franck210 a écrit :cessez d'assimiler jazz et improvisation, même si le jazz fait la part belle à l'improvisation
le jazz un style de musique
l'improvisation, c'est de la composition instantanée
Je suis bien d'accord.
En fait, ce qu'il faut savoir, c'est que les standards de jazz permettent aux musiciens qui se rencontrent pour la première fois pour jouer ensemble d'avoir une espèce de "grammaire commune". Et donc il peuvent jouer directement en public sans s'être jamais vus auparavant (cela m'est souvent arrivé).
Lorsqu'on joue un standard, il y a d'abord l'exposition du thème (la mélodie, sous-tendue par des accords), puis ensuite chacun va par exemple faire un chorus, sur le canevas de la grille d'accords. Imaginons par exemple un groupe avec batterie, contrebasse, piano, sax ténor.
Au départ, il y aura l'exposition du thème (imaginons un thème à 32 mesures), soit par juste le ténor, accompagné du piano, contrebasse, batterie ; soit ténor et piano jouant le thème (piano qui en plus fait les accords, accompagnés comme tout à l'heure par la contrebasse et la batterie).
A la fin du thème, il va être décidé que le ténor va faire un chorus. Il va le faire sur les 32 mesures, avec un discours sous-tendu par les accords qui suivaient le thème (les autres accompagnant, réagissant aussi rythmiquement à ce que fait le ténor)... A la fin, si le sax a encore "à dire" (cela se sent), il va repartir pour un tour... Et puis vers la fin, il va bien montrer aux autres, le fera sentir par les notes qu'il faits, par un regard, qu'à la fin de ces 32 mesure il arrêtera son chorus... Alors à ce moment, le pianiste, par exemple, va faire aussi un chorus (sur les 32 mesures), en suivant la grille harmonique. Cela aurait pu être aussi le contrebassiste qui prenne le chorus à ce moment là, en fait tout se décide implicitement, par signes, ou par appels musicaux..., ou par sensation. Cela peut être aussi ensuite le batteur qui va faire un chorus, c'est à dire un solo de batterie pendant les 32 mesures, ou encore sur un autre cycle de 32 mesures... Rien n'est forcément imposé, si un musicien veut prendre 3 chorus donc 3x32 mesures, il est libre... (encore faut-il qu'il aie vraiment quelque chose à dire...).
Une fois tous les chorus fait, hop, tout le monde reprend l'exposition du thème. (il existe aussi pendant les chorus, ce qu'on appelle des 4/4 (ou des 8/8) : le pianiste improvise sur les quatre première mesures de la grille, ensuite le batteur fait son solo sur les 4 mesures suivantes, puis c'est au tour du sax sur 4 mesures, puis du bassiste, puis batterie, et ainsi de suite, jusqu'à avoir joué toute la grille)...
Donc, ce qu'on va appeler "improvisation", c'est savoir jouer sur une grille... donc pour un pianiste, savoir faire les accords et une mélodie (qui n'est pas celle qui était exposée dans le thème). La liberté du pianiste, c'est de savoir choisir ses accords, il peut les modifier, changer leur couleur durant le chorus (mais cela veut dire aussi que le contrebassiste sait réagir au quart de tour (donc qu'il a aussi toute cette palette déjà en magasin). Le pianiste peut aussi changer un peu la couleur des accords pendant qu'il accompagne le chorus du sax.. Mais dans ce cas, le sax comprend tout de suite de quel accord il s'agit (parce que cela aussi il l'a en magasin et sait adapter son discours à la couleur des accords). Donc on peut parler d'une "composition spontanée".
L'objectif quand on accompagne un chorus (par exemple le piano, la contrebasse et la batterie, accompagnant le sax qui fait un chorus), c'est de donner suffisamment "d'espace" à celui qui fait le chorus, tout en maintenant une "pulsation".
Pour en revenir aux accords, si par exemple je dois accompagner sur un do-7, (et comme le contrebassiste va sûrement jouer la fondamentale de l'accord, je ne la jouerai pas (on peut, mais bon, puisque le contrebassiste fait cette note, autant lui laisser).
Donc imaginons que je joue l'accord suivant à la mg (je ne parle pas de la MD pour ne pas compliquer)
à la MG, les notes : Sib (le Sib juste au dessus du sol de la clé de sol) Ré, Mib Sol , je contraint le sax à jouer dans une certaine gamme (ici en do dorien)
Mais si je joue l'accord :
mib (le mib sous le sol de la clé de sol), la, ré, il va avoir une plus grande liberté...
(pourquoi, parce que cet accord sonne plus ambigu... en effet, si la basse joue un do, on entend un accord de do - 6
si on imagine une basse de fa : cela devient un accord de F 7 13
si on imagine une base de si ; cela devient un accord de B 7 9#
etc, etc.
C'est d'ailleurs pour cela que Coltrane voulait absolument avoir comme pianiste Mc Coy Tyner parce que pour une position d'accord (et aussi en osmose avec le bassiste) cela lui laissait des possibilités infinies de jouer dans différentes gammes..
Bon j'espère que ce que j'explique n'est pas trop abscons...
Mais bon, juste ici pour expliquer que ce qu'on appelle "l'improvisation jazz", se fait selon des codes et des cadres. Après, on peut parler de style (on ne joue pas le be bop comme le cool... ). Ce sont ces codes et ces cadres que l'on apprend en jazz.
Improviser ne se fait pas à partir de n'importe quoi.. Sinon, cela s'appelle le free jazz (avec souvent des choses catastrophiques à entendre)... mais même là, finalement, ce n'est pas n'importe quoi, cela s'appuie sur quelque chose, des grammaires intérieures qu'on les musiciens, qui s'adaptent en permanence à ce qu'ils entendent...
Christof