Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre ?

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
sylvie piano
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Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre ?

Message par sylvie piano »

Etes-vous de ceux qui aiment jouer ? Qui en ont besoin viscéralement ? Qui visitent et revisitent leur répertoire jusqu'à plus soif.... Et par là-même qui sont lents à l'apprentissage, connaissant le bonheur de jouer des oeuvres dominées.
Ou bien de ceux qui sitôt une oeuvre aboutie se jettent à corps perdu dans une nouvelle, escaladant les difficultés, luttant farouchement pour sortir vainqueurs des embûches, en vue d'une prestation qui sera d'ailleurs réussie, but nécessaire et suffisant.

Cette réflexion que je gardais pour moi, consciente qu'il est bien difficile de garder du répertoire et de se faire ainsi plaisir, ( et bien davantage puisqu'il me semble que c'est là que l'idée de " mode d'expression " s'inscrit véritablement), éclate au grand jour aujourd'hui après une leçon complice avec une de mes jeunes élèves adolescentes (16 ans). Cette fille adorable qui lit très mal le solfège, travaille peu et lentement sur un petit numérique de base ( pédale au bout d'un fil) adore jouer du piano. Elle connaît toutes les pièces ( ou presque) que nous avons travaillées depuis 3 ans. Elle m' avouait hier un peu culpabilisée :" quelques fois, je rejoue tout depuis le début.... Mais du coup je ne travaille pas. ".....
Intéressante réflexion n'est-ce pas ?
En effet, elle est lente mais elle va au bout des oeuvres, c'est ce qui est original. Souvent les élèves se découragent, pas elle ! De plus, je l'ai surnommée " la reine de la pédale forte "! Elle a beau ne pas en disposer, elle a un pied subtil et sûr.
Après sa réflexion, je la regarde et lui dis " Nous sommes pareilles, toi et moi, ce que nous aimons, c'est JOUER du piano ! Ne change rien ! "
Et ce matin, alors que j'ai des oeuvres en préparation... J'ai joué du piano, joué pendant 2h, tour à tour j'ai visité l'enfance, la légèreté, la passion, l'introspection sérieuse... J'ai pu cracher ma révolte aussi....

Et vous...... ?
pianojar
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par pianojar »

Ce post rejoint un petit peu la discussion du fil sur la catégorisation (grossière) que l'on avait eu à propos de "boulimique" ou "perfectionniste"
Je suis certainement beaucoup plus proche de la 2nde catégorie sauf que pour escalader les difficultés c'est plutôt Sysiphe et que le prestation sera loin d'être réussie :( :D
Mais oui tous ces profils sont pareils : ils aiment JOUER du piano
Samedi dernier j'étais sensé préparer la mini-réunion du demain et j'ai majoritairement fait du déchiffrage de nouvelles oeuvres ....
Abegg63
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par Abegg63 »

Bonjour j'ai une ado comme la tienne Sylvie bien qu'un peu plus jeune. Elle aime jouer, refait régulièrement ses anciens morceaux mais elle aurait tendance à se décourager lorsqu'on commence une nouvelle oeuvre. Il faut des fois du temps pour arriver à la persuader qu'elle y arrivera comme les oeuvres précédentes et que, de toute façon elle va à son rythme;

Par contre en ce qui me concerne, j'ai bien changé avec l'âge. J'aimais jouer toujours de nouvelles oeuvre ssans vraiment les aboutir. Puis, j'ai découvert le plaisir de travailler une oeuvre à fond, de chercher à l'améliorer, d'être au plus pèrs du discours du compositeur; Je m'enregistre de plus en plus souvvent et les changements survenus entre les premiers essais et les derniers me surprennent souvent.
pianojar
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par pianojar »

En fait on peut très bien avoir un peu ces 2 profils en parallèle car même lorsque l'on se disperse d'oeuvre en oeuvre il y a en tout cas pour moi un certain nombre de morceaux sur lesquels on va revenir tout au long de sa vie même si par moments ils ont un peu délaissés. Ensuite malheureusement cette recherche de perfection et d'aboutissement va se heurter souvent à nos propres limites techniques.
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Okay
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par Okay »

