Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

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Xiro
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par Xiro »

Plus j'y pense et plus je deviens convaincu que la "dextérité digitale" (hors pathologie) est quelque chose de non limitant en soi, que tout le monde est capable de virtuosité. La "technique de doigts", la "voute" peuvent être acquises rapidement.
Les 2 grosses limitations sont la détente et le positionnement:

-La détente n'est pas un état d'esprit fumeux que l'on a ou pas selon les jours...c'est un processus ACTIF, dynamique que l'on doit travailler: en gros il faut utiliser les seuls muscles nécessaires et détendre activement les autres

-Le positionnement: de tout le corps (poignets, bras, épaules, tronc et même jambes) afin que rien n'entrave les doigts. Exemple jouer un trait descendant MD dans le médium en voulant garder les doigts parallèles aux touches est stupide, il faut au contraire jouer de manière oblique.

Comme l'immense majorité des apprentissages moteurs, jouer du piano revient à désapprendre une "manière instinctive" de jouer pour apprendre une manière économe/détendue/logique par rapport au corps

Ces deux problèmes sont largement sous estimés par les pianistes (dont moi :D ) et se cristallisent dans l'apprentissage: à chaque fois que l'on joue (bien ou mal) le cerveau "apprend". Travailler son piano longtemps "mal" n'est pas juste inutile, c'est délétère puisque lorsque le bon geste sera compris il faudra avant de l'apprendre désapprendre le mauvais (sans compter que le "désapprentissage" est bien plus long que l'apprentissage)

plus je joue et plus je trouve que le temps passé n'est pas le facteur limitant, ce dernier étant au contraire de s'abstenir de jouer dès qu'on constate une mauvaise position/détente
BluePhoenix05
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par BluePhoenix05 »

Xiro, ce que tu dis est tellement vrai ! je suis entièrement d'accord.

Maintenant, la question est : comment détecter quand quelque chose va mal/n'est pas correct, qu'une posture n'est pas bonne ?
Il y a quelques indices évidents, mais d'autres qui le sont moins. J'avais l'intention d'ouvrir un post pour tenter de les lister, à la manière des "code smell" (en informatique, on désigne par là des "puces à l'oreille" heuristiques qui sont les signes probables d'un code risquant de générer plus de problèmes à l'avenir qu'il n'en résout, et donc à corriger/améliorer dès que possible).

Ce n'est pas tout à fait à la même chose que de savoir quand un geste qu'on a trouvé est le bon, et qu'il faut maintenant arriver à le reproduire en toutes circonstances.
Gracou
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par Gracou »

C'est peut-être le fait d'aborder la musique par le seul biais de la seule interprétation qui génère ce genre de questions angoissantes, un peu comme un apprenti peintre qui se demanderait si un jour il sera capable de reproduire la Joconde correctement, mais sans jamais essayer de faire autre chose que reproduire les oeuvres des autres.

Mais même en restant dans cette optique là, je pense qu'il sera temps de se pencher sur la question de l'absence de progression le jour où sur une période raisonnablement longue, on aura la certitude de n'avoir fait aucun progrès. En attendant, tant que ça avance...
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Lee
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par Lee »

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Julien, apprends plutôt tes pouvoirs...
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Gracou
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par Gracou »

Ca me rappelle un excellent prof de piano (CA et compagnie) qui me disait que nos plus grandes limites étaient celles qu'on se fixait soi-même.
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Xiro
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par Xiro »

BluePhoenix05 a écrit :Xiro, ce que tu dis est tellement vrai ! je suis entièrement d'accord.

Maintenant, la question est : comment détecter quand quelque chose va mal/n'est pas correct, qu'une posture n'est pas bonne ?
Il y a quelques indices évidents, mais d'autres qui le sont moins. J'avais l'intention d'ouvrir un post pour tenter de les lister, à la manière des "code smell" (en informatique, on désigne par là des "puces à l'oreille" heuristiques qui sont les signes probables d'un code risquant de générer plus de problèmes à l'avenir qu'il n'en résout, et donc à corriger/améliorer dès que possible).

