Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Merci Oupsi, Caralire et Jean-Seb pour vos encouragements...
J'ai l'impression que cela va faire un fil fleuve...
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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Christof a écrit :Ah mince, je viens de m'apercevoir que pour ce qui est des mesures 6 à 10, me suis planté en découpant les images...(faut dire que c'est pas simple à faire). Pour ces 4 mesures, j'ai affiché deux fois la partie de trompettes l'une sous l'autre (au lieu de mettre les trombones sous les trompettes)...
Voilà, j'ai remis la bonne partie de trombone, mesures 6 à 10
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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Et puis, j'ai rajouté aussi en écoute, dans "Prélude au 4ème cours" (dans la partie " petite digression") le morceau Confirmation en entier. C'était le morceau que j'avais travaillé avant d'aller à mon cours de piano (après avoir écrit la partie de trombones).

Ecouter le morceau.
Charlie Parker (sax alto), Hal Haig (piano), Percy Hearth (contrebasse), Max Roach (batterie).
Enregistré le 30 juin 1953 Le son a été totalement remastérisé en 2006. On se rend alors mieux compte de la modernité du jeu de Charlie Parker et de son magnifique son. Cet enregistrement date de 63 ans !
Modifié en dernier par Christof le sam. 29 déc., 2018 15:19, modifié 1 fois.
pianojar
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par pianojar »

Dans la version définitive du livre faudra prévoir un CD avec la bande son :D
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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

pianojar a écrit :Dans la version définitive du livre faudra prévoir un CD avec la bande son :D
En fait, ce qui est prévu dans la suite des cours, c'est de mettre en écoute certains devoirs d'arrangements qui ont été joués.
L'idée, c'était qu'on apprenne à faire un arrangement pour cuivres (mais celui dont je parle actuellement n'a pas été joué car c'était le début et puis les véritables arrangements n'utilisent pas systématiquement les phrasés de masse, j'expliquerai plus loin pourquoi).
Durant la première année, on a rendu comme cela quatre devoirs (mais aussi pleins d'autres) spécifiquement destinés à être joués.

Bon, je déflore un peu le sujet, mais, pour vous mettre l'eau à la bouche :
- un devoir concernant les cuivres (avec 3 trompettes en Bb, 3 saxes (1 alto, 2 ténors), 2 trombone (dont 1 complet), 1 cor, 1 contre tube, 1 guitare basse et une batterie)
- un concernant les bois (1 flûte, 1 flute en sol, 1 hautbois, 1 cor anglais, 3 clarinettes (une en Eb, une en Bb, une clarinette basse), 1 basson )
- un concernant les cordes (orchestre avec 1 violoncelle, 2 altos, 3 deuxième violons, 4 premiers violons)
- un concernant les choeurs (2 basses, 2 ténors, 2 chanteuses alto, 2 sopranos et 1 chanteuse lead et un piano)
- et un devoir de fin d'année (4 trompettes, 2 cors, 3 trombones, 1 contre tuba, 1 sax alto, 3 ténors, 1 piano, 1 synthé , 1 guitare électrique, 1 basse, 1 batterie, 1 percu)

A chaque fois, un cours était destiné à entendre les arrangements de chaque élève, joués par des musiciens professionnels (souvent des musiciens appartenant au big band d'Ivan)...

Et là, ce n'est que la première année...
Le fil va faire des pages et des pages :lol:
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Lbern
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Lbern »

Le fil va faire des pages et des pages :lol:
Et c'est tant mieux! :D
Les mp3 s'effaçent, les écrits restent.
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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Le 5ème cours
Rappel de l'épisode précédent : "Incroyable. J'avais terminé le devoir d'arrangement... et on n'était que le lendemain du cours d'Ivan. Je partais à mon cours de piano le coeur léger, léger, léger."

A l'époque j'habitais rue de Charenton dans le XIIème. Je décidais d'innover pour me rendre au CIM. Ahhh la tentation des nouveaux parcours, et puis cette furieuse envie de voir le ciel ! Je me rendais donc à pieds jusqu'à la station Daumesnil pour attraper ensuite, station Nation, la ligne 2 (vous savez, la fameuse ligne aérienne). Descendre à Barbès puis faire le reste à pinces.

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Émotion à Nation. Les stations défilent, métro Belleville, une heure moins douze, un trente-et-un octobre. Année mille-neuf cent quatre-vingt-cinq. Un homme. Il attend. Quelqu’un. Quelque chose. Un événement. Rien, peut-être. Or, justement, rien ne se passe. Il reste immobile. Attend toujours. Ne bouge pas. Les minutes passent. Les heures. Les jours. Les mois. Les années. Il est toujours là, au même endroit, comme statufié.
belleville.jpg
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Enfin, il arrive. En retard. Juste quelques années de retard, vingt-et-une années. Il s’excuse. Il regrette. Un contretemps… Mais il ne bouge toujours pas. Il reste là, immobile, impassible. Aucune expression. Alors l'autre homme s’approche de lui, tout près. Il ne bouge toujours pas. Il s’approche encore. Pas la moindre réaction. Il effleure de sa main son visage. Rien. Il la pose sur sa joue. Et, tout à coup, le visage de l’homme se décrispe comme s’il revenait à la vie, et il s’écrie : "Dis donc, tu y a mis le temps".
C'est vrai que j'en ai mis du temps avant de vouloir écrire tout ça...

