais alors qu’il aurait pu être utilisé de façon beaucoup plus constructive sur une autre pièce de moindre difficulté mais achevée ;
- raison psychologique et technique ensuite : le fait d’avoir abattu l’obstacle des sections difficiles fera que tout le reste ne sera pratiquement plus qu’une formalité.

Cela étant dit, ce n’est pas toujours simple d’identifier les passages les plus difficiles. C’est un feeling qui vient avec l’expérience, mais il faut bien commencer quelque part et apprendre à se fier à ses intuitions. Un bon prof pourra être d’un grand secours à cet effet.

3) Mener plusieurs projets (pièces) de front

On peut tourner la question dans tous les sens qu’on veut, mais il y a une vérité absolue du musicien : travailler un instrument revient à augmenter son répertoire. C’est pratiquement une tautologie, une lapalissade de dire cela.

Pour mesurer votre progression, il n’y a aucun autre critère que le contenu de votre répertoire, en quantité et en qualité. Or, en l’occurrence, les deux vont de pair : si une personne a peu de pièces en répertoire, il est à parier que le niveau des pièces elles-mêmes sera modeste ; si une personne a des pièces de haut niveau dans son répertoire, à coup sur, la taille de ce répertoire sera consistante. Donc pas de questions existentielles : pour progresser, le seul objectif qui vaille c’est d’ajouter autant de pièces que l’on peut dans le temps le plus court possible à ce répertoire. Toute activité pianistique qui ne concourt pas soit à accroitre votre répertoire soit au moins à le maintenir est à écarter impitoyablement (j’y reviendrai un peu plus tard).

Pour un amateur, le temps maximum recommandé d’une session de travail au piano est de 20 minutes ; parfois, selon les contraintes de chacun, cela peut être moins mais il ne faut surtout pas que ce soit plus. Entendons-nous bien : ce que j’entends par session c’est le temps consacré à un sujet particulier, en général une pièce. Ainsi si vous avez une heure disponible pour travailler au piano, vous allez donc la diviser en trois sessions, ce qui vous donne la possibilité de travailler sur trois pièces différentes.

Pourquoi est-ce un maximum ?

Pour deux raisons :
1. D’abord parce qu’il est extrêmement difficile de maintenir un niveau de concentration optimal sur un même sujet au-delà de cette durée. Pour vous en persuader, regardez les concertistes professionnels : au bout de 40 / 45 minutes ils prennent une longue pause, prenant aussi le temps entre les pièces. Pourtant ce sont des professionnels « entrainés » en vue de l’activité de jouer, et ils jouent des pièces qu’ils maitrisent parfaitement. Dans notre cas, nous étudions quelque chose que nous ne connaissons pas, par définition, et notre capacité à nous concentrer est bien évidemment largement inferieure. En allant au delà de ces 20 minutes, vous serez dans un état d’éveil qui laissera beaucoup à désirer et vous allez commencer à faire des fautes, à pratiquer des fautes, ce sera contre-productif à souhait. Donc pas plus de 20 minutes et veillez à prendre une bonne pause, au moins 5 minutes, avant d’attaquer la session suivante.
2. Ensuite, si au bout de 20 minutes vous n’êtes pas parvenu à un résultat satisfaisant par rapport à l’objectif de votre session, c’est que votre objectif était trop ambitieux : Vous avez choisi une section trop longue, par exemple. Votre but doit toujours être de réduire la complexité, en subdivisant un problème complexe en éléments qui vous soient plus abordables.

Pourquoi pas plusieurs sessions mais consacrées à différentes sections d’une même pièce ?

C’est certes une option, notamment si vous avez une contrainte de finir une pièce dans un délai déterminé (examen, compétition…). Mais choisir différentes pièces procure des avantages dont vous vous privez si vous décidez de consacrer tout votre temps à un seul projet :
1. Stimulation cérébrale et mémorielle du fait de la variété de ce que vous travaillez,
2. Travail sur des éléments techniques différents,
3. En choisissant les pièces en ce sens, travail sur des tonalités, donc des gammes et accords différents, ce qui contribuera aussi à une meilleure familiarité avec la géographie du clavier,
4. Développement de la musicalité en travaillant sur des styles divers.


