Les pianistes qui méritent être plus connus
- Christof
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
Envie de vous parler de Bernard Maury (1943 - 2005).
On pourrait dire qu'il a été le "Nadia Boulanger" des cours d'harmonie jazz (il avait d'ailleurs suivi les cours de composition et d'écriture qu'elle dispensait). Il a formé en cette matière pas mal de musiciens jazz français parmi les plus connus (on peut citer par exemple Michel Petrucciani, Jacky Terrasson, Laurent de Wilde, Jean-Michel Pilc, et bien d'autres). Maître es harmonie (jazz), il a donné de nombreuses conférences à la célèbre Berklee School de Boston (USA) et animé de nombreuses Masterclasses dans plusieurs universités américaines.
Il était également arrangeur, signant entre autres les orchestrations symphoniques de "Parker with strings", hommage à Charlie Parker auquel participaient notamment le batteur Max Roach, sous la conduite de Frank Morgan et Michel Legrand.
Autodidacte au piano (il a débuté à l'âge de 5 ans), Bernard Maury était un très grand improvisateur, utilisant souvent des renversements inusités d'accords (il a remis aussi au goût du jour le mode majeur harmonique ou le majeur double harmonique). Il a tout d'abord développé sa culture musicale en transcrivant la musique d’Oscar Peterson et d’Erroll Garner, puis a étudié l’harmonie à partir de différents traités et partitions classiques.
C'est alors qu'il rencontra Bill Evans, venu à Paris dans les années 70 pour une série de concerts. Ils deviennent amis (à chaque fois que Bill Evans venait à Paris, il allait voir Bernard Maury).
Peut-être de tous les pianistes, c'est lui qui a le mieux compris le langage de Bill Evans (mais bon, on peut aussi citer des pianistes comme Giovanni Mirabassi ou Enrico Pierranunzi). Lorsqu'ils se voyaient, ils se jouaient du piano bien sûr, discutaient harmonie forcément. Bernard Maury avait une passion sans borne pour Bill Evans. Il donnera d'ailleurs à la fin des années 80, une série de concerts en son hommage.
En septembre 1996, il a fondé et dirigé la "Bill Evans Piano Academy", école de jazz située dans le XXe arrondissement de Paris.
J'ai eu la chance de pouvoir récupérer, par un ami musicien, des cours de Bernard Maury, écrits de sa main. Mais comme ça, sans avoir pu assister à ses cours, les lire est un peu difficile.
Heureusement, Lilian Deriq et Etienne Guéreau, deux de ses anciens élèves, on pu remanier tout cela, sortant deux tomes "En harmonie - Fondements de l'harmonie tonale et modale dans le jazz". Tome 1 et Tome 2. Une bible à la gloire de Bernard Maury ou ici chaque notion abordée est accompagnée d'exemples et d'une série d'exercices (avec leurs corrigés).
Volume 1: intervalles, gammes (et leurs logiques internes), cadences, réharmonisation (avec l’insistance à oser ouvrir son imaginaire sonore, à prendre des risques), et pour finir, l’analyse afin de faciliter la mémorisation et l’interprétation.
Volume 2 : principes d’horizontalité et de verticalité - l’un et l’autre se complétant, notions modales et des techniques de compositions plus complexes qui viennent en partie du monde classique.
Au cours des pages de ces deux tomes, des pictogrammes invitent à aller sur internet écouter les exemples décrits).
En intro, on peut lire sous la plume d'Enrico Pieranunzi "Grâce à cette méthode, le précieux legs de Bill Evans et de Bernard Maury est désormais accessible à tous."
Dommage, on ne trouve pas tant de choses que cela sur les concerts de Bernard Maury sur internet. Et là, le son est pas super :
J'ai eu la chance de pouvoir discuter pas mal avec lui (c'était au Trois Mailletz en 1985....). Et puis le voir jouer lors d'un festival de jazz à Calvi en 2004, dont je garde un souvenir inoubliable.
On pourrait dire qu'il a été le "Nadia Boulanger" des cours d'harmonie jazz (il avait d'ailleurs suivi les cours de composition et d'écriture qu'elle dispensait). Il a formé en cette matière pas mal de musiciens jazz français parmi les plus connus (on peut citer par exemple Michel Petrucciani, Jacky Terrasson, Laurent de Wilde, Jean-Michel Pilc, et bien d'autres). Maître es harmonie (jazz), il a donné de nombreuses conférences à la célèbre Berklee School de Boston (USA) et animé de nombreuses Masterclasses dans plusieurs universités américaines.
