Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

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Jacques Béziat
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Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par Jacques Béziat »

Sujet volontairement provocateur, mais bien entendu il faut y mettre aussi un peu d'humour ! :wink:

Efforts/souffrances consentis, subis, recherchés, comme une étape incontournable ?

À l'inverse, faut-il que l'apprentissage soit ludique pour avancer efficacement ?

Un mélange des deux, sans doute, selon ses propres niveau, ambitions, et sa personnalité également ! 8)

J'ai, évidemment, quelque idées que je vais vous transmettre, et si vous le voulez bien, en attendant, quelles sont les vôtres sur la question ? :)
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fritz
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par fritz »

Souffrir au sens physique je lis un peu partout que c'est plutôt indicateur d'une mauvaise pratique que signe d'un gros investissement.

Souffrir au sens psychologique, le mot est peut-être fort. C'est sûr que répéter en boucle un passage problématique n'est pas forcément très agréable mais je ne vois pas d'alternative. Tu évoques le consentement, je pense que c'est assez central : tu peux mettre le meilleur pédagogue du monde face à un enfant qu'on colle au piano par défaut, ça donnera rarement (jamais ?) un artiste accompli en fin de cursus, il faut tout de même une certaine appétence pour que ça fonctionne.

Rechercher le plaisir à tout prix dans la pratique me paraît illusoire, a contrario j'ai croisé des profs en musique ou ailleurs pour lesquels prendre du plaisir à apprendre/utiliser des "trucs" pédagogiques relevait du blasphème (typiquement une prof de français nous avait défendu d'utiliser le fameux "mais où et donc or ni car" pour retenir les conjonctions de coordination).

D'un point de vue strictement cognitif je ne sais pas si il y a une réponse tranchée à la question, il me semble que j'avais vu un doc qui étayait la thèse qu'associer les circuits du plaisir à l'apprentissage est très efficace, dans le même temps quand tu t'es brûlé en sortant un plat du four généralement tu fais plus attention les fois suivantes donc mon cœur balance
Oukee
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par Oukee »

Très bon sujet....
Je ne parlerai que de mon cas personnel. Le début de l'apprentissage du piano n'est associé qu'à de bons souvenirs, certainement pas de la souffrance. Ma prof était plutôt de l'ancienne école pourtant. Plus tard, avec le conservatoire et mes premiers pas dans le "grand répertoire", j'ai compris que ma progression ne serai plus aussi rapide, et le piano est alors devenu source d'efforts, avec des moments difficiles (mais pas seulement, heureusement !). La progression est devenue logarithmique (alors que dans ma classe, une petite minorité restait sur l'exponentielle). Donc oui, passé un certain seuil qui dépend de chacun, et en fonction de son degré d'exigence, l'apprentissage devient une affaire compliquée qui oblige à réfléchir vraiment à ce qu'il convient de faire pour produire un beau son. Mais je ne parlerai pas de souffrance, plutôt de parcours initiatique pour arriver à la vérité de la musique.
Holydrag
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par Holydrag »

Je vais me permettre aussi de relater (à nouveau) mon expérience car elle presque l'inverse de celle d'Oukee. J'ai commencé la musique à 5 ans, l'instrument (la clarinette) à 6 ans et n'ai quasiment aucun souvenir plaisant des 10 années qui ont suivies. J'avais, selon mes enseignants, un certain talent pour l'instrument mais n'y voyais aucune différence avec un exercice de math ou une dissertation. Toute ma scolarité musicale n'a été qu'une contrainte, imposée par mes parents dans un 1er temps, puis par les professeurs de musique qui ont fait le forcing pour m'empêcher de changer d'instrument parce qu'ils voulaient me garder dans leur cursus.

J'ai bien constaté, en atteignant 12-13 ans, que mon avance sur les autres diminuait au fur et à mesure de la progression de ceux qui aiment vraiment l'instrument. Le "talent" ne suffisait plus et l'amour de la musique devenait nécessaire pour rester le meilleur, or je n'avais aucune affection pour ce que je jouais.