(à suivre…)
" On ne joue pas du piano avec deux mains : on joue avec dix doigts. Chaque doigt doit être une voix qui chante."

Samson François
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Rubato
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par Rubato »

Bigre !
Je ne suis pas du tout cet Evangile

1) Je ne retarde pas du tout l'approche au clavier de la pièce. Je regarde ce qu'il en est en lisant la partition, puis je déchiffre à deux mains du début à la fin. C'est là que je me rends compte des difficultés (apparentes) et que je décide de poursuivre le travail du morceau.

2) J'évite d'écouter d'autres interprétations. Le problème est justement de trouver la sienne et de se défaire de certaines écoutes (non qu'elles soient mauvaises mais que cela amène à imiter une interprétation)

3) Je commence par le début et je continue. Je ne veux pas donner de hieréarchies dans la difficulté comme je l'ai déjà ditb dand un autre sujet et donc certaines difficultés viennent quand c'est nécessaire.
Modifié en dernier par Rubato le mar. 04 nov., 2008 12:59, modifié 1 fois.
Le tempo rubato est comme le vent jouant dans le feuillage d'un arbre dont les branches ne bougent pas.
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Marie-Danielle
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par Marie-Danielle »

Quasimodo ,merci infiniment d'écrire ces conseils qui arrivent tellement à point pour moi. J'attends la suite avec impatience...
fa#
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par fa# »

diantre !
on me fait faire a peu près tout l'inverse :D
"le piano c'est cérébral " (recueil : "pensées spectaculaires" 2008)
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Rubato
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par Rubato »

De qui ??
Le tempo rubato est comme le vent jouant dans le feuillage d'un arbre dont les branches ne bougent pas.
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par Marie-Danielle »

Peut-être ces conseils ne sont pas à être appliqués en tout temps. Mais je trouve que certains sont des incontournables comme analyser la pièce avant de commencer. De toute façon, avant de choisir une pièce, c'est bien ce que je fais . Je dois savoir si elle est appropriée pour mon niveau. Il faut que les défis soient présents mais pas insurmontables. Commencer par les passages les plus difficiles, je n'ai jamais essayé cela, mais je vais le faire, juste pour voir les résultats...
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Rubato
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par Rubato »

Oui, une analyse de la pièce est indispensable. Commencer par les passages difficiles, je ne suis pas d'accord. en revanche, ce qu'il m'arive de faire, c'est, tout en continuant la progession linéaire de la pièce, commencer à travailler un passage sensé être difficile et qui donc risque de prendre plus de temps.
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Marie-Danielle
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par Marie-Danielle »

Travailler pas plus de 20 minutes à la fois sur une pièce semble difficile pour moi...Je n'ai pas la notion du temps ; il faudrait que je mette un compte-minute pour m'avertir que je dois cesser...
fa#
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par fa# »

Rubato a écrit :De qui ??
de l'apotre bossu pardi
"le piano c'est cérébral " (recueil : "pensées spectaculaires" 2008)
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Rubato
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par Rubato »

Rubato a écrit :Oui, une analyse de la pièce est indispensable. Commencer par les passages difficiles, je ne suis pas d'accord. en revanche, ce qu'il m'arive de faire, c'est, tout en continuant la progession linéaire de la pièce, commencer à travailler un passage sensé être difficile et qui donc risque de prendre plus de temps.
Oui, cela me semble une contrainte peu intéressante. En revanche, il est clair qu'il est inutile de s'acharner sur un passage. Si cela ne passe pas bien, c'est qu'il y a quelque chose à revoir (compréhension, doigté, technique...)
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Marie-Danielle
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par Marie-Danielle »

Quasimodo

Cette façon de considérer les apprentissages me fait penser un peu à celle de Chuan C. Chang. Est-ce que vous connaissez cet auteur ?
nox
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par nox »

Marie-Danielle a écrit :je trouve que certains sont des incontournables comme analyser la pièce avant de commencer.
Eh bien pour ma part je pense tout le contraire :) .
L'analyse n'arrive que dans un second temps pour moi, afin de rester au maximum dans le domaine du ressenti et du naturel.

