Jeu mental

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
jdesert
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Jeu mental

Message par jdesert »

Bonjour à tous ,

J’espérais ne pas écrire un pavé, donc en italique la partie facultative.

Je parcours ce forum depuis des années sans participer.
Pour me situer un peu, je suis musicien depuis tout petit (saxophoniste), j’ai fait un petit conservatoire régional et me suis arrêté juste avant l’exam de fin d’étude. J’aimais beaucoup cet instrument, qui me permettait de déchiffrer à vue jusqu’à un niveau plutôt cool. En arrivant sur Paris, je me suis pas mal calmé sur l’instrument à cause des nuisances sonores. Et j’ai donc acheté un premier piano numérique.
Mon répertoire n’est pas fou : je joue plus ou moins bien comptine d’un autre été, d’autres morceaux de niveau similaire.
Pour un mariage, j’ai travaillé un morceau d’un niveau bien supérieur : Peter Bence Sia Cheep Thrills. J’ai passé plus d’une centaine d’heure, et j’ai adoré relevé tous les défis qui se présentaient. Je dois dire que le résultat final n’était pas au niveau de mes attentes en terme de vitesse, j’avais encore du stress. Mais ça m’a donné le sentiment que tout est possible en prenant la bonne méthode.
Autre précision, je n’ai pas de prof actuellement, même si j’en ai eu 3 sans qu’aucun ne me satisfasse.
Dernier point, mon répertoire est constitué essentiellement de pièces non classiques, alors que c'est ce que je rêve d'apprendre :lol: .

Tout ça pour dire que j’en suis à un moment où j’aimerai prendre les choses en main sans griller d’étapes.
Sur un forum piano ami anglophone, un utilisateur assez respecté parle du jeu mental, défini de mémoire comme suit :
Capacité d’un pianiste de regarder une partition et
- de voir ses doigts appuyer sur les touches du clavier
- d’entendre le morceau dans sa tête

La partie qui me semble la plus compliquée est la première, puisqu’elle implique de mentalement se représenter toutes les touches du piano…

Les bénéfices d’un jeu mental solide semblent évidents. Le coup de boost proposé sur le temps de préparation d’un morceau me fait rêver.
L’inconvénient est que ça paraît assez complexe à mettre en place.

Ayant été un grand fan de Bazardeux à l’époque de son post mon parcours, j’aimerai partager mes objectifs et suivre mes progrès dans ce sujet.
Le plan de travail est relativement simple : 4 fois par semaine, prendre des bouts de pièces très simple et pratiquer le jeu mental et vérifier sur le piano.

En pratique, je sens qu’au début ça va ressembler à quelques mesures :
- visualisées main par main
- visualisées mains ensemble
- jouées au piano pour vérification, en se concentrant sur la décontraction, les nuances
Puisque les pièces seront très simples, je ne sais pas si j’insisterai trop sur la partie interprétation.

Je vais commencer très doucement pour pas me décourager trop vite(pour info j’ai fait un essai rapide pour avoir une idée de la difficulté, et bon, ça me paraît vraiment chaud mais atteignable).
N’hésitez pas à me faire parvenir vos astuces/conseils, je vous fais signe demain pour le premier test.

JD
Pierre Salich
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Re: Jeu mental

Message par Pierre Salich »

Ton post me fait penser à cette passionnante interview de Berezovsky qui contient un passage clef sur ce qu'est la virtuosité réelle et en quoi elle est liée à l'oreille - laissant à penser qu'au fond la vieille distinction technique/musicalité appréciée des critiques patentés est bien plus artificielle qu'on ne le pense - voici le passage en question :

"Tout le monde parle de la virtuosité, les critiques, le public, les pianistes eux-mêmes, comme d’une chose extraordinaire, et souvent comme d’une chose à connotation négative. Pour moi la virtuosité n’est pas affaire de digitalité. Pour faire preuve d’agilité extrême avec ses doigts, il faut d’abord entendre la musique avec virtuosité. Si vous ne percevez ni ne concevez clairement ce que vous avez à jouer, c’est terminé, autant appuyer sur les touches au hasard, la mécanisation, les exercices ne vous seront d’aucun secours. Le piano de haut niveau est affaire de cerveau et de transmission directe de l’influx nerveux. "

et l'interview en entier : https://www.jejouedupiano.com/le-mag-du ... ovsky.html