Ce n'est pas tout à fait à la même chose que de savoir quand un geste qu'on a trouvé est le bon, et qu'il faut maintenant arriver à le reproduire en toutes circonstances.
Détecter comme tu dis n'est pas aisé, on pourrait voir 2 cas: - auto détection: se dire que à chaque fois que l'exécution pèche (erreur de note, de régularité, de détente, de son.....) c'est qu'il y a une position à modifier, une détente à activer: s'arrêter de jouer réfléchir à la question et trouver ce qui cloche (c'est vraiment une méthode efficace mais s'y astreindre est dur dur dur :D )

- hétéro détection: le prof tout simplement!

Pour le "code smell" c'est une excellente idée! :mrgreen:
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Okay
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par Okay »

_Julien_ a écrit :
mieuvotar a écrit : Encore une fois, voir mon message plus haut ; et comme je l'ai déjà précisé, il n'y a aucune pathologie en cause. Pourquoi diable vouloir s'acharner à récuser qu''il puisse y avoir des limites physiques ? Il y en a plein qui viennent avec l'âge, c'est complètement naturel, et pas qu'en piano. Je sais bien qu'on vit une époque de jeunisme botoxé éternel, mais quand même. Encore une fois, on peut très bien vivre son vieillissement et se faire très plaisir dans beaucoup de domaines. D'ailleurs, à nier ses limitations, et à y être de toute façon nécessairement confronté, on finirait dans une totale frustration. Vaut mieux donc les reconnaître et les accepter.
Tout dépend ce que l'on appelle "limite physique". S'il fallait mesurer, pour simplifier, la capacité des doigts à bouger, je doute qu'elles soient suffisamment significatives pour impacter la pratique du piano. D'ailleurs, sinon il serait impossible d'être virtuose passer un certain âge, et on voit bien que les pianistes peuvent continuer à jouer juste tard, avec, bien sûr un vieillissement normal.

La question qui reste, pour moi, c'est si on progresse moins vite, est-ce dû à des barrières psychologiques ou cognitives ?
C'est les deux. Mais je dirais surtout cognitives. C'est la faculté d'intégrer le bon geste naturellement qui s'amenuise avec le temps. Plus profondement, je pense que nous sommes tous à tout âge inégaux face a cette aptitude. Par exemple, sans avoir intégré certains gestes liés aux doubles notes à la pré-adolescence, difficile d'imaginer être à l'aise un jour dans la nocturne en sol majeur de Chopin même à un tempo très modéré. Pas impossible, mais ca va être un veritable challenge. Meme en s'acharnant ça risque de rester poussif. Je pense que le seuil de complexité et la variété des gestes requis sont trop lourds pour ne pas en être débordé.
J'ai pris cet exemple très volontairement, car lorsqu'on regarde le verre à moitié plein, il reste au moins une quinzaine de nocturnes qui ne devraient pas résister à une bonne dose de motivation. C'est là l'important : les limites existent, mais elles sont presque toujours plus éloignées qu'on ne le pense. Autrement dit, bien qu'on soit limité sur une base cognitive, on a plutôt tendance à sous-estimer notre vrai potentiel. On crée une croyance limitante à partir de cette limite, qui détruit une partie de nos capacités.
Autre exemple, qu'il convient de rapporter aux bonnes proportions. Il me semble clair qu'infiniment peu de pianistes professionnels ont les capacités cognitives ahurissantes de Pollini, Argerich, Berezovsky, Lugansky ou Hamelin. Bon, et après ? Contrairement à ces derniers, la plupart ne vont pas arriver à l'excellence dans un concerto de Bartok ou Prokofiev. Pas seulement en raison d'un gout modéré pour ce repertoire, mais en raisons de limites réelles. Mais un concerto de Beethoven, de Chopin, de Liszt, celui de Schumann, restent largement dans les possibilités communes de concertistes lambdas. Le sujet des limites est interressant. À condition de ne pas sous estimer le verre à moitié plein (en réalité au moins aux trois-quart plein).
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BM607
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par BM607 »

"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait" Mark Twain.