Il était également arrangeur, signant entre autres les orchestrations symphoniques de "Parker with strings", hommage à Charlie Parker auquel participaient notamment le batteur Max Roach, sous la conduite de Frank Morgan et Michel Legrand.
Autodidacte au piano (il a débuté à l'âge de 5 ans), Bernard Maury était un très grand improvisateur, utilisant souvent des renversements inusités d'accords (il a remis aussi au goût du jour le mode majeur harmonique ou le majeur double harmonique). Il a tout d'abord développé sa culture musicale en transcrivant la musique d’Oscar Peterson et d’Erroll Garner, puis a étudié l’harmonie à partir de différents traités et partitions classiques.
C'est alors qu'il rencontra Bill Evans, venu à Paris dans les années 70 pour une série de concerts. Ils deviennent amis (à chaque fois que Bill Evans venait à Paris, il allait voir Bernard Maury).
Peut-être de tous les pianistes, c'est lui qui a le mieux compris le langage de Bill Evans (mais bon, on peut aussi citer des pianistes comme Giovanni Mirabassi ou Enrico Pierranunzi). Lorsqu'ils se voyaient, ils se jouaient du piano bien sûr, discutaient harmonie forcément. Bernard Maury avait une passion sans borne pour Bill Evans. Il donnera d'ailleurs à la fin des années 80, une série de concerts en son hommage.
En septembre 1996, il a fondé et dirigé la "Bill Evans Piano Academy", école de jazz située dans le XXe arrondissement de Paris.
J'ai eu la chance de pouvoir récupérer, par un ami musicien, des cours de Bernard Maury, écrits de sa main. Mais comme ça, sans avoir pu assister à ses cours, les lire est un peu difficile.
Heureusement, Lilian Deriq et Etienne Guéreau, deux de ses anciens élèves, on pu remanier tout cela, sortant deux tomes "En harmonie - Fondements de l'harmonie tonale et modale dans le jazz". Tome 1 et Tome 2. Une bible à la gloire de Bernard Maury ou ici chaque notion abordée est accompagnée d'exemples et d'une série d'exercices (avec leurs corrigés).
Volume 1: intervalles, gammes (et leurs logiques internes), cadences, réharmonisation (avec l’insistance à oser ouvrir son imaginaire sonore, à prendre des risques), et pour finir, l’analyse afin de faciliter la mémorisation et l’interprétation.
Volume 2 : principes d’horizontalité et de verticalité - l’un et l’autre se complétant, notions modales et des techniques de compositions plus complexes qui viennent en partie du monde classique.
Au cours des pages de ces deux tomes, des pictogrammes invitent à aller sur internet écouter les exemples décrits).
En intro, on peut lire sous la plume d'Enrico Pieranunzi "Grâce à cette méthode, le précieux legs de Bill Evans et de Bernard Maury est désormais accessible à tous."
Dommage, on ne trouve pas tant de choses que cela sur les concerts de Bernard Maury sur internet. Et là, le son est pas super :
J'ai eu la chance de pouvoir discuter pas mal avec lui (c'était au Trois Mailletz en 1985....). Et puis le voir jouer lors d'un festival de jazz à Calvi en 2004, dont je garde un souvenir inoubliable.
Modifié en dernier par Christof le ven. 30 juin, 2023 14:41, modifié 8 fois.
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
L'émission de ce matin de Cassard est consacrée à Raphael Orozco relativmeent méconnu sans doute parce que peu réédité au CD et c'est vrai que je ne le connais que par de rares diffusuons radiophoniques
https://www.francemusique.fr/emissions/ ... alle-37197
https://www.francemusique.fr/emissions/ ... alle-37197
Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
faudra que j'écoute, il a avait fait une superbe intégrale piano/orchestre de Rachma.
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
Oui c'est du reste son enregistrement le plus connu je pense avec Albeniz
J'ai bien aimé son Brahms ce matin
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
Stan Stracey, l'un des meilleurs jazzmen britannique(30 December 1926 – 6 Décembre 2013).
