Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

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Moderato Cantabile
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Re: Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

Message par Moderato Cantabile »

JPS : je crois que paradoxalement tu te mets tout seul la barre très haut justement parce que tu es un remarquable pianiste. Cette exigence énorme que tu as envers toi-même vient en partie de ce doute sur ta supposée "légitimité" qui n'a pourtant pas de raison d'être ! Aucune raison ! Tu es un musicien , un vrai , un grand , tu es entièrement légitime ! n'aie aucun doute à ce sujet ! :wink:
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sylvie piano
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Re: Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

Message par sylvie piano »

Je crois comprendre le ressenti de JPS, il exprime très bien cette difficulté du pianiste classique face aux grandes versions de référence et au carcan imposé par l'école classique.
Comment trouver sa place ? C'est certainement différent de l'idée d' espace. L'espace ? C'est pour soi. Sa place ?c'est vis à vis des autres.
Cette question de légitimité, je la perçois intimement. Lorsque j'ai joué en public cette année, je me suis positionnée " autrement ", en expliquant ma porte d'entrée dans la musique que je jouais, en justifiant mes choix musicaux pour permettre au public de mieux comprendre et ainsi d'adopter une écoute " active ".
Très certainement aussi pour trouver " une " place, sachant la modestie de ma prestation.
En choisissant Schoenberg vous vous placez en ambassadeur, vous cherchez un rôle supplémentaire certainement, ce que je comprends.
Mais cette idée d'espace m'a permis de jouir du moment présent, elle peut nous soutenir et nous permettre d'occuper le temps du concert dans une conscience optimale.
Et je crois que le public le ressent, lorsqu'on a trouvé cet espace, on peut y inviter le public. Avec modestie, c'est notre espace , le seul dont on dispose, et du coup, cette rencontre magnifique peut avoir lieu en toute simplicité.
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JPS1827
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Re: Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

Message par JPS1827 »

Merci Lee et Moderato cantabile pour vos gentilles réponses, mais je ne pense pas que la légitimité dont je parle puisse se tirer d'une forme de "compétence", il s'agit plutôt d'une sensation vis à vis de ce qu'on fait, assez indépendante en fait du ressenti des auditeurs.
La démarche d'Arg ("il n'est pas besoin de chercher quelque chose à dire "de plus", mais plutôt le plaisir de faire entendre une interprétation parmi d'autres, qui ne sort pas forcément du lot, mais qui permet de partager une musique qu'on aime avec un public à qui on l'offre comme on peut") m'est plutôt étrangère, je n'ai pas l'impression d'offrir quoi que ce soit à mon public, j'ai en général l'impression que c'est plutôt lui qui m'offre sa présence.
La démarche de Sylvie (se positionner autrement, en expliquant une démarche) correspondrait bien mieux à ma vision plutôt "pédagogique" des choses.

Mais je lis dans le fil "Les mots peuvent-ils dire la musique" le passage suivant :
Christof a écrit : Chet est ailleurs. Faut y aller.
Quatre, et… Regard appuyé vers Bill, j’attaque l’intro. Trois accords caressés dans l’aigu, rejoints par la rondeur des graves de la contrebasse.
“Almost doing things we used to do”…
Quelques mesures frottées au grain de sa voix, c’est déjà tout l’espace qui s’étire.
Bluesy. Chet phrase en arrière. Heureusement, Bill assure le tempo, ne bouge pas d’un pouce, enracine. Il me laisse un boulevard. Je place mes accords à l’instinct. Ça fonctionne.
Et voilà ! lui (celui dont parle Christof) il place ses accords à l'instinct, ça fonctionne ; je pense qu'il y'a plusieurs personnes sur ce forum qui peuvent faire ça, à l'instinct (ça fonctionne plus ou moins bien sûr selon les cas), moi j'en suis incapable ; et je pense que ça pourrait s'apprendre bien mieux dans l'enfance, et que ce serait bien plus utile que de répéter des morceaux d'examen, parce que ça permet de comprendre comment se fait la musique et de s'approprier vraiment cet espace. Et ce n'est pas un hasard si les exemples donnés par Christof concernent le jazz.

