Musique atonale

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
louna
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Message par louna »

Je trouve que la Turangalila symphonie, citée par H-Berlioz est "facile à écouter" pour commencer.
Le concerto à la mémoire d'un ange, Berg.
Si on veut s'amuser à faire un peu d'analyse de séries, les variations op??? pour piano de Webern sont assez abordable, c'est marrant à analyser.
Sans oublier le pierrot lunaire de Schoenberg, le marteau sans maitre de Boulez...

En musique contemporaine, j'aime aussi beaucoup ce que fait Joelle Léandre (contrebassiste).
Ainsi que le travail de Berio. Surtout sur la voix (sequenza pour voix), le Stripsody de C.Berberian, les récitations d'Aperghis....
Je préfère cette branche.
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sandreen
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Message par sandreen »

...
Modifié en dernier par sandreen le mar. 08 mai, 2007 17:29, modifié 1 fois.
Sans la musique, la vie serait une erreur.
Friedrich Nietzsche
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Emilie
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Message par Emilie »

:D Merci beaucoup yannis d'avoir cherché tout ça, ça fait vraiment plaisir, je vais avoir plein de bonnes choses à écouter, c'est très gentil.

Sinon, je constate que je ne suis pas la seule à avoir du mal à trouver des vidéos de musique atonale, ça mérite pourtant d'être vu pour être vécu d'une autre façon!

Merci encore
Jean-Michel Verdier
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Message par Jean-Michel Verdier »

louna a écrit :Le concerto à la mémoire d'un ange, Berg.
Ca c'est divin !
louna a écrit : Surtout sur la voix (sequenza pour voix), le Stripsody de C.Berberian, les récitations d'Aperghis....
Ca c'est génial aussi, en particulier les récitations par Martine Viard. Même que je suis obligé de les écouter en cachette à la maison. Autrement je divorce.
bernard
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Message par bernard »

ben moi aussi si j'écoute un peu trop fort les dernières pièces envoyées par Yannis ( Skalkottas superbe , un peu trop de réverbération à l'enregistrement à mon goût, on perd en précision )

ç'est aussi le divorce
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yannis
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Message par yannis »

bernard183 a écrit :ben moi aussi si j'écoute un peu trop fort les dernières pièces envoyées par Yannis ( Skalkottas superbe ,
merci, c'est gentil

je t'ai trouvé une biographie de Skalkottas, en français. [Dans le texte, à un moment, il parle de Marika Papaïoannou, élève de Schnabel. Et bien à cette grande dame, et à son mari, je leur ai tourné les pages lors d'un concert d'œuvres pour 4 mains de Schubert !! C'était dans les années 1976-78...]

Voici la biographie :

Nikos Skalkottas
(biographie par Christophe Sirodeau en francais)