Son disque le plus connu date de 1965 : "Jazz suite inspired par Dylan Thomas"
Ses plus importantes influences ont été Duke Elligton, et Thelonius Monk. On l'entend bien ici à propos de ce dernier : jeu malicieux et original
Son disque le plus connu date de 1965 : "Jazz suite inspired par Dylan Thomas"
Ses plus importantes influences ont été Duke Elligton, et Thelonius Monk. On l'entend bien ici à propos de ce dernier : jeu malicieux et original
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
Effectivement jamais entendu ce nom
Encore une lacune, va falloir que j'écoute çà !
Edit J'ai écouté et regardé. La position de ses mains et la manière d'attaquer le piano fait beaucoup penser à Monk
Encore une lacune, va falloir que j'écoute çà !
Edit J'ai écouté et regardé. La position de ses mains et la manière d'attaquer le piano fait beaucoup penser à Monk
Modifié en dernier par pianojar le dim. 15 oct., 2017 16:57, modifié 1 fois.
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
Oh oui ! C'est une des plus belles intégrales que je connaisse. Je l'ai encore en vinyle… Je crois que Philips l'avait ressortie en CD il y a une vingtaine d'années, mais je ne sais pas si on la trouve encore.Jean-Michel Verdier a écrit : ↑sam. 14 oct., 2017 22:59C'est à mon sens la plus belle intégrale des Rach. Avec Edo de Waart et le RPO si je me souviens bien. Il y avait aussi la rhapsodie d'après Paganini. Une pure merveille.
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
Par curiosité, je l'ai trouvé sur Amazon en CD pour la modique somme de 55,00 € C'est un peu comme les enregistrements d'Egorov : ça atteint des sommets.chantal313 a écrit : ↑sam. 14 oct., 2017 23:59 Oh oui ! C'est une des plus belles intégrales que je connaisse. Je l'ai encore en vinyle… Je crois que Philips l'avait ressortie en CD il y a une vingtaine d'années, mais je ne sais pas si on la trouve encore.
Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
C'est sur Deezer, je suis en train d'écouter sans avoir payé, je ne sais pas si ça s'arrête après un moment...
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
, 4.473 € le CDJean-Michel Verdier a écrit : ↑dim. 15 oct., 2017 15:26 C'est un peu comme les enregistrements d'Egorov : ça atteint des sommets.
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
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Modifié en dernier par Dogane le jeu. 24 mai, 2018 16:24, modifié 1 fois.
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
John Taylor, décédé en juillet 2015
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
Une autre pianiste partie elle aussi très jeune, Rosa Tamarkina, emportée par un cancer à l'âge de 30 ans.
Elève de Goldenweiser au conservatoire de Moscou, seconde au concours Chopin de 1937, Neuhaus, Backaus et d'autres notent sa grande maîtrise technique. Elle se mariera avec Emil Gilels avant de divorcer 3 ans plus tard.
Dans cet enregistrements on mesure combien elle fut une artiste de très grand talent.
Elève de Goldenweiser au conservatoire de Moscou, seconde au concours Chopin de 1937, Neuhaus, Backaus et d'autres notent sa grande maîtrise technique. Elle se mariera avec Emil Gilels avant de divorcer 3 ans plus tard.
Dans cet enregistrements on mesure combien elle fut une artiste de très grand talent.
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
Je continue avec une autre pianiste russe oubliée, Vera Razumovskaya. Elève de Heinrich Neuhaus, deuxième au concours de "tous les Etats de Russie" derrière Gilels en 1933, une artiste dont je n'avais jamais entendu parlé, et à peu près inconnue au bataillon. Chose incompréhensible tant son jeu est personnel, à la fois instinctif et raffiné, robuste et sauvage, plein de fulgurances magnifiques. Du très grand piano à mon sens. Elle a malheureusement très peu enregistré, et le son est souvent précaire, sur des pianos parfois indignes de son talent.
Voici quelques Mazurkas de Chopin, avec ce jeu d'une éloquence incroyable, et surtout cette Fantaisie de Schumann que j'aime beaucoup.
Voici quelques Mazurkas de Chopin, avec ce jeu d'une éloquence incroyable, et surtout cette Fantaisie de Schumann que j'aime beaucoup.
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
Sebastian Benda ?
