Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
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leLama
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par leLama »

Virgule a écrit : Je n'ai pas lu Michel Serre sur l'effet des nouvelles technologies
Pas lu non plus, mais pas trop envie non plus. Quand on l'ecoute, il y a pas mal de poncifs affligeants sur la facilite' d'apprentissage des nouvelles techno chez les gens moins eduque's. C'est du populisme ou de l'ignorance. On n'apprend pas la programmation objet ou le routage du son d'un systeme audio un peu complexe juste en cliquant sur des boutons sans un minimum de capacite' d'apprentissage theorique. Sur un autre sujet que j'avais un peu bosse', il avait egalement des prises de parole affligeantes sans rapport avec les donnees reelles. Je le classe dans la categorie des penseurs mediatiques.
Pierre Salich
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Pierre Salich »

Okay a écrit : mar. 01 déc., 2015 19:05 Ça n'engage que moi, mais je pense qu'il a monté qualitativement et quantitativement. Et pas qu'un peu. Il suffit d'écouter un live de Lugansky, Volodos ou Sokolov, il se peut qu'il n'y ait pas une seule fausse note (je les ai entendus de mes propres oreilles). La grande différence avec "avant", c'est qu'ils sont loin d'être des cas isolés. Il y a un régiment de pianistes capables de faire ca désormais...
Je pense aussi qu'on a toujours des musiciens avec de très fortes personnalités, mais c'est plus simple de devenir une légende lorsqu'on est 10 dans ce cas sur une génération...

Je crois que plein de pianistes peu ou pas connus aujourd'hui seraient devenus des noms incontournables s'ils étaient nés 50 ou 70 ans plus tôt...et inversement. Est ce que n'importe quel demi-finaliste des 4 derniers concours Chopin est bien moins fort ou intéressant que Serkin ou Gieseking ? (ce n'est pas une question réthorique, je me la pose sérieusement)
Okay a écrit : mar. 01 déc., 2015 18:35
Et c'est aussi peut-être pour ça que les "anciens" avaient le droit de faire des pains sans que personne n'hurle au sacrilège. Facile de faire ce genre de recommandation avant l'avènement de l'ère de l'enregistrement immaculé ! La fausse note n'était pas encore diabolisée. Et peu importe ce qui est préconisé par les anciens, il faut reconnaître que le niveau technique des pianistes a augmenté de manière considérable durant le 20e siècle (et surement encore beaucoup plus si on part du 19e).

D'accord avec la partie en gras ci-dessus ( c'est moi qui souligne), beaucoup moins avec la phrase qui suit.

Je reprends au vol cette discussion qui évoque un lieu commun pianistique par lequel j'ai du mal à être convaincu, à savoir que depuis quelques décennies le niveau technique des pianistes a considérablement augmenté. Je n'en suis pas sûr du tout.

Ce qui est vrai, c'est qu'aujourd'hui on forme partout dans le monde beaucoup de pianistes capables de jouer toutes les pages du répertoire très vite sans faire de fausses notes. Mais la musique, ce n'est pas ça, et surtout, la technique, ça n'est pas ça non plus - pour préciser : l'exactitude fait partie de la technique mais c'en est une petite partie seulement. La capacité à modeler le son, les attaques, les phrasés, les nuances intermédiaires, la coordination, etc etc, tout ça, c'est de la technique, entendue, fondamentalement, comme l'ensemble des procédés utilisés pour influer sur la production sonore. Et ça concerne quelque chose de bien plus large que la simple capacité à jouer avec exactitude ce qui est écrit.

C'est pourquoi je maintiens que l'absence ou la présence de fausses notes ne dit à elle seule pas grand-chose du niveau technique d'un interprète.
Un pianiste peut être techniquement virtuose avec plein de fausses notes (je dis bien techniquement virtuose, pas "musicalement intéressant"). Exemple : Berezovsky dans la Mephisto-valse de Liszt https://www.youtube.com/watch?v=NaBa9q3u9H0 ; ou Gilels dans la plupart de ses récitals. Berezvosky fait des fausses notes dans cette vidéo, mais joue avec une décontraction absolue, qui permet un son aérien, cristallin, scintillant, avec un legato souvent irrésistible, des accords dans les basses profonds, structurants, gorgés d'harmoniques etc. Tout ça ce sont bien des mises en œuvre de moyens techniques colossaux.