Tout ça me terrifie, moi qui une fois un morceau appris finis bien souvent par en faire une sorte de récitation mécanique :cry:
Heureusement qu'il précise que cela vaut pour "le piano de haut niveau".
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EMVince
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Re: Jeu mental

Message par EMVince »

Ca semble séduisant comme idée. Après il faut s'y tenir et croire aux potentiels bienfaits d'un tel exercice ; en effet si on commence à avoir des doutes sur l'efficacité du truc, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de chance que l'on continu, tant ca a l'air d'être éprouvant et nécessité, rigueur, régularité, et mobilisation mentale assez folle j'imagine =P~ la volonté me manque pour ce genre de travail :?
J'ignore pourquoi la neige est blanche, mais ca ne m'empêche pas de la trouver très belle.
pianojar
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Re: Jeu mental

Message par pianojar »

En tout cas une très intéressante interview de Berezovsky mais cette "histoire" de virtuosité restera tout de même un grand mystère pour le pianiste de niveau très moyen. Entre la compréhension de ce qu'il faut faire et la réalisation.......... ou alors c'est que la compréhension elle-même est mauvaise :(
Cela recoupe les nombreuses anecdotes concernant les pianistes capables apprendre les oeuvres à la table.....un mystère de plus :)
Pierre Salich
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Re: Jeu mental

Message par Pierre Salich »

pianojar a écrit : mer. 27 sept., 2017 20:45 En tout cas une très intéressante interview de Berezovsky mais cette "histoire" de virtuosité restera tout de même un grand mystère pour le pianiste de niveau très moyen. Entre la compréhension de ce qu'il faut faire et la réalisation.......... ou alors c'est que la compréhension elle-même est mauvaise :(
Cela recoupe les nombreuses anecdotes concernant les pianistes capables apprendre les oeuvres à la table.....un mystère de plus :)
Tel que je me l'imagine (mais je raconte peut-être n'importe quoi), on peut sans doute décomposer cette compréhension, ou plutôt cette anticipation par l'oreille et le cerveau en deux échéances :

- une première échéance à très court terme, celle qui permet la virtuosité pure : à chaque instant, même au milieu du trait le plus difficile, il faudrait être capable de savoir que la fraction de seconde qui suit on va jouer telle note ou tel accord, qu'on visualise et pressent le mouvement qu'il faudra faire, qu'on sait ou on sent comment on va la timbrer, l'accentuer etc, et pareil pour les notes qui suivent, et qu'en même temps on sait quel son ça va produire. Du coup le cerveau est parfaitement au clair, et, ne faisant rien de manière mécanique, n'abandonnant rien au libre cours des doigts qui feraient ainsi machinalement ce qu'ils ont appris à faire par la répétition, on joue en toute tranquillité et en toute maîtrise.

- une seconde échéance de beaucoup plus long terme, qui suppose de connaître et d'avoir beaucoup travaillé le morceau, et qui conduit à décider de jouer le passage qui vient non pas seulement en fonction de celui-ci, mais aussi en fonction de ce qui a précédé (depuis le début du morceau) et de ce qui va suivre (jusqu'à la fin), c'est-à-dire une capacité de l'oreille et de la connaissance musicale qui permet de faire ressortir l'architecture de l’œuvre, de jouer chaque note en fonction de la manière dont on joue tout le reste.


Mais j'aimerais bien savoir ce qu'un pianiste de très haut niveau en pense.
jdesert
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Re: Jeu mental

Message par jdesert »

La question de Pierre s'adresse donc pas du tout à moi lol.
J'aime beaucoup cette citation (d'ailleurs j'aime beaucoup ce pianiste dans les études transcendantales de Liszt), qui va sûrement dans le sens que je vise, mais à un niveau tout autre.

J'ai commencé l'entraînement et c'est bien chaud, comme anticipé.

La pièce que je vise est d'un niveau enfantin : Mozart K2.
k2.png
k2.png (61.06 Kio) Vu 5186 fois
J'ai tenté de travailler la première mesure avec la première note de la deuxième.
La visualisation de la main droite (fa la do do ré) est moins évidente que ce que j'anticipais. J'arrive à visionner un truc relativement pas trop flou mais je vise un truc parfaitement clair ici, donc du boulot.
La main gauche se visionne plus facilement.