Malgré une très grande personnalité, une œuvre foisonnante de très haut niveau et un langage très original, Nikos Skalkottas (1904-1949), compositeur grec, disciple d'Arnold Schoenberg, Kurt Weill et Philipp Jarnach, est resté à peu près inconnu du public jusqu'à nos jours (2000), connu seulement des dictionnaires et par quelques musiciens. Pourtant, dans l'édition 1965 du dictionnaire Larousse français de la musique, le musicologue Harry Halbreich dans son article consacré à la musique en Grèce écrivait déjà: "C'est cependant la génération suivante [après celle des fondateurs de l'école nationale Kalomiris et Petridis] qui nous offre le plus grand de tous les compositeurs hellènes, Nikos Skalkottas." Et Halbreich ajoute plus loin: "Son œuvre est aussi chaleureux, aussi lyrique, et souvent aussi sombre, que celui d'un Alban Berg, parfois aussi ténu et raffiné que celui d'un Webern, ou aussi rythmé que celui d'un Stravinsky ou d'un Bartók. Mais il est avant tout d'une clarté et d'une lucidité véritablement méditerranéennes", et parle des compositions de Skalkottas comme "représentant un des œuvres les plus importants de notre époque!" Nikos Skalkottas vit le jour à Halkis sur l'île d'Eubée le 8 mars 1904. Son père Alécos était originaire de l'île de Tinos (Cyclades), sa mère, Ioanna, venait de Hostia, en Béotie; elle chantait à son fils des chansons de son pays (qu'il utilisa plus tard dans ses compositions), et lui racontait des légendes locales. A l'âge de 5 ans, avec l'aide de son père, il se construisit lui-même un petit violon. C'est son oncle Kostas qui commença la même année à lui enseigner le violon. Toujours en 1909, la famille s'installa à Athènes pour fournir à Nikos une meilleure éducation: il poursuivit plus tard ses études de violon auprès de Tony Schulze, au Conservatoire d'Athènes, dont il sortit en 1920 avec un brillant diplôme. L'un des événements décisifs dans la vie de Skalkottas fut sans conteste l'obtention en 1921 d'une bourse de la Fondation Averoff qui lui permit de se rendre à Berlin (où il restera jusqu'en 1933), d'abord pour des études supérieures de violon auprès de Willy Hess, à l'Académie Musicale, cela à un moment crucial de son développement artistique et humain. C'est clairement pendant ces années que Skalkottas aura accès à toute l'actualité internationale de la musique et des arts. En effet, au cours des années de la République de Weimar, c'est à peu près toute l'élite artistique du monde qui se donne rendezvous à Berlin. Rien qu'à la Hochschule, les professeurs se nomment Hindemith, Schnabel, Fischer, Schreker, Szell. Lors de ses quelques cours auprès de Kurt Weill, il aura peut-être rencontré ses condisciples Maurice Abravanel et Claudio Arrau. A Berlin on peut entendre des interprètes comme Rachmaninov, Horowitz, Milstein, Serkin, Busch, Menuhin, Casals, Kempff, Cortot, Szigeti, Chaliapine, Toscanini, Monteux, Zemlinsky et bien sûr les 4 chefs "phares" de la ville, Erich Kleiber, Bruno Walter, Otto Klemperer et Wilhelm Furtwängler. Mais l'on sait peu de choses en fait de ce qu'était la vie de Skalkottas dans ces années. Dès sa première année d'études, il rencontre celle qui devait devenir sa première compagne vers 1926, la violoniste ukrainienne Mathilde Temko originaire de Riga en Lettonie. Ils auront ensemble 2 filles dont seule la seconde, Artémis Lindal, survécut. Ils se séparèrent en 1931 et Mathilde s'installa avec sa fille à Stockholm. A Berlin, Skalkottas partage la première année un appartement à Lankwitz avec Dimitri Mitropoulos (ses relations avec lui seront plus tard tantôt amicales tantôt conflictuelles), et fréquentera le compositeur grec Yannis Constantinidis. Après deux années d'études de violon à Berlin, il se décide à s'adonner entièrement à la composition. De ces années-là, il reste tout de même de nombreuses lettres écrites souvent à son amie la violoniste Nelly Askitopoulou (qui devait devenir plus tard l'épouse du poète Evelpidis dont les vers inspireront Skalkottas pour les 16 