Depuis que je suis gamin j'entends du classique réapproprié par le jazz, et j'ai comme référence Jacques Loussier, avec Michelot à la basse et Garros à la batterie, et j'ai toujours adoré cela.
Ensuite, c'est l'évidence, il y a une énorme différence entre le genre classique et le jazz, c'est que d'une part le classique est une musique écrite, donc figée par le texte, et que le jazz est une musique (la plupart du temps) improvisée.
C'est pourquoi, pour ma part, je ne vois
absolument pas ces performances jazz comme quelque chose qui
revisite le classique, mais simplement qui
s'inspire des thèmes classiques, comme simple élément de base.
Le jazz est une forme assez codée également, si on change les codes on change la forme, mais surtout, ici il ne s'agit pas de recréer une symphonie de Mozart ni un Prélude de Bach.
Comment
refaire en jazz, en rock, en pop, ou autre, une fugue ou un prélude de Bach à 4 ou 5 voix puisque tout dépend de chaque note écrite selon les règles de l'harmonie et du contrepoint ?
En pop music, en variétés, il y a eu aussi beaucoup d'inspirations classiques, mais jamais rien n'a été réécrit réellement, c'est encore et toujours se réapproprier les thèmes principaux, avec plus ou moins de réécriture (assez pauvre par rapport à l'original) ou d'impro, on a affaire à un arrangement qui bien souvent n'a plus rien à voir avec les intentions du compositeur.
Même avec la simple Gymnopédie n°1, le morceau n'existe que par son rythme lent de 3 temps, ses accords à la note près. Si on change une seule brique (note, rythme) le morceau n'existe plus, il devient pastiche ou autre chose. À la rigueur, l'arrangement fait par Debussy de ce morceau ne trahit pas l'atmosphère originale parce que les codes d'écritures ne changent pas : un arrangement respecte certains critères, en tentant de coller au plus près à l'original, mais même là il y aurait de quoi dire : le Ständchen de Liszt reste assez éloigné de l'original de Schubert, même si la forme classique est respectée, c'est devenu finalement un
autre morceau.
Le jazz, en l'occurrence, casse les codes, mais ne propose pas d'arrangement, il se réapproprie les thèmes, avec plus ou moins de bonheur ou de pertinence.
D'où, de manière personnelle, mon tout relatif intérêt pour cette approche du jazz envers le classique, même si certaines réalisations sont intéressantes. Loussier reste l'un des pionniers de la tentative de réécriture d'œuvres classiques, mais je préfère l'original à la copie.
À la limite, je ne comprends même pas vraiment le but, le sens, de la démarche, même si le résultat est quelques fois intéressant, et même si pour le musicien cela peut être une source d'inspiration, et finalement je préfère le classique pour le classique, et le jazz pour le jazz.