Jouer le dissonant qui sonne bien
- Rockmaninov
- Messages : 359
- Enregistré le : ven. 28 févr., 2014 13:15
- Mon piano : hmm
Jouer le dissonant qui sonne bien
Bonjour ami(e)s confiné(e)s,
J'ouvre ce fil qui sera plus orienté sur l'improvisation et le jazz. C'est en écoutant (en boucle) certains albums de Brad Mehldau que l'idée d'ouvrir ce post m'est venu. Assez fasciné par son jeu d'improvisation, (déjà il a deux mains droites !), des harmonies tellement étranges et inhabituelles que même nos oreilles ne les connaissaient pas ( ), des reprises d'une originalité extraordinaire et, bon, bref... plein d'autres choses qui font de lui un personnage si singulier.
Certains de ses albums vont "au-delà" du jazz. Dans certaines pièces, il nous emmène dans des ambiances très étranges, dans une sorte de tension harmonique continue, on dépasse les codes classiques des couleurs de jazz utilisés et va plus loin, beaucoup plus loin, juste à la frontière avec le chaos et le désordre musical. Il arrive à jouer dissonant, mais un dissonant juste, organisé, qui fait sens, où l'on sent une irritabilité fascinante.
Quelques exemples concrets:
De 9min20 à 9min35 mes oreilles tombent de ma tête:
Dans cette belle reprise de Bach, ça monte petit à petit en tension, et très beau frottement continu vers 5min00:
Très moderne cette fois-ci, on a l'impression qu'il est toujours à côté de la gamme, mais purée ça fonctionne tellement bien (ça chauffe progressivement au fil du morceau):
Et un dernier exemple, je vous le laisse écouter en entier celui-là, vous aller comprendre :
Et les exemples ne manquent pas dans son répertoire. Je me suis penché sur Brad, parce-que je trouve que c'est l'un des meilleurs à ce jeu là. Connaissez-vous d'autres pianistes qui arrivent à "maîtriser le dissonant" ? Qui frôlent le "aaah purée ça commence à bouillir là", tout en restant dans une certaine cohérence ? (On peut bien sûr élargir le style et les époques)
J'ouvre ce fil qui sera plus orienté sur l'improvisation et le jazz. C'est en écoutant (en boucle) certains albums de Brad Mehldau que l'idée d'ouvrir ce post m'est venu. Assez fasciné par son jeu d'improvisation, (déjà il a deux mains droites !), des harmonies tellement étranges et inhabituelles que même nos oreilles ne les connaissaient pas ( ), des reprises d'une originalité extraordinaire et, bon, bref... plein d'autres choses qui font de lui un personnage si singulier.
Certains de ses albums vont "au-delà" du jazz. Dans certaines pièces, il nous emmène dans des ambiances très étranges, dans une sorte de tension harmonique continue, on dépasse les codes classiques des couleurs de jazz utilisés et va plus loin, beaucoup plus loin, juste à la frontière avec le chaos et le désordre musical. Il arrive à jouer dissonant, mais un dissonant juste, organisé, qui fait sens, où l'on sent une irritabilité fascinante.
Quelques exemples concrets:
De 9min20 à 9min35 mes oreilles tombent de ma tête:
Dans cette belle reprise de Bach, ça monte petit à petit en tension, et très beau frottement continu vers 5min00:
Très moderne cette fois-ci, on a l'impression qu'il est toujours à côté de la gamme, mais purée ça fonctionne tellement bien (ça chauffe progressivement au fil du morceau):
Et un dernier exemple, je vous le laisse écouter en entier celui-là, vous aller comprendre :
Et les exemples ne manquent pas dans son répertoire. Je me suis penché sur Brad, parce-que je trouve que c'est l'un des meilleurs à ce jeu là. Connaissez-vous d'autres pianistes qui arrivent à "maîtriser le dissonant" ? Qui frôlent le "aaah purée ça commence à bouillir là", tout en restant dans une certaine cohérence ? (On peut bien sûr élargir le style et les époques)
J'ai toujours aimé les pommes vertes.
- Christof
- Messages : 6950
- Enregistré le : lun. 18 avr., 2016 17:08
- Mon piano : Yamaha G3
- Localisation : Paris 75020
Re: Jouer le dissonant qui sonne bien
Oui, il en a : me vient par exemple Martial Solal, Yaron Hermann, Guillaume de Chassy, Baptiste Trotignon, Eric watson (mais lui, un peu d'une autre façon..), Richard Beirach...