Chansons ou le Mythodrame Avec les sortilèges de Mai - BIS CD- 954). Skalkottas aura aussi l'occasion de voyager en Europe, à Bruxelles au printemps 1925 (où il retrouve Nelly), en Autriche (Vienne et Salzbourg), et bien sûr à l'intérieur de l'Allemagne. Ses conditions de vie financières sont loin d'être toujours satisfaisantes, et il travaillera par exemple dans des cinémas pour l'accompagnement des .lms ou bien à des orchestrations pour le label Odeon. Mais il sera soutenu aussi par une famille fortunée, les Salomon. Il produit dès 1925 après des études avec Paul Juon et quelques cours avec Kurt Weill (qui semblent se prolonger jusqu'en 1926) son premier chef-d'œuvre, la Sonate pour violon solo (dédiée à Nelly) - BIS-CD-1024, avant d'étudier pendant 2 ans auprès de Philipp Jarnach (lui-même disciple de Busoni). Jarnach dira plus tard de Skalkottas qu'il était de caractère très fermé, mais il est visiblement impressionné par son élève, comme le rapporte John G. Papaïoannou: "P. Jarnach me raconta qu'un jour il demanda à Skalkottas de composer un morceau pour son orchestre. Skalkottas le lui amena à la leçon suivante: 'Beaucoup trop dense et lourd dans l'or- chestration', fit remarquer le maître, 'faites-le plus léger, plus transparent'. Skalkottas ne répondit pas. Il amena la partition 'rectifiée' au séminaire suivant. C'est alors que Jarnach lui demanda s'il avait conservé l'ancienne partition. Skalkottas la lui montra 'et alors', dit Jarnach, 'je réalisai que c'est lui qui avait raison et moi tort: ce que j'avais trouvé trop dense était une écriture caractéristique de sa part, aux niveaux sonores superposés, très riches en son, mais non transparents'." Un second petit joyau voit le jour en juillet 1927: ce sont les 15 Petites Variations pour piano, pièce étonnante de maturité. C'est seulement là que Skalkottas amorce un tournant avec des études auprès de Schoenberg jusqu'en août 1930, avec cette fois le soutien d'une bourse de la Fondation Benakis. Schoenberg, lors d'une conversation avec la pianiste Marika Papaïoannou (élève d'Arthur Schnabel), dira grand bien de son nouvel élève. Il mentionne lui-même en 1948, peu avant sa mort (ignorant complètement si Nikos Skalkottas vivait ou s'il avait composé quoi que ce soit après 1933), que "parmi les centaines de mes élèves, très peu sont devenu des [vrais] compositeurs: Anton Webern, Alban Berg, Hans Eisler, Karl Rankl, Winfried Zillig, Roberto Gerhard, Nikos Skalkottas, Norbert von Hannenheim, Gerald Strang, Adolph Weiss. C'est du moins les seuls dont j'ai entendu parler." Les quelques lettres à des amis qui subsistent de cette époque montre un Skalkottas d'une très grande curiosité et dans "le souci constant d'apprendre, s'inscrivant même à l'Université pour étudier un peu de littérature et de philosophie, tantôt attiré par l'étude du japonais" (comme l'écrit Isabelle Thabard), et ses condisciples se souviennent de lui comme d'un jeune homme enjoué et farceur. C'est durant ces années que quelques- unes de ses œuvres orchestrales seront jouées à Berlin ainsi que lors de ses passages à Athènes (J.G. Papaïoannou rapporte qu'il y dirigea le concert inaugural de la série dite "populaire", comprenant son Concerto Grosso pour orchestre à vent et la "création" à Athènes de la dernière grande symphonie de Schubert - D 944). Ce seront en fait pour lui les seules occasions d'entendre ou de diriger ses partitions orchestrales atonales ou sérielles. A partir de l'été 1931, sa situation semble se dégrader, avec la perte de la Bourse Benakis, sa séparation d'avec Mathilde, et surtout une mystérieuse rupture avec Schoenberg, dont le principal effet semble être l'arrêt presque total de ses activités de compositeur jusqu'en 1934-35: il semble que Schoenberg lui ait par exemple reproché d'écrire "trop de notes" dans son Premier Concerto pour piano (BIS-CD-1014), à quoi Skalkottas répondit avec aplomb - fort sans doute de l'expérience avec P. Jarnach - qu'il y avait dans ce concerto toutes les notes