Au contraire, d'autres pianistes peuvent aligner des kilomètres de musique sans une fausse note mais avec une technique plutôt fruste pour un niveau de grand concertiste international (Valentina Lisitsa, bon exemple).

Le sentiment que j'ai c'est que le potentiel technique des pianistes ne bouge pas avec le temps, ce qui change c'est ce à quoi on le consacre. Et l'ère des enregistrements studio nickel chrome a contribué à répande la performance sans fausse note comme principal idéal pianistique (toutes choses égales par ailleurs), ce qui est une absurdité. Mais je ne suis pas sûr du tout qu'on forme plus qu'avant de pianistes réellement virtuoses - à mon avis, on forme et on propulse sur les grandes scènes plein de pianistes qui n'ont pour eux que l'exactitude digitale, parce que leur formation ne s'est attelée quasiment qu'à ça, mais qui manquent singulièrement de tout un autre pan de la technique pianistique, et qui peut-être auraient eu beaucoup plus de mal à percer avec ça il y a quelques décennies, justement parce qu'à l'époque on ne s'attachait pas de manière si névrotique à l'exactitude digitale des interprétations.

Ce qu'on lit et qu'on entend beaucoup, à savoir qu'il y a bien plus de virtuoses qu'avant, que le niveau technique des pianistes a largement augmenté, me semble surtout révélateur de ce changement de conception de l'idéal pianistique (changement regrettable à mon avis). Avec cette conception étroite et réductrice de la technique et de la virtuosité, aujourd'hui à peu près n'importe quel pianiste qui a le droit à son article dans la presse se voit désormais qualifié de grand virtuose (après quoi le journaliste commente sa "musicalité") : Lang Lang au même titre que Zimerman ou Berezovsky par exemple - alors qu'il me paraît clair qu'il y a pourtant un océan entre le premier cité et les deux suivants sur le plan technique.

Bref, en conclusion, pour répondre à ton interrogation sur les concours, je dirais que non, les finalistes d'aujourd'hui ne sont pas nécessairement techniquement plus forts que Gieseking ou Serkin (la plupart le sont même à mon avis beaucoup moins) ; mais que pour autant ces deux-là pourraient bien se faire dégager dès les premiers tours (enfin je ne sais pas si ce sont les meilleurs exemples, surtout Gieseking qui savait très bien faire la mitraillette de haute précision, mais ce serait certainement vrai pour Guilels ou pire, Sofronitsky), tant la conception de la technique s'est réduite à la combinaison de l'exactitude et de la vélocité.
Modifié en dernier par Pierre Salich le mer. 14 févr., 2018 19:29, modifié 1 fois.
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Okay
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Okay »

Et bien comme quoi on évolue ! Car je suis tout à fait d'accord avec pratiquement tout ce que tu écris, et plus vraiment d'accord avec ce que j'écrivais il y a deux ans et quelque...

Je pense toujours que le niveau de précision est monté quantitativement, mais dans le sens où davantage de pianistes sont capables de très bien jouer, comme on peut l'attendre dans les concours.

Bien entendu, tout à fait d'accord avec ce que tu décris de la virtuosité, de la technique... pas besoin d'entendre quelqu'un dans les grandes pages lisztiennes pour se faire une idée de sa technique. Je pense qu'en entendant les premières lignes d'un Prélude lent de Chopin ou d'une sonate de Beethoven, on peut de suite savoir si on écoute un grand pianiste, il y a tant de science du piano qui peut être mobilisée en quelques mesures. Evidemment, jouer des choses "démonstratives" est une réelle aptitude, mais en effet, c'est juste une fraction de ce que recouvre la technique, qui est une notion bien plus globale.

