Re: [Fil Christof] : Une impro et Infant eyes

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Christof
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Christof »

Merci pour ton message Jazzy.
En fait, je ne pense pas MG d'un côté et MD de l'autre. Je pense plutôt "mélodie", un chant, et j'essaie d'imaginer un "mini orchestre" qui essaie au mieux de servir cette mélodie en l'accompagnant (donc qui joue un peu dans les trous, qui ne vient pas tout bouffer, mini-orchestre réparti dans les deux mains, dans lequel j'essaie de donner différents plans sonores, des contrechants). Et donc, tout se répartit dans les deux mains, la MD participant aussi à l'harmonie (répartie dans MG et MD). Et mélodie avec les doigts du haut de la MD. Le ryhtme étant intrinsèque à cela.
Les enrichissements que je fais vont dépendre de la fonction des accords face à la mélodie.

Répondre comme cela à ton message n'est pas très évident.
Que veux-tu dire exactement avec le fait que tu as du mal avec ta main gauche ?
Le piano solo est très différent du piano "joué en groupe". Peut-être as-tu trop pris l'habitude de plaquer juste des accords MG (si tu joues avec un bassiste), pensant plus "mélodie MD", "accord MG" ?
Ou, comme il y a un chanteur, tu as pris l'habitude d'accompagner, mais en pensant juste accords ? ou juste ryhtme, en te disant : je vais poser tel accord à tel endroit ?.
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Christof »

Kurt a écrit : sam. 25 juil., 2020 19:50...
Merci beaucoup Kurt. Tu as une grande mémoire... Oui, ce jour-là, j'étais pas en forme... Commencer un premier janvier patraque... faut le faire.
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Christof »

Pour Kurt et Jazzy (et pour tous ceux que cela intéresse), pour clore le chapitre sur Joni Mitchell et mieux montrer l'étendue de sa palette, j'ai envie de vous parler de ce morceau : "Paprika plains". Il faut savoir que Joni Michell est la compositrice et l'interprète de tous ses morceaux (une exception toutefois, le disque "Mingus" ou Charlie Mingus avait composé les musiques et demandé à Joni d'écrire les paroles et de chanter sur ses morceaux).

Paprika plains est tiré d'un disque "Reckless Daughter" sorti en 1977.... donc vieux de 43 ans, morceau qui dure 16'20, et donc n'avait aucune chance de passer à la radio, allant d'ailleurs complètement à rebours des courants dominants de l'industrie. Il faut pouvoir se remettre dans l'ambiance de ce qui existait à l'époque. Et alors, quand on écoutait cela, wouahou... tellement original.

"Paprika plains" (Les plaines de paprika*) désignent poétiquement les grandes prairies canadiennes, pays de naissance de Joni Mitchell.

Image
En 1968

Elle introduit ce morceau (qui comporte trois mouvements) au piano avant d'y mêler sa voix, qui chante une série de stances inspirées de ses souvenirs d'enfance à Maidstone, petite ville des Prairies. Elle n'évoque pas ici les mariages à l'église qui, petite fille, la portait naïvement au rêve, mais les peuples indigènes canadiens, appelés aujourd'hui "Premières Nations". Ils "descendent en ville" :

When I was three feet tall
And wide eyed open to it all
With their tasseled teams they came
To McGee's General Store
All in their beaded leathers
I would tie on colored feathers
And I'd beat the drum like war


(Quand je fus haute d'un mètre
Et du regard curieuse de tout
Tribu à franges ils s'en virent
Au grand bazar McGee
Vêtus de leurs cuirs à perles
Je me nouais des plumes de couleur
Et je battais le tambour comme en guerre).


De nombreux éléments autobiographiques composent cette évocation. Petite (et nattée), Joni possédait un tambour, peut-être son premier instrument de musique.
Critique à l'égard de la colonisation, les paroles suivantes décrivent les étapes d'un processus qui n'est que trop familier:

But when the church got through
They traded thier beads for bottles
Smashed on Railway Avenue
And they cut off their braids
And lost some link with nature
I'm floating into dreams


(Mais une fois l'église finie
Ils troquaient leurs perles contre des bouteilles
Les fracassaient sur Railway Avenue
Et ils coupaient leurs nattes
Et perdaient quelque chose du lien à la nature
Je dérive en rêve)
.

Rêves d'un Éden précolombien qui se déroule le long des plaines de paprika, et d'une "rivière turquoise qui serpente".
Joni Mitchell qui est également peintre a retranscrit ce long songe éveillé sur la pochette intérieure de l'album, environ quatre-vingts vers qui ne sont pas chantés sur le disque. Et il faut savoir que le morceau a été amputé d'une bonne moitié de sa durée, à hauteur de son deuxième mouvement. Après d'autres morceaux antérieurs très fouillés, Paprika Plains donne la pleine mesure des ambitions orchestrales de la compositrice.

Le chant s'est tu, laissant place à un long intermède pour piano et orchestre (sorte de Symphonie du nouveau monde Mitchellien). Durant quelque huit minutes, les arrangements (qu'elle a conçus avec Micheal Gibbs) s'attachent à restituer au plus près la couleur des grandes pleines de l'Ouest.
C'est cela que j'aime ici : le piano de Joni a été enregistré le premier, en une sorte d'improvisation, de "dérive inconsciente" ? dont le bassiste jazz Jaco Pastorius lui aurait inculqué le principe.

Image
Jaco Pastorius

Mais l'enregistrement de cette improvisation dirigée s'est faites par séquences distinctes, avec réaccord du piano dans l'intervalle. Quand il a fallu ensuite, préparer l'orchestration, on s'aperçut que l'accord du clavier présentait des différences entre les prises. Et donc, bon gré mal gré, à l'oreille, Le London Symphony Orechestra (enregistré dans une église new-yorkaise) s'adapta aux dérèglements.