Néanmoins, ce fil, avec les réflexions qu'il suscite, a influencé mon travail ces derniers jours, en ce sens que je commence à me demander "comment faire pour occuper réellement l'espace de ce morceau, moi-même, pas par procuration" plutôt que "comment faire pour que ce soit mieux" ?
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Lee
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Re: Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

Message par Lee »

En te lisant j'ai l'impression que quelque parties de la leçon de Christof/Werner n'étaient pas encore bien apprises :) notamment :
JPS1827 a écrit :En revanche, il me paraît de plus en plus vain de vouloir faire dire quoi que ce soit « de plus » aux standards du grand répertoire, et de sortir de l'impression de "singer" quelque chose. [...] je ne vois pas comment on peut s’approprier vraiment cet espace-là, déjà abondamment occupé.
Christof/Werner a écrit :Vous voulez jouer à un haut niveau : ceci n’est que jugement. Et c’est foireux.
JPS1827 a écrit :Pour moi la réponse est désormais assez claire, il s’agit d’être en situation de faire comprendre quelque chose à l’auditeur.
Mais la beauté se comprend à l'auditeur, plus que toute autre compréhension, c'est la raison d'être de la musique...
Christof/Werner a écrit : ...les pensées vous mettent alors en prison. Alors l’idée, c’est de sauter du monde des pensées au monde de ce que j’ai appelé « l’espace musical ». Et dans cet espace, tout est beau, tout est parfait, vous êtes complètement dans l’instant, pas de pensées négatives. [...] Chaque note que vous jouez est la plus magnifique que vous n’ayez jamais entendue.

C'était ça ! Tu as joué de la musique la plus magnifique que j'avais jamais entendue, maintenant il faut le croire toi-même !
JPS1827 a écrit :Et ce n'est pas un hasard si les exemples donnés par Christof concernent le jazz.
Christof/Werner a écrit :Et je n’appelle pas cela « musique libre », parce qu’il n’y a seulement qu’une sorte de musique libre, et cela peut être n’importe quelle musique, mais libre de jugement. Avez-vous déjà essayé de jouer de la musique free, avant-garde, la « vraie musique free » ?
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Christof
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Re: Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

Message par Christof »

JPS1827 a écrit :Je re-viens sur ce fil pour au moins deux raisons : la première est que j’avais promis dans un MP à Christof une réponse plus élaborée que mon simple « mais… ».
Merci JPS pour ta réponse. En fait, dans ce que tu expliques, il y a plusieurs aspects.
D'abord, l'espace. Dans mon esprit, il n'est pas lié à la légitimité, l'espace est d'un autre domaine. L'espace, c'est quand tu es dans une disposition qui fait que lorsque tu joues, tu ne penses pas, tu es dans la musique, tu es la musique. Tu es le propre spectateur de ce prodige, et nous le sommes tous alors.
Et ce que j'ai pu entendre quand tu as joué, c'est que tu es cet espace. C'est indicible, cela vient du son que tu fais entendre. Une grande maîtrise. Ton espace qui nous prend. J'ai adoré ce que tu as joué, la façon dont tu l'as joué. La seule chose qui m'a étonné, c'est que tu avais la partition devant toi. Je pense que tu n'en avais absolument pas besoin ?
Tu es l'espace. Ton son est le tien, magnifique. On entendait un autre piano. Ta signature.