Mais revenons à nos moutons.
Le cours de piano se passe au mieux. Faut dire que j'avais pas mal préparé en me risquant à concocter une version de Confirmation façon "un peu Lennie Tristano" (on peut rêver, enfin, je confirme que c'est ce que j'ai tenté) : énoncé du thème avec un simple accompagnement de walking bass, puis chorus tout en continuant sur cette lancée de main gauche (un peu comme je le fais ici (entre 1'53 et 2'32 et 7'13-7'35). Denis (Badault) me poussa à continuer plus avant dans cette voie, mais me recommanda aussi de travailler cela en m'imaginant accompagné d'une contrebasse et d'une batterie. Du coup, travailler les accords sans basse pour les placer à la main gauche.
confirmation.jpg
confirmation.jpg (65.55 Kio) Vu 1408 fois
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Ci dessus : la partie A de "Confirmation"

Et là, il me montra un truc génial : le Cm-7 et Fa+7 (4ème mesure) peuvent être très avantageusement remplacés par un Fa sus 4 (qu'on joue Fa Sib Mib).
Bon j'arrête... (comme dirait Keith, si, si, j'ose :oops: ). On est ici dans un "fil arrangement" et pas "piano" ! --

Donc moins d'une semaine plus tard, me voilà de nouveau dans la grande salle du CIM.
Comme d'habitude, Ivan de nous lancer :
"Messieurs, merci de me rendre le devoir. Et comme c'était la dernière partie à adjoindre à l'arrangement général, pas besoin de faire des photocopies. Je vous rendrai tout cela corrigé la semaine prochaine."

Correction de mon devoir "trombones"

Pour couper court au suspense insoutenable, je vous livre d'ores-et-déjà les corrections de ma fameuse partie trombones, qu'Ivan me rendra la semaine suivante (en espérant que quelques Pmistes y avaient déjà débusqué les fameuses têtes de morts (voir fin du cours précédent) :

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Corrections trombones (Mesures 1 à 5)

Explications :
- 1ère mesure, en l'air du 3ème temps : "Attention au baryton, H.L.". Aïe. Oui, si on regarde ce que joue le 4e trombone (un ré), et la note que joue le baryton 'un sib) [je parle ici en ut - d'ailleurs à noter aussi que j'ai mal positionné ma note en l'écrivant, j'ai mis sur la partition un la, ce qui fait en ut un do... mais c'était une erreur, dans ma tête je pensais bien à un sib (donc j'aurais dû écrire un sol sur la partition du baryton) ]: c'est un écart de tierce mineure entre les deux instruments (sib-ré), et là, je suis Hors limite. Rappelez-vous ce que j'avais expliqué à la fin du "1er cours - suite et fin" :
"Pour une tierce mineure, do mib (sous le fa de la clé de fa) est la limite inférieure. On peut tenter celle un demi ton en dessous, mais un ton en dessous, c’est sûr que cela ne va pas sonner." Sachant que le baryton sonne une 13e en dessous que ce qu'il est écrit, sib-ré est Hors Limite (j'y reviendrai dans d'autres cours à cette notion de Hors Limite).

- 3ème mesure, 4ème temps : j'ai une belle tête de mort entre le 3e trombone et la 4e trompette : le 3e trombone joue un ré et la 4e trompette un mib (je parle ici en ut) soit un écart de 9eb, donc une tête de mort... (cela dit, on verra en 2ème année que, pour ce cas précis, cela peut finalement passer).

- 5ème mesure, en l'air du 3ème temps : "3 mi bécarres ?" : ce n'est pas une faute, je peux mettre un mi bécarre (l'accord est un A9b13). Mais c'est vrai que 3 mi bécarres sur un même pupitre, j'aurais pu trouver mieux...


Voyons maintenant les mesures 6 à 11 :

Image
Image

Explications (suite) :
- 7e mesure, deuxième temps : "E # ou E bécarre ?" Oui, mi bécarre bien sûr (ça cela vient que je ne suis pas encore expert dans la clé d'ut 4e)

- 8e mesure en l'air du 3e temps : une tête de mort ! (en fait un peu la même qu'avant, mais ici cela se passe entre le 2e trombone et la 4e trompette).


Et puis, concernant la partie de piano :

Mesure 1 à 5
Image

Mesure 6 à 11
Image

je récolte un "La partie de piano risque d'être difficile à jouer au tempo".

Là aussi, c'était un bel enseignement : ce n'était pas parce que j'étais pianiste et que j'avais donc particulièrement chiadé cette partie qu'il fallait oublier qu'en conditions réelles d'enregistrement (imaginons par exemple que cet arrangement ait été fait pour une musique de film), les musiciens n'auraient le droit qu'à un très petit nombre de prises, devant pouvoir jouer facilement à vue. Et là, c'est sûr, à cette vitesse, c'est pas trop simple.
Donc ne jamais avoir peur de "faire simple" (d'ailleurs c'est vrai pour tout).



Et voici l'arrangement d'Ivan


"Il n'y a pas que vous qui avez travaillé sur ce devoir". Ivan nous distribue alors à chacun une photocopie de son arrangement, celui qu'il a fait pour que nous puissions expressément en tirer la substantifique graine :

(mesure 1 à 5) Voir les images manquantes ici
Image
Image
[img]http:/media.automatesintelligents.com/musique/ivan86/masse/saxes_ivanmasse_page1.jpg[/img]
Image Voir image piano basse ici


(mesures 6 à 11) Voir les images manquantes ici
Image
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Image
Image Voir image piano basse ici

C'est beau n'est-ce pas !

Explications la prochaine fois.