Je pense cependant que cette affection pour l'apprentissage évolue au fil du temps. Très jeune, le côté ludique peut apparaitre sous forme d'exercices "marrants", par la relation avec son professeurs de piano qui transforme l'apprentissage en jeu. Plus vieux, il faut développer une affection pour les œuvres elles-mêmes (ce qui peut également venir de l'enseignant) et pour l'instrument par une démarche plus intime et personnelle. On peut devenir un bon interprète en travaillant sous la contrainte (parentale, sociale) mais on ne peut, à mon sens, pas de venir très bon et surtout, on ne devient pas artiste mais technicien, ou perroquet.

Bien entendu, même avec l'amour des œuvres et de l'instrument, on passe tous par des périodes plus dures ou l'on doute, ou l'on a pas envie, par des fois où on se met à l'instrument parce qu'on sait qu'on doit le faire mais si c'est au service du plaisir de jouer une œuvre qu'on apprécie, cette contrainte est volontaire et transitoire et la satisfaction de la progression est suffisante.

fritz a écrit : mar. 25 mai, 2021 12:10
Rechercher le plaisir à tout prix dans la pratique me paraît illusoire, a contrario j'ai croisé des profs en musique ou ailleurs pour lesquels prendre du plaisir à apprendre/utiliser des "trucs" pédagogiques relevait du blasphème (typiquement une prof de français nous avait défendu d'utiliser le fameux "mais où et donc or ni car" pour retenir les conjonctions de coordination).

D'un point de vue strictement cognitif je ne sais pas si il y a une réponse tranchée à la question, il me semble que j'avais vu un doc qui étayait la thèse qu'associer les circuits du plaisir à l'apprentissage est très efficace, dans le même temps quand tu t'es brûlé en sortant un plat du four généralement tu fais plus attention les fois suivantes donc mon cœur balance
Remarque très intéressante qu'on a déjà effleurée sur le topic de la lecture de la clé de fa : oui, on le sait depuis des décennies maintenant, on apprend bien mieux et bien plus vite quand l'apprentissage est associé à une notion de plaisir alors qu'il y a encore, chez de nombreux professeurs de musique de la vieille école (ce qui ne veut pas dire qu'ils sont vieux), un tropisme menant vers un apprentissage bien plus austère qu'il n'est nécessaire. Ca marche pour certains, mais il y a beaucoup de casse.
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Barcarolle
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par Barcarolle »

Faire des efforts et travailler oui, souffrir sûrement pas en ce qui me concerne.
Il m'est presque impossible de rester motivé en travaillant des exercices purement techniques, j'ai même faillit arrêter le piano à un moment donné car j'avais un prof qui me donnait beaucoup d'exercices (du type gammes les yeux fermés) et je ne progressais plus du tout car je n'avais plus l'envie de me mettre au piano pour travailler ça. Alors travailler dans la souffrance ??? C'est le meilleur moyen de se dégouter.
Je choisi toujours moi même les morceaux que je vais travailler et en général je ne compte pas les heures et je progresse vite. Bien sûr travailler sans souffrance ne veut pas dire travailler sans méthode et je fais des "exercices" adaptés aux difficultés que je rencontre parce que j'en ressens le besoin et pas l'obligation.
Je pense commencer à avoir un niveau qui me satisfait sans chercher à devenir concertiste et pourtant je ne suis pas passé par des méthodes à l'ancienne, ni le conservatoire et c'est moi qui ai toujours demandé à mes parents (vers 10ans) de me faire commencer le piano. Ils ne m'ont jamais forcé puisqu'ils ne s'intéressent pas à la musique. Mes profs qui m'ont le plus aidé ont été des guides qui me donnaient des clés pour progresser sans pour autant m'imposer des méthodes rigides.
C'est valable dans tous les domaines, pas que la musique. J'ai toujours aimé apprendre mais j'ai toujours trouvé que l'apprentissage trop "scolaire" tuait la curiosité. Je pense que biologiquement c'est une évidence que l'on retient mieux ce que l'on associe au plaisir et que l'on cherche à oublier la souffrance. J'irai même plus loin, j'aime tellement travailler mon piano que je suis à la limite de l'addiction.
Dans mes études il y a toujours cette recherche d'être celui qui aura réussi à travailler 10h d'affilée à la bibliothèque et d'avoir travaillé comme un acharné. Je m'en suis toujours sorti en cherchant simplement à m'intéresser à ce que je fais et à trouver du plaisir (même si c'est difficile à cause justement du stress que peuvent générer des examens) à enrichir mes connaissances, le reste vient tout seul.
Modifié en dernier par Barcarolle le mar. 25 mai, 2021 14:48, modifié 1 fois.
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Jacques Béziat
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par Jacques Béziat »