Image

Le troisième mouvement voit le retour du chant et du piano. Enfin, un peu avant la quatorzième minute, débute un boeuf qui mêle, sur un accord de piano et ses variations en tierces, le saxo soprano de Wayne Shorter, la basse (doublée) de Jaco Pastorius et la batterie de John Guerin**.

Bon, place à la musique parce que sinon, je pourrais vous parler de Joni Mitchell pendant des heures...




* Un roman de Dominique van Eecke est paru sous ce titre en 2013. Titre qui ne doit rien au hasard, puisque l'ouvrage est traversé par de nombreuses chansons, dont celle de Joni Michell.
** A l'exception du claviériste Joe Zawinul, tous les musiciens qui forment le groupe "Weather Report" à l'époque de l'enregistrement de leur disque "Heavy Weather sorti en mars 1977, ont participé à l'élaboration du disque de Joni Mitchell.


Joni Mitchell n'a jamais voulu être une pop star. Selon ses mots, elle n'était rien de plus selon elle qu'une «peintre déraillée par les circonstances». Et pourtant, elle est devenue aussi une musicienne (autodidacte) des plus talentueuses, une brillante chef d'orchestre. Chacun de ses albums est pour moi d'une originalité sans pareille, langage universel. Les paroles de ses chansons sont chargées de ces émotions nues issues de la vie, des amours, des plaintes et des prophéties. Construire l'oeuvre d'une vie.

Image

Elle a toujours été une visionnaire, bien en avance par exemple sur la perception du besoin de la protection de notre planète. Pour moi, son travail d'artiste équilibre habilement la complexité narrative et musicale : elle est d'ailleurs admirée par des paroliers légendaires comme Bob Dylan et Leonard Cohen et très aimée et respectée par les musiciens de jazz. Le pianiste Herbie Hancock lui a par exemple consacré un de ses disques en 2007, en forme d'hommage : "River: The Joni Letters"

Modifié en dernier par Christof le lun. 27 juil., 2020 23:04, modifié 2 fois.
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par jazzy »

Christof a écrit : dim. 26 juil., 2020 18:44 .
Que veux-tu dire exactement avec le fait que tu as du mal avec ta main gauche ?
Le piano solo est très différent du piano "joué en groupe". Peut-être as-tu trop pris l'habitude de plaquer juste des accords MG (si tu joues avec un bassiste), pensant plus "mélodie MD", "accord MG" ?
Ou, comme il y a un chanteur, tu as pris l'habitude d'accompagner, mais en pensant juste accords ? ou juste ryhtme, en te disant : je vais poser tel accord à tel endroit ?.
Merci pour ta réponse Christof.
Oui en fait je n'ai pas une grande habitude de jouer en piano solo,surtout depuis que nous avons créé notre trio. DE plus je préfère souvent écouter des morceaux de jazz en trio. Je trouve que c'est plus riche et varié même si bien sûr il y a de très beaux morceaux en solo.
J'aime d'ailleurs beaucoup accompagner car c'est tout un travail de recherche de rythmes et d'harmonies pour s'insérer entre le chant et la basse. Du coup quand je suis seul, j'ai l'impression que ce que je produis est un peu pauvre. En fait il faudrait plus de pratique pour avancer en piano solo.
Mon dernier morceau sur soundcloud
https://soundcloud.com/user-123419479/confinements
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Christof
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Christof »

jazzy a écrit : lun. 27 juil., 2020 14:51 Oui en fait je n'ai pas une grande habitude de jouer en piano solo,surtout depuis que nous avons créé notre trio. DE plus je préfère souvent écouter des morceaux de jazz en trio. Je trouve que c'est plus riche et varié même si bien sûr il y a de très beaux morceaux en solo.
J'aime d'ailleurs beaucoup accompagner car c'est tout un travail de recherche de rythmes et d'harmonies pour s'insérer entre le chant et la basse. Du coup quand je suis seul, j'ai l'impression que ce que je produis est un peu pauvre. En fait il faudrait plus de pratique pour avancer en piano solo.
Oui, le piano solo, lorsqu'on a joué beaucoup en groupe, c'est vraiment un monde différent. Finalement, ce qu'il faudrait (à mon avis, et c'est beaucoup de mon travail maintenant), c'est concevoir tous les morceaux pour piano solo, la recherche d'un "son plein". Et ensuite, adapter pour l'accompagnement, par exemple d'un chanteur ou d'une chanteuse, ou pour le jeu en groupe, lorsqu'on dispose d'un contrebassiste ou bassiste.
Ceci, à mon avis, évite de calquer un peu trop les choses de "façon réflexe", où en fait on ne va plus chercher aussi loin que l'on devrait.
Modifié en dernier par Christof le lun. 27 juil., 2020 23:01, modifié 1 fois.
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Christof »

Mon dieu, je m'aperçois que j'ai omis une chose très importante lorsque je vous ai parlé de Joni Mitchell et de son art de "l'open tuning" (accord ouvert), cette façon de désaccorder sa guitare pour être le plus possible dans les résonances, les ambiances qu'elle souhaite donner de cette manière à ses morceaux.
Il faut savoir que, le plus souvent, les guitaristes qui ont recourt à l'open tuning, n'en utilisent (n'en connaissent) que très peu : en général, un ou deux. Par exemple, désaccorder la grosse corde de mi et la baisser d'un ton (D A D G B E). Ou de baisser également alors la petite corde de mi d'un ton (D A D G B D). Ou, par exemple quand on joue du blues, accorder de cette façon : D G D G A D, celle-ci aussi D A D F# A D (il y en a bien d'autres).
Du coup, lorsqu'on utilise les open tuning, il faut aussi réapprendre à jouer sur l'instrument, parce que les positions des accords sont bien différentes à chaque fois.