J'avoue ne pas être certain de la différence et ne pas vraiment voir ce qui démarque réellement ces deux profils. Déjà je ne vois pas pourquoi l'un aimerait plus jouer que l'autre. Celui qui est boulimique de répertoire peut avoir un appétit de jouer plus grand que celui qui peaufine et va au bout des pièces. Et celui la même peut davantage aimer apprendre que celui qui avale les morceaux les uns derrière les autres.
La distinction recherchée ici ne serait elle pas plutôt sur un autre terrain que jouer et apprendre ? J'ai l'impression qu'il s'agit plutôt de distinguer un certain jusqu'au boutiste sur peu de pièces et une relative superficialité sur toujours plus de pièces...
sylvie piano
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par sylvie piano »

Il est clair que je me suis mal exprimée. Certainement. Je ne porte pas de jugement de valeur. Aucun.
Je pense en effet que certains aiment le challenge de l'apprentissage, de la construction , davantage que d'autres. Que leur adrénaline naît de cet effort. Je ne dis pas qu'ils n'aiment pas jouer !!!! Bref, ce soir je ne m'exprime pas clairement... J'ai trop joué et pas assez travaillé d'ailleurs !
Soudain je me dis que je devrais employer le mot besoin.
Besoin de jouer, c'est ça. Ce qui peut occasionner une frustration si on ne peut y répondre immédiatement.
Mais Okay, vous avez des réserves telles que vous êtes hors catégorie !
Modifié en dernier par sylvie piano le jeu. 01 déc., 2016 17:18, modifié 1 fois.
pianojar
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par pianojar »

Cette superficialité et cette dispersion peut résulter d'une certaine frustration de ne pas justement réussir à peaufiner bien que travaillant. Alors ce travail peut être mal fait, mal canalisé etc.... mais on rentre dans un autre débat
La question serait alors : doit-on coûte que coûte recentrer son travail sur quelques pièces et ne pas passer à aute chose tant qu'un certain niveau d'aboutissement n'a pas été atteint ?
Mais quel est ce niveau pour tout un chacun ?
C'es tl'une des questions que je me pose depuis un an que j'ai recommencé à travailler le piano en l'occurence....
sylvie piano
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par sylvie piano »

Vous voyez, ce n'est pas "doit-on "?
C'est juste que cette impérieuse nécessité de jouer ne vous laisse pas le choix.
Alors.... ? Apprendre de nouvelles oeuvres bien sûr mais sans pression, comme ma petite élève !
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Arabesque44
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par Arabesque44 »

sylvie piano a écrit :Je pense en effet que certains aiment le challenge de l'apprentissage, de la construction , davantage que d'autres. Que leur adrénaline naît de cet effort. Je ne dis pas qu'ils n'aiment pas jouer !!!! Bref, ce soir je ne m'exprime pas clairement... J'ai trop joué et pas assez travaillé d'ailleurs !
Mais si c'est très clair...et c'est tout à fait moi :wink:
Challenge, volonté de progresser et de surmonter les obstacles...Le jour où je ne progresserai plus, je ne suis pas certaine d'avoir autant de motivation à jouer!
Okay a écrit : J'ai l'impression qu'il s'agit plutôt de distinguer un certain jusqu'au boutiste sur peu de pièces et une relative superficialité sur toujours plus de pièces
Je dirais que l'un n'empêche pas l'autre...On peut être "jusqu'au boutiste" sur une partie du répertoire en cours et "relativement superficiel" sur le reste...Et puis reprendre les mêmes pièces 1 an après ...et faire exactement l'inverse! :lol:
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Lee
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par Lee »

sylvie piano a écrit :Etes-vous de ceux qui aiment jouer ? Qui en ont besoin viscéralement ? Qui visitent et revisitent leur répertoire jusqu'à plus soif.... Et par là-même qui sont lents à l'apprentissage, connaissant le bonheur de jouer des oeuvres dominées.
Présent, mais avec le remplacement du souligné par "jouer des oeuvres qui me dominent" :mrgreen:
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
Abegg63
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par Abegg63 »