nécessaires. Malgré cela, il semble qu'il se réinscrit en 1932 dans la classe de Schoenberg (pour des raisons probablement administratives), et que Schoenberg tente de lui faire bénéficier d'une dernière bourse, la Bourse Mendelssohn, attribuée par un jury où il siège, mais celle-ci sera .nalement offerte à Norbert von Hannenheim, un ami de Skalkottas. En mai 1933, il retourne en Grèce, pensant y passer quelques mois comme lors de ses précédents séjours, avant de rentrer à Berlin - ce qui explique qu'il laisse sans état d'âme ses manuscrits en gage, en compensation de loyers impayés. Mais, n'ayant pas effectué son service militaire, il n'a sans doute pas pu renouveler son passeport, ce qui expliquerait qu'il se soit ainsi retrouvé bloqué en Grèce. C'est donc un retour dans la patrie qu'il n'imagine certainement pas définitif à ce moment-là, mais ses probables tentatives ultérieures pour voyager se soldent visiblement par un échec. Dans une lettre à son ami Rudi Goehr de 1947, Skalkottas regrettait "qu'il ne soit pas parti lui aussi en Amérique". Quant à ses manuscrits abandonnés (manuscrits en grande partie détruits ultérieurement par accident), John G. Papaïoannou raconte comment, lui ayant demandé des nouvelles de ces œuvres écrites à Berlin, Skalkottas répondit: "mais si vous êtes intéressé par ces œuvres dites-le-moi, je peux les réécrire pour vous"; de fait, il se souvenait de toutes ses œuvres en détail. En 1935 il reconstruisit de mémoire sa Première Suite Symphonique, écrite à Berlin en 1929. Son retour à Athènes s'opère sous le signe des retrouvailles avec la musique populaire: après plusieurs années de crise comme compositeur, certains travaux de transcriptions qui lui sont officiellement confiés par Melpo Merlier l'encouragent certainement dans la rédaction des fameuses 36 Danses Grecques, qui lui apporte un premier succès incontesté dans son pays (mais qui ne seront jouées dans la totalité qu'en 1988 à Rio de Janeiro (!) sous la direction de Byron Fidetzis). En fait, seules de rares œuvres modales ou tonales seront jouées en Grèce jusqu'à la .n de sa vie, notamment deux ballets (dont La jeune fille et la Mort [ou La Belle et la Camarde - traduction plus précise - BIS-CD-1014] dès 1940), des extraits de la Symphonie Classique en la majeur pour instruments à vent et une partition pour la radio et la scène (sur Henry V - aujourd'hui partiellement perdue). Aucune des autres œuvres ne sera jouée, toutes les tentatives avortant. C'est le cas du Concertino pour hautbois qui faillit bien être présenté puisque Skalkottas rédigea une note pour le public. Ce texte est d'ailleurs instructif, puisque Skalkottas y appelle le public au rire et à l'humour de sa musique. Selon de nombreux témoignages il y a souvent deux images de Skalkottas qui coexistent, celle d'un bel homme, volontiers facétieux et dynamique, et celle de l'homme isolé, (aussi bien par le rejet des autres que par son propre choix), secret et triste. Il semble que Skalkottas soit victime en rentrant dans son pays d'un certain nombre de cabales et il doit pour survivre se retrancher dans un emploi de violoniste de rang dans les trois orchestres d'Athènes jusqu'à la .n de sa vie. Déçu, il s'isole complètement et refuse de parler sérieusement de musique à quiconque à quelques exceptions près, quand il est rassuré que son interlocuteur le comprend (raconté par J.G. Papaïoannou). Entre 1935 et 1944, il va produire l'essentiel de son œuvre, très abondante (l'année 1939-1940 étant la plus incroyablement faste, et culminant avec les 32 Pièces pour piano), abordant des genres très diversi.