En revanche, concernant une montée du niveau qualitative, rien n'est moins sur en effet... quand on écoute les témoignages de ce que des pianistes comme Leopold Godowsky, Josef Lhevinne, Stanislav Neuhaus, Grigory Ginzburg ou Benno Moisewitch savaient faire avec un piano... Je pense que si on pouvait les entendre en live aujourd'hui, beaucoup reconsidéreraient les choses, et plus grand monde ne pourrait sérieusement affirmer que le niveau a beaucoup augmenté !... voire inverseraient leur préjugé...
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Abegg63 »

Entièrement d’accord avec toi Pierre et tu l’as bien mieux écrit que je ne l’aurais fait!
nox
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par nox »

Je trouve que ce qui a beaucoup évolué en 1 siècle ou deux, et qui rend très difficile tout travail de comparaison, c'est la sacralisation du texte et de la partition.
Le travail d'interprète aujourd'hui me semble beaucoup plus délicat, car la marge de manœuvre est beaucoup plus restreinte. On joue (et on apprend beaucoup plus à écouter) souvent sur les détails (mais qui peuvent faire une différence énorme en fait). Alors que lorsqu'on écoute par exemple certains enregistrements de Rachmaninoff, il y a beaucoup plus de liberté.
Il était d'ailleurs je crois assez courant (en tout cas pas exceptionnel) que l'interprète retravaille véritablement l'oeuvre et y apporte de véritables changements.
J'ai en tête un recueil que je possède de "transcriptions" de Siloti, qui souvent présente plutôt ce qu'on pourrait appeler "sa version de concert" de certaines oeuvres (Au bord d'une Source, Un sospiro, Variations sur Ah vous dirais-je maman, etc...). Je me demande qui oserait encore jouer ces versions aujourd'hui...
Pierre Salich
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Pierre Salich »

Okay a écrit : mer. 14 févr., 2018 14:05
Bien entendu, tout à fait d'accord avec ce que tu décris de la virtuosité, de la technique... pas besoin d'entendre quelqu'un dans les grandes pages lisztiennes pour se faire une idée de sa technique. Je pense qu'en entendant les premières lignes d'un Prélude lent de Chopin ou d'une sonate de Beethoven, on peut de suite savoir si on écoute un grand pianiste, il y a tant de science du piano qui peut être mobilisée en quelques mesures.
Tout à fait d'accord avec toi.
Okay a écrit : mer. 14 févr., 2018 14:05 Evidemment, jouer des choses "démonstratives" est une réelle aptitude, mais en effet, c'est juste une fraction de ce que recouvre la technique, qui est une notion bien plus globale.
Bien sûr, mais ce que je voulais montrer avec cette vidéo de Berezovsky, c'est que justement il ne se contente pas de jouer un morceau démonstratif, il le joue très bien, malgré les fausses notes. Alors qu'on trouve plein de versions de ce genre de morceau où la seule aptitude technique qui apparaît, c'est la vitesse et la capacité à monter un morceau très difficile - c'en est une, certes, mais souvent il manque le reste.
Okay a écrit : mer. 14 févr., 2018 14:05 En revanche, concernant une montée du niveau qualitative, rien n'est moins sur en effet... quand on écoute les témoignages de ce que des pianistes comme Leopold Godowsky, Josef Lhevinne, Stanislav Neuhaus, Grigory Ginzburg ou Benno Moisewitch savaient faire avec un piano... Je pense que si on pouvait les entendre en live aujourd'hui, beaucoup reconsidéreraient les choses, et plus grand monde ne pourrait sérieusement affirmer que le niveau a beaucoup augmenté !... voire inverseraient leur préjugé...
Oui, et surtout ce qui me semble révélateur, c'est que j'ai très peu entendu d'enregistrements de concerts d'avant l'ère du disque dans lequel le pianiste présentait les défauts importants et néanmoins fréquents de nombreux pianistes actuels - c'est à dire une technique qui se résume surtout à la combinaison rapidité/exactitude, aux dépens du son, du legato, de la densité harmonique etc.

J'ai découvert Lhévinne, Ginzburg, Moiseiwitsch ces dernières années et il font vraiment partie désormais de mes pianistes de chevet. Je les crois particulièrement représentatifs d'une sorte d'âge d'or (sans tomber dans la nostalgie) d'avant l'ère du disque qui a produit, particulièrement dans les pays d'ex-URSS, quantité de virtuoses géniaux dans des styles très différents : ceux que tu cites, Richter et Gilels évidemment, mais aussi Neuhaus père, Maria Grinberg, Maria Yudina, Sofronitsky (rien de plus éloigné des standards de concours actuels que celui-ci et pourtant quel génie) ...
Modifié en dernier par Pierre Salich le mer. 14 févr., 2018 19:25, modifié 1 fois.
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Abegg63 »