Le ? c'est parce que je ne connais(sais) pas ce pianiste avant l'écoute de cette sonate de Schubert. Le qualificatif premier qui me vient à l'esprit pendant l'écoute c'est "simplicité"
Certes on n'a peut-être pas l'abime dans lequel nous plonge Richter par exemple mais j'aime assez
https://de.wikipedia.org/wiki/Sebastian_Benda
Schubert D960
Il y a également un enregistrement des variations WoO 80 sur YT que je n'ai pas encore écouté
Le ? c'est parce que je ne connais(sais) pas ce pianiste avant l'écoute de cette sonate de Schubert. Le qualificatif premier qui me vient à l'esprit pendant l'écoute c'est "simplicité"
Certes on n'a peut-être pas l'abime dans lequel nous plonge Richter par exemple mais j'aime assez
https://de.wikipedia.org/wiki/Sebastian_Benda
Schubert D960
Il y a également un enregistrement des variations WoO 80 sur YT que je n'ai pas encore écouté
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
En complément de mon précédent message sur Bernard Maury, j'ai retrouvé cette interview que je vous livre ci-dessous. C'était en octobre 1996.
C'est terrible que cet homme ait été si méconnu : comme je l'ai déjà dit, il était le Nadia Boulanger de l'harmonie jazz... Tous les grands pianistes de jazz à qui il l'a enseignée vous le diront. Et c'est terrible aussi qu'on ne lui ait jamais proposé plus tôt de se produire dans des salles ou Festival vraiment dignes de ce nom (ce qu'il fera heureusement dans les années 1990 : concert dédié à la mémoire de Bill Evans pour le dixième anniversaire de sa disparition (Maison de la Radio), jubilé Steinway au théâtre des Champs Élysées, duo avec Toots Thielemans, duo de pianos avec Michel Petrucciani, Trio de pianos avec Michel Grailler et Alain Jean-Marie (France Musique), concert “In Memoriam Michel Petrucciani” avec Didier Lockwood (salle Gaveau janv. 99) et sur la scène internationale avec le Festival “Memphis in May” (USA), Gratz (Autriche), Tel-Aviv (Israël), Copenhague (Danemark), Los Angeles (USA)). Bernard Maury est né le 28 décembre 1943 - décédé le 31 juillet 2005.
Vous dites volontiers que, si le rythme est le corps de la musique, l'harmonie en est l'âme. D'où votre passion pour l'harmonie...
Bernard Maury : A l'époque où, adolescent, j'ai commencé à m’intéresser au jazz, il était quasi impossible de se procurer des partitions. J'avais une formation de pianiste classique mais, n'ayant pas étudié l'harmonie, j'étais incapable de jouer du jazz sans partition. Certes, je pouvais toujours retranscrire d'oreille certaines mélodies, mais il fallait aussi trouver l'accompagnement, et mes accords rudimentaires ne sonnaient pas du tout comme ceux que j'entendais sur les disques d'Erroll Garner ou d'Oscar Peterson, pianistes dont j'admirais les couleurs tonales.
Enfin, avec un peu d'entraînement, je suis parvenu à relever certains solos. mais apprendre des accords isolés de leur contexte ne me satisfaisait pas : je voulais comprendre le pourquoi de certaines configuration harmoniques. Pour moi, un accord n'est pas une entité isolée, mais l'aboutissement d'une progression. En même temps qu'à l'harmonie, je me suis intéressé au contrepoint, qui traite du mouvement des voix. Comme Debussy l'avait bien compris, un accord possède sa couleur intrinsèque, qui crée un climat particulier, et je souhaitais construire les accords comme je l'entendais, en en contrôlant la couleur tonale.
A l'âge de 20 ans, j'ai pris quelques cours d'harmonie assez élémentaires, mais j'ai surtout étudié seul, dévorant de nombreux traités, effectuant des recherches personnelles et analysant des œuvres classiques. Découvrir certains principes essentiels par soi-même est très enrichissant. Ma pratique du jazz m'a ainsi permis d'envisager l'harmonie sous un autre aspect que celui que l'on enseigne généralement dans les conservatoires. L'harmonie est une question de logique et d'oreille, mais il ne faut pas pour autant la réduire à une science trop abstraite : elle doit vivre.
Comment en êtes-vous venu au jazz ?