En 1954 et avant, tout le monde était persuadé que courir le Mile en moins de 4 min était impossible, c'était une barrière physiologique, on n'y arriverait jamais. Tous ceux qui avaient essayé s'étaient cassés les dents, c'était vraiment une preuve, depuis 1945 le record n'avait pas bougé...
Et puis le 6 mai 1954, sir Roger Bannister l'a fait.. L'impact avait été considérable, en Angleterre les émissions radio s'étaient arrêtées pour l'annoncer. Et dans les mois qui ont suivis plusieurs coureurs l'ont fait : ce n'était plus impossible, ils le faisait donc pas de problème, le record du monde allait même être battu 4 fois en 4 ans.

Personnellement en tout cas je ne me pose plus la question de savoir où j'arriverais, je dirais même que je m'en moque royalement, je trouve que ça ne sert au mieux qu'à se motiver ce dont je n'ai pas besoin, et au pire à s'auto-limiter.

BM
Je ne crains pas le suffrage universel, les gens voteront comme on leur dira.
A. de Tocqueville
arg

Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par arg »

Bonjour,
ce qui me semble important après les riches réponses ci-dessus.... et je parle en ayant longtemps été persuadée d'avoir atteint mes limites techniques, de ne pas pouvoir faire mieux... et ô surprise ce n'est pas vrai, ça bouge !
- le vieillissement physique n'est pas une limite avant d'avoir atteint un âge vénérable (à moins bien sûr d'avoir arthrose, tendinites ou maladies rhumatologiques)....si on continue à apprendre, à stimuler, à changer ses habitudes, alors le réseau neuronal continue de se développer quel que soit l'âge, et c'est une des grandes découvertes de la neurologie ces dernières années. Donc apprenez, déchiffrez, découvrez... et vous développerez vos capacités.
- malgré tout, nous n'avons pas tous les mêmes capacités de départ même si nous pouvons les faire progresser, et les "très grands" pianistes connus ont probablement des facilités anatomiques et neurologiques....qu'une partie d'entre nous n'atteindrons jamais, et non ce n'est pas démoralisant, nous avons une grande chance en piano c'est l'étendue du répertoire, et trouver de quoi se faire plaisir est quand même assez facile.
- mais les autres réponses sont vraies aussi: en travaillant nous progressons forcément (et là je suis persuadée que même 30 mn par jour, très régulièrement, amènent à des progrès réels... et différents selon votre capacité à mémoriser, à déchiffrer, les difficultés techniques que vous avez). Le rôle du prof me parait essentiel, c'est la seule façon d'avoir un retour direct sur notre façon de jouer, et ses conseils techniques tout autant que ses encouragements sont précieux.
Maintenant pas de technique efficace sans notion "globale" du jeu, et travailler l'écoute, la détente physique... et morale, la respiration, la façon de penser un trait rapide, de penser une phrase musicale jusqu'au bout, de mettre en perspective l'émotion est aussi importante que de répéter ce trait pendant des heures.
Il reste aussi à ne pas penser en termes de limites (facile n'est-ce pas ? mes limites personnelles ou ce que j'en crois me freinent... et pourtant elles ont bougé sur toutes ces années, elles ont reculé récemment malgré mon grand âge... 43 ans) et pourtant encore elles me sont utiles parce qu'elles me préviennent ! je ne vais pas me lancer dans le vol du bourdon ou alors pas pour le jouer comme Yuja Wang (regardez sur youtube, c'est stupéfiant de rapidité) parce que le résultat ne sera jamais à la hauteur de l'effort déployé.
Ou mieux.... ayez des limites, soyez conscients qu'elles sont là, mais pensez les vraiment comme des frontières mouvantes et adaptez votre jeu, votre répertoire, votre déchiffrage, pour aller un peu au-delà.... c'est aussi la position d'un bon prof !
voilà, un petit vent d'optimisme: pour résumer, oui, il y a des différences neuro-physiologiques entre nous, mais il y a aussi bien des façons de les faire changer et évoluer...
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_Julien_
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par _Julien_ »