J'aimerais ajouter quelques réflexions qui me sont venues en lisant les messages;
Je crois que certains d'entre nous peuvent ressentir un certain"inconfort" à travailler une nouvelle oeuvre après avoir passé beaucoup de temps suur un morceau.
J'ai remarqué a avec certains élèves qui ont du mal à changer de morceau, notemment les adultes qui ont souvent l'impression qu'ils "repartent de zéro" même si ce n'est pas le cas biensûr.
Je leur conseille généralement de garder dans les doigts un ou deux morceaux qu'ils aiment jouer, mme s'il est moins difficile techniquement que ce dont ils sont capables, juste pour avoir en tête que, ce morceau-là iils ont aussi dû l'apprendre en partant d'une partition complètement "étrangère" et que, maintenant ils ont plaisir à le jouer et le savent par coeur pour certains.
Spianissimo
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par Spianissimo »

Pour ma part, j'aime jouer, j'aime apprendre et par dessus tout, j'aime déchiffrer...Lorsqu'il m'arrive de télécharger une partition à 6h00 du mat, juste avant d'aller bosser, ça me hante toute la journée, et quand je rentre, je me jette tel un vorace sur le piano...cette boulimie de déchiffrage a eu pour conséquence que je n'allais jamais jusqu'au bout de l'apprentissage des oeuvres que je commençais pendant très longtemps, j'ai arrêté de fonctionner comme ça depuis que je m'enregistre et que je diffuse sur le net, par respect pour ceux qui tombent sur les vidéos, je crois qu'il faut présenter un travail (un peu) abouti, et ça m'a permis de franchir ce cap. En revanche, je ne peux pas passer plus de trois mois dans l'apprentissage d'une oeuvre, et je ne la travaille jamais seule, j'ai toujours une dizaine de morceaux que je travaille en parallèle, et si ça n'aboutit pas à un résultat satisfaisant, au bout de deux à trois mois, je laisse tomber, j'y reviens 2 ou 3 ans après, ça a été le cas pour le deuxième impromptu de Chopin et le clair de lune de Debussy récemment ... donc, je dirais que j'appartiens sans doute plutôt à la deuxième catégorie, c'est grave docteur ??
Cela dit, c'est lié à la personnalité du pianiste, certes, mais aussi au fait de jouer en public ou pas, non ?...un pianiste qui joue en public doit vraiment aller au bout du bout de son apprentissage et de l'oeuvre qu'il va présenter.
C'est sympa de parler mais jouons maintenant...
http://www.youtube.com/user/andante5133
sylvie piano
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par sylvie piano »

Déchiffrer ( bien !) c'est jouer je crois.... Ce soir j'ai ouvert les inventions de bach et je me suis régalée.... ( J'ai choisi celles qui étaient accessibles à ma lecture !)....

On peut parfaitement être à la fois l'un et l'autre très certainement. Okay me semble le parfait exemple.
Du coup, on ne fait pas grand chose d'autre dans sa vie que du piano..... Il faut un environnement familial très compréhensif !!!!
Presto
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par Presto »

Neuhauss répond parfaitement à la question lorsqu'il dit qu'on joue mieux une sonate de Beethoven Mozart, Schubert, un PF de Bach quand on a joué les autres et que la "quantité rejoint la qualité" (il avait aussi l'art des formules !).
Ensuite, faut pouvoir ...
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
arg

Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par arg »

Je crois aussi qu'on peut être les deux. Les deux comme des superpositions.
J'aime apprendre et pour apprendre j'ai besoin de nouveauté. J'ai quand même besoin et envie d'aller le plus loin possible dans une pièce, parce que j'ai découvert que ça amenait à une autre dimension qui n'apparait pas avant. Mais au bout d'un moment j'ai besoin de nouvelles sonorités, d'un nouveau monde à explorer. C'est aussi pour cela que je travaille en parallèle des univers très différents.
Et j'aime aussi retrouver des choses connues, mais voilà: je n'y emploie pas assez de temps, donc je ne retrouve pas assez bien et assez vite les pièces passées ça je ne les joue pas assez, et puis lesquelles choisir dans cet immense répertoire (pas le mien, celui du piano en général). Donc je suis probablement davantage tournée vers apprentissage-nouveauté-déchiffrage, sauf que je ne vois pas ça comme une boulimie de nouveauté superficielle, au contraire.
Pas de hiérarchie non plus pour moi dans ces deux approches qui dans l'idéal se complèteraient.
pianojar
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par pianojar »