és et utilisant notamment (mais pas exclusivement) un système multi-sériel dodécaphonique de son invention (très élaboré et riche de potentialités) dans des œuvres souvent de très grandes dimensions. C'est le cas de la Seconde Suite Symphonique en six mouvements d'une durée de 75 minutes, qui représentent l'un de ses chefs-d'œuvre (aux côtés des 32 Pièces pour piano présentées ici - écrites par contre en atonalité "libre"). Signalons que la Seconde Suite Symphonique attend toujours sa création intégrale - seuls trois mouvements sur les six ayant été présentés jusqu'ici, notamment le sublime Largo Sinfonico (no 4) - BIS-CD-904 - (l'orchestration de la fin du cinquième mouvement interrompue par le décès de Skalkottas, et celle du final - no 6 -, ont été réalisées par le musicologue et compositeur Kostis Demertzis qui a par ailleurs publié un impressionnant ouvrage sur l'orchestration skalkottienne en Grèce). C'est en mai 1944 qu'a lieu l'épisode de son arrestation par les nazis pour avoir enfreint le couvre-feu: Skalkottas a la chance de ne pas être abattu d'office comme c'était souvent le cas à ce moment, et il sera "juste" interné dans le camp de Khaïdari pendant plusieurs mois (il y compose la fanfare pour le réveil du camp ou des pièces aux titres suggestifs comme La voiture-panier à salade - toutes ces pièces sont perdues). C'est aussi pendant la guerre en 1943 que Skalkottas rencontra la pianiste Maria Pangali par l'intermédiaire de son amie violoncelliste Maria Pisti pour faire du trio. Maria Pangali a raconté comment Skalkottas dès la première séance se retournait constamment en jouant pour la dévisager. C'est ainsi que débuta leur relation. Ils se marièrent après la guerre, en 1946. Un premier fils, Alécos, naît en 1947. Mais si cette nouvelle situation lui redonne courage pour affronter plus facilement une nouvelle crise créative, il reste de caractère plutôt renfermé, capable de ne pas dire un mot pendant des journées entières. Il n'a pas non plus beaucoup d'amis, par contre, il semble paradoxalement moins dépressif et visiblement concerné par l'avenir de ses enfants. Après une nouvelle crise esthétique (moins longue que la première) comme compositeur en 1945, durant les 3 dernières années de sa vie il va revenir peu à peu à un niveau de production presque aussi abondant qu'avant et surtout réaliser nombre d'orchestrations de partitions laissées en suspens. Il compose aussi dans ces années une quantité plus importante qu'avant-guerre d'œuvres tonales, dont certaines seront jouées devant lui. Dans la nuit du dimanche 18 au lundi 19 septembre 1949, Skalkottas avoue à sa femme une douleur devenue intolérable dans le ventre - il n'avait pas voulu l'inquiéter plus tôt car elle est près d'accoucher (le mercredi 21) d'un second fils - on emmène d'urgence Skalkottas à l'hôpital pour opération, mais trois heures plus tard il meurt d'une hernie strangulaire. En fait, il ne s'était pas soigné à temps probablement par la faute d'une erreur de diagnostic d'un ami médecin. A sa mort brutale, ce 19 septembre 1949, Skalkottas est pratiquement inconnu, ni publié, ni enregistré, ni joué. Ses succès passagers de Berlin sont oubliés, sauf pour quelques-uns de ses camarades survivant encore comme Walter et Rudi Goehr. Il aura fallu plus de cinquante années pour que ses œuvres soient toutes jouées au moins une fois. Au moment de son décès c'est Richard Strauss que l'on célèbre, mort dix jours auparavant (et l'Europe musicale ne regarde guère vers la Grèce qui sort tout juste, exsangue, d'une longue guerre civile faisant suite à la Seconde Guerre Mondiale). Ce qui est frappant à l'écoute des œuvres de Skalkottas, c'est une profonde originalité au-delà des rapprochements légitimes que l'on peut faire avec les œuvres de son maître Schoenberg, avec celles de Berg, de Bartók, et surtout de Stravinsky que Skalkottas a toujours admiré profondément. Ce que l'on entend d'abord, ce sont les incroyables couleurs de ses accords, souvent écrits dans une disposition éclatée utilisant un très large spectre, un kaléidoscope d'harmonies très recherchées, à la fois perpétuellement différentes et présentant toutefois un lien secret rapidement perceptible dès que l'on se familiarise un peu avec le style de l'auteur. Deuxième élément s'associant étroitement au premier, c'est la richesse de la vie rythmique et une très forte énergie ainsi véhiculée tout au long de complexes