Holydrag a écrit : mar. 25 mai, 2021 12:44 oui, on le sait depuis des décennies maintenant, on apprend bien mieux et bien plus vite quand l'apprentissage est associé à une notion de plaisir alors qu'il y a encore, chez de nombreux professeurs de musique de la vieille école (ce qui ne veut pas dire qu'ils sont vieux), un tropisme menant vers un apprentissage bien plus austère qu'il n'est nécessaire. Ca marche pour certains, mais il y a beaucoup de casse.
En effet, il est inutile d'en rajouter sur l'austérité, au bout du compte la casse est trop importante.

Comme pour tout enseignement, il ne s'agit pas de baisser le niveau général dans un but universaliste/égalitariste, mais d'adapter le cours aux possibilités de l'élève.
Les buts sont divers : on est en droit d'apprendre un instrument sans prétention de carrière, et à l'inverse il ne s'agit pas non plus de faire une pédagogie au rabais pour ceux qui ont les capacités, la volonté, le temps, d'apprendre vite et bien pour aller loin.

Le plaisir est aussi une notion très relative : le goût de l'effort est le même que chez le sportif, mais il n'est pas perçu de la même manière chez tout le monde.

À très haut niveau, l'effort peut devenir néanmoins très important, tant l'exigence est haute, ce n'est plus tout à fait la même histoire...
Pour certains, les sacrifices en terme de temps, voire d'abnégation, peuvent être grands, d'où la notion de souffrance, ce qui peut paraître exagéré.
Des virtuoses racontent les heures de répétition infernales, et même de souffrance psychologique, même s'il n'est pas question de souffrances physiques menant à des tendinites !
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Jacques Béziat
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par Jacques Béziat »

Barcarolle a écrit : mar. 25 mai, 2021 13:14 Faire des efforts et travailler oui, souffrir sûrement pas en ce qui me concerne.
Il m'est presque impossible de rester motivé en travaillant des exercices purement techniques, j'ai même faillit arrêter le piano à un moment donné car j'avais un prof qui me donnait beaucoup d'exercices (du type gammes les yeux fermés) et je ne progressais plus du tout car je n'avais plus l'envie de me mettre au piano pour travailler ça. Alors travailler dans la souffrance ??? C'est le meilleur moyen de se dégouter.
Il fut un temps, en effet, où le travail intellectuel semblait devoir être au niveau du travailleur de la terre, de l'usine, du bâtiment ou du génie civil, menant à des excès qui, fort heureusement, ne sont plus de mise à l'ère moderne, et c'est tant mieux !
Le travail de l'instrument passait par des heures d'exercices, c'était le dogme à l'époque.
Certes, les exercices ont leur utilité, mais passer des heures sur les morceaux me semble plus utile et plus productif, raisonnablement également.
À chacun de mettre ses limites, l'effet de saturation est contre-productif, c'est une évidence que ne voulait pas voir une partie de l'ancien temps.