Bernard Maury : Vers l'âge de douze ou treize ans, j'ai assisté à une conférence du musicologue Hugues Panassié : ce fut une révélation. J'avais déjà entendu du jazz, mais personne jusque-là n'avait tenté d'en expliquer l'histoire - et il s'agissait d'une culture très différente de la mienne. A Toulouse, où plus tard j'ai fait mes études supérieures, les bals universitaires étaient animés par des orchestres de jazz. J'ai commencé par paraphraser autour des thèmes, puis je me suis jeté à l'eau. Doué d'un esprit assez analytique, j'ai cherché à comprendre comment les phrases étaient construites, j'ai imité les grands musiciens et je me suis choisi des maîtres.
Comment avez-vous rencontré Bill Evans ?
Bernard Maury : Il était venu se produire en concert à Paris en 1972, avec son bassiste Eddy Gomez et son batteur Marty Morell. Bill était mon idole depuis plusieurs années et je rêvais de faire sa connaissance. Je travaillais alors dans un club parisien, avec le saxophoniste Johnny Griffin. Un soir, après notre prestation, deux Américains, qui se trouvaient au bar, sont venus bavarder avec moi et, de fil en aiguille, j'ai appris qu'il s'agissait de Gomez et de Morell. Le lendemain, un ami m'invitait à déjeuner avec Bill Evans en personne ! Le courant a passé immédiatement entre nous. Par la suite, j'ai eu des moments privilégiés avec lui. Lorsqu'il s’asseyait au piano, je n'en perdais pas une miette et m'efforçais de tout assimiler. Il était parvenu au firmament du jazz - ce qu'il niait, par modestie. "Je n'avais aucune facilité", m'a-t-il confié un jour, "il a fallu que je travaille beaucoup". IL n'hésitait pas à rejouer certains passages, afin que je les comprenne bien. Il n'a jamais donné de cours, mais s'il sentait que quelqu'un était réceptif à sa musique et susceptible de saisir sa démarche, il prodiguait volontiers des explications. A cette époque j'essayais, depuis quelques temps déjà, d'analyser sa musique. Deux ans plus tôt, je n'aurais peut-être rien saisi de ce qu'il faisait.
Quelles qualités doit-on posséder pour étudier le jazz ?
Bernard Maury : Il faut être très fortement motivé. Marginale comme l'est cette musique - qui procure rarement richesse et notoriété -, il s'agit d'un apostolat plus que d'une profession. Il convient aussi d'être opiniâtre, de ne pas se laisser décourager par les premiers écueils, et de posséder oreille et sensibilité musicale, encore que l'oreille s'éduque. La rigueur dans le travail est également primordiale, mais il faut aussi savoir laisser sa part à l'imaginaire, être cartésien à certains moments et ne pas l'être à d'autres, et savoir oublier l'aspect scolaire pour s'abandonner à la création.
Et pour l'enseigner ?
Bernard Maury : Avant tout, il faut aimer la musique. C'est un peu comme la foi religieuse, qui s'accompagne souvent de prosélytisme : c'est un amour vrai que l'on a envie de partager. A enseigner, on apprend beaucoup soi-même, parce qu'on est amené à démonter certains mécanismes qui sont parfois inconscients. On peut parvenir à jouer intuitivement des idées intéressantes, mais il convient de les analyser afin de pouvoir les transmettre aux autres, ce qui ouvre au passage des horizons insoupçonnés. Enseigner est extrêmement enrichissant - mais il s'agit avant tout de donner. Je crois que si je n'avais pas enseigné, il y a des pièces que j'aurais été parfaitement incapable d'exécuter, parce que je ne les aurais pas comprises;
Quels sont vos projets actuels
Bernard Maury : En hommage à Bill Evans, je viens de fonder à Paris la Bill Evans Piano Academy, où l'on enseigne aussi d'autres disciplines que le piano. Bill a été l'un des pianistes de jazz les plus importants de la seconde moitié du ce siècle - dans la lignée de Bud Powell et de Thelonious Monk. Le jazz contemporain lui doit énormément. Il est aussi l'héritier direct, dans le domaine du jazz, de l'école française, à laquelle appartiennent Fauré, Ravel, Debussy, Lili Boulanger et Henri Dutilleux. Outre la Bill Evans Piano Academy, j'ai deux projets de disques : l'un en solo et l'autre avec des compositions inédites de Bill Evans, que je sélectionnerai avec l'aide de sa famille.