A suivre...
Modifié en dernier par Christof le mer. 21 juin, 2023 18:32, modifié 24 fois.
pianojar
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par pianojar »

En tout cas quel incroyable foisonnement d'idées différentes dans ton "confirmation" en solo ! =D>
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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

pianojar a écrit :En tout cas quel incroyable foisonnement d'idées différentes dans ton "confirmation" en solo ! =D>
Oh merci !
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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Le 5ème cours (suite et fin)

Rappel de l'épisode précédent :
"Il n'y a pas que vous qui avez travaillé sur ce devoir".
Ivan nous distribue alors à chacun une photocopie de son arrangement, celui qu'il a fait pour que nous puissions expressément en tirer la substantifique moelle :

(mesure 1 à 5) Voir images ici et ici
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(mesures 6 à 11) Voir image ici et ici
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"Voici comment j'ai procédé", nous indique Ivan :

Écriture et analyse de la partie des trompettes


Trompettes - Mesures 1 à 5
trompettes_ivanmasse_page1.jpg
trompettes_ivanmasse_page1.jpg (50.77 Kio) Vu 1404 fois

Trompettes - Mesures 6 à 11



- Quand la 1ère trompette est trop dans le médium (par rapport à sa tessiture), ce qui risquerait de mettre la 4ème trompette à la cave son on les divisait en 4 voix différentes, je les divise seulement en deux parties (mesures 1 et 3 et dernière note de la mesure 10)

- J'évite systématiquement les ré et do# graves (nb : vous vous rappelez, j'avais indiqué que ces deux notes sonnaient faux lors du deuxième cours), sauf à la 4ème trompette 8ème mesure, que je n'ai pu éviter.

- Ce sont bien sûr les trompettes qui ont le maximum de dissonances dans la mesure où la mélodie le permet. Cependant, comme je m'efforce également de leur faire des parties le plus conjointes possible en évitant si possible les répétitions de notes, il peut arriver qu'une autre trompette que le leader impose une harmonie spécifique. Je marque donc tous ces interdits (au-dessus par exemple) et toutes es obligations (en-dessous par exemple). Ainsi, par exemple, si nous analysons la 5ème mesure sur le A9b : sur le 1er temps, pas de problème, je peux tout me permettre puisque la mélodie fait la 9eb. Sur le 2ème temps, puisque la mélodie fait la fondamentale, je peux également tout me permettre en principe. Cependant, on voit que la 2ème trompette, pour avoir un mouvement conjoint, fait la 5 (le mi) ; aussi la 11# sera interdite.
Sur le 3ème temps, 1ère croche, la mélodie passe par la 7e (le sol), aussi la 13e (le fa#) sera interdite ; mais également la 2ème trompette passe - toujours pour favoriser ce mouvement conjoint - par la 11#, que je marque également dans les obligations. Enfin, la dernière note de cette mesure est, à la mélodie, la tierce de D - (c'est à dire le fa). Aussi, bien que la 9e ne soit pas interdite, elle risque tout de même de "bouffer" un peu la mélodie : aussi j'essaie de l'éviter et la mentionne dans les interdits sur le conducteur.

- 8ème mesure, 3ème temps, 1ère croche, sur Db9/13. Bien entendu, ce sera une trompette qui fera la 13e. Mais de plus, j'ai facilité le fameux rapport 5- -> 4 (qu'on appelle aussi "triton-quarte")
trpt_rapport_triton_quarte.jpg
trpt_rapport_triton_quarte.jpg (22.76 Kio) Vu 1404 fois

- Dans la mesure du possible, il faut éviter de mettre trop de dissonances, et en tout cas au même pupitre. Ainsi, par exemple à la 5ème mesure 1er temps, où la mélodie fait la 9eb, il faut éviter d'ajouter - en tous cas aux seules trompettes, la 13e, la 11+ et la 9+.

Image voir image ici

En effet, même si on imagine - de la fondamentale - la 7e, la 5 bécarre et la tierce seront faites par le reste de l'orchestre (saxes et trombones), le fait que les trompettes "sonnent" plutôt C diminué donnera plutôt un accord général de C diminué sur un accord de A7, soit un A9b 9+ 11+ 13 un peu glauque. Cela sonnera un A9b un peu glauque.


Écriture et analyse de la partie des saxes

Saxes - mesures 1 à 5
Image voir image ici

Saxes- mesures 6 à 11
Image voir image ici

- Hormis le baryton, dont on verra qu'il a un rôle complémentaire avec la basse et le 4ème trombone, la tessiture générale des autres saxes se situe entre les trompettes et les trombones. En effet :

Image voir image ici

Donc, en considérant que ce sont les trompettes qui auront toutes les tensions principales, les saxes en auront peut-être aussi, mais moins. Par exemple, si nous prenons l'exemple d'un accord particulièrement pourri comme C9b/11+/13, on peut imaginer que ce seront les trompettes qui auront la 13e, les saxes la 11+ et les trombones la 9b. C'est n'est pas une règle absolue bien entendu, car tout dépend de ce que viennent de faire ces différents pupitres ou de ce qu'ils vont faire, en essayant de leur écrire des voix les plus conjointes possibles.
Par ailleurs, pour que les pupitres sonnent individuellement, on peut être amené à faire la 9eb également aux trompettes ou aux saxes, ou la 11+ également aux trombones. Mais d'une façon générale, lorsque les saxes arrivent dans l'aigu, ils auront tendance à faire les dissonances (11+ et même 13) et lorsqu'ils arrivent dans le grave, ils auront tendance à revenir vers les bases de l'accord (1, 3, 5, 7). Ainsi, si j'écris l'accord C9b/11+/13 à tous, cela donnera en ut :

Image voir image ici

On voit que les dissonances (13/11+/9b) sont réparties aux trois pupitres et que chaque pupitre sonne individuellement. On notera également le rôle complémentaire du 4è trombone qui fait la quinte et du baryton qui fait la fondamentale. Quant à la basse, elle doublera vraisemblablement ce que fait le baryton (à cet endroit car cela aurait très bien pu être le 4ème trombone). Ce n'est qu'un schéma car, toujours pour faire des voix conjointes, j'aurais pu arriver - pour le même accord - à des voix différentes aux saxes et aux trombones :

Image voir image ici

On voit ici que les saxes plus aigus, peuvent avoir des dissonances allant jusqu'à la 13ème ; idem pour les trombones qui (pour le 1er) vont jusqu'à la 11+.
Cependant, pour les saxes, la tessiture serait trop élevée : contre fa# pour le premier alto. On notera tout de même le rôle complémentaire de la basse (1), du baryton (5) et du 4e trombone (3) qui assoient les fondamentales de do.