Je chercherai des exemples...
Je chercherai des exemples...
Re: Jouer le dissonant qui sonne bien
Salut !
Ta description m’a tout de suite fait penser à Prokofiev, bon c’est pas du jazz mais pour le coup c’est fort dissonant tout en restant dans un cadre assez classique !
Je te conseille d’écouter ses trois sonates de guerre (6/7/8, la 7 étant la plus connue et la plus accessible !) ou son 2e concerto pour piano.
Sinon en jazz tu ne peux pas passer à côté de Themonious Monk, si tu ne connais pas déjà il base tout son jeu sur la dissonance, et il le fait de manière très nonchalante je trouve, c’est génial !
Ta description m’a tout de suite fait penser à Prokofiev, bon c’est pas du jazz mais pour le coup c’est fort dissonant tout en restant dans un cadre assez classique !
Je te conseille d’écouter ses trois sonates de guerre (6/7/8, la 7 étant la plus connue et la plus accessible !) ou son 2e concerto pour piano.
Sinon en jazz tu ne peux pas passer à côté de Themonious Monk, si tu ne connais pas déjà il base tout son jeu sur la dissonance, et il le fait de manière très nonchalante je trouve, c’est génial !
- Christof
- Messages : 6950
- Enregistré le : lun. 18 avr., 2016 17:08
- Mon piano : Yamaha G3
- Localisation : Paris 75020
Re: Jouer le dissonant qui sonne bien
Voilà quelques exemples chez les pianistes que je citais:
Gillaume de Chassy (Coin de rue)
et le lien ici (si le player ne marche pas)
Baptiste Trotignon (Gone)
Lors d'un concert de Yaron Hermann (paranoïd androîd - écouter à partir de 54'53)
Et lien ici (si le player ne marche pas)
et ici à 56'05 -voir l'évolution du chorus de 57'52
Envie aussi de mettre cet extrait de concert sur le morceau Mr PC (composé par John Coltrane), cette façon qu'on tous les musiciens ici (Liebman, Shorter, Beirach,) de jouer en dehors... Et il faut savoir que c'était le début du concert.. Liebman démarre sur les chapeaux de roue !!
Écouter le chorus de Beirach à partir de 6'15
Je pense que cette façon de jouer a démarré avec Coltrane.
Michael Brecker (saxophoniste) y a aussi apporté une pierre très importante,et pas mal de pianistes y ont fait alors leur miel.
Gillaume de Chassy (Coin de rue)
et le lien ici (si le player ne marche pas)
Baptiste Trotignon (Gone)
Lors d'un concert de Yaron Hermann (paranoïd androîd - écouter à partir de 54'53)
Et lien ici (si le player ne marche pas)
et ici à 56'05 -voir l'évolution du chorus de 57'52
Envie aussi de mettre cet extrait de concert sur le morceau Mr PC (composé par John Coltrane), cette façon qu'on tous les musiciens ici (Liebman, Shorter, Beirach,) de jouer en dehors... Et il faut savoir que c'était le début du concert.. Liebman démarre sur les chapeaux de roue !!
Écouter le chorus de Beirach à partir de 6'15
Je pense que cette façon de jouer a démarré avec Coltrane.
Michael Brecker (saxophoniste) y a aussi apporté une pierre très importante,et pas mal de pianistes y ont fait alors leur miel.
- Christof
- Messages : 6950
- Enregistré le : lun. 18 avr., 2016 17:08
- Mon piano : Yamaha G3
- Localisation : Paris 75020
Re: Jouer le dissonant qui sonne bien
Dans une autre style, je rajoute ici Eric Watson (extrait de son disque : "Your tonight is my tomorrow"):
Ecouter (tout) mais à noter son chorus à partir de 3'59 (utilisation systématique des frottements). Monk n'est pas loin...
et ici le lien (si le player ne marche pas)
Ecouter (tout) mais à noter son chorus à partir de 3'59 (utilisation systématique des frottements). Monk n'est pas loin...
et ici le lien (si le player ne marche pas)
- Jacques Béziat
- Messages : 4412
- Enregistré le : mer. 27 janv., 2016 6:23
- Mon piano : CLP-675 + orgue Hoffrichter/Hauptwertk
Re: Jouer le dissonant qui sonne bien
Plutôt que de parler de dissonance, je pense qu'il vaut mieux parler de friction de notes, de frottement.
