Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

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nox
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Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par nox »

Une petite réflexion, qui m'a amené à pas mal réfléchir récemment, et que je voudrais partager.

Dans une interview de Schiff (interview très intéressante, spéciale dédicace aux PMistes qui contestent la toute puissance de Bach, car Schiff nous explique en somme que ce compositeur est sans conteste le plus grand de tous :mrgreen: ), il dit :

"Je ne comprends pas les jeunes pianistes de nos jours, qui à 12 ou 13 ans jouent les Variations Goldberg [...] sans avoir quasiment jamais joué d'autre pièce de Bach auparavant. On ne peut pas partir du sommet."
Il précise le chemin qui peut amener à ce sommet, en partant du petit livre d'Anna Magdalena, puis en passant par les inventions à 2, puis à 3 voix, et en continuant avec le clavier bien tempéré. On passe ensuite sur les "Clavier Übungen", que l'on désigne rarement sous cette appellation, mais qui correspond à :
Partie I : Six Partitas, BWV 825-830 (1726 - 1730)
Partie II : Concerto italien BWV 971 et Ouverture dans le style français (Ouverture nach französischer Art), BWV 831 (1735)
Partie III (surnommée Orgelmesse par Albert Schweitzer) : Prélude et fugue, BWV 552 ; Choralbearbeitungen, BWV 669–689 (1739) ; 4 Duos, BWV 802-805.
Clavier-Übung (sans numéro de partie) : Aria avec divers Variations, plus tard surnommées Variations Goldberg (BWV 988, 1741)

Ce cheminement se finit par l'Offrande musicale.

Depuis que j'ai entendu cette réflexion, je me suis plongé dans les inventions à 2 et 3 voix, et c'est un cahier que je rejoue régulièrement depuis.
Outre le plaisir purement pianistique, car ces inventions sont magnifiques, j'y trouve un réel plaisir didactique. Cela me donne l'impression de regarder derrière moi, pour consolider des acquis (ou des choses que je croyais acquises).

Je pense que c'est une réflexion saine, et qui doit être valable pour beaucoup de grands compositeurs (mais pas tous ! Bon courage pour faire la même démarche pour Brahms ou Schumann !).
Cela rejoint aussi une conviction personnelle, qui est que la patience est la plus grande des vertus dans l'apprentissage d'un instrument. Ou plutôt, inversement, que l'impatience est notre plus grand ennemi.

Qu'on soit amateur ou professionnel, à partir du moment où l'on cherche à progresser, il est important de regarder parfois derrière soi, pour se souvenir d'où on vient, et de savoir aussi où on veut aller.

Personnellement je rêve depuis longtemps de pouvoir jouer l'op.110 de Beethoven, ou la D960 de Schubert, mais je sais que je ne suis pas prêt pour ça.

Voilà, je ne sais pas si cette petite introspection amènera beaucoup de discussion, mais si cela peut profiter à d'autres, c'est avec plaisir que je la partage.
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Lee
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par Lee »

:) Merci Nox
nox a écrit : jeu. 21 sept., 2017 11:04 Qu'on soit amateur ou professionnel, à partir du moment où l'on cherche à progresser, il est important de regarder parfois derrière soi, pour se souvenir d'où on vient, et de savoir aussi où on veut aller.
Exacte ! Je suis un pianiste qui venait de Bach, et je ne veux jamais plus jouer Bach au piano. :mrgreen:
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nox
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par nox »

Traduction : je suis un pianiste qui après avoir essayé de jouer avec les deux mains préfère se couper un bras :mrgreen:

Mais bon, le but n'était pas forcément de relancer un énième débat sur Bach (même si j'espère quand même que cette interview éclairée pourra redonner l'envie de découvrir Bach à des gens plus ouverts :) ), mais plutôt sur la réflexion et la construction de sa progression.

On a tous des oeuvres qu'on aimerait jouer, mais parfois (souvent), on les juge hors de notre portée et on s'arrête là. Mais réfléchir et construire marche après marche un chemin (même très long) pour y parvenir peut être une très bonne démarche, qu'on fait sûrement tous trop peu.
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Lee
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par Lee »

C'est vrai que j'ai trop peu réfléchi sur "la construction de ma progression" dans le passé, mais c'est aussi une réfléxion qu'un bon professeur peut faire.