Ensuite, selon ses propres exigences, buts et ambitions, il est clair que le haut niveau instrumental exigera une importante dose d'efforts, comme pour tout enseignement, il ne faut pas se voiler la face avec une vision angélique de l'existence !
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Holydrag
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par Holydrag »

Jacques Béziat a écrit : mar. 25 mai, 2021 13:19
Comme pour tout enseignement, il ne s'agit pas de baisser le niveau général dans un but universaliste/égalitariste, mais d'adapter le cours aux possibilités de l'élève.
Les buts sont divers : on est en droit d'apprendre un instrument sans prétention de carrière, et à l'inverse il ne s'agit pas non plus de faire une pédagogie au rabais pour ceux qui ont les capacités, la volonté, le temps, d'apprendre vite et bien pour aller loin.

Le plaisir est aussi une notion très relative : le goût de l'effort est le même que chez le sportif, mais il n'est pas perçu de la même manière chez tout le monde.

À très haut niveau, l'effort peut devenir néanmoins très important, tant l'exigence est haute, ce n'est plus tout à fait la même histoire...
Pour certains, les sacrifices en terme de temps, voire d'abnégation, peuvent être grands, d'où la notion de souffrance, ce qui peut paraître exagéré.
Des virtuoses racontent les heures de répétition infernales, et même de souffrance psychologique, même s'il n'est pas question de souffrances physiques menant à des tendinites !
Bien entendu, il ne s'agit pas de niveler par le bas mais juste d'apprendre mieux et plus efficace, un peu comme la différence d'apprentissage des langues étrangères en France (trop scolaire et catastrophique) et dans d'autres pays.

Après tu trouveras toujours des gosses que ça amuse de réciter le Hanon en 45mn mais pour ces exceptions, tu peux toujours ajuster l'enseignement et en plus c'est loin d'être dit que ça fasse d'eux les meilleurs musiciens à terme. Combien de prodiges asiatiques ou des pays de l'est de 12 ans sont tombés dans le néant le plus total quand il a fallu se mesurer à des pianistes dont la vélocité n'est pas la seule qualité?
Jacques Béziat a écrit : mar. 25 mai, 2021 13:26
Il fut un temps, en effet, où le travail intellectuel semblait devoir être au niveau du travailleur de la terre, de l'usine, du bâtiment ou du génie civil, menant à des excès qui, fort heureusement, ne sont plus de mise à l'ère moderne, et c'est tant mieux !
Le travail de l'instrument passait par des heures d'exercices, c'était le dogme à l'époque.
Certes, les exercices ont leur utilité, mais passer des heures sur les morceaux me semble plus utile et plus productif, raisonnablement également.
À chacun de mettre ses limites, l'effet de saturation est contre-productif, c'est une évidence que ne voulait pas voir une partie de l'ancien temps.

Ensuite, selon ses propres exigences, buts et ambitions, il est clair que le haut niveau instrumental exigera une importante dose d'efforts, comme pour tout enseignement, il ne faut pas se voiler la face avec une vision angélique de l'existence !
Ce qui est assez drôle c'est que ce débat a finalement toujours existé, même avant Liszt (qui faisait travailler ses élèves comme des forçats) et Chopin (qui lui refusait le travail de l'instrument plus de 3h par jour et avec des pauses). Mais on parle là de formation d'élite, ce qui compte aussi c'est de ne pas perdre en route tous les gamins qui ont une passion et un talent plus modéré pour la technique car certains peuvent progresser de manière spectaculaire à partir de 10-12 ans quand leur affection intime pour la musique commence réellement à se développer. Avant ça on est bien plus dans le mimétisme dans la plupart des cas.
seskap
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par seskap »

Je pense que la première mission du professeur (pas seulement de piano) c'est de travailler la motivation. Seule la motivation permet à l'élève d'exprimer au mieux son potentiel. Je n'ai pas dit la seule mission. C'est une mission très difficile mais régulièrement ignorée par les professeurs que j'ai côtoyé.

