Berlioz victime collatérale de la médecine ?

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sergueiSLES
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Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par sergueiSLES »

En cette année Berlioz (150e anniversaire de sa mort) j’ai été frappé par le fait que ce compositeur extraordinaire n’a semblé t’il produit aucune œuvre notable pour le piano seul ou en soliste, ce qui est très singulier pour cette époque, et particulièrement pour la musique française.
Je me suis demandé pourquoi.
Dans sa biographie il est indiqué que Berlioz a été initié à la musique par son père, médecin, avec la guitare et le flageolet ( flûte). Mais que, le même père, qui le destinait à la médecine, lui avait interdit le piano craignant qu’il soit trop attiré vers la musique.
Finalement, après une année de médecine Berlioz a opté pour la musique.... mais il ne semble s’être jamais remis de ce « traumatisme «  infantile.
Connaissez-vous d’autres compositeurs majeurs qui aient comme Berlioz négligé le piano?
Et la raison de cette intrigante négligence ?
mieuvotar

Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par mieuvotar »

Question intéressante.

Me viennent à l'esprit spontanément les compositeurs qui ont choisi un genre particulier bien sûr (les "opéristes" notamment, ou les "valseurs viennois"), mais aussi d'autres comme Bruckner, Mahler (à part quelques oeuvres de jeunesse, et je me demande même s'il y en a plus d'une seule), ou encore Richard Strauss. Encore que pour ce dernier, il semble qu'il ait écrit quelques pièces pour le piano, mais elles ont été perdues. Wagner a pour sa part écrit des pièces pour le piano, mais on peut se poser la question si elles sont majeures ou mineures (au sens "importance", pas au sens tonalité :wink: ) dans la mesure où il n'est pas souvent au répertoire de nos grands pianistes actuels. (Ce qui d'ailleurs n'est forcément un bon critère pour juger de l'importance d'une pièce).

Après, quant à savoir pourquoi, j'imagine que ça a à voir avec leur affinité pour l'instrument, qui elle même peut dépendre de leur enfance, leur histoire personnelle, leur culture...

La bonne nouvelle, c'est que ces compositeurs-là, et Berlioz en particulier, ont inspiré de belles transcriptions au piano.
arg

Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par arg »

ahhh ! maintenant je sais enfin pourquoi je suis passée à côté de ma carrière de grande compositrice ! c'est la faute à la médecine !
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sergueiSLES
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par sergueiSLES »

[quote=mieuvotar post_id=360987 time=1552473335 user_id=724
La bonne nouvelle, c'est que ces compositeurs-là, et Berlioz en particulier, ont inspiré de belles transcriptions au piano.
[/quote]

Oui, certainement, en particulier celles de Lizt
Mais cette désaffection de Berlioz interroge
Alors que , à juste titre, le piano est considéré comme le plus « symphonique «  des instruments
La pratique personnelle ou l’affinité, peut être
Mais beaucoup de compositeurs n’ayant pas de lien direct avec un instrument donné ont néanmoins produit des œuvres intéressantes.
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jean-séb
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par jean-séb »

Mais on a quand même déjà parlé ici du piano de Berlioz, ou plus exactement celui de son épouse :
viewtopic.php?p=259490#p259490
pianojar
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par pianojar »

mieuvotar a écrit : mer. 13 mars, 2019 11:35
La bonne nouvelle, c'est que ces compositeurs-là, et Berlioz en particulier, ont inspiré de belles transcriptions au piano.
Pour ceux qui sont intéressés justement la dernière émission de Portraits de famille (podcastée mais pas encore écoutée)
https://www.francemusique.fr/emissions/ ... iano-69686
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Okay
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par Okay »

L’instrument de Berlioz c’est l’orchestre !! C’est l’un des plus grands orchestrateurs et son traité contient toujours des choses à lire au 21e siècle.
Au passage, il est le tout premier compositeur à introduire le piano en tant qu’instrument d’orchestre, dans la Fantasie sur la Tempête, dernière partie de Lélio.
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Arabesque44
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par Arabesque44 »

Il aurait pu être la victime de l'auto-médication lorsqu'il a décidé d'inciser lui-même son abcès de la gorge...Mais il a guéri! Le peu qu'il avait appris de médecine lui aura suffi.
J'écouterai volontier cet épisode de Portraits de Famille. Liszt est un maître en la matière ( ah ses Schubert! =D> )
Il y a beaucoup de choses que j'aime chez Berlioz, et s'il avait écrit pour le piano, probable qu'il figurerait dans mon "top ten" des compositeurs!
je crois me souvenir qu'il attachait beaucoup d'importance à la spatialisation du son ( les cuivres du requiem!) et c'est le cas aussi du passage de la Damnation de Faust où se croisent les choeurs des soldats et des étudiants, les uns chantant rythme binaire en français les autres rythme ternaire et en latin
D'abord les soldats puis les étudiants, puis ensemble..Fascinant, magnifique. Et quelle audace!
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par oiseau.prophète »

mieuvotar a écrit : mer. 13 mars, 2019 11:35Me viennent à l'esprit spontanément les compositeurs qui ont choisi un genre particulier bien sûr (les "opéristes" notamment, ou les "valseurs viennois"), mais aussi d'autres comme Bruckner, Mahler (à part quelques oeuvres de jeunesse, et je me demande même s'il y en a plus d'une seule), ou encore Richard Strauss. Encore que pour ce dernier, il semble qu'il ait écrit quelques pièces pour le piano, mais elles ont été perdues
Alors pour Richard Strauss elles ont pas toutes été perdues car j'avais joué une de ses Stimmungsbilder et ce sont des pièces absolument magnifiques et trop méconnues
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Arabesque44
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par Arabesque44 »