Je sais que des tres grands pianistes, comme Dinu Lipatti, passaient d'abord plusieurs mois sur une pièce sans même toucher le clavier, mais je suis dans mon cas beaucoup plus proche de l'approche Richter (que j'admire par dessus tout). Je suis assez contre une "intellectualisation" (oh le beau mot) de la musique et de l'interprétation. Que m'importe que telle note représente une quintuple modulation avec flexion abdominale sur la quinte voisine ou que le compositeur ait perdu son chien au moment de l'écriture de la pièce ?? Je ne veux pas faire coller mon interprétation à une analyse technique ou biographique ! Je m'y refuse !

Je commence par jouer, ressentir, analyser ce que je ressens, et seulement dans un second temps j'approfondis mon interprétation en lui donnant un sens plus fort, en lui donnant plus de cohérence, et c'est là que je fais éventuellement intervenir l'analyse.

Pour moi, analyser la pièce avant de commencer, c'est partir dans le brouillard, et risquer une interprétation contre-nature.
Je pense que la plupart ici (je crois) sont d'accord pour dire qu'il ne faut pas (dans la mesure du possible) écouter une oeuvre par un (des) grand(s) pianiste(s) avant de la travailler, afin de détacher son interprétation personnelle de toute influence.
Je raisonne de la même manière pour l'analyse.
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xavier91
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par xavier91 »

Bonjour,
c'est un vaste et ambitieux sujet!
quasimodo a écrit : 1) Pour chaque pièce, retarder le plus possible le travail au clavier.
D'accord à 100%! Et si possible écouter le morceau (vive youtube et consorts!). Pour nox: pas forcément pour prétendre à telle ou telle interprétation, mais pour faciliter le déchiffrage.
quasimodo a écrit : 2) S’efforcer de travailler en premier lieu les sections les plus dures.

C’est une démarche que beaucoup ont du mal à accepter intellectuellement, préférant travailler séquentiellement en partant de la première note et avancer mesure après mesure.
Comme rubato, une réserve quand même: l'apprentissage séquentiel est toujours bon pour la mémoire. Et comme je suis un fervent adepte du par-coeur, j'ai vite tendance à craindre les trous de mémoire... Ca n'empêche pas de rester beaucoup plus longtemps sur tel ou tel passage.
quasimodo a écrit : 3) Mener plusieurs projets (pièces) de front
Ce serait l'idéal, mais ce n'est pas toujours facile pour des raisons d'emploi du temps. Ce qui est possible de faire, quand même, c'est de travailler les dernières oeuvres apprises, en parallèle, pour retarder au maximum leur oubli... et pour tenter de se constituer un programme (un peu prétentieux pour un amateur, certes).
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nox
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par nox »

xavier91 a écrit : 1) Pour chaque pièce, retarder le plus possible le travail au clavier.
D'accord à 100%! Et si possible écouter le morceau (vive youtube et consorts!). Pour nox: pas forcément pour prétendre à telle ou telle interprétation, mais pour faciliter le déchiffrage.
Certes, ca facilitera le déchiffrage, mais que tu le veuilles ou non, ca influencera ton interprétation. On garde toujours en tete la premiere écoute d'une oeuvre.
Bon je suis d'accord que dans 90% des cas, on a deja entendu l'oeuvre avant de la travailler, c'est pas facile de passer au travers, mais si par chance ca n'est pas le cas, il vaut mieux selon moi galérer un peu plus au déchiffrage (déchiffrer lentement est loin d'etre un défaut !) et livrer une version plus personnelle.
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par egtegt »

xavier91 a écrit :
quasimodo a écrit : 2) S’efforcer de travailler en premier lieu les sections les plus dures.