Puisque le titre de ce sujet est l’enseignement, je crois qu’il a beaucoup évolué.
Il y a plus de disciplines obligatoires dans les conservatoires.
Lorsque j’y étais élève, seuls l’instrument et le solfège étaient obligatoire.
Pas de chant choral, harmonie et écriture facultatives, musique de chambre à partir du 3e cycle.
Je ne sais pas si c’était pareil partout.
Pierre Salich
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Pierre Salich »

nox a écrit : mer. 14 févr., 2018 14:56 Je trouve que ce qui a beaucoup évolué en 1 siècle ou deux, et qui rend très difficile tout travail de comparaison, c'est la sacralisation du texte et de la partition.
Le travail d'interprète aujourd'hui me semble beaucoup plus délicat, car la marge de manœuvre est beaucoup plus restreinte. On joue (et on apprend beaucoup plus à écouter) souvent sur les détails (mais qui peuvent faire une différence énorme en fait). Alors que lorsqu'on écoute par exemple certains enregistrements de Rachmaninoff, il y a beaucoup plus de liberté.
Il était d'ailleurs je crois assez courant (en tout cas pas exceptionnel) que l'interprète retravaille véritablement l'oeuvre et y apporte de véritables changements.
Tu mets le doigt sur quelque chose de fondamental qui appelle une longue réponse, mais il faut que j'y prenne un peu le temps pour l'écrire et pour clarifier ce que je pense en termes intelligibles, je vais y travailler.
N'est-ce pas

Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par N'est-ce pas »

Dans mes petites recherches autour des différences d'édition du concerto BWV1056, je suis tombé sur cet article qui fait une affirmation similaire à celle de nox sur les interprétations, mais à propos du travail d'édition des oeuvres musicales
https://www.key-notes.com/blog/urtext-editions

Selon l'article, à partir des années 50 à peu près, on a arrêté de faire du travail d'édition un travail d'interprète pour en faire plutôt celui d'un chercheur d'un texte rêvé authentique. Je trouve que la volonté d'authenticité derrière ce changement oublie un peu vite que la recherche c'est aussi interpréter des indices et essayer de leur donner une cohérence.

Petit passage marrant :
Professional classical musicians tend to be taught nowadays to be text fetishists. If there’s a coffee stain on the manuscript, well, it’s a Beethoven coffee stain so it has to mean something.
Les musiciens classiques professionnels ont tendance à apprendre de nos jours à être des fétichistes du texte. S'il y a une tache de café sur le manuscrit, c'est une tache de café de Beethoven donc ça doit vouloir dire quelque chooooose !!!!!!
=> encore une fois, travail d'interprétation : qu'est-ce qui est significatif ? qu'est-ce qui ne l'est pas ? qui sur-intérprète ? dur à décréter a priori...

Intéressant: j'ai plus souvent trouvé des personnes promptes à dire : "il n'y a pas une seule bonne interprétation, y a plusieurs façons incommensurables et également valables de jouer une pièce" que des personnes qui disaient "il n'y a pas une seule bonne édition, y a plusieurs façons incommensurables et également valables d'éditer une oeuvre".
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Lee
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Lee »

Pierre Salich a écrit : mer. 14 févr., 2018 11:42 à mon avis, on forme et on propulse sur les grandes scènes plein de pianistes qui n'ont pour eux que l'exactitude digitale, parce que leur formation ne s'est attelée quasiment qu'à ça, mais qui manquent singulièrement de tout un autre pan de la technique pianistique, et qui peut-être auraient eu beaucoup plus de mal à percer avec ça il y a quelques décennies, justement parce qu'à l'époque on ne s'attachait pas de manière si névrotique à l'exactitude digitale des interprétations.