Okay a écrit : C'est les deux. Mais je dirais surtout cognitives. C'est la faculté d'intégrer le bon geste naturellement qui s'amenuise avec le temps. Plus profondément, je pense que nous sommes tous à tout âge inégaux face a cette aptitude. Par exemple, sans avoir intégré certains gestes liés aux doubles notes à la pré-adolescence, difficile d'imaginer être à l'aise un jour dans la nocturne en sol majeur de Chopin même à un tempo très modéré. Pas impossible, mais ca va être un véritable challenge. Meme en s'acharnant ça risque de rester poussif. Je pense que le seuil de complexité et la variété des gestes requis sont trop lourds pour ne pas en être débordé.
On touche un point à mon sens intéressant ici : il pourrait exister un certain nombre d'éléments techniques, associés à des gestes nécessitant par exemple une motricité complexe, qu'il peut être difficile d'assimiler si ce n'est pas fait durant la période d'adolescence. Pour associer cela à ce que l'on disait plus haut, ces problèmes de "motricité avancé" ne se limiteraient pas à la vitesse ou à des problèmes de passage de pouces, mais bien à de la coordination et à la gestion fine de la main. D'ailleurs à nouveau il s'agirait de limites non pas physiologique des membres, mais bien du cerveau.

Je met tout le précédent paragraphe au conditionnel, car bien que je puisse bien comprendre ce que dit Okay, il faudrait dans quelle mesure cela s'applique à l'expérience de pensée qui préside à ce fil (pas de limite dans le temps, le travail ou la motivation).

Ce type d'apprentissage me rappelle mon expérience dans les Arts Martiaux : on apprend des gestes bien précis, bien large, qu'on accélère progressivement. Mais lorsqu'on voit le professeur les réaliser à pleine vitesse, on ne voit plus le découpage du geste utilisé durant apprentissage, et même de l'extérieur il serait bien difficile de faire la différence entre un geste parfaitement réalisé et un gestion complètement naturel. L'apprentissage n'est plus visible, le pratiquant ne produit plus d'effort, la technique n'est plus une technique mais un manière de faire naturelle.
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Lee
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par Lee »

Bonjour Julien,
Tu as des nouvelles pour nous par rapport ce fil ?
Est-ce que tu as entamé quelque parties du Barcarolle op. 60 de Chopin ou tu travailles actuellement sur d'autre œuvres ?
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par Morieff »

Xiro a écrit :Exemple jouer un trait descendant MD dans le médium en voulant garder les doigts parallèles aux touches est stupide, il faut au contraire jouer de manière oblique
Cette phrase m'interpelle. Sur la descente du début deuxième impromptu de Schubert (op90) j'ai tendance à placer ma main de manière oblique et ma prof me fait systématiquement la remarque. Pourtant cela me facilite instinctivement le jeu. Est-ce si mauvais ?
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par bigrounours »

Très intéressante discussion.
Pour ma part, au risque de paraître un peu idéaliste, je pense très sincèrement qu'il n'y a pas de limites à la progression, ou plutôt : la seule limite est une limite de temps. Si on n'a pas assez de temps, les progrès seront limités, c'est la SEULE limite, elle est importante certes.
En revanche, oubliez vos problèmes d'âge et de progrès impossible en fonction de cela, l'apprentissage à l'age adulte est différent de l'apprentissage dans l'enfance, mais on peut largement progresser aussi. Je pense que la plupart des gens se mettent des limites, se posent trop de questions existentielles, est ce que les enfants se posent des questions sur la taille de leurs mains (pour les octaves ou autres ecarts) et/ou sur la taille de leurs jambes (accès aux pédales) pour jouer un morceau ? La réponse est non, faîtes de même.
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_Julien_
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par _Julien_ »

Merci à Lee d'avoir relancé la discussion.