C’est une démarche que beaucoup ont du mal à accepter intellectuellement, préférant travailler séquentiellement en partant de la première note et avancer mesure après mesure.
Comme rubato, une réserve quand même: l'apprentissage séquentiel est toujours bon pour la mémoire. Et comme je suis un fervent adepte du par-coeur, j'ai vite tendance à craindre les trous de mémoire... Ca n'empêche pas de rester beaucoup plus longtemps sur tel ou tel passage.
Je crois que c'est justement l'inverse : l'apprentissage séquentiel permet une mémorisation plus simple mais moins efficace. Si tu veux éviter les trous de mémoire, il faut justement triturer le morceau par tous les bouts, l'apprendre de plein de façons différentes (Mains seules, mains ensemble, en chantant une main, puis l'autre, en variant le tempo ... ).

Si tu as bien mémorisé un morceau, tu dois être capable de le jouer au tempo divisé par 5 ou 10. Si tu n'y arrives pas, c'est que tu as une mémoire essentiellement musculaire du morceau. Or la mémoire musculaire a pour défaut principal que dés qu'on perturbe un tant soit peu l'interprétation, tout est foutu car la seule référence est la position précédente de la main.

J'ai appris mon premier "gros" morceau, le premier mouvement de la sonate au clair de lune, de cette façon : ME et linéairement. Le résultat, c'est que je ne sais le jouer que du début à la fin. Le moindre trou de mémoire et je dois recommencer au début. Et là ou j'ai le plus progressé dans la mémorisation, c'est quand j'ai travaillé la main gauche seule.
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xavier91
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par xavier91 »

nox a écrit :Certes, ca facilitera le déchiffrage, mais que tu le veuilles ou non, ca influencera ton interprétation. On garde toujours en tete la premiere écoute d'une oeuvre.
C'est vrai, en particulier pour une oeuvre "nouvelle", mais si on écoute 3 interprétations le même jour, on aura un horizon un peu plus large...
Et concernant des oeuvres très (ou trop) souvent entendues, le souvenir de la première interprétation est sans doute loin et déformé, voire oublié (à quand remonte ma 1ère écoute d'une valse de Chopin?).

En ce moment je kiffe sur la Toccata de Proko, en particulier jouée par Martha A ; j'avoue que j'aimerais être suffisamment influencé pour la jouer comme elle...
http://www.youtube.com/watch?v=i6AhHBu_A_U

Pour egtegt : ça n'empêche pas de travailler les enchaînements, et d'avoir des antisèches (des endroits précis où on peut rattraper le train quand tout va mal, utiles en musique d'ensemble). Je persiste à dire que le travail séquentiel est important. Exemple: le cas des modulations (thème rejoué dans une tonalité différente): il serait extrêmement dangereux de jouer l'un à la place de l'autre. Dans les sonates et les concertos, c'en est bourré. Dans l'impromptu de Schubert en do mineur, un des thèmes est joué successivement en la bémol puis en sol ! C'est vraiment méchant pour la mémoire, et je les travaille dans le bon ordre.
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par nox »

xavier91 a écrit : C'est vrai, en particulier pour une oeuvre "nouvelle", mais si on écoute 3 interprétations le même jour, on aura un horizon un peu plus large...
Et concernant des oeuvres très (ou trop) souvent entendues, le souvenir de la première interprétation est sans doute loin et déformé, voire oublié (à quand remonte ma 1ère écoute d'une valse de Chopin?).
Selon moi, soit les interprétations écoutées se valent en qualité, et dans ce cas c'est plus confusant qu'autre chose (on en arrive en général à choisir nos préférences dans chaque version, donc on restreint au contraire son horizon à ces 3 possibilités), soit une s'avère meilleure et c'est celle là qui nous marquera, et qu'on s'efforcera de reproduire.
Horizon pas du tout élargi dans les deux cas selon moi.

Pour moi, il faut aborder une oeuvre de la manière la plus neutre possible.

