Il ne s'agit pas de "mes" moyens, mes de ceux dont dispose l'instrument, dont en effet le pianiste utilise une maigre fraction des capacités lorsqu'il joue du Bach. De plus, cette musique exige un état de veille et de contrôle (chez moi du moins...) qui est tout à fait incompatible avec l'impression d'improviser, qui est très courante lorsque je joue la plupart des compositeurs (même Mozart tiens).BluePhoenix05 a écrit :Okay a écrit:
Me concernant, le plaisir physique au clavier provient pour beaucoup de l'utilisation des ressources propres du piano moderne, que la musique de Bach sollicite très peu.
Ne serait-ce pas plutôt que tu n'utilises pas, ou n'as pas l'impression d'utiliser, tout l'ensemble de tes moyens pianistiques lorsque tu joues Bach ? (désolé, encore une attaque gratuite! )
Mon plaisir à jouer Bach est très peu d'ordre kinesthésique (je ne pense pas être le seul...). C'est d'un autre ordre, c'est celui de la polyphonie avant tout, et également celui du chant lorsqu'on arrive à en conquérir le naturel (que c'est difficile ...).
Donc en définitive, je dirais qu'il s'agit plutôt d'un plaisir des oreilles et des méninges, que des mains.
Il peut venir de plein de choses, en vérité il se loge dans une très large portion de la musique destinée à notre instrument. Ca peut être les cascades de notes lorsqu'on pétrit le 1er ou le 8e prélude de Chopin, ça peut être les accords effleurés de la Cathédrale Engloutie, les basses profondes et tintements de la Vallée des Cloches, le 5e mobilisé pour soutenir le chant de tout l'impromptu en sol b de Schubert, les accords compacts de tel ou tel intermezzo de Brahms...BluePhoenix05 a écrit :
Le plaisir physique vient-il des grands accords fortissimo et des octaves rapides dans tous les sens ? Ou bien n'est-il pas que "mécanique", est-il surtout dans la tête ?
Il ne s'agit absolument pas d'un plaisir conditionné par la virtuosité même si elle peut aussi offrir ça, il s'agit d'abord de toucher le piano de mille manières, de musique écrite par des compositeurs qui ont exploité ces possibilités. Et je trouve que le registre kinesthésique offert par la musique baroque est par essence infiniment plus limité. (Ce n'est pas un reproche à faire à cette musique, évidemment, c'est un simple constat historique).
La caricature qui me vient, ce serait la plaisir de conduire une voiture de sport uniquement en ville. Il est loin d'être inexistant (la réponse des commandes, le bruit du moteur, etc) , mais il ne provient certainement pas de l'attribut principal du bolide, ce qui le distingue le plus d'une voiture lambda, à savoir sa vitesse.
Pour revenir au fil de Lee, je rajoute deux exemples, des faux jumeaux, qui ne ratent presque jamais chez moi.
- la reprise du thème en grands accords dans le climax de la cadence du 1er mouvement du 3e concerto de Rachmaninov. Il y a une telle tension dramatique accumulée dans les 2 pages qui précèdent, qu'il libère dans un choral colossal, dont l'émotion du thème provient surtout de sa toute nouvelle subtilité harmonique, et de la registration des plans sonores.
- les énoncés du thème sublime du Choral du Prélude, Choral et Fugue de Franck (partout où il y a les croisements de mains). No comment.
Exemples jumeaux, qui partagent les gênes de la modulation et de la marche harmonique ...