- Maintenant, regardons l'arrangement. J'avais déjà le 1er alto d'écrit et tout ce que j'ai fait est d'harmoniser les autres saxes sans ce 1er alto, en respectant les interdits marqués au conducteur, ou aussi les nouvelles dissonances en fonction de telle ou telle note faite par une des trompettes. De plus, j'ai fait marcher la basse en fonction de ce que fait le baryton (souvent unisson, parfois à la quinte). Et je me suis efforcé bien entendu que le pupitre sonne individuellement.

Mais pour donner un exemple, nous voyons que, puisque les trompettes font déjà la 13e, j'assois l'accord de A9b sans mettre la 13e à ces saxes

Image voir l'image ici

. Idem sur le 3e temps de la 6e mesure, sur Eb9.
Bien suivre aussi la basse et le baryton : attention lorsqu'il va falloir écrire le 4e trombone aux hors limites dans le grave

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Un truc à savoir pour écrire plus vite le pupitre de saxes : une autre écriture bien connue consiste à doubler le 1er alto par le baryton (un octave inférieur donc). Ce style d'écriture a par exemple été utilisé à foison ans l'orchestre de Count Basie, également - mais dans une moindre mesure - par Duke Ellington ou autres...

Saxes : mesures 1 à 5
Image voir l'image ici

Saxes : mesures 6 à 11
Image voir l'image ici

Cette écriture présente deux avantages :
- elle rend automatiquement la voix de 1er alto plus sonore,
- cela fait une voix de moins à écrire pour les arrangements, lorsqu'on est pressé.

Cependant, cette écriture comporte aussi de multiples inconvénients :
- on se supprime délibérément une voix, donc l'écriture sera automatiquement moins riche harmoniquement. Et pour respecter certaines tensions dans certains accords, on sera alors obligé d'écrire ces tensions à la seconde mineure, ce qui peut provoquer un "frottement" un peu désagréable,
- si le premier alto fait une dissonance relativement grave, le fait de la doubler à l'octave inférieur par le baryton peut amener celui-ci en dissonance ou en hors limite avec la basse ou le trombone basse, même si cela peu "passer" puisque ce n'est qu'une doublure. Par exemple, si le 1er alto venait à jouer une 11+, le baryton la jouerait également. Or si à cet endroit précis la basse joue une quinte, cela donnera un frottement de seconde entre eux, ce qui n'est pas très grave dans un cas isolé. Mais cela peut devenir gênant à la longue si cela se reproduit souvent.

Image voir image ici

De plus, si on veut donner tout de même la notion de dissonance - sur D9+ par exemple - on est obligé de passer par une écriture un peu maladroite. Ainsi par exemple pour ce D9+ de la 2e mesure, le 1er alto faisant un C, je serai obligé d'écrire :

Image voir image ici

d'où frottement entre le Gb et le F et les 7ème majeures de mesures 4 et 10 qui sont -au baryton - un peu hors limite. C'est ce qui me fait préférer l'autre écriture, plus riche et moins dangereuse.
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Écriture et analyse de la partie des trombones

Trombones - Mesures 1 à 5
trombones_ivanmasse_page1.jpg
trombones_ivanmasse_page1.jpg (30.12 Kio) Vu 1400 fois

Trombones - Mesures 6 à 11 voir image ici


Tout va consister pour les trombones a asseoir les fondamentales (en complémentarité avec la basse et le baryton lorsqu'ils sont dans le grave, et ayant parfois des tensions lorsqu'ils sont dans l'aigu) mais en s'évertuant à faire sonner le pupitre individuellement, et que les voix soient le plus conjointes possible pour éviter de leur faire "scier du bois"

- Regardons le 4e trombone par rapport au baryton

Imagevoir image ici


1ere mesure : sur la 1ère note, le trombone est sous le baryton et la basse et fait la fondamentale pendant que le baryton et la basse font la quinte.
Par contre, sur la 2ème note, ils sont tous les trois à l'unisson (le C, en syncope sur la basse). Puis le trombone passe au-dessus du baryton/basse, pour faire la 7e de G-7, (à la quinte) pendant que le baryton/basse font la tierce. Le seul litige serait la 1ère croche du 4ème temps où le trombone fait la quarte de G-7, un peu hors limite. Mais si j'avais écrit un D, cela aurait fait une répétition, et si je lui avait fait faire un Bb, celui-ci aurait été franchement hors limite. Aussi, pour lui faire faire un mouvement conjoint, tant pis, je passe par le C qui passera tout de même mieux que le reste. Et je reviens à l'unisson des 3 pour le A. On voit que le 4ème trombone suit le mouvement ascendant des autres trombones, alors que les Baryton/basse sont descendants.

2ème mesure : le 4ème trombone est carrément à la quinte du baryton

3ème mesure :

Imagevoir image ici


On voit nettement sur cette mesure à quel point ces 3 instruments sont complémentaires.

4ème mesure :
Sur le 1er temps, examinons tous les trombones. On voit qu'il font A 11+ alors qu'il y a A9b/13. Or je vous ai dit que dans ces cas-là, la 9+ risque d'alourdir. Cependant, dans ces cas-là, ça passe car d'une part le pupitre sonne bien individuellement et, d'autre part, les mouvements sont conjoints. De plus, il n'y a pas - à cet endroit - de 9+.

On pourrait continuer comme cela à expliquer pendant des heures. Alors faisons plutôt un résumé pédagogique...

En conclusion : résumé pédagogique pour l'écriture des cuivres


- On commence par écrire le haut des accords, donc les trompettes. C'est elles qui auront les principales tensions. par la même occasion, vous complétez votre conducteur en mettant tous les interdits et aussi toutes les nouvelles tensions.