Ce qu'on lit et qu'on entend beaucoup, à savoir qu'il y a bien plus de virtuoses qu'avant, que le niveau technique des pianistes a largement augmenté, me semble surtout révélateur de ce changement de conception de l'idéal pianistique (changement regrettable à mon avis). Avec cette conception étroite et réductrice de la technique et de la virtuosité, aujourd'hui à peu près n'importe quel pianiste qui a le droit à son article dans la presse se voit désormais qualifié de grand virtuose (après quoi le journaliste commente sa "musicalité") : Lang Lang au même titre que Zimerman ou Berezovsky par exemple - alors qu'il me paraît clair qu'il y a pourtant un océan entre le premier cité et les deux suivants sur le plan technique.
Si je suis ta logique, Lang Lang ne fait pas des fautes de texte, ni des notes ni des nuances etc., alors que c'est loin de ce qu'on entend...je pense qu'il y a des phénomènes marketing aussi (tu parlais de Lisitsa) qui sont considérablement "hors logique" des qualités piano.
Pierre Salich a écrit : mer. 14 févr., 2018 11:42 Bref, en conclusion, pour répondre à ton interrogation sur les concours, je dirais que non, les finalistes d'aujourd'hui ne sont pas nécessairement techniquement plus forts que Gieseking ou Serkin (la plupart le sont même à mon avis beaucoup moins) ; mais que pour autant ces deux-là pourraient bien se faire dégager dès les premiers tours (enfin je ne sais pas si ce sont les meilleurs exemples, surtout Gieseking qui savait très bien faire la mitraillette de haute précision, mais ce serait certainement vrai pour Guilels ou pire, Sofronitsky), tant la conception de la technique s'est réduite à la combinaison de l'exactitude et de la vélocité.
Je crois que tu n'étais pas encore sur le forum quand le concours de Chopin a eu lieu. Okay a très justement souligné les résultats et les notes qui étaient en clair : aucun de jury a choisi le pianiste qui a gagné en premier. Et n'oublie pas les concours à l'ancien (je n'ai aucune idée comment ça se passe aujourd'hui) quand Sokolov était choisi par Gilels, contre les avis du jury...je me demande s'il n'y a pas quelque chose très déhumanisant des concours qui ne prend pas en compte les valeurs musicales humains non chiffrable, les chiffres étant les "vrais" résultats des concours. C'est peut-être l'objectif de tes petits expériences et statistiques, alors je me permets d'en parler (je ne suis pas ou je ne fais pas attention suffisamment à tout ça pour bien savoir).
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par nox »

Pierre Salich a écrit : mer. 14 févr., 2018 11:42 Ce qu'on lit et qu'on entend beaucoup, à savoir qu'il y a bien plus de virtuoses qu'avant, que le niveau technique des pianistes a largement augmenté, me semble surtout révélateur de ce changement de conception de l'idéal pianistique (changement regrettable à mon avis). Avec cette conception étroite et réductrice de la technique et de la virtuosité, aujourd'hui à peu près n'importe quel pianiste qui a le droit à son article dans la presse se voit désormais qualifié de grand virtuose (après quoi le journaliste commente sa "musicalité") : Lang Lang au même titre que Zimerman ou Berezovsky par exemple - alors qu'il me paraît clair qu'il y a pourtant un océan entre le premier cité et les deux suivants sur le plan technique.
Je crois que Liszt s'en plaignait déjà à la fin de sa vie, et résumait parfaitement ça en disant d'un air désespéré : "Aujourd'hui, tout le monde sait jouer du piano..."
pianojar
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par pianojar »

Pierre Salich a écrit : mer. 14 févr., 2018 11:42 Lang Lang au même titre que Zimerman ou Berezovsky par exemple - alors qu'il me paraît clair qu'il y a pourtant un océan entre le premier cité et les deux suivants sur le plan technique.
Tu peux développer stp ?
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Presto »

nox a écrit : mer. 14 févr., 2018 14:56 Je trouve que ce qui a beaucoup évolué en 1 siècle ou deux, et qui rend très difficile tout travail de comparaison, c'est la sacralisation du texte et de la partition.
Arf, je ne suis vraiment pas sûr, à en juger aux grosses colères que pouvait pousser Beethoven à l'interprétation de ses œuvres, je pense à l'op31-1, ça m'indique 2 choses,
- que ses élèves jouaient scrupuleusement ce qui était écrit.
- que Beethoven savait dans les détails ce qu'il voulait, et sa correspondance est stupéfiante à ce sujet, la moindre faute d'accent ou de liaison de la part de l'éditeur était aussitôt pointée, et aussi parfois, j'ai l'impression d'un certain "ça va sans dire" quand il s'agit des reprises des thèmes. Mais n'en suis pas sûr et un certain Rosen a théorisé ça...
eidt 1 : Et je crois les partitions de Bach ou de Scarlatti pas moins précises... encore que de Bach, je ne sais pas, tout en le croyant tout de même :wink:
et pour le 2e edit, je crois aussi qu'un compositeur ne peut pas tout noter, qu'il dose savamment ce qui doit l'être sans surligner, en se disant peut-être que le reste, les micro-nuances, le petit élargissement ils comprendront... #-o :?
Modifié en dernier par Presto le jeu. 15 févr., 2018 20:50, modifié 2 fois.
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Presto »