Elles existent depuis fort longtemps, depuis la Renaissance et sans doute avant, à l'époque baroque il y en a à foison, au départ elles étaient produites par des retards de résolution d'accords, en suivant les règles d'écriture (harmonie).
Dans toute la période classique on retrouve ces frictions, plus audacieuses, mas qui continuent de respecter les résolutions et les règles harmoniques.
Plus tard on a recherché la friction pour la friction, la dissonance pour la dissonance, dans le but de donner une couleur aux accords, en faisant fi des règles.
Je pense évidemment à Debussy, et évidemment à tous ceux qui ont suivi, comme Bartok.
Cette notion de couleur a été fortement évoquée par Messiaen.
Je donne aussi quelques cours d'harmonisation jazz, et il est passionnant d'ajouter ces couleurs aux accords, en commençant par les accords de 7ème qui offrent déjà une dissonance avec le ton entier dans l'accord (7ème mineure) ou le 1/2 ton (7ème majeure), puis avec les neuvièmes majeure (dissonance sur 1 ton également), et mineure (sur 1/2 ton), etc...
La réharmonisation des ballades en jazz, selon le style, la rythmique, ouvre de passionnantes perspectives musicales, en dehors du classique c'est un sujet passionnant, il faut soi-même travailler ces thèmes en s'éloignant des accords de base du Realbook ou du Fakebook !
Elles existent depuis fort longtemps, depuis la Renaissance et sans doute avant, à l'époque baroque il y en a à foison, au départ elles étaient produites par des retards de résolution d'accords, en suivant les règles d'écriture (harmonie).
Dans toute la période classique on retrouve ces frictions, plus audacieuses, mas qui continuent de respecter les résolutions et les règles harmoniques.
Plus tard on a recherché la friction pour la friction, la dissonance pour la dissonance, dans le but de donner une couleur aux accords, en faisant fi des règles.
Je pense évidemment à Debussy, et évidemment à tous ceux qui ont suivi, comme Bartok.
Cette notion de couleur a été fortement évoquée par Messiaen.
Je donne aussi quelques cours d'harmonisation jazz, et il est passionnant d'ajouter ces couleurs aux accords, en commençant par les accords de 7ème qui offrent déjà une dissonance avec le ton entier dans l'accord (7ème mineure) ou le 1/2 ton (7ème majeure), puis avec les neuvièmes majeure (dissonance sur 1 ton également), et mineure (sur 1/2 ton), etc...
La réharmonisation des ballades en jazz, selon le style, la rythmique, ouvre de passionnantes perspectives musicales, en dehors du classique c'est un sujet passionnant, il faut soi-même travailler ces thèmes en s'éloignant des accords de base du Realbook ou du Fakebook !
Modifié en dernier par Jacques Béziat le dim. 05 avr., 2020 14:01, modifié 2 fois.
Ma chaîne Youtube : ICI
Re: Jouer le dissonant qui sonne bien
J’ai son dernier disque depuis quelques mois et ne m’en lasse pas.Rockmaninov a écrit : ↑sam. 04 avr., 2020 19:58 Bonjour ami(e)s confiné(e)s,
J'ouvre ce fil qui sera plus orienté sur l'improvisation et le jazz. C'est en écoutant (en boucle) certains albums de Brad Mehldau que l'idée d'ouvrir ce post m'est venu. Assez fasciné par son jeu d'improvisation, (déjà il a deux mains droites !), des harmonies tellement étranges et inhabituelles que même nos oreilles ne les connaissaient pas ( ), des reprises d'une originalité extraordinaire et, bon, bref... plein d'autres choses qui font de lui un personnage si singulier.
Certains de ses albums vont "au-delà" du jazz. Dans certaines pièces, il nous emmène dans des ambiances très étranges, dans une sorte de tension harmonique continue, on dépasse les codes classiques des couleurs de jazz utilisés et va plus loin, beaucoup plus loin, juste à la frontière avec le chaos et le désordre musical. Il arrive à jouer dissonant, mais un dissonant juste, organisé, qui fait sens, où l'on sent une irritabilité fascinante.