Planning et plan de son cours, écrit de sa main
C'est terrible que cet homme ait été si méconnu : comme je l'ai déjà dit, il était le Nadia Boulanger de l'harmonie jazz... Tous les grands pianistes de jazz à qui il l'a enseignée vous le diront. Et c'est terrible aussi qu'on ne lui ait jamais proposé plus tôt de se produire dans des salles ou Festival vraiment dignes de ce nom (ce qu'il fera heureusement dans les années 1990 : concert dédié à la mémoire de Bill Evans pour le dixième anniversaire de sa disparition (Maison de la Radio), jubilé Steinway au théâtre des Champs Élysées, duo avec Toots Thielemans, duo de pianos avec Michel Petrucciani, Trio de pianos avec Michel Grailler et Alain Jean-Marie (France Musique), concert “In Memoriam Michel Petrucciani” avec Didier Lockwood (salle Gaveau janv. 99) et sur la scène internationale avec le Festival “Memphis in May” (USA), Gratz (Autriche), Tel-Aviv (Israël), Copenhague (Danemark), Los Angeles (USA)). Bernard Maury est né le 28 décembre 1943 - décédé le 31 juillet 2005.
Vous dites volontiers que, si le rythme est le corps de la musique, l'harmonie en est l'âme. D'où votre passion pour l'harmonie...
Bernard Maury : A l'époque où, adolescent, j'ai commencé à m’intéresser au jazz, il était quasi impossible de se procurer des partitions. J'avais une formation de pianiste classique mais, n'ayant pas étudié l'harmonie, j'étais incapable de jouer du jazz sans partition. Certes, je pouvais toujours retranscrire d'oreille certaines mélodies, mais il fallait aussi trouver l'accompagnement, et mes accords rudimentaires ne sonnaient pas du tout comme ceux que j'entendais sur les disques d'Erroll Garner ou d'Oscar Peterson, pianistes dont j'admirais les couleurs tonales.
Enfin, avec un peu d'entraînement, je suis parvenu à relever certains solos. mais apprendre des accords isolés de leur contexte ne me satisfaisait pas : je voulais comprendre le pourquoi de certaines configuration harmoniques. Pour moi, un accord n'est pas une entité isolée, mais l'aboutissement d'une progression. En même temps qu'à l'harmonie, je me suis intéressé au contrepoint, qui traite du mouvement des voix. Comme Debussy l'avait bien compris, un accord possède sa couleur intrinsèque, qui crée un climat particulier, et je souhaitais construire les accords comme je l'entendais, en en contrôlant la couleur tonale.
A l'âge de 20 ans, j'ai pris quelques cours d'harmonie assez élémentaires, mais j'ai surtout étudié seul, dévorant de nombreux traités, effectuant des recherches personnelles et analysant des œuvres classiques. Découvrir certains principes essentiels par soi-même est très enrichissant. Ma pratique du jazz m'a ainsi permis d'envisager l'harmonie sous un autre aspect que celui que l'on enseigne généralement dans les conservatoires. L'harmonie est une question de logique et d'oreille, mais il ne faut pas pour autant la réduire à une science trop abstraite : elle doit vivre.
Comment en êtes-vous venu au jazz ?
Bernard Maury : Vers l'âge de douze ou treize ans, j'ai assisté à une conférence du musicologue Hugues Panassié : ce fut une révélation. J'avais déjà entendu du jazz, mais personne jusque-là n'avait tenté d'en expliquer l'histoire - et il s'agissait d'une culture très différente de la mienne. A Toulouse, où plus tard j'ai fait mes études supérieures, les bals universitaires étaient animés par des orchestres de jazz. J'ai commencé par paraphraser autour des thèmes, puis je me suis jeté à l'eau. Doué d'un esprit assez analytique, j'ai cherché à comprendre comment les phrases étaient construites, j'ai imité les grands musiciens et je me suis choisi des maîtres.
Comment avez-vous rencontré Bill Evans ?