Et puis il y a un autre aspect, que je comprends : celui de savoir si on a finalement quelque chose à dire.
Un peu comme un écrivain : tout a été déjà dit. Ce que je vais écrire est-il intéressant ? Alors il y a le style. Il y a tout ce qu'une phrase peut t'emporter, avec même les mots les plus simples. Me vient alors à l'esprit ce livre "Soie" de Baricco. Chaque chapitre ne fait pas plus de deux ou trois pages. C'est écrit avec des mots simples, des phrases qui n'ont l'air de rien. On lit quinze pages et c'est soudain comme si on en avait lu cent, une richesse extraordinaire, une musique (tiens, d'ailleurs on peut lire dans le livre cette phrase "Il avait la quiétude inentamable des hommes qui se sentent à leur place"). Et je pense que c'est ce qui se passe quand "on occupe l'espace". Quelque chose qui coule, un flux évident, que ce soit du "classique" ou "du jazz".

Alors c'est sûr, il y a aussi l'exigence que l'on met dans sa démarche. Mais, à mon avis, cela n'a rien à voir avec l'espace. L'espace, c'est le moment où l'on joue. Et ce qu'on joue, c'est aussi l'aboutissement d'une démarche préalable. Ce qu'on joue, c'est aussi ce qu'on aime jouer (j'aime beaucoup ces synonymes du mot jouer "agiter, taquiner, aventurer, donner, faire entendre, incarner, influer, jongler, remuer, rire, risquer, se faire entendre, sonner, toucher"...)
La démarche est sans cesse en devenir. L'exigence n'est pas la même quand on est un pianiste "débutant" et lorsqu'on est plus "aguerri". Et je comprends absolument ce que tu exprimes quand tu écris "faire comprendre quelque chose à l'auditeur". Je pense toutefois que c'est un peu mélanger la cause pour l'effet... En fait, la clarté que tu nous a fait entendre lorsque tu as joué, ce n'est pas la clarté de ton vouloir "faire comprendre quelque chose à l'auditeur", c'est la simple clarté et la pureté de ta musique. La ferveur qui t'a fait en arriver jusque là.
JPS1827 a écrit :Je regrette profondément de ne pas avoir commencé le piano en apprenant le jazz et la variété, ou peut-être l’improvisation à l’orgue, qui me paraissent tous des moyens bien plus efficaces pour devenir un musicien, c’est à dire quelqu’un qui soit vraiment dans la musique, qui puisse compléter instantanément une mélodie avec quelques accords sans avoir à les chercher, ou qui puisse improviser une ou deux mesures en cas de trou de mémoire.
.
Non, il n'y a rien a regretter. Tout ce que tu détiens, ton originalité, provient d'un chemin. Et tu es un musicien.
Maintenant, si tu veux apprendre le jazz, l'improvisation... c'est jamais trop tard.
Amitiés
Christof
Modifié en dernier par Christof le lun. 04 juil., 2016 15:51, modifié 1 fois.
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Moderato Cantabile
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Re: Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

Message par Moderato Cantabile »

Christof a écrit : Tu es l'espace. Ton son est le tien, magnifique. On entendait un autre piano. Ta signature.

En fait, la clarté que tu nous a fait entendre lorsque tu as joué, c'est la simple clarté et la pureté de ta musique. La ferveur qui t'a fait en arriver jusque là.
C'est exactement ce que je ressens , ce que nous ressentons tous lorsque JPS joue .
Merci Christof de le dire si bien !
"Il faut que cela soit si gai , si gai , que l'on ait envie de fondre en larmes ."
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Oupsi
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Re: Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

Message par Oupsi »

il s'est écrit beaucoup de choses passionnantes sur le forum depuis quelques jours.

Je lis ce mot de "légitimité". Je réalise qu'en fait je suis probablement une héritière de Sigismond, le personnage de Le Vie est une Songe, pièce du baroque espagnol (Calderon de la Barca), qui ressent le seul fait d'être né comme une usurpation et les dons reçus avec la vie comme d'injustes ornements dont il ne peut faire usage librement.

"Le ruisseau nait, comme une couleuvre
qui se détache des fleurs, et à peine, serpent d'argent,
se glisse-t-il entre les fleurs, qu'il chante par son murmure
la grâce de ces fleurs et la beauté de la plaine
qui s'ouvre à son cours ; et moi, qui jouis d'une vie
plus complète, j'ai moins de liberté ?"