Je crois qu'à la base tout le monde souhaite aller le plus loin possible dans une pièce mais ce "plus loin possible" n'est pas le même pour tout le monde au regard de ses possibilités techniques par exemple et j'ai beaucoup de mal à appréhender ce moment ou en fait on est au plus près possible de ses capacités
La progression par paliers bien souvent fait que l'on peut penser ne plus pouvoir progresser dans une pièce alors que ce n'est pas tout à fait vrai et notre temps de piano n'étant pas extensible à l'infini, on se dit (à tort ou à raison) il est temps de passer à autre chose alors qu'il existe encore (ou pas ) une marge de progression dans le travail en cours.
Il faut sans doute certainement un regard extérieur (ou plutôt une oreille) pour cela (professeur, réunion...°
Cette notion de "plus loin possible" m'interpelle vraiment car je sais que je ne suis pas dans cette démarche, ou tout au moins que je n'arrive pas à la finaliser
Je suis conscient que si je demandais à la majorité des personnes qui ont pu m'entendre jouer qu'ils répondent honnêtement à la question : ont ils entendu une prestation ou la pièce présentée leur a paru proche de cet objectif, la réponse serait non à 100%
Mais entre la conscience et le remède ....,?
Tout cela n'est peut-être pas très clair (voir HS) mais ce sont les interrogations (divagations) qui me viennent suite à ce fil.
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Caralire
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par Caralire »

Ah la la, c'est une question difficile.

J'aime jouer, passionnément. Mais je ne supporte pas de stagner et je manque de temps pour tout faire. C'est un peu négatif comme approche, car je choisis de consacrer mon temps à apprendre, surtout pour éviter d'être frustrée ou découragée.
Cela dit, assez rapidement dans la conquête du morceau, se met en place la recherche du son sur certains passages, aussi ce travail d'apprentissage devient un moment de jeu expressif en même temps. Le mieux est le moment où je comprends l'intention d'une phrase obscure, quand enfin je sais où aller dans la recherche du son. Car après je progresse rapidement : une fois que je vois le palier je peux le franchir.

Cette question me turlupine aussi d'un point de vue de l'enseignement. Après bien des difficultés, Titeve joue plutôt bien sa mélodie de Schumann. C'était tellement long et pénible que j'ai laissé glisser, mais finalement il s'avère que c'est ça qu'elle joue quand elle se met au piano. Elle ne travaille pas, elle joue. Alors doucement ça mûrit et, je l'ai écouté hier, c'est joli. Bien sûr elle ne travaille pas, alors une mesure ne passe pas, toujours la même. Et puis on pourrait approfondir les nuances, l'équilibre des mains. Mais c'est sans importance : elle joue.
J'ai voulu lui donner un morceau sans la difficulté du déchiffrage ensuite en attaquant le blues. Effectivement elle connait la grille par cœur, mais après toutes ces semaines, elle va toujours très lentement et a besoin de réfléchir quand sa main gauche change de position. Je suis dépitée. Je me demande un ce que lui apportent les cours à part de la frustration.

A ceux qui sont mauvais lecteurs, qui préfèrent jouer ce qu'ils connaissent que répéter ce qu'ils ne connaissent pas encore, comment vivez-vous vos cours de piano ? Avez-vous spontanément des projets d'apprentissage ?
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Christof
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par Christof »

Êtes-vous de ceux qui aiment jouer ? Qui en ont besoin viscéralement ?