...mais finalement les oeuvres trop difficiles pour moi ont fini par être convaincantes. Ce n'est pas beau ça ? :mrgreen:
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par Tatafanfan »

nox a écrit : jeu. 21 sept., 2017 11:04 Une petite réflexion, qui m'a amené à pas mal réfléchir récemment, et que je voudrais partager.


Depuis que j'ai entendu cette réflexion, je me suis plongé dans les inventions à 2 et 3 voix, et c'est un cahier que je rejoue régulièrement depuis.
Outre le plaisir purement pianistique, car ces inventions sont magnifiques, j'y trouve un réel plaisir didactique. Cela me donne l'impression de regarder derrière moi, pour consolider des acquis (ou des choses que je croyais acquises).

Je pense que c'est une réflexion saine, et qui doit être valable pour beaucoup de grands compositeurs (mais pas tous ! Bon courage pour faire la même démarche pour Brahms ou Schumann !).
Cela rejoint aussi une conviction personnelle, qui est que la patience est la plus grande des vertus dans l'apprentissage d'un instrument. Ou plutôt, inversement, que l'impatience est notre plus grand ennemi.

Qu'on soit amateur ou professionnel, à partir du moment où l'on cherche à progresser, il est important de regarder parfois derrière soi, pour se souvenir d'où on vient, et de savoir aussi où on veut aller.


Voilà, je ne sais pas si cette petite introspection amènera beaucoup de discussion, mais si cela peut profiter à d'autres, c'est avec plaisir que je la partage.
Beau texte, je l'ai un peu tronqué, mais j'adhère vraiment à ce que tu y dis, Nox !
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par Presto »

encore un bug :wink:
Modifié en dernier par Presto le ven. 22 sept., 2017 18:49, modifié 1 fois.
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par Presto »

Je crois ces inventions redoutables et le moindre écart s'entend. La pente est raide je crois.
J'avoue qu'elles me donnent le vertige !
Ne serait-ce que la 2e :
J'avais fait ça quand je me suis cassé le poignet :
Image
ça sort du garage avec la compétence d'un bricoleur :mrgreen:
Invention n°2.pdf
(991.04 Kio) Téléchargé 87 fois
Mais juste pour un canon, une telle construction est proprement hallucinante :roll:
Fichiers joints
Invention n°2.pdf
(991.04 Kio) Téléchargé 55 fois
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par Lee »

En fait j'ai lu trop rapidement, l'excuse pour encore faire des éloges à Bach m'a désintéressé...
Je ne suis pas de même avis surtout concernant cette phrase :
nox a écrit : jeu. 21 sept., 2017 11:04 Cela rejoint aussi une conviction personnelle, qui est que la patience est la plus grande des vertus dans l'apprentissage d'un instrument. Ou plutôt, inversement, que l'impatience est notre plus grand ennemi.
Au contraire, je pense qu'il faut bien manipuler l'impatience et l'utiliser à notre avantage. Par exemple, au lieu de continuer de se buter contre un problème, de se demander pourquoi ça ne passe pas et de trouver une autre solution au lieu de continuer à ne pas réussir un passage.

Je crois que c'est normal, quand on est passionné, d'être impatient. Et c'est normal de progresser avec des oeuvres qui sont des défis. Ces défis sont les meilleurs moyens d'améliorer. C'est en forgeant qu'on devient forgeron. Pas en regardant les belles choses qu'on aimerait construire mais en se gardant et en battant les clous de fer. Enfin, faire les clous peut être satisfaisant, mais je ne pense pas qu'on doit se contenter par les clous ou rester ou reviser trop les clous.
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par Arabesque44 »