Que faut il pour être motivé? Du plaisir éventuellement, mais surtout du sens. Arriver à faire comprendre à l'élève, ou mieux à lui faire ressentir que l'exercice va in fine lui permettre d'avoir du plaisir en jouant parce qu'il sera à l'aise est à mon avis le meilleur moyen de maintenir sa motivation.

Il est possible de s'entrainer en souffrance et de garder la motivation un exemple la course a pied. C'est beaucoup plus facile de s'entrainer à garder une cadence parce que l'on s'est fixé un objectif de temps dans une course que lorsqu'on fait un footing le dimanche sans but précis.

La question in fin est qu'est ce qu'il fait sens pour l'élève? Jouer la Campanella au bout de 1 an de piano ou bien se faire plaisir avec des pièces simples? (toute ressemblance avec des personnes ayant existé...)
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par Oukee »

Je suis tombé par hasard sur ce témoignage d'un élève de Lucette Descaves (1906-1993) au CNSMP. Une autre époque....

"Je me souviens d'un cours où je n'avais pas été à la hauteur. Lucette Descaves a refermé la partition en cours d'exécution et m 'a dit devant les autres élèves : « Et bien, tu travailleras ! » et puis elle a lâché la partition. C'est à dire qu'il m'a fallu passer derrière elle et me baisser devant les camarades pour ramasser la partition à terre. Au début, je me cachais dans un coin de la classe en espérant vaguement qu'elle m'oublie... mais elle ne m'oubliait jamais".
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quazart
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par quazart »

Et Cortot lâchant à Perlemuter qui était dans sa classe et venait de jouer la Fantaisie de Schumann : "dans trente ans vous y arriverez peut-être".
Les grands artistes sont souvent aussi de grands modestes. :^o
Bach Terrien
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par Bach Terrien »

Mon expérience est singulière, pas de cours obligatoire imposés par mes parents, pas de conservatoire, mais une envie folle de jouer de la musique.
J'ai toujours abordé les instruments par l'envie de jouer la musique qui me plait, quelques cours de guitare sollicités par moi, des méthodes, de l'imitation, un parcours musical au gré de mes envies.
Du picking à la guitare de 15 à 20 ans, puis un amour fou pour le flamenco, souvent guidé par d'autres guitaristes expérimentés de 20 à 42 ans.
Une envie de changement, viole de gambe au conservatoire pour adulte, puis un autre coup de foudre pour l'accordéon, quelques cours, et enfin cette année je passe le cap, j'ose, ce sera le piano, un vieux rêve.
Bien souvent la découverte d'un instrument et de son répertoire est euphorisante, ça va vite au début, on ne sens pas vraiment de souffrance, mais comme toujours vient la vraie période du travail, déchiffrer, répéter, mettre en place, analyser, encore répéter, sortir le métronome, accélérer le tempo etc...
Là oui il y a une certaine souffrance, physique déjà, porter un accordéon très lourd, mal à l'épaule, tenir un archet, une viole, avoir le dos en feu sur mon piano à force de répéter un passage. Il y a une forme de souffrance mentale aussi, s'isoler dans sa pièce musique, lumière tamisée, travailler des heures seul, sans autre but que de jouer pour soi, de réussir son morceau, celui dont on rêve.
J'aime souffrir sur mes instruments, j'aime résoudre les énigmes des morceaux, comprendre un schéma rythmique, vaincre une difficulté, interpréter un passage, me plonger dans une époque, dans une histoire, dans une ambiance, dans le baroque, le blues, le contemporain, les Balkans, le klezmer, le romantique etc....
Mais oui il y a une souffrance parfois, ne pas réussir, sentir ses limites techniques, abandonner un morceaux trop difficile, renoncer à tel autre pour x raisons, jouer seul souvent, juste pour moi, mon chat et ma chienne pour seul auditoire.