- Vous écrivez ensuite le médium de l'orchestre, c'est-à-dire les saxes. Dans le haut, vous faites attention au conducteur (en ajoutant à celui-ci d'éventuelles nouvelles tensions) et dans le bas (baryton) vous faites marcher la basse avec le baryton.

- Vous écrivez ensuite le médium bas de l'orchestre, c'est-à-dire les trombones. Attention donc à la basse et au baryton en écrivant le 4ème trombone, et attention également au conducteur en arrivant dans l'aigu.

- En conclusion, si vous respectez tout ce qui a été dit, et que chaque pupitre "sonne" individuellement, il n'y aura aucun problème.
Le piano peut jouer dans les trous (il y a en a peu) ou au contraire soutenir l'orchestre

"Tout va bien ? Bon maintenant, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle...
La bonne nouvelle, c'est que maintenant, vous êtes armés pour savoir écrire un beau score de cuivres en phrasé de masse...
La mauvaise nouvelle, c'est que nous devons constater que ce style d'écriture va donner un son général - intéressant certes - mais immuable du début à la fin : ce sera le mélange cuivres -anches -rythmique, toujours le même du début à la fin du tutti.
Il est évident que l'intérêt d'un grand orchestre ne réside pas uniquement dans l'exemple cité. Il est également intéressant de faire des échanges de timbres comme on fait des 4/4 saxes/trompettes. Par exemple, un tutti de saxes ponctué par des pêches de cuivres, ou un tutti de cuivres et un contrechant de saxes, ponctué par des pêches rythmiques. Chaque arrangeur a (heureusement) sa propre vision de ces choses : de là rejaillit sa personnalité. Il est donc important de constater ceci : de la tessiture générale du chant envisagé dépendra - souvent - les instruments qui joueront. En fait, il n'est pas nécessaire de faire jouer tout le monde tout le temps. Encore une fois, l'intérêt d'un grand orchestre c'est de faire apparaître les timbres différents. Ainsi, l'oreille de l'auditeur est sollicitée, ne se relâche jamais. Il en sera de même lorsqu'un soliste apparaîtra avec son talent propre : encore un nouveau pôle d'attraction.

Alors la mauvaise nouvelle, c'est que, pour la semaine prochaine, je voudrais que vous me refassiez l'intégralité de cet arrangement mais, cette fois-ci, pas en phrasé de masse"


Fin du cours... Je me sens la tête bien farcie, tissus de la cervelle qui ressembleraient à une espèce de coton de nuage de fleurs qui s'envolent d'un tuba magique.

Image voir image ici
Hélas, je ne me rappelle plus de qui est cette illustration. Merci Oupsi d'avoir trouvé: il s'agit de Duy Huynh


"Je voudrais que vous me refassiez l'intégralité de cet arrangement mais, cette fois-ci, pas en phrasé de masse"

Assis dans le métro, les stations défilent. Refaire tout l'arrangement, en une semaine !J'imagine l'étendue du travail, qui me paraît colossale. Et comment vraiment s'y prendre ? Ivan ne nous a finalement pas donné beaucoup de billes pour ce "ne pas écrire en phrasé de masse"... Mais j'imagine que cela a été mûrement réfléchi de sa part. Ne pas nous donner à chaque fois les éléments tout cuit dans le bec. Découvrir ainsi beaucoup mieux par soi-même les qualités que doit acquérir un arrangeur. Nous faire bien mariner dans le jus.
Ce nouveau devoir, c'est me jeter vraiment à l'eau : il va falloir imaginer les contrechants, toutes les dynamiques, le mariage des timbres, ne pas forcément faire jouer tout le monde en même temps. Le début d'une véritable création.

J'ai aussi l'impression que, pour Ivan, nous demander de finaliser ce nouveau devoir en une semaine, c'est pour lui déjà nous mettre dans le bain de la vie d'un arrangeur-orchestrateur. Apprendre à s'organiser sachant que dans ce métier, les trucs à rendre, c'est toujours "pour hier".
J'ignore encore ce que j'ai à dire... Mais les histoires le savent, me criant "rejoins-moi". Il faut être très pur pour aller réclamer la page merveilleuse. Avant que l’histoire ne se présente, on se sent un peu démuni... sauf qu'elle vient d'allumer une veilleuse dans le ciel.

A suivre..
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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Prélude au 6ème cours

Rappel de l'épisode précédent :J'ignore encore ce que j'ai à dire... Mais les histoires le savent, me criant "rejoins-moi". Il faut être très pur pour aller réclamer la page merveilleuse. Avant que l’histoire ne se présente, on se sent un peu démuni... sauf qu'elle vient d'allumer une veilleuse dans le ciel.

J'éteins la lumière, mais la veilleuse est toujours là. Il est très tard et je dors, mais elle est là, accrochée au plafond de cet auditorium où j'entends à gauche trompettes qui virevoltent, à droite trombones et saxes qui les soutiennent sur un tapis d'accords et au centre la section rythmique, et où tous se rejoignent sur ce Ré 7 9+ qui déchire. Section rythmique... et c'est là que je réalise, toujours dans le rêve, que j'ai oublié dans le fil pianomajeur de donner les informations concernant l'écriture de la basse et de la batterie. Mais comment ai-je pu faire cette bourde... Normalement, cela aurait déjà dû être dans le cours 2...

