Que pensez-vous de Fauré ?

[Wladyslaw]

Moi aussi, je trouve que Fauré est vraiment loin d'être facile et particulièrement difficile à comprendre aux premiers déchiffrages (même en ayant déjà entendu les oeuvres).
Pour l'instant je regarde le 4eme nocturne qui je pense n'est vraiment pas le plus compliqué mais requiert déjà une sacré masse de travail.
C'est un peu paradoxal car à l'écoute, ça à l'air tout simple, lent et pas virtuose du tout ... mais à jouer vraiment, c'est autre chose !
Ça reste quand même très intéressant à travailler.

[fugue]

Moi aussi, je trouve que Fauré est vraiment loin d'être facile et particulièrement difficile à comprendre aux premiers déchiffrages (même en ayant déjà entendu les oeuvres)

C'est un peu comme si, dans un 1er temps, on avait du mal à faire un rapprochement entre ce que l'on entend et ce que l'on déchiffre sur la partition.
"Mais comment fait-il? Comment doit-on arriver à ce que j'entends?" (ne pas rire...). Pour finir, on comprend juste que c'est génialement, subtilement conçu, spécifique à ce compositeur, que tout s'accorde (enfin! ai-je pensé!) quand on a dépassé le 1er niveau de compréhension et que tout commence à se "combiner" (plus ou moins bien pour mon cas mais, au moins, c'était "reconnaissable" ).
Faire ressortir le chant dans la Barcarolle (la seule abordable pour moi avec quelques 4 mains - Dolly) ne fût pas facile...

Et mince, je n'ai pas les mots. Ca m'agace!
En tout cas, c'était déstabilisant pour moi au début malgré le fait que j'adorais cette pièce mais passionnant.

Je me risquerais davantage à l'hypothèse d'une difficulté qu'ils ont éprouvé dès le déchiffrage, qui en plus d'être particulièrement ardu, révèle des innovations de discours, une subtilité et complexité harmonique, un discours beaucoup plus ténu que pleinement affirmé et directement intelligible. Il faut aller activement dénicher les intentions chez Fauré, sinon ça ne veut plus rien dire.

Quand j'ai lu ça, je me suis dit que j'aurais aimé l'exprimer comme ça car c'est, pour moi en tout cas, exactement ça.

[Midas]

Je viens de regarder la partition de cette oeuvre que je ne connaissais pas. C'est vrai que c'est du lourd.
C'est vraiment étrange de voir ça chez Faure, dont l'une des caractéristiques pour moi est justement la sobriété, la justesse de moyens. C'est une musique en général sans surenchère.

Ça, c'est le Fauré qu'on retrouve dans ses pièces les plus populaires (requiem, sicilienne, pavane...). Dans son oeuvre pour piano, c'est plutôt celui-ci:

Je me risquerais davantage à l'hypothèse d'une difficulté qu'ils ont éprouvé dès le déchiffrage, qui en plus d'être particulièrement ardu, révèle des innovations de discours, une subtilité et complexité harmonique, un discours beaucoup plus ténu que pleinement affirmé et directement intelligible. Il faut aller activement dénicher les intentions chez Fauré, sinon ça ne veut plus rien dire.

Quand j'ai lu ça, je me suis dit que j'aurais aimé l'exprimer comme ça car c'est, pour moi en tout cas, exactement ça.

En effet, et je dois dire que moi qui aime bien la musique complexe, j'ai beaucoup de mal à trouver mes repères dans la musique pour piano de Fauré. En plus du fait qu'il est un peu trop subtil pour un pianiste "bourrin" comme moi. C'est peut-être un peu ce que voulait dire Liszt, finalement.

[nox]

Non je parlais bien des oeuvres pour piano. Le langage est complexe mais c'est rarement virtuose et demonstratif comme dans cette ballade. On dirait une écriture à la Balakirev, c'est très chargé. Avec des passages vraiment verticaux. C'est la première fois qu'une pièce pour piano de Faure me fait cette impression.

[Wladyslaw]

De quelle pièce tu parles nox ?

[mieuvotar]

De quelle pièce tu parles nox ?

Je me suis posé la même question. Je crois que c'est de la Ballade Op.19, mais n'en suis pas sûr... Nox confirmera.

[nox]

Tout à fait

[Wladyslaw]

Merci Mieuvotarnox.

[Wladyslaw]

Un truc caractéristique aussi chez Fauré : les tonalités !
Il y a toujours au moins 5 ou 6 altérations à la clé .... je crois qu'il ne connait pas le do majeur.
En tous cas merci pour la découverte de la Ballade, c'est superbe et j'ai jeté un oeil sur la partition, ça a l'air vraiment injouable.

[Okay]

Je ne dis pas que la ballade est facile, mais quelle partie ou page(s) vous inspire une pareille virtuosité ? Balakirev, Liszt ou Saint-Saens c'est quand même tout autre chose au piano.
Je trouve qu'on reste tout à fait confiné dans l'écriture des barcarolles, en particulier les magnifiques 3e et 5e, ou du 2e nocturne (partie centrale)....