Joni Mitchell, en a utilisé, selon ses propres dire, quelque ... 57 différents de ces open tuning. Bon, pas au même concert parce que vous imaginez le temps qu'il faudrait entre chaque morceau pour effectuer les accordages. C'est pour cela qu'elle a toujours eu plusieurs guitares avec elle en concert. Bon, pas 57 (parce que si c'est juste une ou deux cordes qu'on désaccorde, réaccorder est assez rapide). Mais disons que quatre à cinq guitares préaccordées lors d'un concert est déjà une bonne chose.
Vous imaginez le cerveau qu'il faut ! C'est comme jouer à chaque fois d'un instrument différent (nb: Joni adore aussi interpréter des chansons au dulcimer, qu'elle accorde, là encore, à sa façon !).

Par nécessité...


Mais pourquoi s'être autant penchée sur l'open tuning ?
Parce que pour elle, à la base, c'était une nécessité...

Enfant, Joni a eu la polio, dont elle a triomphé. Cela a affecté ses mains, notamment en affaiblissant la force qu'elle pouvait émettre dans sa MG. Et c'est pour cela qu'elle ne pouvait alors utiliser les "positions conventionnelles" d'accords à la guitare. L'open tuning a été pour elle une façon de contourner le problème. Ajuster les choses aux positions qu'il lui était possible de jouer, former des formes d'accord qu'elle n'aurait pas pu jouer autrement (au début, ses open tuning ont été fortement influencés par les artistes de country blues qu'elle a entendus sur des disques et rencontrés lors de concerts locaux).
Ceci lui a ouvert un monde musical, qu'elle n'aurait jamais pu toucher du doigt (sans jeu de mot) de cette façon avec une approche conventionnelle*. Elle a été en recherche constante d'un son plus large, plein et plus vibrant, parfait pour son jeu de doigté. Et aussi, quand elle en a besoin, l'accordage ouvert lui donne également un son plus doux, en supprimant les notes lumineuses sans changer de tonalité. Et ils ont certainement aussi été à la base, par ce biais, de la découverte de mouvements harmoniques hyper originaux qui, finalement, n'appartiennent qu'à elle.

Bon, on peut se demander pourquoi je vous parle de tout cela dans un forum de piano ? Ben, finalement c'est ici "mon fil apprentissage" et donc je peux y écrire ce que je veux... Je pense d'ailleurs que pour bien jouer de la musique, il faut aussi connaître un peu l'approche des autres instruments.
Tout jeune, internet n'existait pas. Si on voulait jouer les chansons de Joni Mitchell à la guitare, il fallait tout trouver d'oreille, et donc ses open tuning... Des heures et des heures de travail. Cela fait partie des choses qui m'ont aussi beaucoup aidé à développer mon oreille... Mais je n'ai aucun mérite : j'étais fou de cette musique, et cela me donnait des ailes.

Tiens si vous voulez jouer "Heijira" (si jamais il y a aussi des guitaristes sur PM), il faut accorder : C G D F G C
Et pour "Just like this train" (morceau que j'ai mis dans un précédent message ) : C G D F C E
Pour "Song for Sharon" (mis aussi dans un message précédent : Eb Bb Db F Ab Bb




* On pourrait faire un peu un parallèle avec Django Reinhardt qui, à dix-huit ans a perdu l'usage de son auriculaire et annulaire gauches. Ce qui lui a fait revoir entièrement sa façon de faire les accords, en développant une technique unique qui soumet à la guitare des doigtés exploitant toutes les ressources que peuvent offrir un pouce, un index et un majeur valides. Son handicap l’a amené ainsi à explorer de nouvelles harmonies, de nouvelles façons de faire, rendant son style assez inimitable.
Modifié en dernier par Christof le lun. 27 juil., 2020 17:23, modifié 1 fois.
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par sylvie piano »

Christophe, merci d'être ainsi, totalement perché et si proche de chacun. Je bois vos post en me demandant quel cerveau peut emmagasiner autant de connaissances et les partager si généreusement.
Vous avez des ailes avec Joni Mitchell, moi je m'envole en ce moment avec la musique de Clara Wieck. Rien à voir ? Si, la mémoire émotionnelle de notre adolescence, nous illumine et c'est juste délicieux....
(Et Clara fut les doigts de Robert qui s'était rendu invalide..)
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par flober »

Merci Christof,
Je ne connaissais pas la musique de Joni Mitchell et je dois dire que mon sang n'a fait qu'un tour quand tu as évoqué la peinture, et pourtant je n'était pas convaincu ... je confondait avec l'immense peintre Joan Mitchell, qui est au top de l'impressionnisme abstrait, mon courant pictural adoré !

