Désolé pour les enregistrements, mais je suis petit à petit en train de fermer mes pages YouTube et SoundCloud (pour cette dernière, j'espère que plus rien n’est désormais accessible). Ca peut clairement me causer des soucis de laisser des enregistrements de qualité inégale disséminés sur le net, en dehors des quelques uns sélectionnés sur mon site…
Tiens, ben j’étais totalement passé à côté de cette Tarentelle ! C’est une bien bonne idée de jouer ça au premier tour des grands amateurs. En effet la cloche sévit toujours au premier tour, mais je doute très très fortement qu’on t’interrompe en pleine bravoure lisztienne (toute la fin de cette pièce), vu que c’est précisément ce qui est attendu des candidats…
Puisque tu comptes la travailler pour le concours, voilà quelques pistes à partir de cette vidéo. Je ne reviens pas sur toutes les bonnes choses, pour signaler l'essentiel de ce qui pourrait à mon avis être amélioré.
Première partie:
- en effet, le son du début n’est pas assez agressif, surtout à la main gauche, qui peut facilement être rendue plus diabolique.. C’est plutôt bien conduit mais notamment les accords après le tout début doivent être beaucoup plus nerveux. Pour faire ça, il faut un gros impact sec du 5e et alléger énormément les notes en dessous. Ce début doit saisir et impressionner, c’est important.
- pour donner plus de chic au passage de notes répétées (pas obligé de jouer plus vite, mais tu peux gagner pas mal de brillant), il faut les structurer un peu plus avec des vrais accents sur les temps forts, et traiter le pouce de la gauche avec la même nervosité que le 5 de la droite dans l’introduction. Je ne suis pas très convaincu par l’octave de ré adouci, ça fait « joli » mais pourquoi refuser le coup de talon ici ?
- la droite à 7:07 ne peut pas être rythmiquement en accordéon comme ça, tu peux chanter et mettre de la pédale, mais ça doit être très carré.
- le départ des octaves alternés à 7:13 est bien léger, ça fait bizarre je trouve, on est dans l’extrême aigu et il faut je pense davantage « crier » le son au deux mains, et peut-être accélérer plus tôt si tu pars avec un petit ralenti, c’est un peu trop suspendu
- le passage en accords est pas mal, à réfléchir si ça doit être si sautillant, ou au contraire un peu plus lourd et imposant un peu plus comme tu fais la 2e fois autour de 8:30, en tenant davantage les accords (surtout le haut). Pour les arpèges, ça aura plus d’allure en séparant à peine le mi b d’en haut de la levée d’octave de fa
- pour arranger la diction du passage à 7:40, il faut faire attention à bien attaquer la 2e double note (la 3e du triolet)
- le passage autour de 8:00, c’est certes la main droite qui attire la concentration du pianiste avec ces sauts d’octaves brisés, mais c’est la gauche qui conduit, il faut pouvoir suivre le pouce gauche
- Attention tu presses à 8:42 la toute fin, il faudra aussi travailler la précision de cette main droite, qu’on puisse bien suivre les attaques de la mélodie à l’intérieur une croche sur deux
Partie centrale :
Cette musique doit charmer, chercher très ostensiblement à séduire (dans le sens romantique le plus explicite). Dans l’idée, on pardonnera plus facilement un ou deux traits qui ne passeraient pas bien (et là, tu te débrouilles très bien avec toutes les saletés sorties de l’imagination de Liszt) que ce manque d’intention.
- Je ne suis pas du tout convaincu par le chant dès le départ. Le principal problème est qu’il faut prendre le temps de jouer expressivement chaque lien entre une double croche et la croche pointée suivante, et ne surtout pas raccourcir le point. Ce problème est quasi systématique… c’est la première chose à régler ici sur l’ensemble de la partie centrale à chaque fois que ce rythme se présente.
- La main gauche doit être plus stable en rythme, c’est la droite qui se pavane, mais si tu écoutes la gauche, ça doit quasiment pas bouger une fois la basse posée. Ca n’arrive pas toujours mais sois vigilant…
- Les fins de phrases, en particulier les ornements ou gruppettos qui finissent les phrasent sont rarement expressifs. C’est important... car ça donne une impression de négligé.
- Le passage vers 11:30 est davantage dramatique, ce qui devrait s’arranger tout seul en réglant le premier point de la partie centrale, bien qu’il faudra aussi plus de tension.
- Le passage à 12:40 démarre très bien dans son côté émerveillé, fais attention à nouveau à ce problème de note longue du chant qui est raccourcie, ton chant est joué quasiment en triolets (ici c’est le silence qu’il ne faut pas manger)
Dernière partie
- Les accords et octaves à 14:20 doivent être plus brillants individuellement, et pas tous pareil dans l’intention. Le passage manque de direction. Il faut dessiner les phrases, aller chercher les sommets, insister sur ce qui est dramatique…
- Dans la dernière section à 14:50, je ne pense pas qu’il soit utile d’accélérer comme ça le tempo, car on perd pas mal la diction et surtout tu risques l'essoufflement. C’est plus bousculé alors qu'on cherche je pense un rendu exalté. Le principal n’est pas d’aller vite, mais de jouer détaillé et avec de la direction, et un son qui projette bien (quitte à ne pas aller aussi vite pour avoir du son)
- Quand le 2e thème arrive en accords (passage en sol majeur), il faut surveiller que la note du haut soit attaquée à chaque note sans trou. On peut davantage alléger les montées sans chant pour structurer.
- Il faut faire quelque chose des accords à 15:06, peut-être plus de majesté… à nouveau je ne suis pas convaincu par le côté sautillant, surtout quand on est en plein coda. Je pense qu’il faut chercher moins de sécheresse, ou alors sinon il faut vraiment trouver un moyen d’exprimer plus d’allégresse dans le discours.
Vu tes moyens, je pense que c’est un très bon choix pour le premier tour. Une fois tout le travail réalisé, en particulier pour vraiment saisir l’auditoire dans les 3-4 premières pages (la première impression est cruciale), raconter autre chose dans la partie centrale, je pense qu’il y a de quoi nourrir quelques ambitions