ou plus simples constructions et structures musicales. Troisièmement, l'extraordinaire éclectisme de son langage musical, par delà les aspects stylistiques communs à toutes ses partitions: le langage musical de Skalkottas se caractérise notamment par l'usage souvent parallèle d'écriture atonale libre, dodécaphonique sérielle, multi-sérielle surtout, tonale et enfin modale, folklorique, jusqu'aux emprunts au jazz. Plus spécialement, la musique populaire et démotique, et la musique "savante" ne s'opposent pas chez Skalkottas mais se nourrissent l'une de l'autre. On remarque aussi une tendance à des conceptions grandioses du temps musical ou de la masse sonore, proches des "titans" de la .n du 19e siècle comme Bruckner ou Mahler, non seulement dans ses partitions orchestrales mais aussi dans nombre de pages de musique de chambre, et cela principalement à une époque (les années 40) où l'esprit du néoclassicisme était depuis longtemps assez présent quels que soient les styles d'écritures utilisés, y compris d'ailleurs d'une certaine façon chez Skalkottas lui-même - au niveau formel comme dans les concertos - ou dans le domaine des "petites pièces" (quelques-unes des 32 Pièces pour piano ou des 10 Esquisses [Pièces] pour quatuor). En effet, paradoxalement, même s'il n'est pas foncièrement proche de l'esprit néoclassique, Skalkottas pourrait se rapprocher beaucoup plus (comme l'a remarqué John Thornley) du courant de la Nouvelle Objectivité ou de la "musique absolue" ainsi que du Jeune Classicisme de Busoni ("aux antipodes d'un néoclassicisme purement restaurateur" selon l'expression de Pascal Huynh) - Busoni qui fut du reste le maître de deux de ses professeurs, Philipp Jarnach et Kurt Weill, dont il ne faudrait pas sous-estimer l'importance dans la formation de Skalkottas en regard des études avec Schoenberg. Par ailleurs, nous pouvons aussi remarquer combien certains aspects de l'œuvre de Skalkottas anticipent étonnamment sur quelques partitions du futur comme celles de Xenakis, Ligeti, ou même la musique électronique. Bien sûr, tous ces rapprochements concernent généralement plus la perception auditive que les moyens d'écriture mis en œuvre. Mais comme le fait remarquer Isabelle Thabard, "pour tentantes que soient ces références dont nous ne saurions nous priver dans un premier temps, il nous semble que l'originalité de Skalkottas ne sera vraiment perçue que lorsqu'on cessera de le considérer par rapport à l'un ou l'autre de ces grands maîtres". Un aspect très personnel réside aussi dans ses formulations du système dodécaphonique, plus complexe que celui de Schoenberg; comme l'explique John G. Papaïoannou, "au lieu d'une seule hiérarchie, (par exemple, série de 12 sons - son isolé), il introduit une hiérarchie double (complexe de série - série - son isolé), le 'complexe' pouvant contenir de 2 à 16 (exceptionnellement 18) séries dodécaphoniques indépendantes - le matériau de base devient ainsi bien plus riche et apte à conduire à des œuvres bien plus variées. De plus, les niveaux de hiérarchies superposées (initialement 2) se multiplient (similitudes d'échelle, voire 'fractale', découvertes bien après la mort de Skalkottas), atteignant le nombre fantastique de 23 dans un cas (Seconde Suite Symphonique)." Un autre point également souvent évoqué est son isolement forcé en Grèce du monde musical international qui lui a permis de développer un chemin très personnel envers la musique et ses techniques, à l'écart des débats parfois stériles - après avoir été au courant de toute la musique contemporaine dans le monde jusqu'en 1933, il ne semble pas en effet avoir rien lu ou entendu après cette date à l'exception après la guerre de la partition du Quatrième Quatuor de Schoenberg de 1936. J.G. Papaïoannou évoque aussi entre autres particularités "la structure harmonique qui béné.cie de son audition interne exceptionnelle, évitant les associations de sons verticales au hasard du type 'cluster', en choisissant des accords complexes dissonants, mais toujours enchanteurs, voire magiques, une gamme de familles d'accords (d'après les types d'intervalles inclus) d'une richesse auditive et d'une variété exceptionnelles, l'écriture linéaire, de plus, étant extrêmement libre, élégante, ef.cace, et se prêtant à des contrepoints ahurissants (par exemple 14 voix dans le Troisième Concerto pour piano, 17 voix dans les stretti de la triple fugue du Retour d'Ulysse, etc). Qui plus est, un contrepoint à juste 2 voix est ampli.