Bref pour essayer de répondre à la question de départ, pour mon cas personnel je n'ai quasiment jamais appris un morceaux qui ne me plaisait pas énormément, choisir des pièces qui me font vibrer est le moteur exclusif de l'acceptation de la souffrance, car il y a souffrance dans un deuxième temps, du travail laborieux, long, pénible, mais il y a aussi une jouissance dans ce travail qui avance.

Je crois que c'est l'amour de la musique qui fait que je continuerai inlassablement de jouer, peu importe quoi tant que ça me fait vibrer.

Finalement le plus difficile parfois c'est la solitude...

Je pratique beaucoup de sport et il y a une vraie sociabilité inhérente à la pratique, la musique c'est entre moi et moi, c'est mon univers caché.
Une autre chose me fait bien souffrir aussi, oublier des morceaux, en flamenco ce n'était pas le cas, comme en blues ou en jazz, j'ai l'impression que la musique se ''stratifiait'', on ajoute des ''couches'' en progressant sans oublier jamais les morceaux précédents qui sont une étape dans la progression.

J'ai vraiment envie de comparer sport et musique, deux univers méritocratiques où plaisir et souffrance sont liés, où rien n'est donné sans consentir d'efforts mais ils sont aussi la source d'un plaisir unique, celui de se dépasser, de vibrer et de s'accomplir, le plus loin possible de notre société de consommation qui ne supporte plus aucun danger, aucune frustration et ne sais jouir presque exclusivement que de ''l’immédiateté’' et de la facilité.
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par £rin »

Je suis un peu en retard pour réagir à ton fil Jacques (qui est pourtant très intéressant) excuses-moi :wink:

De mon côté je dirais que l'apprentissage du piano (enfin pour moi) est un savant mélange de plaisir et de souffrance :
- parfois de vrais moments de bonheur (lorsque je m'aperçois que j'ai enfin intégré quelque chose d'important, chose avec laquelle j'ai galéré loooooongtemps)
- quelquefois d'intenses périodes de découragement....(lorsque je suis tentée de me dire que c'est tellement difficile tout de même l'apprentissage d'un instrument, qu'il y a tellement à apprendre, que je ne joue rien de vraiment bien, que j'ai l'impression de stagner, que j' ignore si je vais y arriver un jour ....) là oui c'est une vraie souffrance qui m'amène bien souvent des larmes car j'aime tellement la musique que je n'aurai de cesse de parvenir à la restituer le plus parfaitement possible un jour. Puis je me dis que je m'y suis remise trop tard, je songe à toutes ces années perdues...En plus autant mon ancienne prof. était négligente autant ma nouvelle est exigeante, parfois je crois avoir réussi un truc, j'arrive au cours ...et...non c'est pas encore ça....mais je me sais en de bonnes mains à présent c'est ce qui importe.

Les moments de "creux" ne durent jamais très très longtemps, je suis vite remotivée et je me dis de plus en plus souvent qu'il faut vraiment arrêter de se poser toutes ces questions et simplement bosser, bosser et encore bosser.

J'ai vu qu'on parlait dans le fil surtout de l'aspect du travail proprement dit. Chez moi c'est le rythme qui me fait souffrir, ma bête noire !
J'arrive à faire les exercices rythmiques que me donne ma prof. mais lorsqu'il s'agit de les adapter à la pièce en cours...là...je cale. C'est toujours un chouia trop rapide ....presque rien mais voilà...Et la plupart du temps je n'arrive pas à travailler avec le métronome, bref mon pire cauchemar à moi il est là.
En revanche j'aime faire des exercices techniques. (par ex. l'ex. 50 du Hanon pour les tierces) bizarre diront certains mais j'aime ça. Et surtout là je sens que ça me fait du bien, que c'est efficace. Je me sens avancer.

