CHALLENGE PM 1 : Albeniz

[Presto]

oui, ça me semble clair, derrière une partition ou un doigté il y a toute une intelligence de l'instrument et de la musique dont j'ai tout à apprendre. Faut que je relise ce que tu disais de la téléportation
Ce que je n'aime pas chez Henle, c'est que souvent ils compliquent inutilement

Vu la vidéo d'Alicia ! souveraine ! tout part du dos !! visionné aujourd'hui 2 de ses classes, et de surcroît la Madame était simple, intransigeante mais bienveillante. En fait Larrocha fut mon premier choc avec la musique ibérique à 18-20 ans : les Goyescas, c'était comme un Chopin qui avait poussé tout droit d'un sol aride trop ensoleillé, une musique surgie du sol. Dans le genre je ne connais rien d'autre que Granados ou la sonate de Kodaly. Avec Scarlatti c'est différent, c'est plus un carrefour de civilisations, pas vraiment la terre mais ce que vivaient/faisaient les gens sur cette terre. Il y a dans le livre de Kirkpatrick quelques pages vraiment excellentes sur l'Espagne et la musique.
Dans Iberia, j'aime aussi beaucoup l'intelligence limpide de Cicolini.
J'ai cherché à me documenter et étrangement je n'ai rien trouvé sur amazon comme livre sur Albeniz ou Granados en Français

[nox]

Je ne me lasse jamais de l'évidence qui se dégage du jeu de Ciccolini...J'aimerais beaucoup l'entendre dans Iberia, je vais chercher ses enregistrements.
Larrocha, que dire qui n'ait pas déjà été dit sur ses enregistrements d'Albeniz et Granados...On y revient toujours.
Y'a pas de doute, du grand piano par des grands pianistes, c'est quelque chose qui marque !

[Okay]

Je vais peut-être me faire huer mais tant pis : c'est certes du beau piano, comme toujours avec Aldo, mais je trouve qu'il manque vraiment de panache et de poésie, et que cette musique ne lui va pas vraiment.
http://youtu.be/tME7EWOGOY0

[Presto]

Mouarff, pas du tout d'accord avec toi ! C'est longtemps ce que j'ai pensé d'Aldo, je trouvais bêtement qu'il surlignait trop, notamment dans ses Debussy, sauf que sur le tard j'ai découvert ses magnifiques Schumann chez Cascavelle puis les autres qui vinrent, et soudainement les réticences que j'avais sur ses enregistrements d'avant me sont passées au second au plan, je trouve qu'au contraire dans cette pièce il montre un contrôle des sonorités absolument démoniaque !
C'est vrai que là c'est vif, acide et racé comme une mandarine un peu verte, mais quel piano !
ses Scarlatti j'adhère moins (rapides, trop ?) , mais vraiment plus je les écoute plus je les découvre !!

[Okay]

Cette opinion n'était pas générale sur le pianiste. Il y a des répertoires où il est beaucoup plus à son avantage. Alors, oui, son contrôle du son est souverain comme toujours, c'est ce que je voulais notamment dire par "beau piano". Il faut aussi écouter Malaga où il a un son vraiment magnifique.
Mais je m'ennuie un peu, dans l'une comme dans l'autre. A mon goût c'est trop sage, ca manque un peu de souffle, j'attends quelque chose de plus épique que ça, de plus racé.

[Presto]

Tu l'as dit et je crois qu'on entre effectivement dans une question de goût. Piano magnifique on est d'accord, trop sage et plus racé, je ne vois pas mais plus épique oui. Je trouve que les sonorités qu'il donne à ces pièces leur vont plutôt bien, c'est nerveux, on a une interprétation qui je trouve éclaire vraiment la partition, tout est réduit aux arrêtes rugueuses de cette musique, c'est une option mais personnellement j'admire et adhère sans réserve, sans compter (ou peut-être en comptant que... ) que la réalisation est hors normes !

[Lee]

Vous deux entendez la même chose par racé ?
En anglais "racy" est piquant/sexy mais je crois que l'origine (pour décrire les chevaux ou les vins ) est la même qu'en français.

[nox]

Il y a des répertoires où il est beaucoup plus à son avantage.

Liszt : Les années de pèlerinage !
Si on ne convainc pas quelqu'un du talent extraordinaire de ce bonhomme avec ça...

Bon sinon, désolé JPS mais j'ai craqué, j'attaque Triana aussi, même si je ne suis pas sûr d'arriver à quelque chose
J'ai commencé à déchiffrer Jerez aussi, et ça me tente bien, mais c'est vraiment la longueur qui me décourage...

[Okay]

Je trouve que les sonorités qu'il donne à ces pièces leur vont plutôt bien, c'est nerveux, on a une interprétation qui je trouve éclaire vraiment la partition, tout est réduit aux arrêtes rugueuses de cette musique

C'est justement ça qui je crois me dérange, ce côté épuré, j'attends quelque chose de plus farouche, de moins posé et de justement plus nerveux et sauvage (c'est ça que j'entendais par racé). Bref comme tu le dis, on est dans des débats de goûts, et j'ai les conceptions surement un peu trop arrêtées sur cette musique ... le mot c'est "indomptable".
C'est ce qui fait à mes yeux la principale différence entre la musique de Granados et celle d'Albeniz. Le premier me semble presque bourgeois et plein de dorures, tandis que je conçois le second beaucoup plus brut et écorché, c'est ce côté rhapsode que je ne retrouve pas chez Aldo. Granados vs Albeniz, c'est pour moi un peu comme Tolstoi vs Dostoïevski.