Concernant les différentes techniques pianistiques groupe/solo, je remarque tout de meme que Ahmad Jamal, par exemple, ne s'interdit pas de jouer des notes dans les basses avec un bassiste, que ce soit pendant ses solos ou en doublant le bassiste (j'adore), c'est certainement une de ses signature.
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Christof »

flober a écrit : mar. 28 juil., 2020 8:53 Merci Christof,
Je ne connaissais pas la musique de Joni Mitchell et je dois dire que mon sang n'a fait qu'un tour quand tu as évoqué la peinture, et pourtant je n'était pas convaincu ... je confondait avec l'immense peintre Joan Mitchell, qui est au top de l'impressionnisme abstrait, mon courant pictural adoré !
Ah oui, Joan Mitchell, j'adore !!!!
flober a écrit : mar. 28 juil., 2020 8:53 Concernant les différentes techniques pianistiques groupe/solo, je remarque tout de meme que Ahmad Jamal, par exemple, ne s'interdit pas de jouer des notes dans les basses avec un bassiste, que ce soit pendant ses solos ou en doublant le bassiste (j'adore), c'est certainement une de ses signature.
Oui, il ne faut pas non plus du tout s'en priver...
Me vient aussi par exemple ceci, au départ dialogue avec le contrebassiste, puis doublage du thème contrebasse -piano (mais il faut dire que ce thème "Tricotism" a été composé à la base par le contrebassiste Oscar Pettiford) :

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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Christof »

sylvie piano a écrit : lun. 27 juil., 2020 17:23 Christophe, merci d'être ainsi, totalement perché et si proche de chacun. Je bois vos post en me demandant quel cerveau peut emmagasiner autant de connaissances et les partager si généreusement.
Vous avez des ailes avec Joni Mitchell, moi je m'envole en ce moment avec la musique de Clara Wieck. Rien à voir ? Si, la mémoire émotionnelle de notre adolescence, nous illumine et c'est juste délicieux....
(Et Clara fut les doigts de Robert qui s'était rendu invalide..)
Merci Sylvie ! Oui, la musique accompagne nos vies, dessinant dans notre ciel des points d'ancrage, cette mémoire émotionnelle des ailes illuminées.
Nous sommes tous des Jonathan Livingston le Goéland !

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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Ninoff »

Quel film merveilleux...!!! On peut toujours s’élever plus haut , et réaliser des choses fantastiques.
Un régal de réentendre la bande son ..
Merci !!!!
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par flober »

En solo, on peut tout de meme faire une rythmique main gauche et mélodie main droite comme Michel Petrucciani qui se permet même de faire la basse en alternance !

cf début du concert
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Christof »

Kurt a écrit : lun. 27 juil., 2020 18:44...
Merci Kurt !
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Christof »

flober a écrit : mer. 29 juil., 2020 9:39 En solo, on peut tout de meme faire une rythmique main gauche et mélodie main droite comme Michel Petrucciani qui se permet même de faire la basse en alternance !
Oui, bien sûr.
Ou, comme dans cette exemple, walking bass MG et développement MD et cela sonne d'enfer ; et rythmes aussi avec la MD en plaquant des accords, pendant que la MG continue la walking bass.



En fait, mon intervention dans les messages plus haut, c'était finalement de dire que lorsqu'on joue en solo, il ne faut pas se priver de penser le piano comme un orchestre, où tout s'interpénètre. Et que le principal dans ce qu'on fait, c'est que cela sonne. Penser à chaque instant horizontalovertical en exploitant le plus possible les registres.
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par flober »

oui, excellent tristano.
Christof a écrit : mer. 29 juil., 2020 10:46 En fait, mon intervention dans les messages plus haut, c'était finalement de dire que lorsqu'on joue en solo, il ne faut pas se priver de penser le piano comme un orchestre, où tout s'interpénètre. Et que le principal dans ce qu'on fait, c'est que cela sonne. Penser à chaque instant horizontalovertical en exploitant le plus possible les registres.
J'aimerai savoir comment tu appréhendes cela du point de vue mental, au moment ou tu joues.
Quelle part de répétition, d'intuition ou de pensée préparatoire dirigée vers l'action que tu vas entreprendre ? suis-je clair ?
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Christof »

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Modifié en dernier par Christof le mer. 29 juil., 2020 19:42, modifié 1 fois.
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Christof »

flober a écrit : mer. 29 juil., 2020 11:07 J'aimerai savoir comment tu appréhendes cela du point de vue mental, au moment ou tu joues.
Quelle part de répétition, d'intuition ou de pensée préparatoire dirigée vers l'action que tu vas entreprendre ? suis-je clair ?
Mon dieu, quelle question ! Le genre de question que j'adore parce qu'elle m'oblige vraiment à creuser pour répondre. Parce que je ne sais pas si je peux d'ailleurs vraiment donner une réponse claire sur le sujet.
Tu veux parler d'une composition ou de lorsque je joue un thème et que j'improvise dessus, ou d'une improvisation pure ?

Peut-être commencer par l'improvisation ? Parce que finalement, je pense qu'elle englobe un peu tout.
Et me vient alors cet exemple, dimanche, où j'ai improvisé sur les variations sérieuses de Mendelssohn (j'avais mis cela sur sur le fil improvisation, et le je remets ci-dessous ):


et ici le lien si le player ne marche pas

D'où c'est venu ? D'abord je pense, de l'importance que cela n'était absolument pas prémédité.

La seule chose que je peux dire, c'est que je les avais assez souvent écoutées ces Variations sérieuses. La première fois que je les ai entendues, c'était comme spectateur de la finale du Concours des Grands Amateurs de Piano (CGAP en 2019). Cette journée m'avait laissé une impression phénoménale (lire ici, et , et ).
J'adore tout ce qui est variations car cela m'évoque beaucoup le jazz, cette liberté, de creuser à partir d'un même schéma harmonique et d'aller dans des territoires toujours plus reculés. Et puis je les ai réentendues très récemment, lors d'une réunion pianomajeur, jouées par Aurèle.