Okay a écrit : mer. 14 févr., 2018 14:05 concernant une montée du niveau qualitative, rien n'est moins sur en effet...
content de lire ça sur ton clavier, ce qui ne fut pas toujours le cas :wink:
Je crois que ce qui a changé, ce sont les conditions d'accès à la musique, en un temps, si on voulait connaître une œuvre, il n'y avait pas le choix, il fallait la jouer. De nos jours, on l'entend d'un clic par les plus grands et ça peut conduire à une certaine uniformisation des styles. Et on prenait le temps, une tournée en Amérique c'était une grande pause sur le bateau, et maintenant c'est un battement de cils dans un avion. Mais c'est dit sans aucune certitude :wink:
Modifié en dernier par Presto le jeu. 15 févr., 2018 20:41, modifié 2 fois.
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Presto »

pianojar a écrit : jeu. 15 févr., 2018 10:01
Pierre Salich a écrit : mer. 14 févr., 2018 11:42 Lang Lang au même titre que Zimerman ou Berezovsky par exemple - alors qu'il me paraît clair qu'il y a pourtant un océan entre le premier cité et les deux suivants sur le plan technique.
Tu peux développer stp ?
LL a déçu, ce serait mon hypothèse :| :D
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par pianojar »

Sans doute mais la phrase peut se comprendre dans le sens inverse et pour certains qui placent Lang Lang au dessus du lot c'est sans doute le sens qu'elle prend ..........
Pierre Salich
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Pierre Salich »

pianojar a écrit : jeu. 15 févr., 2018 21:16 Sans doute mais la phrase peut se comprendre dans le sens inverse et pour certains qui placent Lang Lang au dessus du lot c'est sans doute le sens qu'elle prend ..........
Ah non je voulais dire : Lang Lang est souvent qualifié de virtuose comme le sont par exemple Berezovsky ou Zimerman, alors que ces deux-là me paraissent très clairement bien plus forts techniquement.

J'avais cru que tu avais l'avis contraire et que tu me demandais d'argumenter, du coup je suis parti à la recherche de vidéos des 3 pour essayer de caractériser objectivement un ou deux aspects du jeu de Lang Lang qui pour moi reflètent une limite technique que je ne ressens pas chez les autres. C'est assez dur à faire (surtout que je ne suis ni pianiste pro ni prof de piano), mais j'avais de quoi essayer de fournir une démonstration qui se voulait à peu près objective - si c'était ton souhait je peux essayer de poster un exemple.
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Pierre Salich »

pianojar a écrit : jeu. 15 févr., 2018 21:16 Sans doute mais la phrase peut se comprendre dans le sens inverse et pour certains qui placent Lang Lang au dessus du lot c'est sans doute le sens qu'elle prend ..........
Et puis franchement je serais étonné que beaucoup de gens jugent Lang Lang supérieur sur le plan technique à Berezovsky et Zimerman qui sur ce plan sont vraiment au sommet. C'est pour ça que je n'ai pas précisé, je pensais que le sens de la comparaison allait de soi :)

Qu'on leur préfère quand même la jeune star, je peux comprendre (à la rigueur...), mais de là à le trouver plus virtuose...
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Presto »

Pour moi, ce sont des techniques qui ne se comparent pas,
LL m'agace parce qu'il fait n'importe quoi, et par son côté m'as tu vu.
Zim m'agace parce qu'il est trop parfait et que ses moyens sont sidéraux, et j'aimerais bien parfois qu'il joue autrement que pour l'éternité.
et Bere m'agace parce qu'il fait tout bien.
et je ne suis jamais content et un peu frustré :lol: :mrgreen:
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Lee
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Re: Enseignements d'hier et d'aujourd'hui

Message par Lee »

Pierre a qualifié Lang Lang parmi "les mauvaises" plusieurs fois. Je ne supporte rien qu'il fait non plus, si j'étais fan de Prokofiev peut-être ça serait différent...
(Notre désaccord était pour y mettre Yundi et Yuja aussi dans cette même boîte.)
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