Par contre, visualiser les deux mains ensembles m'a paru impossible. J'ai donc triché pour monter d'une octave la main gauche (imaginer trop de touches d'un coup est simplement impossible pour moi pour l'instant). Même comme ça c'est compliqué, mais en me concentrant que sur les touches noires, j'ai pu visualiser quelque chose de très flou par contre.

J'ai fait ça par petites tentatives de quelques secondes puisque mentalement c'est assez fatiguant. Mais ça s'annonce prometteur :D
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Christof
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Re: Jeu mental

Message par Christof »

Merci j desert d'avoir lancé ce fil passionnant.
De mon côté, je pense que le jeu mental est un préalable incontournable. Je ne l'ai pas pratiqué tout de suite (d'ailleurs je n'y avais jamais pensé à l'époque) alors que j'estime maintenant cela comme fondamental. On devrait d'ailleurs l'enseigner aux enfants dès les premiers cours. A mon avis, tout part de là.

Je voudrais ajouter aussi que s'entraîner à voir ses mains, c'est bien, mais avant de commencer, il est absolument nécessaire d'étudier profondément la partition (et quand je dis étudier, cela va très très loin). S'entraîner déjà à entendre la musique, dans toute son essence. Faire jouer à fond sa capacité de solfège chanté, si on le possède, ou alors, préalablement bien écouter l'oeuvre jouée par différents artistes. Trouver l'interprétation que l'on aime le plus (il peut avoir des parties d'un morceau jouées par un artiste qui vous plaisent plus que d'autres, mais pas le milieu du morceau, et là, pour ce passage, c'est un autre qui va plus vous convaincre). Écouter partition en main. Entendre les dosages, comment par exemple cet artiste joue les indications "piano", puis "mezoforte", "forte" au sein de ce même morceau. Les silences aussi. Relier ce qu'on entend aux indications de la partition. Voir ce qu'en fait l'artiste. Voir ce que nous nous voudrions en faire.

Et chanter en même temps.
J'estime que tout est là : chanter.

Chanter comme si on était l'un des instruments d'un orchestre, s'imaginer qu'on joue de cet instrument, entendre comment le jouerait cet instrument. Sentir aussi les sensations qu'on pourrait avoir en jouant de cet instrument . Ce n'est pas parce que c'est un morceau de piano qu'il faut forcément imaginer un piano. Pour ma part, j'imagine souvent le chant lead joué par un violoncelle (il faut dire que j'en joue). Alors je chante la phrase, avec l'intonation, les nuances, la dynamique, l'exacte durée du son. Je pense au geste : comment vais-je aller chercher cette première note, comment va s'articuler la phrase, comment va -t'elle finir, comment le son doit-il s'éteindre. En chantant, je fais même les gestes de l'archet. L'autre jour, j'ai regardé le film "Le premier jour du reste de ta vie" et on y voit un passage où il y a une espèce de concours. Les candidats ont choisi un morceau de pop, pas forcément le même, où l'on entend un super solo de guitare électrique. Une bande passe, le candidat est sur scène et doit mimer le fait qu'il a la guitare dans les mains, qu'il joue vraiment, comme si la guitare était là. Celui qui gagne est celui qui arrive finalement à faire oublier qu'il n'a pas de guitare, mais tout est là, tellement là, habité dans tout son corps. Soudain, le candidat est la musique.