Oui. jouer c'est la joie. A fleur de peau. C'est comme une eau de jouvence. Il y a des jours (le week-end, et dans la semaine [le soir tard]) ou je m'installe au piano, sans idée préconçue et je joue, des heures et des heures durant. Et c'est comme si j'étais régénéré.
Dans un autre fil, j'avais pu écrire :
"ce qu’on joue on s’en souvient. Il est toujours inexact de dire qu’on a perdu ce qu’on savait jouer, ou qu’on pourrait le perdre, car la vérité, c’est qu’on peut le réciter par cœur dans sa tête, sinon en totalité, du moins les parties qui comptent vraiment. Au pire, on risque d’oublier le détail de certaines phrases. Mais en allant les chercher là, où elles ont glissé pour les remonter à la surface, on finit par les ressusciter sous une forme peut-être pas identique, mais quoi qu’il en soi très proche de l’original, avec pour effet de produire une sorte de double, de reflet ou de déformation dans laquelle ce qu'on avait voulu jouer ne cesse de s’épanouir. Car en définitive, la seule mélodie qui pourrait traduire l’intention spécifique de celui qui la joue n’est jamais une phrase, mais le résultat stratifié de toutes les phrases envisagées, puis jouées et enfin conservées en mémoire : on devrait toujours les poser les unes sur les autres, ces phrases transparentes, et les considérer dans leur ensemble, comme le plus bel accord musical. Un accord avec soi-même. On ne perd pas ce qu’on sait jouer, mais on le retrouve dans sa plénitude, dématérialisé, même migré dans les quartiers d’hiver de notre esprit.
C’était niché partout dans le corps, mais pas là plus qu’ici, endroit qu’on ne saurait nommer et, moyennant un effort quasiment imperceptible, on peut le ramener à la surface à n’importe quel moment : une réapparition, parée alors de toute sa splendeur évanescente face à laquelle l’ordre net de la page imprimée d’une partition aurait la rigidité d’une pierre tombale."

Ou bien de ceux qui sitôt une oeuvre aboutie se jettent à corps perdu dans une nouvelle...

Et puis il y a les moments où je travaille de nouvelles choses (mais là encore, c'est jouer). Cela peut être un nouveau thème de jazz, une pièce du répertoire classique mais aussi cela peut être l'envie de composer. Et là, cela peut durer des années... Il y a souvent la fulgurance, le morceau composé qui vient comme une évidence (mais attention, il y a quand même du travail). Et puis, tôt ou tard, quand je joue comme expliqué dans le premier paragraphe, cette composition, elle remonte soudain sous mes doigts, je la redécouvre, d'une autre manière. Elle peut m'apparaître dans une autre tonalité, une voix, un accord soudain qui me paraît plus approprié, qui va un peu modifier aussi la suite. Alors, crayon en main, je me remets au travail. Il peut y avoir aussi des compositions qui ne bougent pas. Mais c'est ma façon de les jouer qui va changer.

Dans mon cas, le plus souvent, il peut se passer des lustres avant de me jeter à corps perdu dans une nouvelle pièce (jazz ou classique). Cela vient d'une rencontre, d'un hasard, d'une sérendipité. Comme si c'était la pièce qui me convoquait, et pas le contraire. Quelque chose que j'entends, qui me fait des frissons. Je ne me dis jamais : tiens, il faudrait que je travaille ceci ou cela (comme dans un cursus, préétabli...). J'entends quelque chose à la radio, une interprétation particulière, cela peut se passer aussi durant un concert, en écoutant la pièce mise en ligne par un Pmiste... Une magie.
Et j'arrête de la travailler quand la magie s'estompe... Vous savez, c'est un peu comme lorsque vous assistez à un tour de magie incroyable, et puis vous avez envie de savoir, de connaître le "truc". Et quand on vous le dit, finalement, vous êtes déçu(e) parce que maintenant, lorsque vous reverrez ce tour, vous n'aurez plus les mêmes frissons... Alors biens sûr, vous le travaillez à fond ce tour de magie, ce tour de carte par exemple (j'en connais un d'ailleurs extraordinaire, je vous le ferai peut être pendant une réunion Pmiste), qui demande une belle dextérité...
Et c'est juste avant le sentiment d'avoir épuisé les choses, de ne plus sentir encore les frissons en écoutant ce que je travaille, c'est à ce moment que j'arrête de la jouer cette pièce. Je la laisse reposer et j'attends. J'attends le jour où elle revient, sous mes doigts, comme expliqué dans le tout premier paragraphe du début de mon message. Avec sa magie régénérée. Quitte aussi à la retravailler ensuite encore, pour régler ce qui doit encore l'être.