[nox]

3 premières lignes de la page 2, 2ème et 3ème ligne de la page 5, fin de page 10 et début de page 11, dernière ligne de la page 15 et page 16, début de page 17 par exemple.
Mais d'une manière globale, c'est l'absence d'uniformité de l'écriture qui me frappe.
Ceci dit c'est normal aussi de par la forme de la composition. Une ballade n'a rien de commun avec une barcarolle (tiens, pour Wlad : la première barcarolle elle n'est pas en la mineur, de mémoire ? C'est presque du do majeur ), mais chez Chopin je trouve qu'à la lecture la forme globale de la composition se dégage beaucoup plus, et on trouve déjà des repères. Là j'ai du mal à dégager un fil conducteur, à isoler les thèmes, à voir la progression globale.

[jean-séb]

Mais d'une manière globale, c'est l'absence d'uniformité de l'écriture qui me frappe.

Ce qui s'explique aisément :
Fauré conçoit d’abord la musique comme un jeu de pièces séparées puis décide de les rassembler en un seul morceau en prolongeant le thème principal de chaque section dans un thème secondaire au début de chaque section suivante
http://fr.wikipedia.org/wiki/Musique_po ... p..C2.A019

[Okay]

Oui c'est vrai, la perspective de Chopin et Fauré dans leur vision de la composition pianistique est très éloignée.
Chopin est un pianiste révolutionnaire, visionnaire, tandis que Fauré se repose bien sagement sur les coussins que ses prédécesseurs ont installé. Rien de bien neuf dans son traitement de l'instrument. Sans Chopin, point de piano de Fauré.
Cependant, Chopin reste un classique dans la technique de composition, notamment dans son formalisme. Jusqu'à ses dernières oeuvres, il n'a jamais cherché à se départir d'une superstructure très sécurisante. Il attache une énorme importance à l'équilibre et la perfection des courbes à toutes les échelles d'une oeuvre, son artisanat est extremement sûr et confère une sensation d'assise quasi mozartienne. Au contraire, les proportions parfaites façon temples antiques n'obsèdent pas du tout Fauré, qui se comporte plutôt comme un promeneur qui nous invite à le suivre pas à pas.

[jean-séb]

Guy Sacre, dans sa magnifique et indispensable somme La Musique de Piano, chez Laffont, écrit ceci à propos de la Ballade :

[jean-séb]

Pendant que j'y suis, je ne résiste pas à livrer les bonnes paroles que Guy Sacre consacre à Fauré en général.

[Oupsi]

Je comprends maintenant pourquoi ce livre est tant aimé des pianistes!

Merci Jean-Séb!

[JPS1827]

Pour ma part j'aime beaucoup la musique de Fauré pour piano et sa musique de chambre. Bien sûr elle n'est pas insurmontable pianistiquement mais elle est toujours difficile à apprendre. Mes pièces préférées sont les Nocturnes, les Impromptus et le Thème et variations (dont la proximité avec les Etudes symphoniques de Schumann m'avait frappé d'emblée).
Quand Liszt faisant état de sa difficulté je pense qu'il fait allusion à la difficulté intellectuelle qu'il y avait pour les compositeurs de cette époque à rentrer dans une esthétique notamment harmonique très différente de ce qu'ils connaissaient. Il est probable que certains enchaînements d'accords typiquement fauréens ne leur venaient pas spontanément sous les doigts, d'où l'impression de difficulté.
Nous sommes aujourd'hui mieux habitués à ce cheminement harmonique, et pourtant ça reste difficile à apprendre, même des passages peu rapides (je pense au deuxième épisode du 6ème nocturne) ne tombent vraiment pas sous les doigts.
Outre les écrits de Guy Sacre, Jankélévitch lui avait consacré une bonne partie de son livre "Le nocturne" paru chez Gallimard dans les années 50 (désolé si cela a déjà été signalé) .

[Midas]

Je comprends maintenant pourquoi ce livre est tant aimé des pianistes!

Merci Jean-Séb!

Ces livres, tu veux dire. En effet, c'est une bible inépuisable pour les pianistes, mais controversée: certains des jugements de Sacre -jugements sacrilège, dirais-je si vous me pardonnez ce mauvais calembour- sur des chefs-d'oeuvre lui ont valu des critiques acerbes.

[Jean-Michel Verdier]

Ces[/b] livres, tu veux dire. En effet, c'est une bible inépuisable pour les pianistes, mais controversée: certains des jugements de Sacre -jugements sacrilège, dirais-je si vous me pardonnez ce mauvais calembour- sur des chefs-d'oeuvre lui ont valu des critiques acerbes.

Lucien Rebatet (personnage ignominieux mais fin connaisseur de la musique) n'a rien a envier à Sacre (d'autant qu'il l'a précédé). Dans son "Histoire de la Musique, il dit : "Fauré, avec toutes ses qualités, est un petit maître, le plus élégant et le plus racé dans la tradition française de la voie moyenne qui serpente agréablement au pied des grands massifs musicaux". Fermez le ban !

[Wladyslaw]

En même temps .... je dois reconnaitre que autant un ptit fauré de temps en temps ça passe tout seul et c'est fort agréable, que je me vois mal m'enfiler les 13 nocturnes + préludes + ballade en une seule fois.
C'est Magnifique à petite dose.