Je continue à réfléchir au sujet, au fur et à mesure de mon parcours pianistique. Je me suis rendu compte d'un facteur limitant important dans la progression, il me semble : ne pas être perfectionniste.

Parmi ceux qui ont un niveau avancé sur le forum, tous poussent le travail de détail jusqu'à l'extrême, souhaitent obtenir exactement le bon son dans un passage, la bonne articulation. Parmi d'autres qui sont moins avancés, ceux qui, il me semble, progressent le mieux sont justement ceux qui cherchent à aller au plus loin de leur capacité, avec les moyens techniques disponibles à un instant donné. Pour prendre un exemple (et lancer des fleurs, un peu :D ) je suis toujours impressionné par le niveau de finition des vidéos de bigrounours (qui a quand même un niveau... bref). A chaque niveau de son apprentissage, on sent que l'enregistrement est un témoignage du mieux qu'il puisse faire (bien qu'il dira probablement le contraire ?). Et plusieurs sur le forum fonctionnent, à mon avis, de la même manière.

D'où un élément qui me semble potentiellement une limite à la progression : une attention insuffisante aux détails, qui va empêcher le pianiste de voir ce qui peut le faire progresser. La progression sera toujours présente, mais je soupçonne que plus on avance dans son parcours pianistique, plus ce sont les petits détails qui vont progresser, comme si les difficultés devenaient plus fines, moins saisissables, demandant plus de travail pour un effet sonore moindre, quel-qu’important qu'il soit.

Pour prendre mon cas, j'ai tendance à me satisfaire d'un morceau "bien" interprété, et pas forcément à vouloir aller jusqu'au "très bien", probablement du fait d'une certaine impatience ; impatience de passer au morceau suivant, de changer d'air, d'arrêter de tourner en rond sur un morceau présent sur le pupitre depuis 6 ou 8 semaines.
"Le reflet est pour les couleurs ce que l'écho est pour les sons." Joseph Joubert
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par bigrounours »