Je ne sais expliquer, mais ce thème doit trotter dans ma tête depuis longtemps, a dû y travailler à mon insu. Et je pense que lorsque c'est comme ça, mon "cerveau", inconsciemment, est capable de "penser directement la grille" du thème ? Je ne sais pas expliquer comment cela fonctionne. En tous cas, cela doit venir des nombreuses heures que j'ai consacré depuis tout petit à vouloir rejouer des morceaux, sans disposer de partitions. Simplement d'oreille et d'essayer d'en faire quelque chose "à ma sauce".
Quoi qu'il en soit, après cette réunion PM, je me suis imprimé la partition de ces Variations (en pensant qu'un jour je les travaillerais), mis tout cela dans une chemise transparente que j'avais posée il y a quinze jours sur le pupitre de mon piano. Et cela en était resté là.

Je ne sais vraiment pourquoi, alors qu'en ce moment j'ai commencé à me plonger dans l'intermezzo de Brahms n°2 Op.118 en la majeur et voulais vraiment l'avancer dimanche dernier, j'ai eu comme un appel. La première page des Variations sérieuses, posée bien en évidence aussi sur le pupitre me faisait des clins d’œil. Comme une urgence. Le reflet de la lumière sur la chemise transparente sûrement. Plus rien d'autre ne comptait.
J'ai juste joué une fois le thème (avec la partition). Comment expliquer cela ? : tout était déjà nickel au déchiffrage, toutes les nuances, le discours des voix (alors que je suis normalement un piètre déchiffreur - en tous cas en musique classique). C'était comme si je l'avais toujours joué ce thème. Comme si j'en connaissais déjà la structure harmonique sur le bout des doigts.

Et là, j'ai pris le Zoom, sans réfléchir, sans aucun travail préparatoire, et j'ai improvisé directement "mes variations sur ce thème".
Alors, quelle part de répétition ? Je mettrais là, juste le fait de l'avoir préalablement joué une fois, exactement comme il est écrit.
Quelle part d'intuition ? Je pense immense, à vouloir "faire aussi un peu dans le style de"...
Quelle part de préméditation dans ce que je vais jouer, de pensée préparatoire au moment où j'ai commencé à jouer ? : je ne sais répondre.

C'était vraiment comme un appel. Tu sais, lorsque tu sens qu'un moment est très particulier, que tu vas être vraiment en relation, toi et ton piano, toi et la musique.
Ce qui est drôle, c'est que je ne démarre pas du début du thème, mais de la fin du premier motif. Peut-être parce que cela me fait penser un peu à un chorale, une espèce de gospel. En y réfléchissant maintenant, je m'aperçois que ce début où je joue, c'est exactement un passage de "The Wedding" de Dollar Brand (écouter à 0'9), morceau que j'ai beaucoup joué il y a longtemps :



Et là, c'est dingue, parce que c'est juste maintenant, en écrivant que m'apparaît quelque chose de fondamental, qui remonte de mon inconscient, c'est incroyable : il y a toute une histoire fantastique qui m'est arrivée. J'en avais parlé ici, et c'est seulement aussi maintenant que me saute au yeux que je leur avais joué "The wedding" (qui veut dire "mariage").

Voilà, maintenant je sais pourquoi ce thème des Variations sérieuses me touche autant. Pourquoi aussi, inconsciemment, je commence l'improvisation par ce passage. Exactement la même tonalité que ce passage.

NB : D'ailleurs, ce passage, cette harmonisation, je m'aperçois maintenant que je m'en sers aussi, lorsque je joue ce vieux thème de jazz "Indiana" (composé en 1918), que j'ai complètement réharmonisé de façon plus moderne (écouter à 0'54) :

et le lien si le player ne marche par


En tous cas, ceci pour dire qu'en ayant commencé inconsciemment par ce passage, c'était comme me trouver en terrain très familier.
Sinon, pour ce qui est de l'intention, je pense qu'il était clair dans mon esprit que même si ce début joué dans mes Variations pas sérieuses est un peu "jazzy", la suite ne devait pas aller dans des harmonies trop jazz, pour bien qu'on reconnaisse quand même le thème. D'ailleurs (0'28), je le joue au départ un peu comme il est écrit dans la partition. Puis je laisse aller. Ce qui me guide avant tout, c'est le chant, les idées autour qui me viennent, comme pour une conversation dans laquelle une idée va en entraîner une autre, mais toujours autour d'un thème général. Et puis finalement, cette intention générale de ne pas trop m'éloigner du style du morceau, rester un peu dans le "paysage classique". J'essaie bien par moment de donner des petites connotations jazzy (exemple 1'14-1'16) mais je sens immédiatement que cela fait un un peu "faute de goût" et qu'il ne faut pas continuer dans cette voie. Je tente aussi par exemple un accord vraiment plus jazz (vers la fin à 3'01,accord de 13e) mais là aussi, tout de suite je sens que cela ne va pas coller si je continue sur ce chemin, donc retourne immédiatement à un style plus "classique".

Donc pour commencer à répondre ici un peu à ta question, Flober, il n'y a eu alors aucune répétition avant de l'avoir joué.
La seule chose que je puisse dire, difficile à expliquer, c'est qu'en commençant à jouer, je savais que cela fonctionnerait. Peut-être parce que j'adore cette pièce ?
Je pense que c'est une dimension très importante pour moi, l'"adoration" d'une pièce. Certaines musique me parlent plus que d'autres, m'émeuvent, me font partir je ne sais où. J'ai eu récemment un peu la même expérience (toujours d'ailleurs à la dernière réunion PM), cette "adoration" lorsque François (un nouveau Pmistes) a joué les Variations de l'esprit (Geistervariationen) de Schumann - tiens, encore des variations. Je ne savais pas que de telles variations existaient. Et cela m'a fait vibrer comme jamais en les écoutant. D'abord parce que François est un superbe pianiste, un musicien dans l'âme et en moins de deux j'avais les larmes. Mais aussi parce que là encore, j'ai trouvé que c'était comme du Gospel (j'en ai parlé dans un précédent message sur ce fil). D'ailleurs, après que François ait joué, une des personnes présente m'a dit : "Je te connais bien : ce morceau, c'est vraiment un morceau pour toi... ces variations t'iraient comme un gant". Et cela aussi m'a bouleversé.