Voilà, maintenant je me suis mis la pression tout seul pour le jour où je posterai un enregistrement

[Presto]

Voilà, maintenant je me suis mis la pression tout seul pour le jour où je posterai un enregistrement

J'ai souvent cette impression
oui, Grandos est plus "romantique" et ce n'est certainement pas un hasard si j'ai choisi une des pièces les plus Granadossiennes avec Almeria. Rondena je l'ai lu et il me tente bien, Triana j'y renonce, c'est 2 crans au-dessus, ça n'arrête pas et je ne vois pas où on peut se reposer là-dedans...

Reçu le 2e livre par Henle, il y a un très gros travail musicologique derrière, comme toujours chez eux, mais qui me dépasse pas mal. Pour les doigtés c'est le calme plat, sont doigtés les passages évidents mais dès qu'il s'agit de proposer une solution c'est le silence radio. Vue très rapidement, il y a 2-3 différences avec la partition de Perez, notamment dans le passage "expressif et bien chanté" très rubato en binaire/ternaire la pagination penche plutôt pour une tenue des valeurs longues et des valeurs courtes plutôt resserrées, mais bon, l'essentiel sera je crois de s'approprier ce rubato... "tout ce morceau doit être joué d'une façon nonchalante et molle mais bien rythmée" qu'il nous dit le Monsieur !
Dans ses classes Alicia est féroce sur le rythme pas plus qu'elle ne supporte une nuance commencée trop tôt ou mal répartie selon les voix. il y a du boulot

[Lee]

Okay jouant "indomptable et sauvage", un enregistrement ne suffit pas, on réclame à avoir tout l'ambience en live.

[Okay]

J'en suis encore à apprendre mon texte et à buter un peu partout. La bonne surprise est que je le trouve finalement très pianistique, modulo quelques re-dispositions. Le pianisme d'Albeniz est tout à fait singulier et son coût d'entrée est plutôt important, mais au final ça ne restera pas "bizarre" sous les doigts, car c'est de la musique écrite par un sacré pianiste.

Pour trouver ce côté, il faut notamment écouter Rafael Orozco (pas encore cité sur ce fil il me semble). Pas besoin de la vidéo, juste avec le son, toute la violence contenue ou déployée est là. C'est juste magnifique, sa version est surement l'une des seules d'Iberia qui peut se mesurer à celle d'Alicia, enfin c'est mon avis ...

[Moderato Cantabile]

C'est ce qui fait à mes yeux la principale différence entre la musique de Granados et celle d'Albeniz. Le premier me semble presque bourgeois et plein de dorures, tandis que je conçois le second beaucoup plus brut et écorché, c'est ce côté rhapsode que je ne retrouve pas chez Aldo. Granados vs Albeniz, c'est pour moi un peu comme Tolstoi vs Dostoïevski.

Voilà, maintenant je me suis mis la pression tout seul pour le jour où je posterai un enregistrement

J'adooore !!!


Et personne ne parle de Lang Lang dans Iberia ???
patapééééééééééé !!!!

[nox]

Eh ben je trouve son "Corpus Christi" tout à fait remarquable !
Okay dirait clairement qu'il manque la fougue et la sauvagerie d'un Orozco, mais c'est clairement une version éclairante par bien des côtés. Le passage fugué est joué avec une clarté et une impression de facilité assez extraordinaire, et c'est musicalement plein de bon sens.

[Presto]

C'est pas un fil pour parler des enregistrements mais tu parles de Lang Lang ou d'Aldo ?

[nox]

De Lang Lang. Je n'ai pas encore pu écouter la version de Ciccolini

[Presto]

j'ai du mal à être d'accord mais c'est pas grave il ne m'en voudra pas !

[nox]

Après on aime ou on n'aime pas cette version, c'est évidemment subjectif, mais elle n'est pas pire qu'une autre. Je ne comprendrai jamais ce dénigrement systématique à l'égard de Lang Lang, et ce refus de le prendre au sérieux.

[Moderato Cantabile]

C'est pas un fil pour parler des enregistrements

Et pourquoi pas ? cela nourrit aussi le fil, non ?

En fait ce que l'on reproche surtout à Lang Lang dans ces interprétations c'est d'être trop éloigné de l'âme espagnole dont ces pièces sont toutes imprégnées et je trouve que cela peut donner matière à discussion .
La musique espagnole est très "typée" , on la reconnait en général du premier coup . Cela tient bien évidemment à son écriture et à ses sources d'inspiration mais peut-on s'en tenir à ce qui est écrit pour restituer cette atmosphère si particulière, ce supplément d'âme espagnole dont Alicia de Larrocha déborde ?

[nox]

En fait ce que l'on reproche surtout à Lang Lang dans ces interprétations c'est d'être trop éloigné de l'âme espagnole dont ces pièces sont toutes imprégnées

Qui "on" ?
Et le même reproche pourrait s'appliquer à beaucoup de monde. C'est en somme, sauf erreur de ma part, ce que Okay reproche à Ciccolini.
C'est sûrement ce qui fera la différence entre une bonne version et une version exceptionnelle de ces pièces.
Il faut préserver, malgré la complexité d'écriture, le côté direct et sans fard mais très marqué de la musique folklorique.