_Julien_ a écrit :Parmi d'autres qui sont moins avancés, ceux qui, il me semble, progressent le mieux sont justement ceux qui cherchent à aller au plus loin de leur capacité, avec les moyens techniques disponibles à un instant donné. Pour prendre un exemple (et lancer des fleurs, un peu :D ) je suis toujours impressionné par le niveau de finition des vidéos de bigrounours (qui a quand même un niveau... bref). A chaque niveau de son apprentissage, on sent que l'enregistrement est un témoignage du mieux qu'il puisse faire (bien qu'il dira probablement le contraire ?). Et plusieurs sur le forum fonctionnent, à mon avis, de la même manière.
Quelle belle journée que ce 23 janvier 2014 :-)
Merci _Julien_.
Tu as vu juste lorsque tu dis que lorsque je m'enregistre c'est un témoignage de ce que je peux faire le mieux au moment donné. C'est effectivement le cas, après il y a aussi les remarques/conseils de certains sur ce forum qui font encore progresser et/ou prendre des directions légèrement différentes.
_Julien_ a écrit :D'où un élément qui me semble potentiellement une limite à la progression : une attention insuffisante aux détails, qui va empêcher le pianiste de voir ce qui peut le faire progresser. La progression sera toujours présente, mais je soupçonne que plus on avance dans son parcours pianistique, plus ce sont les petits détails qui vont progresser, comme si les difficultés devenaient plus fines, moins saisissables, demandant plus de travail pour un effet sonore moindre, quel-qu’important qu'il soit.
J'ai parfois cette impression, mais parfois non.
En principe je choisis mes morceaux à mon niveau, et oui je fais donc attention aux détails, et je pense que c'est comme cela qu'on progresse, majoritairement.
Mais parfois, minoritairement, je pense qu'il faut s'attaquer à des morceaux très/trop dificiles pour soi (trop difficile de par la longueur du morceau, ou la virtuosité, ou autres...). On ne s'attaquera alors pas aux moindres détails, mais ces morceaux feront progresser eux aussi par le travail technique qu'ils demandent. Ces morceaux peuvent être un long chemin de plusieurs mois de travail (voire plusieurs années). Il faut travailler ces morceaux difficiles avec en parallèle d'autres morceaux plus simples (pour se remonter le moral :mrgreen: )
_Julien_ a écrit :Pour prendre mon cas, j'ai tendance à me satisfaire d'un morceau "bien" interprété, et pas forcément à vouloir aller jusqu'au "très bien", probablement du fait d'une certaine impatience ; impatience de passer au morceau suivant, de changer d'air, d'arrêter de tourner en rond sur un morceau présent sur le pupitre depuis 6 ou 8 semaines.
6 ou 8 semaines seulement ?
A tout ceux qui me font part de leurs bonnes impressions sur mes progrès, j'insiste sur le fait qu'il me faut des mois avant de prétendre connaitre un morceau, et donc passer à l'étape de l'enregistrement.
Je pense que tu as l'impression de tourner en rond car tu ne travailles pas ce qu'il faut travailler. Le travail sur la recherche de sonorité est très intéressant, le morceau en est changé, et lorsque tu fais cela tu n'as plus l'impression de tourner en rond. C'est là que le prof est très important, car c'est lui qui donne des indications sur telle ou telle direction à prendre dans la sonorité d'un morceau.
Bizarrement, on a l'impression de tourner en rond lorsque le morceau est difficile, et qu'il faut inlassablement le répéter en se concentrant sur la technique et pas le son. De ce fait, notre oreille entend toujours la même chose, parfois toujours les mêmes erreurs, et de là vient cette impression de lassitude. Je te conseille de choisir un morceau qui te parait simple, et tu verras que tu y passeras peut être plus de temps que sur un morceau difficile, pour un résultat meilleurs, mais bien sur c'est à toi de choisir comment tu veux apprendre le piano, la seule règle est le plaisir d'apprendre. Si passer plus de 2 mois sur un morceau t'ennuie, il faut rechercher les causes de cet ennuie, et si tu ne trouves pas les raisons de cet ennuie, alors ne passe pas plus de 2 mois sur un morceau, de façon à continuer à prendre du plaisir et ne pas être lassé, car une chose est sure : on ne progresse pas en s'ennuyant.
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Okay
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par Okay »

La question de progresser sur les détails, c'est celle des 5 derniers pourcents qui ne se laissent pas conquérir, qui prennent plus de la moitié du temps de travail qu'on passe sur une pièce.
En fait, c'est une question de progresser dans son écoute. Ce qui est doublement difficile, car d'une part il faut développer une oreille plus analytique (au delà des fautes de texte, savoir distinguer en quoi le rendu ne va pas), et d'autre part on a parfois tendance à être un peu complaisant avec soi pendant qu'on joue. A force, l'écart entre l'impression de notre jeu 'live' et l'enregistrement se réduit, si bien qu'en l'absence du prof, on peut avoir une auto-écoute assez objective et se passer du micro.