Donc voilà ma petite pierre à l'édifice. Je ne sais pas si je suis bien dans le sujet Jacques mais ce sont là mes ressentis.
L'apprentissage du piano est tout simplement une dualité joie/peine.
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par floyer »

Au début d’un morceau c’est assez difficile, je peine beaucoup… et effectivement il y a du travail assez frustrant. Lorsque c’est assez mis en place, je m’aperçois du chemin parcouru, mais ce n’est pas assez. Ensuite les progrès sont plus lents je trouve et c’est assez frustrant aussi : j’ai beaucoup de mal à faire un sans faute ou avoir le morceau assez au point pour faire un enregistrement (avec le stress que cela comporte).
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par £rin »

floyer a écrit : dim. 27 juin, 2021 20:05 Au début d’un morceau c’est assez difficile, je peine beaucoup… et effectivement il y a du travail assez frustrant. Lorsque c’est assez mis en place, je m’aperçois du chemin parcouru, mais ce n’est pas assez. Ensuite les progrès sont plus lents je trouve et c’est assez frustrant aussi : j’ai beaucoup de mal à faire un sans faute ou avoir le morceau assez au point pour faire un enregistrement (avec le stress que cela comporte).
C'est tout à fait ça Floyer :wink:
Voilà c'est ce que je voulais dire au sujet de l'apprentissage et de la souffrance: un certain côté "ingrat" compensé heureusement par la passion qui nous anime et qui nous empêche de baisser les bras......c'est que c'est long, très long et il faut absolument de la patience et c'est pas forcément simple à gérer...
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par seskap »

"Il n'y a point de chemin vers le bonheur. Le bonheur, c'est le chemin".
Vu le nombre d'heures passées pour maitriser un pièce, c'est une conseil pertinent.
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par Chtilli »

Tout à fait, j'ai toujours plus de plaisir à travailler une pièce qu'à la jouer une fois achevée, alors que c'est souvent au prix de beaucoup de frustrations, et parfois même de douleurs physiques... arrivé au bout d'un apprentissage, on devrait avoir un sentiment d'accomplissement non ? Pourtant chez moi c'est l'inverse, ça crée surtout une sensation de vide, comblée en me lançant dans une autre pièce
Chopin - Rachmaninoff. Répéter.
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Jacques Béziat
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par Jacques Béziat »

Chtilli a écrit : lun. 28 juin, 2021 19:26 Tout à fait, j'ai toujours plus de plaisir à travailler une pièce qu'à la jouer une fois achevée, alors que c'est souvent au prix de beaucoup de frustrations, et parfois même de douleurs physiques... arrivé au bout d'un apprentissage, on devrait avoir un sentiment d'accomplissement non ? Pourtant chez moi c'est l'inverse, ça crée surtout une sensation de vide, comblée en me lançant dans une autre pièce
Ce vide me fait penser au proverbe chinois, qui dit à peu près que dans un voyage, la destination n'est pas le plus important, mais est le voyage lui-même.
À rapprocher de la métaphore sur l'art du tir à l'arc, où la cible n'est pas le plus important, mais la préparation au décoché de la flèche elle-même.

Bon, bien évidemment, la satisfaction est réelle quand on parvient à exécuter un morceau qu'on estime être joué correctement, mais elle semble de courte durée.

Une fois cette quête du morceau à atteindre finalisée, on a en effet besoin de se replonger aussitôt dans un autre, cela me fait le même effet, nous devons être très nombreux dans ce cas. :)

Bref, le désir est-il plus excitant que l'acte ??

Vous avez deux heures, ensuite je ramasse les copies ! :lol:
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Chtilli
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par Chtilli »

Franchement, je serais tenté de répondre que oui, mais ça crée un cercle à la fois vicieux et vertueux fait de déception et de progression
Chopin - Rachmaninoff. Répéter.
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fritz
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Re: Faut-il souffrir pour apprendre le piano ?

Message par fritz »

Jacques Béziat a écrit : lun. 28 juin, 2021 21:27Bref, le désir est-il plus excitant que l'acte ??

Vous avez deux heures, ensuite je ramasse les copies ! :lol:
2h pour l'acte ? C'est plus qu'il ne m'en faut :mrgreen:
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