Bon alors :

Tessiture de la contrebasse
La contrebasse s'écrit en clé de fa, et sonne un octave en dessous de ce qui est écrit :
contrebasse.jpg
contrebasse.jpg (14.29 Kio) Vu 1421 fois
Les cordes à vide, en partant de la plus grave sont : mi, la, ré, sol

Écriture de la batterie
Selon la position des notes sur les lignes ou interlignes de la portée, on a affaire à la cymbale ; à la charley (charleston), qui est ouverte si on écrit au dessus un o et fermé si on écrit un + ; les toms, la caisse claire, la grosse caisse.
Sur la portée en bas, j'ai illustré par un rythme disco : poum (grosse caisse) tchac (caisse claire) poum (grosse caisse) tchac (caisse claire) et charley qui joue des croches (1 charley fermée, 1 charley demi-ouverte [rim shot]) .
En général, ce n'est pas trop la peine de s'ennuyer à écrire intégralement la partie de batterie. Il suffit d'indiquer le style, les endroits où mettre les pêches et le batteur saura faire cela à sa sauce, et bien mieux que vous n'auriez su l'écrire (à moins d'avoir un batteur vraiment mauvais...).
batterie.jpg
batterie.jpg (49.78 Kio) Vu 1421 fois

Se mettre au travail

Le premier jour, je décide de ne pas encore me plonger dans le devoir à rendre pour la semaine prochaine, mais plutôt de revoir en détail l'arrangement d'Ivan en phrasé de masse pour le comparer avec le mien et essayer d'en tirer des enseignements...Une fois cela fait, j'étudie quand même de près la mélodie du devoir à faire, la chante en boucle. Celle-ci va m'accompagner toute la semaine. L'après-midi, j'ai cours de piano, puis cours en atelier d'orchestre. Demain, cours d'histoire du jazz. Après demain, "hear training", solfège rythmique. Et puis faire travailler l'après-midi deux groupes, soit deux fois deux heures. Sachant que le lundi d'après, j'ai cours particulier de piano avec Denis Badault, et tous les trucs à travailler... il ne reste finalement pas tant de temps que cela pour écrire l'arrangement pour mercredi prochain. D'autant plus que je ne sais absolument pas combien de temps cela peut prendre de faire un arrangement comme cela, avec des contrechants, des mélanges différents de timbres...

C'est fou ça... Où que je sois, quoi que je fasse, tôt ou tard la mélodie se chante toute seule dans ma tête... J'essaie d'imaginer les pupitres, ce qu'ils vont jouer... Dès que j'ai un moment, je pose un peu les choses, mais finalement cela n'avance pas vraiment. Je commence à écrire, mais c'est pour rayer très vite et recommencer. Le semaine passe à toute vitesse, si bien que je me retrouve la veille du cours à n'avoir rien de vraiment finalisé. J'imagine que c'est normal, qu'il faut un temps de "maturation"...

Finalement, j'arriverai à l'écrire cet arrangement mais... Devant mon piano, mon stylo 4 couleurs, crayon de papier 2B et mes feuilles de score, j'ai commencé à m'y mettre vers 9h du matin et finir vers 2 heures du mat... J'ai travaillé presque non stop...

Alors voilà ce que cela donne : (si vous voulez vraiment lire les notes, téléchargez l'arrangement en bas de la page. Mais simplement, en regardant les images ci-dessous, on voit que j'ai décidé dans l'arrangement de faire marcher d'un côté les trompettes sur la mélodie et, d'un autre, trombones et saxes ensemble.

Je ne suis qu'à moitié content de moi, parce que des contrechants on ne peut pas dire qu'il y en ait vraiment. Mais bon, j'ai quand même deux masses de pupitres un peu différentes.
A moitié content mais aussi super heureux d'avoir fini dans les temps...

Mon devoir mesures 1 à 8 (voir les 3 images ici)

Image
Image
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Mon devoir mesures 9 à 11 (voir les 3 images ici)

Image
Image
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arrangement_sanscorrection.pdf
(763.5 Kio) Téléchargé 52 fois
[/b]


A suivre....
Modifié en dernier par Christof le jeu. 22 juin, 2023 16:01, modifié 4 fois.
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Oupsi »

Christof a écrit :Hélas, je ne me rappelle plus de qui est cette illustration
C'est un artiste nommé Duy Huynh

http://www.tuttartpitturasculturapoesia ... etnam.html

http://www.duyhuynh.com/about-duy-huynh/

Je ne connaissais pas. Un style un peu naïf, non dénué de charme, apaisant et pacifique.
Beaucoup d'éclosions fleurs/musique dans ces tableaux, et d'animaux, et de scènes un peu oniriques.

(sinon sur les cours je suis complètement larguée, mais je me demande quand même ce que te dira Ivan de cette absence perçue de contrepoint, suspense.)

(je veux aussi relire attentivement les listes d'interdits-têtes de mort et intégrer ça, je pense que ça vaut le coup de bien y réfléchir)
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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Oupsi a écrit :
Christof a écrit :Hélas, je ne me rappelle plus de qui est cette illustration
C'est un artiste nommé Duy Huynh

http://www.tuttartpitturasculturapoesia ... etnam.html

http://www.duyhuynh.com/about-duy-huynh/

Je ne connaissais pas. Un style un peu naïf, non dénué de charme, apaisant et pacifique.
Beaucoup d'éclosions fleurs/musique dans ces tableaux, et d'animaux, et de scènes un peu oniriques.
Merci d'avoir trouvé, et aussi de lire ce fil. J'ai rajouté la provenance sous la photo.
Comment as-tu fait ? J'avais tenté une recherche avec google en mettant "tuba fleurs", "musique tuba fleurs", etc., etc. mais rien ne sortait.
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Le 6ème cours

Rappel de l'épisode précédent "Je ne suis qu'à moitié content de moi parce que des contrechants, on ne peut pas dire qu'il y en ait vraiment dans mon arrangement. Mais bon, j'ai quand même deux masses de pupitres un peu différentes.
A moitié content mais aussi super heureux d'avoir fini dans les temps..."


Donc petite nuit, presque sans dormir et me voici cependant frais et dispo ce mercredi 14 h au CIM.
Ivan, comme à son habitude nous distribue une feuille. Sur celle-ci une mélodie, juste le premier accord indiqué... et en dessous des figures rythmiques... Il s'assoit devant le piano :
"Vous avez compris : petite dictée musicale d'accords sur cette mélodie. D'ailleurs, aujourd'hui, nous allons faire trois différentes dictées, parce que l'on a beaucoup de choses à voir. La première s'appelle "Le jeu des 20 erreurs"

Et une première dictée musicale : le jeu des 20 erreurs !

