Oui c'est exactement ce que je voulais dire, on ne peut pas apprécier la poésie si on ne comprend pas bien la langue. Mais pour moi, les codes c'est la tradition (et non la grammaire qui, elle, change peu, surtout en musique); c'est la tradition qui transmet les codes - et cette tradition, par exemple d'interprétation de Beethoven au piano, peut en fait remonter au compositeur lui-même et nous être parvenue via les générations d'élèves (Beethoven Czerny Liszt Tausig Barth Kempff, grand béthovénien), mais bien entendu cette tradition se modifie au fil des années et elle évolue selon les personnalités, donc il ne faut pas se faire d'illusions, quand on arrive au musicien contemporain descendant de cette filiation, ce n'est plus 'comme le compositeur le jouait'. Comparez par exemple, dans Beethoven, Wilhelm Kempff à Richter, Horowitz ou Gilels... qui proviennent de la même filiation, sauf que ces derniers ont été élèves de H. Neuhaus, lui-même élève de Barth tout comme Kempff...
Bien sûr que ces codes sont contraignants. Reste que ces codes, cette tradition, on doit les connaître pour apprécier cette musique et a fortiori si on veut en déroger tout en restant compréhensible pour les auditeurs. La créativité (de 'notre Lucas' dans Scarlatti, selon ton exemple) n'a de sens qu'en référence au bagage commun. Si Lucas peut jouer Scarlatti sans respecter les codes officiels puristes du 'comment on joue Scarlatti' et nous convaincre que c'est intéressant, et nous séduire, c'est bien parce qu'il le joue néanmoins d'une façon reconnaissable dans le cadre plus large de la grande tradition d'interprétation du classique. Et si on reconnaît Für Elise dans ce que joue Clayderman (même si on le rejette), c'est aussi en référence à notre bagage commun de connaissances de la musique classique.