Ajout à 15h32 :
Une nouvelle forme de la mémoire ?


Je viens de lire à l'instant dans la revue Science - parue aujourd'hui 2 décembre - qu'une équipe de scientifiques aurait mis en évidence une nouvelle forme de mémoire. Je le signale ici parce qu'en lisant cet article "Reactivation of latent working memories with transcranial magnetic stimulation", cela m'a fait tilt avec ce qui est écrit au tout début de mon post (le passage repris du fil "les mots peuvent-il dirent la musique)".

Ce que j'ai compris de l'article est que cette nouvelle forme de mémoire servirait au cerveau à stocker les souvenirs avant de les inscrire durablement dans la mémoire à long terme, différente de la mémoire de travail, qui elle ne subsiste que seulement quelques heures. Cette nouvelle forme de mémoire transitoire pourrait avoir de nombreuses implications médicales et pratiques, surtout pour la compréhension des mécanismes de l’apprentissage.
Des travaux complémentaires doivent maintenant être menés afin de découvrir comment les synapses ou d'autres fonctionnalités neuronales peuvent contenir ce deuxième niveau de mémoire de travail, ou combien d'informations il peut stocker.
«Nos travaux sont une première étape primitive dans la compréhension de la façon dont nous apportons des choses à l'esprit», explique Bradley Postle, neuroscientifique et co-auteur de l'étude.

C’est un peu comme si cette mémoire, qui imprègne au début la mémoire de travail, restait là, immanente (comme des mécanismes synaptiques «silencieux en activité»). Les informations semblent déjà oubliées (mais la signature EEG les montre cependant toujours dans la mémoire de travail), sauf qu'elles peuvent être reconvoquées si besoin.
«C'est vraiment une découverte fondamentale - c'est comme la matière noire de la mémoire», a déclaré Geoffrey Woodman, neurologiste cognitif à l'Université Vanderbilt à Nashville.

Et aussi, la question que je me pose, c'est de savoir quelles informations justement restent là, dans cette mémoire transitoire, avant de pouvoir aller dans la mémoire définitive, et ceci peut-être des mois plus tard .... alors que d'autres, ne restent que dans la mémoire de travail, qui s'éteint très vite, en quelques heures... quelques heures qui permettent de "rescaper" seulement certaines informations dans la mémoire définitive. Est-ce que jouer, prendre plaisir à jouer du piano, c'est faire marcher sa mémoire transitoire ? Ce qui expliciterait un peu mieux ce que je disais dans le début de mon message ?
Dans l'article, les scientifiques expliquent que "Cet effet de réactivation a eu lieu et n'a influencé la performance de la mémoire que lorsque l'élément était potentiellement pertinent plus tard dans l'essai, ce qui suggère que la représentation est dynamique et modifiable via le contrôle cognitif."

http://www.sciencemag.org/news/2016/12/ ... -disorders
Modifié en dernier par Christof le sam. 03 déc., 2016 21:25, modifié 6 fois.
sylvie piano
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par sylvie piano »

C'est passionnant, merci Christof !
leLama
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Re: Deux types de pianistes: aimer jouer ou aimer apprendre

Message par leLama »

J'aime les deux, jouer et apprendre, il m'est difficile de faire la part des choses. Est-ce que je jouerai moins le jour ou j'apprendrai moins ? Peut etre. J'aurai le meme plaisir au piano, mais je serai peut etre attiré par une nouvelle activité qui ouvrira une nouvelle porte et fera decouvrir des paysages nouveaux...
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