Le musicien devant la beauté (ou la puissance, ou l'étrangeté) du monde pourrait se poser cette question (il me semble que se la poser devant d'autres musiciens est un non sens mais c'est une autre histoire) mais la seule chose à faire est de faire entendre la musique, et d'écouter à quel point elle aussi naît, se glisse entre les fleurs, chante par son murmure etc., malgré moi, qui jouis d'une vie complète: malgré la complication de ma vie plus complète.

Ce matin, me remettant au piano, après plusieurs circonstances enrichissantes autour de ces questions, les pensées qui s'expriment sur ce forum depuis quelque temps, les exercices proposés par Sylvie, d'autres pensées musicales glanées ici ou là lors de rencontres, je me suis mise à jouer, et tout à coup la phrase suivante m'est tombée dessus comme une évidence totale : "pourquoi joues-tu du piano? Mais pour pouvoir écouter".
Et oui, c'est ça. Je joue pour pouvoir écouter. C'est la seule véritable et vivante raison. Quand j'écoute un merveilleux interprète, quand j'écoute une pensée musicale en acte, ça me donne envie de jouer, et quand je joue vraiment, les deux ou trois mesures où quelque chose passe, c'est cette écoute qui se prolonge, et si je "donne" quelque chose, c'est un petit peu de cela, cette écoute (car oui JPS, bien sûr qu'on donne à son auditoire, on lui donne une écoute qui se prolonge en tant qu'expérience, et pas en tant que savoir).

Comme cette écoute circule, qu'il faut la recevoir pour pouvoir la donner... qu'elle n'est jamais aussi puissante que lorsqu'on l'a reçue comme un cadeau inespéré... et que parfois elle s'absente...
Vraiment, qui est légitime, quelle loi? quelle place, même?
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JPS1827
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Re: Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

Message par JPS1827 »

Merci beaucoup à vous, mais ça devient quasi gênant et ce n'était pas mon propos initial. J
Je vais proposer une autre vision du problème : lorsque nous organisons des réunions PM, on n'entend pratiquement que de bons musiciens, des pianistes plus ou moins expérimentés, mais qui cherchent tous à dire quelque chose. Parmi ceux-là il y en a dont on a vraiment l'impression quand ils commencent à jouer que l'espace leur appartient, et qu'ils nous invitent à y entrer, puis tout à coup il y a quelque chose qui se brise, ils en sont d'ailleurs très mécontents et on a tous du mal à comprendre comment on peut être aussi musicien et ne pas rester dans son espace pour toute la durée du morceau (les efforts pour augmenter la dose de travail ont été faits, la plupart des recettes qui leurs sont conseillées, ils les ont appliquées, ils arrivent quasi surentraînés à la réunion, et pourtant l'espace ne leur appartient pas en continu, il y a des éclipses qui les désespèrent), et ce n'est pas une question de niveau.
En effet on entend à l'opposé des pianistes même débutants pour qui la question de la continuité musicale semble ne pas se poser, ils occupent leur espace le temps requis, sans être complètement déstabilisés par la moindre anicroche, et probablement sans se sentir menacés dans leur rapport à la musique.
Ceux qui sont facilement déstabilisés savent très bien de quoi je parle, ils ont déjà tout essayé, avec d'ailleurs des améliorations certaines, mais difficiles à conquérir.
Eh bien je ne sais pas vraiment de quoi il s'agit. Est ce que les remarques rapportées par Christof permettent réellement de s'approprier solidement l'espace après quelques années de pratique, je n'en suis pas sûr. Et je pense sincèrement que pouvoir "faire quelques accords à l'instinct", ça a un rapport très net avec la permanence de l'appropriation de l'espace musical.
pianojar
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Re: Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

Message par pianojar »