Lee a écrit : sam. 23 sept., 2017 8:24 Au contraire, je pense qu'il faut bien manipuler l'impatience et l'utiliser à notre avantage. Par exemple, au lieu de continuer de se buter contre un problème, de se demander pourquoi ça ne passe pas et de trouver une autre solution au lieu de continuer à ne pas réussir un passage.
Un peu simpliste.
"Patience" ne signifie pas "entêtement stérile" , c'est même l'inverse!
Et à contrario, je ne qualifierais pas d'"impatient" le pragmatique qui au lieu de persister dans l'erreur, parvient à résoudre le problème....en cherchant "patiemment" une solution!
Aucun doute, Nox sait certainement de quoi il parle, il n'est pas arrivé à ce niveau par hasard, ni en 6 mois.
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Lee
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par Lee »

Mais son approche n'est pas comme tous les pianistes "de son niveau". Impatience est aussi "se frotter à une oeuvre trop tôt" comme il a déjà écrit. Alors que plusieurs disent qu'il faut se lancer à l'oeuvre et au pire évoluer avec l'oeuvre.
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par quazart »

nox a écrit : jeu. 21 sept., 2017 11:04 Personnellement je rêve depuis longtemps de pouvoir jouer l'op.110 de Beethoven, ou la D960 de Schubert, mais je sais que je ne suis pas prêt pour ça.
Sais-tu ce qui te manque pour être prêt ? Est-ce une question de compréhension des œuvres, du compositeur, ou de tout autre chose ?

Autant dans Bach le parcours classique des inventions vers les Goldberg peut être justifié, je ne vois pas trop comment faire de même dans Schubert notamment, sinon s'imprégner de toute sa production, ses lieder notamment et sa musique de chambre.

Attendre d'être certain de pouvoir aborder l'œuvre, ça tient de l'ascèse d'une certaine manière. Ne peut-on pas arriver au même résultat en abordant l'œuvre plusieurs fois dans sa vie, jusqu'à atteindre la meilleure version qu'on puisse donner ?
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par Spianissimo »

quazart a écrit : dim. 24 sept., 2017 0:27 Attendre d'être certain de pouvoir aborder l'œuvre, ça tient de l'ascèse d'une certaine manière. Ne peut-on pas arriver au même résultat en abordant l'œuvre plusieurs fois dans sa vie, jusqu'à atteindre la meilleure version qu'on puisse donner ?
Je suis d'accord avec ça, notre relation avec une musique évolue sans cesse et il n'est pas interdit d'attaquer une oeuvre, même si l'on est pas prêt pour ça, lorsqu'on la reprend plusieurs années après, on redémarre le travail avec plus de connaissance, plus d'expérience, plus de technique, plus de maturité, et je ne suis pas d'accord avec ce qui est dit souvent sur ce forum, à savoir qu'il est difficile de se désintoxiquer de mauvaises habitudes, lorsqu'on a progressé, ces mauvaises habitudes peuvent rapidement disparaître. Par ailleurs, j'ai rarement entendu un musicien dire que ce qu'il venait de faire était parfait et qu'il n'y reviendrai jamais.
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par pianojar »

Spianissimo a écrit : dim. 24 sept., 2017 3:04 Je suis d'accord avec ça, notre relation avec une musique évolue sans cesse et il n'est pas interdit d'attaquer une oeuvre, même si l'on est pas prêt pour ça, lorsqu'on la reprend plusieurs années après, on redémarre le travail avec plus de connaissance, plus d'expérience, plus de technique, plus de maturité, et je ne suis pas d'accord avec ce qui est dit souvent sur ce forum, à savoir qu'il est difficile de se désintoxiquer de mauvaises habitudes, lorsqu'on a progressé, ces mauvaises habitudes peuvent rapidement disparaître. Par ailleurs, j'ai rarement entendu un musicien dire que ce qu'il venait de faire était parfait et qu'il n'y reviendrai jamais.
Je suis assez d'accord avec le fait que s'interdire de jouer une oeuvre pour manque de "maturité" (je parle pour le pianiste amateur) n'est peut-être pas la meilleur solution par contre je suis plus réservé sur la rapidité de disparition des mauvaises habitudes lorsqu'elles sont réellement ancrées dans le jeu. Mais bon ce ne sont pas des vérités universelles.
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par Arabesque44 »