Je ne peux expliquer, c'est encore un peu le même processus que pour les Variations sérieuses. Ce thème m'a trotté pendant deux jours dans la tête. Et le mardi suivant, c'était pareil, cet appel irrépressible, vouloir l'entendre à ma façon ce thème, sous mes doigts. Comme pour les Variations sérieuses, aucune répétition, et là, pas de partition pour le jouer, au moins une fois avant. Y aller directement, à partir de ce que ma mémoire en avait perçu en l'entendant dimanche.


et le lien si le player ne marche pas

Dans l'intention, peut-être que la seule chose que je me suis dite, c'est qu'il y aurait cet accord de Bbsus4 juste avant de reprendre (à 0'12, à 0'28 etc.), que je ne résous pas vraiment, parce que je sais exactement comment cela sonne, qu'à cet endroit cela va exactement dans l'atmosphère gospel que je ressens pour ce morceau. Une espèce de douceur aussi. Et mystérieusement, habité de ce "mood", la suite se dessine toute seule. Dans ma tête, je pensais qu'elle paraphrasait exactement le thème. Mais en ayant réécouté l'original de Schumann (ce que j'ai fait seulement hier) je me suis rendu compte que ce qu'il joue en partie B n'a rien à voir avec ce que je joue (je parle de la marche harmonique). Donc tout cela est absolument mystérieux. Parce qu'en jouant, je me sentais vraiment guidé par ce que j'avais entendu dimanche...

Bon, je m'aperçois que je ne réponds pas encore à ta question de base, qui avait plutôt pour thème la façon d'organiser les choses quand on jouait en solo, la part d'acquis, ce que l'on répète et que finalement on a déjà joué, déjà super étudié, les interpénétrations des mains, le choix des registres, les chants et contrechants, la disposition mentale.

Je pense que ce premier message parle un peu de la disposition mentale alors. Parce que ce que je tente d'expliquer, c'est que lorsque un morceau me bouleverse, me parle, je n'ai qu'une envie : le jouer, tenter d'éprouver la même émotion en le jouant que lorsque je l'ai entendu jouer. Et dans cet appel, en l'occurrence ici pour ces deux morceaux, il n'était pas question pour moi d'aller travailler la partition avant, parce que sinon, pour bien la jouer, il me faudrait un temps fou. Et alors l'étincelle ne serait peut-être plus la même. C'est une autre disposition mentale qui me prend alors. Celle de savoir que je peux jouer tout de suite cela à ma façon, parce que je sens qu'il n'y a aucune question à se poser. Peut-être que c'est cela qui me donne alors une confiance absolue, pris par aucune peur, où je suis absolument dans l'écoute, dans le discours, dans les idées. Où mes mains "savent".

Je crois que c'est un peu ce que Kenny Werner explique dans son livre "Effortless Mastery". Il n'y a aucun enjeu quand je joue, aucune question. Je me dis en jouant que c'est la plus belle musique du monde (je ne veux pas dire ici que ma musique est la plus belle du monde, c'est pas du tout ça, mais qu'alors je suis vraiment libre comme on ne peut imaginer, je suis comme un enfant, qui ne juge rien au moment où il joue, juste disponible à ce qui vient).

Musique d'un instant. Je ne sais expliquer, mais je sens, avant de la jouer, qu'il va se passer quelque chose. Souvent maintenant, j'ai le réflexe d'enregistrer. Mais pas toujours. Souvent, je m'assois au piano, et je laisse venir.
Il existe parfois des moments de grâce. Je ne sais même plus ce que j'ai joué. C'est un peu comme une création permanente, qui se dissout dans l'air après avoir vibré. Que je ne saurai pas refaire. Mais aucune importance car je sais que la musique est là, chaque jour disponible, différente.

Il existe aussi bien sûr des jours où rien ne se passe, où je n'ai pas forcément cet appel irrépressible d'une musique. Et alors, souvent, dans ces moments-là, je joue comme un pied.

A suivre...
Modifié en dernier par Christof le mer. 29 juil., 2020 17:58, modifié 10 fois.
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flober
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par flober »

Bien Christof !
J'aimerai tant avoir certaines de tes facilitées, comme tu l'as dis acquises après des années de pratique.
Pendant des dizaines années, je ne jouait que des choses personnelles et je n'ai jamais relevé d'autre pianistes ou autre musique, je ne voyait que le point de vue émotionnel.

C'est très intéressant que tu développes la question mais peux tu décrire ce qui se passe dans ta tête, le coté conscient, quand tu crée l'arrangement en temps réel sous un theme ou pendant un solo, voir une improvisation spontanée.