Un exemple : les pièces souvent rabâchées, comme la sonate au clair de lune, la marche turque, la lettre à elise etc...
Pour moi on ne peut plus produire une bonne version de ces oeuvre sans essayer (et c'est difficile) de se détacher totalement de la popularité de l'oeuvre. Il faut se dire "ca n'est pas la marche turque que je joue, c'est une mélodie, des notes, un morceau de piano comme un autre", apprendre à écouter la pièce d'une oreille neutre.
C'est pour ca que le travail sur des enregistrements personnels est efficace : on s'écoute d'une oreille neutre. Plus une interprétation sera personnelle et subjective (c'est à dire vierge de toute influence), plus elle aura de chances d'être réussie. Non ?
xavier91 a écrit : En ce moment je kiffe sur la Toccata de Proko, en particulier jouée par Martha A ; j'avoue que j'aimerais être suffisamment influencé pour la jouer comme elle...
http://www.youtube.com/watch?v=i6AhHBu_A_U
La jouer comme elle, c'est sûr, c'est super...mais le but n'est tout de même pas de faire une copie de son interprétation !
C'est quand meme sensé etre personnel non ?
Modifié en dernier par nox le mar. 04 nov., 2008 16:19, modifié 1 fois.
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Marie-Danielle
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par Marie-Danielle »

Analyser ou pas, voilà la question... je pense que cela dépend de notre façon d'apprendre finalement. Personnellement, j'aime savoir ce qui m'attend comme difficultés parce que j'aime savoir où je vais...Pour d'autres, ce n'est pas nécessaire de le faire avant de partir. Mais que ce soit avant, pendant ou après, une analyse des difficultés finira par être pertinente. À moins de choisir une pièce qui ne contient aucune difficulté à surmonter, ce qui ne m'est jamais arrivé encore, j'ai toujours un sentiment de sécurité à savoir ce qui m'attend comme défi à relever...
nox
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par nox »

Marie-Danielle a écrit :une analyse des difficultés
Voila bien une chose que je n'ai jamais fait.
Qu'entendez vous par "analyse des difficultés" ?
A quoi cela servirait-il de se créer des problèmes à l'avance ? Pourquoi regarder un morceau et se dire "ce passage est difficile, je vais le travailler comme ca et comme ca" ?
Pourquoi ne pas commencer par déchiffrer, juger par soi-même les passages qui posent problème, et seulement alors travailler ces passages en priorité et élaborer les exercices adéquats ?
Pour moi le fait de procéder de cette manière présente plusieurs avantages :
1/ Les difficultés et passages difficiles changent au fur et à mesure du travail. Un passage qui semblait simple techniquement peut finalement s'avérer un véritable casse-tête. Et inversement, pourquoi mettre en place une série d'exercices sur un passage pour finalement se rendre compte que "ah ben en fait ca va, ca passe bien".
2/ On analyse beaucoup mieux les difficultés quand on les "vit" au piano. Par exemple pour les doigtés. Un doigté peut paraître parfois incohérent sur le papier, mais s'avérer très juste et très utile au piano dans le tempo final.
3/ Le travail sur papier peut très vite conduire à des "prises de tête" qui n'ont pas lieu d'être, des "tempêtes dans un verre d'eau" en quelque sorte, surtout quand on n'a jamais joué la pièce.
Yog
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Re: L'evangile du travail du piano, par l'apotre quasimodo

Message par Yog »

Euh, juste une question. Si on travaille une oeuvre, dont il n'existe pas d'enregistrement, comment on fait pour l'écouter avant ? :lol:
Pour ma part, je n'écoute que rarement les interprétations avant de travailler un morceau. Lorsque je commence à entrer dans le travail de l'interprétation, je commence à écouter les différentes versions des interprètes. Ca permet de savoir ce qu'il est intéressant de faire et aussi ce qui est à éviter. :D

Je pense pour ma part que la partition suffit à nous expliquer ce qu'on doit jouer et comment on peut le jouer. On rajoute à ça une dose d'intuition, de coeur, ainsi qu'une certaine analyse de la globalité de l'oeuvre.
Mais je crois qu'il n'existe pas de solutions toutes prêtes pour bien apprendre une oeuvre. Il y a bien des choses à éviter. Mais je pense que la méthode de travail dépend de la sensibilité de chacun.
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