Bernard Maury : Il était venu se produire en concert à Paris en 1972, avec son bassiste Eddy Gomez et son batteur Marty Morell. Bill était mon idole depuis plusieurs années et je rêvais de faire sa connaissance. Je travaillais alors dans un club parisien, avec le saxophoniste Johnny Griffin. Un soir, après notre prestation, deux Américains, qui se trouvaient au bar, sont venus bavarder avec moi et, de fil en aiguille, j'ai appris qu'il s'agissait de Gomez et de Morell. Le lendemain, un ami m'invitait à déjeuner avec Bill Evans en personne ! Le courant a passé immédiatement entre nous. Par la suite, j'ai eu des moments privilégiés avec lui. Lorsqu'il s’asseyait au piano, je n'en perdais pas une miette et m'efforçais de tout assimiler. Il était parvenu au firmament du jazz - ce qu'il niait, par modestie. "Je n'avais aucune facilité", m'a-t-il confié un jour, "il a fallu que je travaille beaucoup". IL n'hésitait pas à rejouer certains passages, afin que je les comprenne bien. Il n'a jamais donné de cours, mais s'il sentait que quelqu'un était réceptif à sa musique et susceptible de saisir sa démarche, il prodiguait volontiers des explications. A cette époque j'essayais, depuis quelques temps déjà, d'analyser sa musique. Deux ans plus tôt, je n'aurais peut-être rien saisi de ce qu'il faisait.
Quelles qualités doit-on posséder pour étudier le jazz ?
Bernard Maury : Il faut être très fortement motivé. Marginale comme l'est cette musique - qui procure rarement richesse et notoriété -, il s'agit d'un apostolat plus que d'une profession. Il convient aussi d'être opiniâtre, de ne pas se laisser décourager par les premiers écueils, et de posséder oreille et sensibilité musicale, encore que l'oreille s'éduque. La rigueur dans le travail est également primordiale, mais il faut aussi savoir laisser sa part à l'imaginaire, être cartésien à certains moments et ne pas l'être à d'autres, et savoir oublier l'aspect scolaire pour s'abandonner à la création.
Et pour l'enseigner ?
Bernard Maury : Avant tout, il faut aimer la musique. C'est un peu comme la foi religieuse, qui s'accompagne souvent de prosélytisme : c'est un amour vrai que l'on a envie de partager. A enseigner, on apprend beaucoup soi-même, parce qu'on est amené à démonter certains mécanismes qui sont parfois inconscients. On peut parvenir à jouer intuitivement des idées intéressantes, mais il convient de les analyser afin de pouvoir les transmettre aux autres, ce qui ouvre au passage des horizons insoupçonnés. Enseigner est extrêmement enrichissant - mais il s'agit avant tout de donner. Je crois que si je n'avais pas enseigné, il y a des pièces que j'aurais été parfaitement incapable d'exécuter, parce que je ne les aurais pas comprises;
Quels sont vos projets actuels
Bernard Maury : En hommage à Bill Evans, je viens de fonder à Paris la Bill Evans Piano Academy, où l'on enseigne aussi d'autres disciplines que le piano. Bill a été l'un des pianistes de jazz les plus importants de la seconde moitié du ce siècle - dans la lignée de Bud Powell et de Thelonious Monk. Le jazz contemporain lui doit énormément. Il est aussi l'héritier direct, dans le domaine du jazz, de l'école française, à laquelle appartiennent Fauré, Ravel, Debussy, Lili Boulanger et Henri Dutilleux. Outre la Bill Evans Piano Academy, j'ai deux projets de disques : l'un en solo et l'autre avec des compositions inédites de Bill Evans, que je sélectionnerai avec l'aide de sa famille.
Planning et plan de son cours, écrit de sa main
Modifié en dernier par Christof le sam. 04 juil., 2020 20:00, modifié 1 fois.
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
Oui, l'importance du geste !
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
Je viens juste de voir ce que tu avais écrit entre les 2 vidéos à propos de Monk, c'est vrai qu'il y a un peu aussi du jeu très épuré d'Ellington
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Re: Les pianistes qui méritent être plus connus
Désolé je n'avais pas vu ton message. Bon disons que les choses ont bien changé. Il y a quelques années la famille avait annoncé qu'il n'y aurait plus de ré-édition de ses disques. Tout le monde s'était jeté dessus. Les prix flambaient. D'ailleurs si tu as l'occasion écoute les Moments musicaux qu'il a joués au Concertgebow alors qu'il se savait condamné : c'est juste sublime.Presto a écrit : ↑mer. 18 oct., 2017 13:47, 4.473 € le CDJean-Michel Verdier a écrit : ↑dim. 15 oct., 2017 15:26 C'est un peu comme les enregistrements d'Egorov : ça atteint des sommets.