Je suis persuadé que jouer à l'instinct, lorsqu'on y arrive permet de se déshiniber totalement, et du coup on se retorouve (même sans le vouloir) dans cet espace que l'on veut s'approprier, mais cela ne veut pas dire pour autant que tous les auditeurs vont avoir "accès" à cet espace; car chacun écoute avec son vécu, ses apriori (rien de péjoratif ici), ses attentes et ces 2 espaces ne vont pas forcement se rencontrer
Modifié en dernier par pianojar le lun. 04 juil., 2016 15:59, modifié 1 fois.
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Oupsi
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Re: Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

Message par Oupsi »

Christof a écrit :
Oupsi a écrit :Si je mets ça en relation avec ce qui a été dit dans le fil sur le trac, penses-tu, Cristof, que cette expérience d'être dans l'espace ait une capacité d'expansion constante?.
Oui Oupsi, je le pense.
JPS je crois que je comprends très bien de quoi tu parles, c'est pour cela que j'avais posé cette question.
Car, je pense avoir ressenti l'espace brièvement.
Jamais pendant tout un morceau. Et la sensation d'être chassée du jardin avant la moindre éclosion est vraiment cruelle.

Je pense que c'est un problème de comment j'y entre.
Je n'ai pas trouvé comment y entrer.
Je vois ce qui n'a pas l'air de marcher pour moi: me concentrer de manière égotiste. Trop m'isoler.
Je vois ce qui a parfois marché : être dans un flux de musique ou de vie, ne pas penser à moi.
Et une chose qui marche toujours mais ne dépend pas de moi: être touchée par la grâce d'une autre personne avant de jouer, de sorte que quand je joue, je ne suis pas en monologue, mais en dialogue.

Très difficile d'extraire une quelconque méthode de ces quelques observations :)
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Lee
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Re: Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

Message par Lee »

J'aime beaucoup ce fil, merci Christof.
Oupsi a écrit :Car, je pense avoir ressenti l'espace brièvement.
Jamais pendant tout un morceau. Et la sensation d'être chassée du jardin avant la moindre éclosion est vraiment cruelle.
J'ai du mal aussi d'entrer et/ou rester dans l'espace. C'est pourquoi les morceaux courts et moins difficiles me sont plus sûres, le plus horrible semble être chassée du jardin ensoleillé ET être obligée de terminer un hiver long dans le froid dehors !

Bizarrement quand j'avais un gros trou pendant un concert, j'étais assez calme pour ce qui se passait. Je me suis dit, je suis là, ce n'est pas grave, je vais finir par trouver le fil (je laissais patienter trop longuement le pauvre public) alors je n'ai pas trouvé le fil sans le livre...
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arg

Re: Et plus vous le ferez, plus cet espace vous appartiendra

Message par arg »

JPS1827 a écrit :la permanence de l'appropriation de l'espace musical.
et @oupsi: je n'avais pas compris au début le fil comme ça ,mais oui là on est au coeur. Je suis en plus parfaitement d'accord avec JPS sur la rupture de continuité qui ne dépend pas du niveau, sur le "quelque chose qui se brise".
Je n'ai pas de méthode mais j'ai compris pour la première fois que j'avais trouvé mon espace (je ne formulais pas comme ça, mais c'est ça quand même) à une audition à l'adolescence avec le 2e mvt d la sonate en fa de Brahms. Mais pour l'intégrer réellement il a fallu aussi qu'on me le dise.
Après, comment y entrer et surtout comment y rester... eh bien là je ne sais pas. Une forme de concentration et de confiance, un travail préalable sur la conduite du morceau vu, lui, comme un espace entier dans lequel on entre, vraiment ne rien lâcher quoi qu'il arrive techniquement, je ne sais pas bien, et intégrer le public dans cet espace d'une façon qui permet de ne pas l'ignorer même s'il n'est pas au premier plan.
Bien sûr le public me fait honneur en étant présent, je ne parlais pas de partager un savoir, sûrement pas, mais juste un moment.
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