Merci.
Modifié en dernier par flober le jeu. 30 juil., 2020 10:06, modifié 2 fois.
jazzy
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par jazzy »

Christof, j'avoue ne pas avoir lu ta réponse à Flober dans le détail, mais ce qui me surprend beaucoup dans ce que j'en ai compris,c'est que dans ces moments d'improvisation ou de création, les choses semblent venir toutes seules sans qu'il y ait eu réflexion ou volonté de ta part (si ce n'est bien sûr la volonté de jouer), sans projet vraiment conscient.
Souvent quand on parle improvisation on parle de notes cibles ,d'approches chromatiques, de grilles d'accords, de gammes qu'il est possible d'utiliser..., toutes choses où la pensée consciente, la décision semblent importantes, au moins dans le début de la recherche de création ou d'impro???
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Christof
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Re: [Apprentissage Christof] : différents morceaux

Message par Christof »

jazzy a écrit : mer. 29 juil., 2020 19:00 Christof, j'avoue ne pas avoir lu ta réponse à Flober dans le détail, mais ce qui me surprend beaucoup dans ce que j'en ai compris,c'est que dans ces moments d'improvisation ou de création, les choses semblent venir toutes seules sans qu'il y ait eu réflexion ou volonté de ta part (si ce n'est bien sûr la volonté de jouer), sans projet vraiment conscient.
Souvent quand on parle improvisation on parle de notes cibles ,d'approches chromatiques, de grilles d'accords, de gammes qu'il est possible d'utiliser..., toutes choses où la pensée consciente, la décision semblent importantes, au moins dans le début de la recherche de création ou d'impro???
Je tenterai au fur et à mesure des jours à faire une réponse plus "concrète" à la question de Flober.

Ce qu'il faut savoir, c'est que je suis la somme de tout ce que j'ai essayé en musique, et que j'ai eu au début une approche très intuitive, absolument pas "intellectuelle". Pendant des années et des années. Je ne me suis jamais posé de question du genre : quelle gamme avec tel accord approche chromatique, et tout le tintouin..

J'ai commencé par la pop music, le fok aussi, le rock. Comme je l'ai raconté dans ce site, quand j'entendais quelque chose, je voulais le jouer, et que cela sonne pareil que ce que j'entendais sur le disque. Le seul moyen, à l'époque, c'était de tout trouver d'oreille. Il y avait bien des "songbooks", mais c'était un peu écrit "au balai à chiotte" (façon partoch Sacem pour le piano) et puis quand c'était accord de guitare, c'était vraiment pas ça... enfin, pas vraiment les accords qu'ils faisaient.
J'ai un souvenir, par exemple en 1969, j'avais 12 ans, et je jouais de la guitare. Est sorti "Get back" (mon frère avait acheté le 45 tours). C'était sur la face A et sur la face B "Dont' let me down". J'ai beaucoup cherché, et je distinguais très bien ce que jouais Lennon à la guitare, ce que jouais Harisson aussi à la guitare, et puis ce que faisait Mc Cartney à la basse. Et je savais jouer la partie de chacun. Je n'ai jamais rien noté.

Quand plus tard est sorti le 33 tours, cela a été pareil avec Let it be, et finalement avec tous les morceaux. A la fois le piano, la guitare. Je pouvais tout jouer. Le fait d'avoir pour moi cherché d'oreille, faisait que c'était vraiment imprimé dans ma mémoire, à jamais. Je ne me rappelle pas, mais je pense que ce sont des heures et des heures de travail. Mais finalement pas du travail, parce que c'était une telle satisfaction. Et puis à chaque apprentissage, cela faisait boule de neige.
Alors forcément, si tu rejoues cela tout seul, et qu'on entend juste l'accompagnement de Let it be par exemple au piano, quelqu'un qui n'est pas très entrainé ne va pas forcément reconnaître que tu joues Let it be. Alors l'idée, c'était aussi de surajouter, par moment, ce que chante Mc Cartney, en essayant de faire tout entendre : faire exactement entendre la façon dont c'est joué quand on accompagne et en rajoutant le chant et que cela ne sonne pas comme les partochs Sacem.

Je ne me suis jamais posé la question de savoir quelle gamme ou telle autre gamme mettre à tel moment. C'était juste avoir le chant en tête, et finalement, je pense que cela a été à force de travailler que je pouvais jouer exactement ce qui est chanté sans avoir besoin de connaître le nom de la note à cet instant, sur quel accord... Mais dis-toi que, pour les Beatles, j'ai à peu près joué le répertoire complet. Finalement, plus je faisais cela et plus c'était facile de trouver immédiatement la suite quand je voulais relever une chanson. Mais il faut dire que des choses comme ça, je l'ai fait sur un répertoire dingue... J'étais fou par exemple de Pete Townsend. Je pouvais jouer tout Tommy. Si on me disait "tiens, quel accord tu joues à tel instant ?" je ne pouvais répondre, je n'ai jamais réfléchi comme ça.

J'ai raconté aussi pour Joni Mitchell, arriver à trouver ses open tuning à la guitare. Et à l'époque, c'était super difficile : il n'y avait pas de vidéos, tu ne voyais pas forcément les artistes en train de jouer. Il fallait entraîner l'oreille, entendre qu'à tel moment, elle ne posait pas ses doigts et l'accord que tu entendais, c'était les cordes à vide, donc l'open tuning utilisé. Et parfois cela peut-être hyper compliqué de trouver, parce que jamais on n'entend vraiment l'accord ouvert.
En tous cas, je ne peux expliquer comment j'ai fait, mais je trouvais toujours ses open tuning (les coups de chance aussi). Et quand tu joues en open, comme ça, dire le nom d'un accord qu'on est en train de faire, c'est presque pas possible. Relever aussi ses morceaux au piano, pas simple parce que les enchaînements sont vraiment pas évident. Je ne notais rien. Une fois là, c'était là.

Pareil, à la guitare, j'ai eu ma période Crosby Stills Nash and Young (et aussi leurs chansons au piano). Ils utilisent aussi souvent les open tuning. J'étais dingue de Stephen Stills, un super guitariste. Je sais jouer tous leurs morceaux, du premier disque jusqu’au disque live "Four way street".