Tout ça pour vous dire que cela fait aussi parti du jeu mental. Pour moi c'est le départ. Si par exemple je vais jouer du jazz, et que je décide que je ferai une walking bass au piano à la main gauche, je la chante avant de n'avoir joué, au plus près de ce que cela serait si cette walking était jouée par un contrebassiste. Alors cela change tout, les intonations...
jdesert a écrit : mer. 27 sept., 2017 16:29 Puisque les pièces seront très simples, je ne sais pas si j’insisterai trop sur la partie interprétation.
La partie interprétation est la base. Elle vient avant tout. C'est ce que j'explique au dessus. Le fait d'étudier profondément la partition avant de jouer.
Comment est la phrase, quel est l'intensité, le son de chaque note, dans la main droite, dans la main gauche, qu'est-ce qui est mis en avant. Par exemple, dans ces quatre mesures du menuet en Fa majeur de Mozart, quel est le son exact de la mg, comment chantes-tu par exemple le passage du si au do (fin de deuxième mesure et début de la 3e) puis comment chantes-tu cet octave du do au do, quelle est la consistance de la note d'arrivée... et puis celle du fa d'après... Et tout est comme ça. A la md, comment chantes-tu la première noire par rapport à ce qui précédait, que se passe-t-il entre les deux do, comment alors est ce deuxième do... etc. Avant de jouer, il faut chanter, savoir déjà tout cela. Un choix que tu vas faire, que tu dois réfléchir.

Là, on parle de 4 mesures, mais avant de commencer, on doit regarder l'ensemble de la partition. Voir s'il y a des répétitions, des reprises. Par exemple, dans ce dernier cas, comment interprètera-t-on cette reprise par rapport à ce qu'on avait entendu avant. Trouver les passages clés, les résolutions. Se faire une idée du son à chaque fois. Des couleurs que l'on voudra mettre. Avoir une idée "supérieure" de la pièce, un fil de conduite.
Une fois la partition bien "comprise", je commence alors à visualiser mes mains. Mais attention : le doigté doit être déjà là. Il faudra se voir jouer avec le bon doigté. Ce qui veut dire qu'avant de passer à la visualisation proprement dite, je commence à regarder (et je m'oblige à ne pas le faire au piano) quel sera le doigté qui s'impose. Et c'est aussi une des choses fondamentales. Parce que commencer - comme on le fait souvent - , à prendre un morceau et à s'asseoir directement au piano et commencer à jouer, le travailler (souvent mal), ne pas être bien attentif à tel doigté, au son, ... et le cerveau a déjà "engrammé" l'erreur. Alors bonjour les dégâts après pour corriger le tir. Alors, être sûr du doigté avant que de n'avoir joué, et avoir pu visualiser avant que de n'avoir joué. Et puis avoir les nuances en tête aussi. Elle font partie de la substance. La substance n'existe d'ailleurs que par elles. Comment on habite le silence.

Souvent, quand je commence un nouveau morceau, une fois la partition étudiée, je ne vais pas commencer forcément par visualiser en commençant de la première mesure... Non, je repère (mais il faut dire que j'ai une certaine pratique) la partie du morceau la plus "compliquée". Par exemple, si on prend la Danza de la moza donosa (je viens de commencer ces jours derniers), je vais directement débuter le travail par la partie centrale. Parce que je sais que lorsque celle-là aura été "imprimée dans mon esprit", chantée exactement comme je le veux, chaque note des accords connues dans ma tête, leurs interelations... (ce qui fait que je peux réécrire la partition de tête), le reste coulera bien plus facilement.



C'est un entraînement difficile, qui demande une concentration folle, et c'est épuisant. Sauf que c'est payant, on ne peut imaginer à quel point.

Alors bien sûr, il faut commencer par des morceaux faciles. Mains séparées. Un petit passage, quelques mesures. Et si on n' arrive pas à voir le piano, les touches, poser sa main sans jouer, sur le piano. Et alors, regarder mentalement sa main jouer, par exemple en chantant et en récitant les notes en même temps (dans mon cas, je ne récite pas les notes, je chante juste car j'ai tellement appris à improviser que je trouve assez naturellement quelle note correspond au chant... ).
Ensuite, s'éloigner du piano, et visualiser. Visualiser ses doigts, les gestes, essayer de sentir le toucher, les sensations physiques dans la main, le poignet, tout le corps, la pulsation interne aussi au niveau du ventre.. Sentir aussi la décontraction, l'espace (j'en avais parlé dans un autre fil de ce que j'appelle l'espace) pendant qu'on joue, qu'on visualise, qu'on chante aussi (en émettant les sons, ou mentalement). Se sentir bien. Se regarder aussi en train de jouer.
Travail des mains séparées.