pianojar a écrit : dim. 24 sept., 2017 13:10 Je suis assez d'accord avec le fait que s'interdire de jouer une oeuvre pour manque de "maturité" (je parle pour le pianiste amateur) n'est peut-être pas la meilleur solution
Idem...Je ne m'interdis que ce qui me dépasse complètement techniquement :mrgreen:
Par contre quand je lis cette preuve d'humilité dans l'ITW d'un grand interprète ( j'en parle dans un autre fil) je n'en ai que plus d'estime pour lui.
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par Spianissimo »

pianojar a écrit : dim. 24 sept., 2017 13:10 Je suis assez d'accord avec le fait que s'interdire de jouer une oeuvre pour manque de "maturité" (je parle pour le pianiste amateur) n'est peut-être pas la meilleur solution par contre je suis plus réservé sur la rapidité de disparition des mauvaises habitudes lorsqu'elles sont réellement ancrées dans le jeu. Mais bon ce ne sont pas des vérités universelles.
Pour les mauvaises habitudes, je dirais que ça dépend un peu du stade ou on en est arrivé précedemment. Si c'est un morceau qu'on a appris mal et par coeur alors qu'il était largement au dessus de notre niveau de l'époque, alors, oui, ça peut-être difficile...mais si on l'a juste travaillé et qu'on est pas allé au bout...je pense que les progrès qu'on a fait feront "presque naturellement" disparaître les défauts accumulés.
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par quazart »

Ce qui me laisse profondément dubitatif surtout ce sont les implications intellectuelles qu'on peut éventuellement sous-entendre dans la phrase "je ne suis pas prêt".
Non pas que je considère l'humilité comme un défaut, bien au contraire, mais, dans le domaine de la musique non descriptive, y a-t-il nécessairement quelque chose de particulier à comprendre avant de se lancer dans une œuvre quelconque, autre que la façon dont elle est écrite, les techniques mises en œuvre, la personnalité du compositeur, des faits marquants pour lui au moment de son écriture ?
Comment peut-on savoir, sauf exception notoire, si le compositeur y a mis une intention quelconque, autre que purement musicale ?
Mon approche est sans doute un peu basique, mais je ne vois pas dans les variations Goldberg autre chose qu'une extraordinaire leçon de contrepoint, un jeu d'écriture très sophistiqué, mais avant tout... un jeu, de la musique pure. Autrement dit un texte abordable par quiconque a les capacités techniques nécessaires, pianistiques et théoriques.
Je comprends parfaitement par contre qu'on puisse avoir besoin d'un état d'esprit très particulier à ce moment, d'une forme de connivence avec l'auteur, avec son langage, son style, que ce soit très difficile et très long de le trouver. Je n'ai jamais joué de Mozart, mais je ne désespère pas d'y arriver un jour !

S'agissant de se corriger soi-même, je suis en train d'expérimenter la chose après un long arrêt : en l'absence de prof, enregistrement et publication éventuelle sur un forum sont excellents pour ça...
Je croyais avoir bien repris les variations Haendel (au moins en grande partie), mais l'enregistrement est impitoyable : je reprends tout du début, trop d'erreurs en tous genres.
Errare humanum est, perseverare diabolicum ! Il n'est jamais trop tard pour se corriger, mais il faut le vouloir.
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par nox »

Si je me résume en une phrase : Même si je viens de rencontrer quelqu'un, je peux prétendre le connaître après lui avoir posé 200 questions, mais ça ne remplacera jamais la connaissance qui vient d'une vie d'amitié et de fréquentation.

La D960, l'op.110 (les 5 dernières sonates de Beethoven en fait), la sonate de Liszt, etc... ce sont des oeuvres qui sont pour moi à l'apogée de la production de Schubert, Beethoven, Liszt.
Pour bien les jouer, il faut comprendre ces compositeurs, les connaître vraiment. Sinon on fait juste quelque chose de joli au mieux, très ennuyeux au pire.
Alors oui, peut être qu'en attaquant très tôt la D960, en la travaillant plusieurs fois au fil des années, en se documentant etc...le message va apparaître et l'interprétation va à peu près se faire. Mais est-ce le meilleur chemin ? Pour moi non, j'y vois quelque chose de forcé, d'artificiel.