Et puis ma période "Pentangle". Là encore, une autre façon de jouer de la guitare... A une époque, j'étais tellement entraîné que tu pouvais me mettre n'importe quel disque où l'on entendait une guitare sèche, je pouvais presque jouer directement en même temps. Chaque accord ayant un grain reconnaissable. J'ai aussi joué de nombreuse chansons de Simon and Garfunkel (ah, Paul Simon, quel mélodiste, quel guitariste... ). Like a Bridge over Water au piano : je l'ai trouvé aussi d'oreille... Et le Phantom of the paradise... et , et, et.... Période Clapton aussi à la guitare, le blues... Hendrix, Emerson Lake and Palmer (ah, le disque qui porte ce nom, trop bien !), Jefferson Airplane, Gratefull dead, et j'en passe, Pink Floyd et autre King Crimson, Franck Zappa...

Donc, avant d'arriver vraiment au jazz, j'avais une espèce de rapport "direct" à la musique. Bien sûr, ayant joué dans des groupes (surtout de la guitare, mais aussi du piano) j'ai dû aussi m'y faire au nom des accords, pour qu'on puisse tous s'entendre. Mais ce n'est pas ce qui m'a guidé.

Et puis il y a eu le jazz. Et là, l'approche a été un peu différente (j'ai aussi déjà parlé de cela sur le forum). En tous cas, j'ai appris comme tout le monde le fait, en prenant des thèmes petits à petit, et je me suis familiarisé avec les partochs jazz, c'est à dire juste le thème écrit sur une clé de sol et les accords inscrits au-dessus. Et j'ai fait un an alors dans une école de jazz, le CIM où j'avais, par semaine, un cours de piano (une demi-heure), un cours de solfège rythmique, un cours d'ear training, un cours d'histoire du jazz, et un atelier en groupe de deux heures. Mais en fait, c'était un peu trop tôt tout ça. Parce que, si c'est assez facile de comprendre la nomenclature jazz, de comprendre les principes de répartition des mains comme je l'explique dans le fil sur Misty, jouer ensuite bien un standard, c'est beaucoup de travail. Alors bien sûr, connaître les gammes possible sur les accords, c'est important, mais cela ne reste que des gammes. Ce n'est pas ça la musique.

C'est drôle d'ailleurs, parce que dans le dernier numéro de Pianiste, je me suis mis l'autre jour à jouer "En forêt" de Paul Lay. J'ai juste posé la partoch devant moi (écrite comme une partoch classique, mais aussi avec le nom des accords au dessus) et j'ai joué et improvisé direct. J'ai posté d'ailleurs cela dans mon fil.
Et où c'est drôle, c'est que je suis tombé par hasard hier-soir sur internet sur la vidéo qui accompagne cette revue. Et donc regardée après coup. Et ce qui est vraiment très drôle, c'est quand il commence à expliquer (à 9'21) les gammes qu'il fait sur chaque accord.
Bon, c'est sûr, il faut bien expliquer quelque chose, voilà, je fais telle gamme sur tel accord... Mais écoutez : dès le départ, c'est de la musique, et plus ça va, plus il laisse aller. Et là, il donne le secret et vend la mèche (à 11'31): "Prenez vraiment le temps d'isoler chaque mesure, et de vous familiariser avec les gammes, et de trouver évidemment (tout est dans le évidemment) des motifs mélodiques avec ces gammes. Et ce qui est très important, c'est évidemment de connecter chaque mesure, que les phrases puisse chanter et se développer à travers cette structure harmonique".

Alors OK, les notes cibles, d'approches chromatiques, de grilles d'accords, de gammes qu'il est possible d'utiliser..., toutes choses où la pensée consciente, la décision semblent importantes, au moins dans le début de la recherche de création ou d'impro. Pour moi, c'est un faux problème. C'est une façon mécanique de voir les choses... C'est juste un outil. Alors pour certains, cela peut aider, mais dans mon cas, je n'ai jamais raisonné de cette manière. Parce que ce qu'il faut arriver à mettre en place, dès le départ, c'est justement la créativité, la musique, que la phrase chante... à travers la structure harmonique. Et pour moi, c'est d'abord entendre.

Alors bien sûr, pour cela, j'ai aussi procédé comme je l'avais fait avant pour le Beatles, etc.
J'ai énormément écouté. J'ai essayé de relever. Je me suis attaché au style de pas mal de pianistes, comprendre leur façon de fonctionner, harmoniquement. Au lieu d'apprendre des gammes, j'ai essayé de relever des chorus. Par exemple, prenez le chorus de Cantabile de Petrucciani. Cela va vous paraître d'une complexité dingue... Or, rien de plus simple harmoniquement. Mais voilà, c'est Petrucciani, un immense musicien qui sait ce que swinguer veut dire. Relevez ce chorus, entraînez-vous à le jouer, vous en apprendrez cent fois plus que tous les bouquins où l'on vous dit quelle gamme faire sur tel ou tel accord.
Sur la façon de placer les notes rythmiquement aussi.



Et puis ensuite, adaptez cela à votre sauce. Et faite cela pour tous les morceaux que vous adorez, relevez, relevez, et essayez de vous mettre complètement dans l'esprit de ce qu'il fait. Et puis très vite, cherchez-vous, cherchez au fond de vous votre propre musique.

Bien sûr, après coup, on peut toujours expliquer ce qu'on a joué à tel endroit sur tel accord... Mais c'est parce qu'on veut toujours donner des explications à tout.

Bon, j'espère que cela répond à la question ?
Modifié en dernier par Christof le jeu. 30 juil., 2020 10:30, modifié 1 fois.
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