Ci dessous, voici les accords que j'ai écrits au crayon de papier...
dictee1.jpg
dictee1.jpg (71.75 Kio) Vu 1420 fois
dictee2.jpg
dictee2.jpg (49.67 Kio) Vu 1420 fois
Une fois la dictée finie, Ivan nous donne la même feuille, avec la solution...
Pas mal, je n'ai fait que trois erreurs, et encore, des pas trop graves...

Puis il nous distribue un arrangement réalisé sur cette mélodie et ces accords :
"Si j'ai appelé cette dictée "le jeu des 20 erreurs, c'est parce que maintenant votre mission, si vous l'acceptez, est de me débusquer les 20 erreurs qui existent dans cet arrangement ... Vous avez une demi heure"

Nb : dommage, je n'ai donc pas de feuille "propre" (c'est à dire sans mes notations des faute débusquées, ici en rouge) de cet arrangement à vous présenter, comme ça vous auriez pu faire l'exercice avec moi. voir les 3 premières images ici

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Voir les 3 images ci-dessous ici
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jeu20erreurs.pdf
(4.03 Mio) Téléchargé 48 fois
(score du jeu des 20 erreurs)

Je suis étonné de constater qu'entre les hors limite, tête de mort, erreurs de notes dans des accords, sixtes qui alourdissent, j'ai à peu près trouvé toutes les erreurs (j'en ai trouvées 19).
En fait l'idée n'est pas forcément que vous vous amusiez à faire l'exercice avec moi mais plus de constater qu'écrire un arrangement c'est quand même pas du gâteau : il faut vraiment avoir l’œil sur tout. C'est très vite fait de faire des erreurs...
Cela dit, mariner depuis six semaines dans cet ambiance "arrangeur/orchestrateur" fait que je commence à mieux voir, mieux entendre... même si mes arrangements sont encore (à mon avis) "passables", du genre "peut sûrement mieux faire" (enfin j'espère). Cela dit, je suis sûr que je vais encore en laisser traîner de ces têtes de morts dans mes futurs arrangements. D'où l'importance de ne pas terminer un arrangement juste avant de le rendre en y ayant presque passé la nuit. Il faut disposer aussi de temps, pouvoir laisser vraiment reposer avant de relire... Sinon, on a beau regarder, relire et relire, on n'a plus l'esprit assez acéré... Et puis, je ne sais pas si cela vous fait cela aussi : on voit toujours mieux ce qui ne va pas sur le score d'un(e) autre... Mais quand on a la tête dans le guidon dans son propre travail, tout se brouille. Sauf que la nuit, rien n'est pareil...
D'abord il y a ce silence, cette ambiance. Le seul bruit de la flammèche d'une bougie. Ce son de la nuit. Ce son sur les notes qu'on écrit à la lueur d'une flamme qui sent bon. La flamme de la vie qui pétille, les portées qui crépitent, la fatigue qui s'enfuit. L'énergie de la nuit intérieure, mêlée de rêverie. J'aime la nuit, c'est comme un feu de braises. La musique qui exerce son ascendant comme un regard, une porte ouverte sur un autre monde, qui nous simplifie. La magie d'un score qui se noircit d'une encre sympathique, les pupitres qui conversent en se faisant des signes. Deux heures du matin, sentiment de joie du travail accompli. Vite allez dormir.

Sauf que parfois, c'est aussi l'insomnie. Trop de musique dans la tête. Regarder son lit et juste s'asseoir, songer à l'univers du sommeil où ce soir nous ne pénétrons pas, au jour qui n'est plus. S'inquiéter peut-être de la journée à venir, et qui ne vient pas, qui ne viendra pas tellement l'aube semble encore lointaine. Un peu d'insomnie n'est finalement jamais inutile pour mieux apprécier le sommeil, projeter la lumière dans ses nuits. Le rêve peut alors s'y donner carrière. La nuit, tout se revêt du reflet de grandeur.
La nuit, ce rapt de l'esprit.
La nuit, c'est aussi là que se transfigurent les fantômes, les anges en songe. Les Laisser venir, y arrêter les motifs des décisions que nous prenons. Faute de quoi, s'exposer à les revivre dans le jour, avec impatience.

J'aime la nuit : on y transforme sa vie en son résumé. Et ce sont dans ces instants de lueur, de silence et de nuit que tout être ordinaire se transforme en héros de légende sans âge. C'est souvent la nuit que vient l'inspiration, les moments de création.
Ce texte, est un écrit de nuit. Les textes du jour ne peuvent grésiller ainsi. Le son n'est plus le même, la nuit comme une croisière, un voyage. Alors sortir. Marcher. La rue chargée d'ombres. Et le ciel d'une obscurité compacte et lourde. Infiniment loin, la lueur de la lune à travers les nuages. Il semble alors que tout ne vit que pour moi seul, que je suis en communion avec toutes choses.

La nuit, ce noir où les heures ne filent pas pareilles. C'est le sentiment d'un moment qui nous appartient - mais finalement, chaque moment nous appartient. Cette odeur de l'air doux, dans cette nuit de novembre. Être à côté d'un arbre. Profiter du moment, même ne serait-ce que de marcher dans la nuit : la journée, finalement, on n'y a pas tellement droit, englués trop souvent dans les choses "obligatoires".

La nuit, moment de reprise de sa vie en main. Faire ce que l'on a envie, même s'ennuyer.
Et ces arbres qui m'enveloppent de leur ombre noire ; c'est à moi que s'adressent leur rumeur. Je les aime. Leur chant à cet instant me semble destiné. Et les étoiles tout là haut qui brillent... Respirer leur salut argenté.