Avec ces oeuvres, j'ai vraiment la sensation de pénétrer l'intimité de ces compositeurs. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut/doit comprendre avec de la persistance.
Ces oeuvres sont l'aboutissement d'un cheminement monumental de leurs auteurs. Avec elles, il ne faut pas chercher à prendre un raccourci.

Ceci dit, le message d'ouverture de la discussion est plus terre-à-terre.
D'une part parce que comme le dit Schiff, Bach était un pédagogue hors du commun, et qu'il ne faut pas négliger le côté pédagogique de son oeuvre. En ce sens, on peut vraiment établir une progression graduelle dans le travail de ses oeuvres.
D'autre part, la réflexion finale était aussi de dire qu'on cherche souvent à aller de l'avant en travaillant toujours plus difficile (et c'est logique), mais qu'on accepte difficilement de remettre ses acquis en question en revenant sur des choses qu'on considère plus faciles. De fait, qui penserait à travailler une invention à 2 voix après avoir bossé des préludes et fugues du CBT ? Et pourtant, combien cette démarche est bénéfique...
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par pianojar »

nox a écrit : lun. 25 sept., 2017 11:43 Pour bien les jouer, il faut comprendre ces compositeurs, les connaître vraiment. Sinon on fait juste quelque chose de joli au mieux, très ennuyeux au pire.
Malheureusement cette démarche de compréhension, de connaissance est quelque chose de louable, d'indispensable même mais très compliqué, voire impossible pour un pianiste amateur (comme moi par exemple). Cela veut dire tout simplement se priver à tout jamais de jouer la D960 par exemple (?)
Ensuite il faut dissocier (ou associer ?) ce qui relève de la technique digitale et de la compréhension. Difficile d'approfondir une interprétation lorsque techniquement on est limite.
Dans ton cas l'aspect technique ne se pose pas (ou très peu) donc forcement tes aspirations et tes objectifs sont differents.
nox a écrit : lun. 25 sept., 2017 11:43 D'autre part, la réflexion finale était aussi de dire qu'on cherche souvent à aller de l'avant en travaillant toujours plus difficile (et c'est logique), mais qu'on accepte difficilement de remettre ses acquis en question en revenant sur des choses qu'on considère plus faciles
Par contre je suis totalement en accord avec cela et depuis que j'ai décidé de retravailler le piano, j'ai tendance à revenir sur des oeuvres qui sont à priori techniquement plus simples que ce que j'ai pu travailler il y a "quelques.." années.
Modifié en dernier par pianojar le lun. 25 sept., 2017 12:08, modifié 1 fois.
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par Lee »

nox a écrit : lun. 25 sept., 2017 11:43 Alors oui, peut être qu'en attaquant très tôt la D960, en la travaillant plusieurs fois au fil des années, en se documentant etc...le message va apparaître et l'interprétation va à peu près se faire. Mais est-ce le meilleur chemin ? Pour moi non, j'y vois quelque chose de forcé, d'artificiel.
Mais cette vision pour les grandes oeuvres, c'est ta vision personnelle, non ? Je n'imagine pas que tu attende que tout le monde fasse comme toi...
nox a écrit : lun. 25 sept., 2017 11:43 mais qu'on accepte difficilement de remettre ses acquis en question en revenant sur des choses qu'on considère plus faciles
J'aime apprendre des choses "plus faciles" tout le temps. Mais un coup de coeur ou un appel d'une oeuvre difficile, ça ne raisonne pas. Et c'est une énorme motivation.
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Re: Evolution dans le travail d'un compositeur (+ dédicace pour Lee)

Message par nox »

pianojar a écrit : lun. 25 sept., 2017 12:05 Malheureusement cette démarche de compréhension, de connaissance est quelque chose de louable, d'indispensable même mais très compliqué, voire impossible pour un pianiste amateur (comme moi par exemple). Cela veut dire tout simplement se priver à tout jamais de jouer la D960 par exemple (?)
Lee a écrit : lun. 25 sept., 2017 12:07 Mais un coup de coeur ou un appel d'une oeuvre difficile, ça ne raisonne pas. Et c'est une énorme motivation.
Déjà comme le dit très justement pianojar, il faut bien différencier la difficulté technique, et la difficulté plus profonde liée à la compréhension d'une oeuvre ou d'un compositeur.