Sur la distinction entre faire attention à la technique et au son, je pense que c'est une idée qui peut aussi être limitante. Paradoxalement on peut travailler plus vite en faisant attention aux 2 en même temps, car bien souvent l'écriture demande un certain son, et une bonne partie de la difficulté mécanique est résolue lorsque le geste produit ce son là. Comme par hasard, le geste qui rend à la fois les choses techniquement plus fluides et le son approprié, c'est bien souvent le même. Ecoutons nous !
mieuvotar

Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par mieuvotar »

bigrounours a écrit :Bizarrement, on a l'impression de tourner en rond lorsque le morceau est difficile, et qu'il faut inlassablement le répéter en se concentrant sur la technique et pas le son. De ce fait, notre oreille entend toujours la même chose, parfois toujours les mêmes erreurs, et de là vient cette impression de lassitude.
Très intéressant ce que tu dis là Bigrounours. Tu mets des mots très clairs sur un sentiment diffus que j'ai parfois dans mon apprentissage et qui me donne cette impression d'être confronté à un plafond de verre sans bien comprendre pourquoi je n'arrive plus à progresser. Et quand on ne comprend pas les causes de sa stagnation, oui, il y a un effet de lassitude - voire de découragement et de démotivation.
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par Oupsi »

Ce que vous dites de l'écoute me paraît fondamental.
Ce qui m'étonne encore, dans mon apprentissage, c'est à quel point les résistances sont effectivement liées à cet état d'esprit qui permet l'écoute active, dynamique et concentrée. Je perds encore vraiment très facilement cette capacité d'écouter. Parfois je peux jouer des pages entières sans même me rendre compte que je n'écoute pas vraiment. J'écoute ce que je veux entendre, j'isole quelques points de contrôle, du coup je ne suis pas dans une écoute dynamique ni vraiment musicale. Au bout d'une heure, j'aurai peut-être un peu amélioré l'objet de mon mini-point de contrôle, mais en gros c'est quand même une heure pour pas grand chose.

Je pense que c'est quelque chose qui peut se corriger, avec une prise de conscience de plus en plus fine. Donc les limites qui sont associées à cette résistance tomberont d'elles mêmes (avec du travail, bien sûr!). En tout cas je ressens cela. C'est lent, mais réel.
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par bigrounours »

mieuvotar a écrit :
bigrounours a écrit :Bizarrement, on a l'impression de tourner en rond lorsque le morceau est difficile, et qu'il faut inlassablement le répéter en se concentrant sur la technique et pas le son. De ce fait, notre oreille entend toujours la même chose, parfois toujours les mêmes erreurs, et de là vient cette impression de lassitude.
Très intéressant ce que tu dis là Bigrounours. Tu mets des mots très clairs sur un sentiment diffus que j'ai parfois dans mon apprentissage et qui me donne cette impression d'être confronté à un plafond de verre sans bien comprendre pourquoi je n'arrive plus à progresser. Et quand on ne comprend pas les causes de sa stagnation, oui, il y a un effet de lassitude - voire de découragement et de démotivation.
Je te rassure : j'ai mis plusieurs années à comprendre ça, au moins quelques mois supplémentaires pour en prendre vraiment conscience, et quelques heures pour arriver à le formuler :)
Xiro
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Re: Quelles limites à la progression (hors disponibilité)

Message par Xiro »

Morieff a écrit :
Xiro a écrit :Exemple jouer un trait descendant MD dans le médium en voulant garder les doigts parallèles aux touches est stupide, il faut au contraire jouer de manière oblique
Cette phrase m'interpelle. Sur la descente du début deuxième impromptu de Schubert (op90) j'ai tendance à placer ma main de manière oblique et ma prof me fait systématiquement la remarque. Pourtant cela me facilite instinctivement le jeu. Est-ce si mauvais ?
Je viens de regarder la partition et effectivement dès la deuxième mesure (sans compter l'anacrouse) je trouve tout à fait naturel et normal d'avoir une attaque oblique du clavier, tout en libérant bien le coude. L'alternative (doigts parallèles aux touches et donc coude au corps) me semble beaucoup plus crispante et risquée. Après je suis pas prof de piano mais bon :D

C'est un peu la même chose qu'avoir un doigté différent pour jouer la même chose quand elle se répète plus haut ou plus bas sur le clavier, la position du corps est forcément différente donc un changement de doigté peut être nécessaire pour garder un jeu relaché :P
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