Et puis, pareil, si c'est impossible de bien visualiser l'écart entre les deux mains, aller au piano, poser les mains où elle doivent être, juste les poser, ne pas jouer. Regarder, regarder.
Puis s'éloigner du piano et visualiser. Les touches, l'écart qu'il y avait entre les mains. Puis se voir jouer les deux mains... Etre la musique, sans le piano.

Se voir jouer les deux, dès le début avec les exactes nuances (c'est très important), dans un tempo lent, mais où tout est en place. C'est très important (à mon avis) d'avoir déjà dans la tête ce qui se passe dans les deux mains, avoir une idée "au-dessus", même si après on va "contrôler" qu'on a bien travaillé mentalement, en commençant par les mains séparées.

Le travail mental consistera aussi ensuite à passer au bon tempo, augmenter petit à petit la vitesse (mais finalement, cela va très vite).

J'espère que ce que j'écris est clair.... J'écris un peu au fil de l'eau. Il y a tellement à dire.
En tous cas, le jeu mental est génial et développe un sens musical extraordinaire. Et puis, lorsqu'on fait cela, on vit en musicien, on pense sans arrêt en musicien. Et puis, finalement, on n'est plus vraiment un élève. On est "décideur" de son jeu. On est bien plus habité par la musique.
Pas besoin d'avoir le piano dans la pièce pour continuer à travailler.
Je passe pas mal de temps dans les transports. J'ai toujours des partitions avec moi.
A Jourdain, je regarde mes mains. A Pyrénées, ahhh mon dieu, qu'il est beau ce ré, à Belleville, pile sur le passage en trilles, à Goncourt chaque main à son tour....

Ajouté après avoir posté mon message :
Ce qui est important aussi, c'est de toujours choisir un morceau qui est dans ses cordes. Pour moi, il n'y a pas de "petit morceau". C'est de la musique, ou cela n'en est pas. Et toujours vouloir aller vers la perfection (et je crois que là, c'est toute une vie).
On ne devrait jamais passer à autre chose, avant d'avoir été le plus loin que l'on peut dans un morceau. Et pour aller le plus loin, ce morceau doit être à notre niveau. Sinon, on joue finalement tout mal.
Et c'est aussi pour cela que le jeu mental remet bien les pendules à leur place en cette matière.

Une expérience qui pourrait être intéressante à faire : essayer d'oublier un morceau (pièce pas difficile) que l'on a joué, et que l'on a mal travaillé... où l'on fait toujours les mêmes erreurs en le jouant. Qu'on a "salopée". Se laver le cerveau. Et c'est exactement ma démarche actuelle.
Faire comme si on le découvrait ce morceau. Oublier tout. Et le réaborder de zéro, par le jeu mental. Le retravailler vraiment. Au fond de ses fibres.

Et découvrir alors la puissance de cette approche.
jdesert
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Re: Jeu mental

Message par jdesert »

Merci beaucoup Christof pour ton post très riche.

Ce que tu expliques est l'approche que j'ai envie d'adopter dans le long terme. Je voulais m'essayer en premier lieu à la partie visualisation puisque c'est ce qui me paraît le plus compliqué (j'avoue être ici influencé par des notions de gestions de projet basiques, commencer par la partie la plus risquée. Mais à la réflexion, faire de la musique avec un objectif non musical n'est pas du tout mon objectif).

En lisant ta prose, j'ai envie de mettre en place directement la méthode complète. J'imprime de ce pas la partition pour me livrer à une première analyse de la pièce ce soir, en écoutant. Je n'ai pas encore pu regarder ta vidéo mais j'ai hâte de voir ça.
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Christof
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Re: Jeu mental

Message par Christof »

jdesert a écrit : lun. 02 oct., 2017 16:52 Merci beaucoup Christof pour ton post très riche.
Merci beaucoup pour ton retour jdesert. Tu ne peux pas savoir comme cela me fait plaisir. Parce que je sens que tu as compris toute l'importance du jeu mental et que tu veux aller bien plus loin. Et je sais aussi l'engagement et le courage que c'est parce que cela représente aussi tout un chamboulement.