Evidemment il ne faut jamais se priver de travailler une oeuvre coup de coeur, même très difficile. On gagne énormément de choses à travailler des choses "trop difficiles". Mais il faut savoir dans quoi on met les pieds.
Ca me hérisse toujours un peu le poil d'entendre un étudiant pianiste avec une dizaine d'années de bagage dire "je joue l'op.111". Oui, ok...c'est vrai qu'elle est bien sympa cette Arietta...mais tu passes juste complètement à côté. Un peu de respect, que diable ! Ce n'est pas une oeuvre à prendre à la légère !
C'est en ce sens que je pense que l'impatience est un ennemi terrible. On peut être tenté de vouloir grilles les étapes, et se dire "ça y est ! Je joue l'op.111, je peux cocher ça dans ma liste et passer au niveau suivant !". Non non ! Ca ne marche pas comme ça !
Si j'étais prof et que mon élève me demandait de bosser cette sonate, je commencerais par essayer de lui faire comprendre tout ce qu'on peut trouver dans cette musique, et je fixerais ça comme objectif à long terme. Avec peut être une progression type : "La tempête", "A Thérèse", op.90, op.111.
Je pense que cela serait infiniment plus profitable et efficace qu'un travail acharné pendant des mois sur l'op.111 directement, qui finirait plutôt par le dégoûter de cette oeuvre.

Après évidemment, tout dépend de l'élève bien sûr. On a tous plus ou moins d'affinité et de facilité avec un compositeur.

Evidemment me concernant je n'ai pas attendu pour jouer la D960, ça fait des années que je sais à peu près la jouer, que je la joue de temps en temps. Mais je me refuse à la travailler sérieusement, parce que je sais que je ne lui rendrais pas justice. J'en ferais juste de la "jolie musique", avec tous les sous-entendus péjoratifs que cela implique (et là pour le coup, je pense qu'il y a aussi une grosse part de technique sonore, pas juste de l'interprétation, idem pour l'op.110).
C'est toute la différence entre "jouer" et "interpréter".

Dans une moindre mesure, c'est un peu pareil sur les derniers nocturnes de Chopin. J'avais mis - je ne sais pas s'ils y sont toujours, je les ai peut être supprimés depuis - mes enregistrements des deux nocturnes de l'op.62. C'était joli, assez propre, mais c'était très loin d'un vrai résultat abouti sur ces nocturnes qui ont tellement plus à dire. Ce n'est pas dans la même catégorie que les grandes oeuvres que j'ai mentionné plus haut, car de bien moindre dimension, mais ça reste du Chopin très très raffiné, qui demande une approche quand même réfléchie. A ce niveau fonctionner à l'instinct ne suffit plus.

Après il faut bien se dire quand même, histoire de dédramatiser la discussion, que des oeuvres de l'envergure expressive des dernières sonates de Beethoven, y'en a pas une quantité astronomique même dans le monstrueux répertoire pour piano...
Lee a écrit : lun. 25 sept., 2017 12:07 Mais cette vision pour les grandes oeuvres, c'est ta vision personnelle, non ? Je n'imagine pas que tu attende que tout le monde fasse comme toi...
Toutes les considérations qu'on lit ici ne sont que des "visions personnelles". Je ne prétends évidemment pas me faire le porte-parole du monde pianistique...
Ceci dit, le fait de dire que les dernières sonates de Beethoven, la D960, ou la sonate de Liszt, sont des oeuvres qui demandent une grande maturité (en dehors de toute considération purement technique), il me semble que c'est un lieu commun.
Modifié en dernier par nox le lun. 25 sept., 2017 17:52, modifié 1 fois.
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