é par le résultat de l'enchevêtrement des 2 lignes mélodiques, de sorte à faire entendre 3 ou 4 voix .ctives, au lieu de 2 réelles (il s'agit d'un 'trompe l'oreille' analogue au trompe l'œil)", une autre force de Skalkottas étant l'instrumentation ou l'orchestration, "toujours bizarre, capricieuse, inattendue, contraire aux règles classiques, conduisant néanmoins grâce à son originalité à des effets magiques, irremplaçables par la logique usuelle, sachant écrire pour chaque instrument, de façon à en exploiter au maximum ses potentialités, et même plus: à créer de nouvelles sonorités, et même de nouvelles 'unités sonores' plus riches que la somme des notes jouées. Toutes ces composantes superposées, en plus de la maîtrise de la forme (souvent 2, 3, 4 formes classiques superposées dans la même pièce, ou bien incluses l'une dans l'autre - par exemple une forme sonate, tout entière, incluse dans le premier sujet d'une sonate plus vaste - la pièce se concevant ainsi comme une tresse de paramètres enroulés les uns autour des autres, mais coordonnés de façon à ce que les sections et sous-sections multiples coïncident toujours parfaitement) contribuent tant à uni.er le résultat .nal, qu'à le pourvoir de ces qualités indé.nissables, qui conduisent à l'enchantement et à l'exaltation". Le musicologue suisse Luca Sabbatini écrivait très judicieusement l'an passé que "sa musique combine expressionnisme haletant et climats archaïques. La violence des rythmes, le tranchant des couleurs orchestrales sont tempérés par un lyrisme halluciné qui provoque l'envoûtement." Effectivement, la richesse de la musique de Skalkottas, sa fantaisie illimitée, son imagination créative toujours inattendue sont autant de jalons enthousiasmants dans la découverte de ses œuvres - même si parfois certaines d'entre elles ne s'ouvrent vraiment à l'auditeur qu'après plusieurs écoutes (mais Schoenberg ne disait-il pas qu'il était content si l'on ne détestait pas son œuvre après la dix-neuvième audition, Heinrich Neuhaus n'est-il pas tombé amoureux du Quatuor de Webern seulement après en avoir entendu l'enregistrement un grand nombre de fois?). La musique de Skalkottas re.ète complètement ses racines culturelles dans tous ses aspects (nier d'ailleurs l'importance de la musique populaire Grecque sur l'œuvre "sérieux" de Skalkottas semble assez erroné, comme le con.rment les articles que le compositeur a consacrés lui-même à ce sujet), y compris les dimensions mystiques et intemporelles de la Grèce antique - non seulement par certaines atmosphères, mais aussi dans l'utilisation de subtilités pythagoriciennes dans la construction structurelle, y compris le Nombre d'Or - et cela autant dans ses partitions inspirées par le folklore comme les 36 Danses Grecques, que dans les œuvres sérielles ou atonales les plus sophistiquées et les plus ambitieuses, sans oublier les partitions tonales, qui n'ont pratiquement pas été jouées jusqu'ici en raison de la véritable "croisade" que nécessitait déjà la présentation de ses chefs-d'œuvre d'écriture dodécaphonique et sérielle ou atonale.

© 2000 Christophe Sirodeau publié auparavant par BIS Records AB 2001 (Bis n.1133-34) Avec tous nos remerciements à Mr Robert von Bahr pour cette réutilisation (Vous pouvez également trouver une analyse détaillée des 32 pièces pour piano dans ce double cd.)
Es gab eine Zeit, wo ich nur ungern über Schubert sprechen, nur Nächtens den Bäumen und Sternen von ihm vorerzählen mögen. [R. Schumann, 1838]
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