Quelques exemples concrets:
De 9min20 à 9min35 mes oreilles tombent de ma tête:
Dans cette belle reprise de Bach, ça monte petit à petit en tension, et très beau frottement continu vers 5min00:
Très moderne cette fois-ci, on a l'impression qu'il est toujours à côté de la gamme, mais purée ça fonctionne tellement bien (ça chauffe progressivement au fil du morceau):
Et un dernier exemple, je vous le laisse écouter en entier celui-là, vous aller comprendre :
Et les exemples ne manquent pas dans son répertoire. Je me suis penché sur Brad, parce-que je trouve que c'est l'un des meilleurs à ce jeu là. Connaissez-vous d'autres pianistes qui arrivent à "maîtriser le dissonant" ? Qui frôlent le "aaah purée ça commence à bouillir là", tout en restant dans une certaine cohérence ? (On peut bien sûr élargir le style et les époques)
Beaucoup de compositeurs classiques ont utilisé les frottements à commencer par Schumann ( par exemple l’intermezzo du carnaval de Vienne).
Toute l’originalité de l’œuvre dépend de ces frottements..
- Jacques Béziat
- Messages : 4412
- Enregistré le : mer. 27 janv., 2016 6:23
- Mon piano : CLP-675 + orgue Hoffrichter/Hauptwertk
Re: Jouer le dissonant qui sonne bien
Bach en use déjà tout le temps également !Ninoff a écrit : ↑dim. 05 avr., 2020 13:59
J’ai son dernier disque depuis quelques mois et ne m’en lasse pas.
Beaucoup de compositeurs classiques ont utilisé les frottements à commencer par Schumann ( par exemple l’intermezzo du carnaval de Vienne).
Toute l’originalité de l’œuvre dépend de ces frottements..
Ma chaîne Youtube : ICI
- Rockmaninov
- Messages : 359
- Enregistré le : ven. 28 févr., 2014 13:15
- Mon piano : hmm
Re: Jouer le dissonant qui sonne bien
Merci pour cette belle découverte ! J'apprécie également beaucoup cet album de Trotignon.Christof a écrit : ↑dim. 05 avr., 2020 13:06 Dans une autre style, je rajoute ici Eric Watson (extrait de son disque : "Your tonight is my tomorrow"):
Ecouter (tout) mais à noter son chorus à partir de 3'59 (utilisation systématique des frottements). Monk n'est pas loin...
et ici le lien (si le player ne marche pas)
Zygel à propos de la dissonance:
J'ai toujours aimé les pommes vertes.
- flober
- Messages : 1248
- Enregistré le : lun. 20 févr., 2017 11:13
- Mon piano : Steinway O de 1908
- Localisation : Yunnan
Re: Jouer le dissonant qui sonne bien
Il me semble que la "super-imposition" ou Bitonalité, est un concept majeur pour apporter de la dissonance.
A la base du Blues Il a été utilisé dans le Bebop mais aussi dans le modal notamment avec Coltrane/McCoy et leurs système d'accord de quarte et pentatoniques.
A la base du Blues Il a été utilisé dans le Bebop mais aussi dans le modal notamment avec Coltrane/McCoy et leurs système d'accord de quarte et pentatoniques.
- Christof
- Messages : 6950
- Enregistré le : lun. 18 avr., 2016 17:08
- Mon piano : Yamaha G3
- Localisation : Paris 75020
Re: Jouer le dissonant qui sonne bien
Me vient aussi forcément alors, en vous lisant, Stravinsky et le Sacre du Printemps.
Stavinsky, pour moi le précurseur de la musique atonale.
Niveau frottements, on ne peut pas faire mieux avec ce passage bien connu, cette superposition incroyable des deux accords :
mib7
mi
qu'on entend plus de 200 fois dans dans Les danses des adolescentes :
Ici le lien si cela ne marche pas
Stavinsky, pour moi le précurseur de la musique atonale.
Niveau frottements, on ne peut pas faire mieux avec ce passage bien connu, cette superposition incroyable des deux accords :
mib7
mi
qu'on entend plus de 200 fois dans dans Les danses des adolescentes :
Ici le lien si cela ne marche pas
- Christof
- Messages : 6950
- Enregistré le : lun. 18 avr., 2016 17:08
- Mon piano : Yamaha G3
- Localisation : Paris 75020
Re: Jouer le dissonant qui sonne bien
Comme vous avez été plusieurs à découvrir et aimer Eric Watson (merci pour les messages privés), je vous mets ici le morceau de clôture de l'album, intitulé "Your tonight is my tomorrow" où vous pourrez notamment entendre cette magnifique articulation dans son jeu (à partir de 4'46 jusqu'à la fin) :