Et pour nous tous, musiciens, avec cette pratique, une chance de moindre sottise.
Une chance d'être enfin la musique.
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Re: Jeu mental

Message par pianojar »

Du grain à moudre !
Glenn Gould a dit qu'il lui semblait étrange qu'on pût aller se mettre au piano pour trouver l'approche tactile d'une partition.
Presto
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Re: Jeu mental

Message par Presto »

Pour ma part, je serais extrêmement prudent sur le "jeu mental", il est sûr qu'il vaut mieux avoir une idée de la pièce avant de la travailler, sinon ce n'est pas la peine. Ce qu'il y a de rassurant, c'est que les idées évoluent ! parce que sinon pour ma part, ce ne serait pas brillant ! Et cette idée est-elle forgée de l'étude seule de la partition ? non. Nous avons tous nos écoutes, faut s'en extraire. Et là où ça m'intéresse, c'est qu'à travailler un morceau mon écoute des autres change...
Et puis, le chant, oui, bien sûr, mais chanter... , ou au moins phraser, ça s'apprend. Et combien de fois mon prof souligne des choses que j'avais remarquées sauf que ça ne sort pas et qu'empêtré dans les difficultés j'ai fait tout le contraire, et que son coup de pate sur le clavier fait que soudainement ça prend corps.
J'en connais une qui travaille principalement ses partitions en les lisant, mais en tant qu'apprenant ad vitam aeternam, je ne pense pas qu'on puisse faire l'économie de l'aride dialogue instrument/musique. L'oreille guide certes, mais l'oreille s'éduque au fur et à mesure au contact de la réalité. Bref, comme disait un de mes profs d'histoire, vaut mieux avoir la problématique de ses moyens que la problématique sans les moyens
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Re: Jeu mental

Message par pianojar »

Je te rassure pour ma part je ne faisais que citer et si cette assertion pouvait paraitre évidente à quelqu'un comme Gould, je pense que pour le commun des mortels (pianistes) c'est assez irréel.
Presto
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Re: Jeu mental

Message par Presto »

T'en fais pas, :wink:
On trouve des propos pareils de beaucoup d'autres, Bere, Gieseking, Volodos etc, mais ils sont sur une autre planète, et ce qu'ils ne disent pas, c'est le temps qu'ils ont passé sur l'instrument jeunes et durant le reste de leur vie d'ailleurs !
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
pianojar
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Re: Jeu mental

Message par pianojar »

En tout cas il est vrai que Gould adolescent était un stakhanoviste de l'instrument
Presto
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Re: Jeu mental

Message par Presto »

fabuleux musicien au demeurant ! irremplaçable pianiste à mon avis. Un des seuls qui je crois s'est élevé au niveau de Bach dans Bach.
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
pianojar
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Re: Jeu mental

Message par pianojar »

Je crois qu'il devait avoir une compréhension intime et fusionnelle de cette musique, chaque note devait lui parler et l'architecture des notes et des phrases ne devait avoir aucun secret pour lui. Par contre essayer de s'inspirer de son jeu est une voie fort périlleuse pour l'amateur !
Presto
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Re: Jeu mental

Message par Presto »

Pas seulement pour l'amateur, je me souviens avoir lu une interview d'un très très grand pianiste, Radu Lupu, c'était dans Diapason mais il y a longtemps, quant il faisait des CD , il disait s'être fait ensorceler par Gould et qu'il avait travaillé et travaillé pour s'en approcher jusqu'à ce qu'il s'aperçoive que ce n'était pas possible... :wink:
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
Presto
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Re: Jeu mental

Message par Presto »

Dans le genre des supra-doués, cette vidéo est monstrueuse, et youp, de Mozart au piano , pas une note de travers, à Brahms au cello, c'est pas si dur 8) :
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
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Christof
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Re: Jeu mental

Message par Christof »



Passage des plus intéressant à 1'20 puis quand il va à la fenêtre et revient au piano...
Presto
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Re: Jeu mental

Message par Presto »

Ach oui ! c'est un classique de yt cette vid, il déploie plus d'activité en 3 minutes que je n'en ferai jamais en 2 heures ! La musique ne le lâchait pas, tu les connais mieux que moi mais il y a aussi une vid où on le voit se promener en pleine nature, loin d'un piano, et l'intensité musicale n'est pas moindre !
Je n'aime pas employer le mot pour un interprète, mais Gould était un génie à mon sens !
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
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