Pour répondre à la question, pas grand chose non plus du côté de Stravinski. Quelques pièces pour enfants , quelques transcriptions, une sonate pour 2 pianos...
Abegg63
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par Abegg63 »

Il me semble bien que Richard Strauss a écrit une sonate pour piano
J’ai quelques petites pièces de Wagner pour piano seul je ne les trouve pas très réussies.
Stravinski a écrit au moins 4 études absolument magnifiques, je ne me rappelle plus l’opus
pianojar
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par pianojar »

oiseau.prophète a écrit : mer. 13 mars, 2019 14:16
mieuvotar a écrit : mer. 13 mars, 2019 11:35Me viennent à l'esprit spontanément les compositeurs qui ont choisi un genre particulier bien sûr (les "opéristes" notamment, ou les "valseurs viennois"), mais aussi d'autres comme Bruckner, Mahler (à part quelques oeuvres de jeunesse, et je me demande même s'il y en a plus d'une seule), ou encore Richard Strauss. Encore que pour ce dernier, il semble qu'il ait écrit quelques pièces pour le piano, mais elles ont été perdues
Alors pour Richard Strauss elles ont pas toutes été perdues car j'avais joué une de ses Stimmungsbilder et ce sont des pièces absolument magnifiques et trop méconnues
Il y a également ces
Klavierstücke op 5
Dans le descriptif de la video une liste des pieces pour piano de Strauss
mieuvotar

Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par mieuvotar »

En effet, R. Strauss a beaucoup plus écrit pour le piano que ce que je croyais.

Cherchant le Stimmungsbilder mentionné par Oiseau.prophète sur YT, je suis tombé sur ce lien


et il y a vraiment de très très belles choses, dont la sonate évoquée par Abegg63.

EDIT: devancé par Pianojar, avec le même interprète :)
pianojar
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par pianojar »

Les partitions se trouvent du reste sur IMSLP
J'en avais déchiffré quelques unes et il y a des choses très plaisantes et "relativement" accessibles
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sergueiSLES
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par sergueiSLES »

Okay a écrit : mer. 13 mars, 2019 13:35 L’instrument de Berlioz c’est l’orchestre !! C’est l’un des plus grands orchestrateurs et son traité contient toujours des choses à lire au 21e siècle.
Au passage, il est le tout premier compositeur à introduire le piano en tant qu’instrument d’orchestre, dans la Fantasie sur la Tempête, dernière partie de Lélio.
C’est juste j’avais oublié cette pièce.
Et c’est quelqu’un qui fait sonner l’orchestre de façon fabuleuse.
Un de mes premiers chocs musicaux à été un concert entendu à 6 ou 7 ans avec la symphonie fantastique ( je crois que c’était dirigé par Georges Prêtre ) Des décennies après j’en ai encore le frisson.
Mais la quasi vacuité de sa production pianistique choque par rapport à d’autres grands symphonistes comme Prokofieff ou Chostakovitch...
J’ai du mal à penser qu’il ne s’agit que d’un choix positif de l’orchestre. Zéro piano renvoie peut être à autre chose de plus intime et personnel lié à son histoire.
mieuvotar

Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par mieuvotar »

sergueiSLES a écrit : mer. 13 mars, 2019 16:35 Mais la quasi vacuité de sa production pianistique choque par rapport à d’autres grands symphonistes comme Prokofieff ou Chostakovitch...
J’ai du mal à penser qu’il ne s’agit que d’un choix positif de l’orchestre. Zéro piano renvoie peut être à autre chose de plus intime et personnel lié à son histoire.
Bruckner, grand symphoniste également, interpelle aussi sur cette 'vacuité pianistique', non ? D'autant qu'il était aussi organiste (ou alors peut-être parce qu'il l'était ?)
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sergueiSLES
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par sergueiSLES »

mieuvotar a écrit : mer. 13 mars, 2019 17:44
sergueiSLES a écrit : mer. 13 mars, 2019 16:35 Bruckner, grand symphoniste également, interpelle aussi sur cette 'vacuité pianistique', non ? D'autant qu'il était aussi organiste (ou alors peut-être parce qu'il l'était ?)
Tu as raison en partie. Il y a clairement un biais de sélection. Le milieu familial très religieux, la pratique de l’orgue à l’église dès le plus jeune âge. Toutefois à côté des 10 magnifiques symphonies, le catalogue comporte quand même près de 30 pièces pour piano à 2 et 4 mains et un peux plus d’œuvres pour voix et piano.
Dans la musique française, 2 compositeurs qui étaient organistes ( Franck et Fauré) ont eu une production pianistique plus que respectable.... non?
Et donc je reste sur ma faim #-o
mieuvotar

Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par mieuvotar »

C’est vrai, il y en a un nombre loin d’être négligeable (nettement plus que chez Berlioz, c’est clair) mais ce sont quand même plutôt des petites pièces, peu significatives. Elles sont d’ailleurs peu enregistrées et interprétées. C’est en ça que je parlais de ce que je vois comme une approche un peu dilettante, ou plutôt secondaire, du piano de la part de Bruckner, comme s’il ne lui donnait pas beaucoup d’importance.
Mais tu as raison, ça ne répond pas à ta question. Désolé de ne pas pouvoir te rassasier.
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Okay
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par Okay »

Il faut aussi rappeler le contexte, au début des années 1830, Chopin et Liszt débarquent à Paris.
Et c’est Berlioz qui les impressionne... sans Berlioz, Liszt n’est absolument pas le même compositeur, l’influence est juste délirante ! L’usage de l’accord diminué, les audaces chromatiques, le retour du dies irae, jusqu’à l’orchestration des poèmes symphoniques. Plus encore : je pense qu’on peut dire que Berlioz est le premier compositeur romantique de l’histoire, et que peu incarnent autant ça, via leur vie et leur œuvre.

Mais si on regarde les choses dans l’autre sens, est-ce que pour un compositeur accessoirement pianiste (Berlioz), cela ne serait pas affreusement inhibant de se retrouver au milieu de deux pianistes d’une trempe pareille, dans le monde des salons et de la brillance où chacun défend ses propres créations ?

Je doute de ce dernier argument, mais il reste vraisemblable...
Néanmoins je pense que la raison principale est juste un désintérêt pour le piano de la part d’un homme qui pense beaucoup plus grand, dans la forme, dans le théâtre, le volume et surtout la couleur ! La 9e de Beethoven, dernière immense percée orchestrale date d’environ 5 ans à ce moment. Et l’orchestre de Berlioz lui fait faire un bond de 50 ans, malgré l’ombre de Beethoven (dont il connaissait très bien l’orchestre)... je peux très bien comprendre qu’un tel compositeur n’ait aucun intérêt à écrire pour le piano.
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sergueiSLES
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Re: Berlioz victime collatérale de la médecine ?

Message par sergueiSLES »

Okay a écrit : mer. 13 mars, 2019 20:56 Il faut aussi rappeler le contexte, au début des années 1830, Chopin et Liszt débarquent à Paris.

Mais si on regarde les choses dans l’autre sens, est-ce que pour un compositeur accessoirement pianiste (Berlioz), cela ne serait pas affreusement inhibant de se retrouver au milieu de deux pianistes d’une trempe pareille, dans le monde des salons et de la brillance où chacun défend ses propres créations ?

Je doute de ce dernier argument, mais il reste vraisemblable...
Néanmoins je pense que la raison principale est juste un désintérêt pour le piano de la part d’un homme qui pense beaucoup plus grand, dans la forme, dans le théâtre, le volume et surtout la couleur ! La 9e de Beethoven, dernière immense percée orchestrale date d’environ 5 ans à ce moment. Et l’orchestre de Berlioz lui fait faire un bond de 50 ans, malgré l’ombre de Beethoven (dont il connaissait très bien l’orchestre)... je peux très bien comprendre qu’un tel compositeur n’ait aucun intérêt à écrire pour le piano.
On pourrait aussi renverser le 1er argument ... un tel contexte aurait pu au contraire être un puissant stimulant...
Pour le second... cela se tient ...
On rapporte ce mot de Berlioz à sa sœur après un grand concert donné à Saint-Petersbourg :. «Comme j’ai bien conduit, comme j’ai bien joué de l’orchestre!» 
Cette idée a été reprise par le grand critique musical russe Stassov : « L’orchestre est pour Berlioz ce qu’est le piano pour Liszt. Comme Liszt, qui connaît tous les secrets intimes du piano, Berlioz connaît tous ceux de l’orchestre. Il l’astreint à entrer dans des voies nouvelles, à produire des résonances que l’on n’a jamais entendues. Il l’oblige à se soumettre à son bâton et à jouer comme personne n’a jamais joué antérieurement. […] Personne plus que lui n’a certainement travaillé si profondément l’art de la représentation orchestrale; personne plus que lui n’a éprouvé la joie de jouer de l’orchestre (comme il le dit lui-même). Son oreille étonnante entend chaque nuance, même la plus fugitive. […] C’est comme si les musiciens assis devant lui n’étaient pas des hommes mais des touches d’un clavier: il les joue avec ses dix doigts et chacune produit précisément la sonorité voulue »
Il semble aussi que Berlioz avait une grande méfiance pour ne pas dire plus vis à vis du culte de l’époque pour les virtuose...
Il n’aurait pas voulu alimenter ce travers par ses compositions ?
On ne saura sans doute jamais les raisons exactes de ce refus mais, quand on écoute la puissance et la beauté de ce que Berlioz tire de l’orchestre, on ne peut que rêver sur ce qu’il aurait pu composer pour levpiano
Too bad
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