Croiser des ombres improbables. Les gens de la nuit en ont souvent soupé de la société de la journée. Instant de relâchement des traits.
L'insouciance. L'oubli du temporel. Fraternité des humains. Ne pas savoir quelle heure il est. Se laisser prendre par les événements. Tant qu'il ne fait pas jour, on est tranquille.
Demain est un autre jour.
Moment pour écrire.

Bon, faut pas déconner, revenons à nos moutons. -------------------------


Ivan ne nous donne pas la correction de ce devoir. C'est à nous de chercher... Excellente pédagogie... Se prendre en main.
Et rien finalement n'empêchera de poser des questions la semaine suivante. J'ai beau chercher, je ne trouve pas la 20ème erreur.

Et une deuxième dictée !!

Le maître nous distribue ensuite une autre dictée (toujours pareil : il n'y a juste écrit que la mélodie et les figures rythmiques que devront suivre les accords).
"Cette dictée, c'est pour votre devoir de la semaine prochaine. Comme d'habitude, chiffrez les accords que vous entendez. Le premier accord est un A-".

Une fois la dictée terminée, Ivan nous distribue une photocopie de sa feuille (ci-dessous), celle avec les accords écrits sous la mélodie. Je constate que je n'ai pas tout entendu... par exemple 3ème mesure, 4ème temps, au lieu d'avoir trouvé un Ab-/basse Eb, j'ai entendu un F-/basse D (on se demande où j'ai pu allez chercher cela ???) ; sans compter deux accord où je n'ai absolument rien entendu et donc rien chiffré...

Voir l'image ici
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"Donc, pour la semaine prochaine, vous allez m'arranger ces 9 mesures, en disposant de l'orchestre suivant :
1 trompette, 1 bugle, deux cors d'harmonie, 3 trombones et un tuba. Vous avez carte blanche...

Sauf que je ne vous ai pas encore parlé des tessitures de ces deux instruments, cor (d'harmonie) et tuba, qu'il faut rajouter à la famille des cuivres". Donc voilà :

L'écriture du cor (d'harmonie) et du tuba

Écriture du cor d'harmonie

Voir l'image ici
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On ne se sert plus guère aujourd'hui de ce qu'on appelait "le cor simple" (ou cor de chasse)... C'est un cor sans piston, dans lequel beaucoup de notes sonnent faussent.
On utilise aujourd'hui dans un orchestre le cor d'harmonie, cor à pistons dans lequel toutes les notes qui sonnaient faux ou incertains sonnent justes. Le cor en fa est celui qui est maintenant universellement utilisé. Pour les cors d'une autre tonalité (dans la Pavane pour une infante défunte, Ravel a écrit pour deux cors solo en G), les cornistes ont l'habitude de transposer.

Le cor en fa, vu son nom, est un instrument transpositeur. Un do au piano, s'écrira sol (au dessus du do) pour le corniste. Ainsi, il faut l'imaginer écrit en clé d'ut seconde ligne pour avoir la transposition immédiate.
En raison de la transposition, si par exemple le morceau est en do majeur, la partie de cor aura alors un fa# à la clé (puisque pour écrire un do piano, il faut un sol au cor).

Vu l'ampleur de sa tessiture, le cor en fa est un des seuls instruments transpositeurs (comme la plupart des contre-tubas et parfois - de plus en plus rarement (on le verra dans un autre cours) la clarinette basse) a être écrit en clé de sol ET en clé de fa.

Voir l'image ici
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Le cor est un instrument chantant qu'on peut mettre à l'unisson par exemple avec le violoncelle ; il peut être mélangé à d'autres cuivres pour les tutti, des phrasés de masse, des figures rythmiques pour un contrechant, mais c'est également un excellent instrument soliste. Cependant, il faut lui éviter si possible la double attaque (tu-ku-tu-ku-tu).

Pour le bon équilibre des cuivres, se rappeler qu'il faut en général 1cor 1/2 pour une trompette (surtout s'il joue dans le médium). 3 trompettes -> 4 cors.

En ce qui concerne la respiration, les critères sont les mêmes que ceux de la trompette (voir 2ème cours (suite et fin), à savoir :
Toutes les 10 secondes environ pour une nuance piano
Toutes les 8 secondes environ pour une nuance mezzo-forte
Toutes les 6 secondes pour une nuance forte"

Concernant la sourdine, en général, on utilise la straight (et sur le score, marquer "sourdine").

Par ailleurs, quand on met le poing dans le cor pour le boucher, cela descend le son d'1/2 ton. Si on met des + au dessus des notes, cela veut dire qu'il faut boucher (les cornistes transposent directement ce 1/2 ton).


Écriture du tuba

Voir l'image ici
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C'est le plus gros instrument à pistons de la famille des cuivres. Il en existe plusieurs, tuba en fa, tuba basse en Eb (très rarement utilisé en France, mais fréquent en Angleterre, Suisse et Hollande), le contre tuba en ut (le plus connu des contres-tubas, très joué aux USA et en Allemagne, le contre tuba en Bb (très joué en Angleterre et Russie, le plus grave de tous les contre-tuba, avec celui en fa).

Nous nous intéressons ici au tuba en F. Bien que conçu en F, il est pensé et joué en ut. On l'écrit en ut et le tubiste (comme d'ailleurs pour la majorité des autres tubas) transpose. Connu aussi sous le nom de tuba basse. Il peut être muni de 4 ou 5 pistons.
Il s'écrit en clé de fa et sa tessiture va du réb grave (celui 8inf sous le première interligne supplémentaire sous la portée) et monte jusqu'au la au dessus du troisième interligne supplémentaire au dessus de la portée (mais attention entre ce la et le fa juste en dessous, c'est difficile à jouer, donc à éviter).

Et une troisième dictée musicale !!!

Et Ivan d'aller se rassoir au piano, pour une troisième dictée musicale...
Dictée assez longue, ou finalement je ne me plante pas trop.

Voici la feuille que nous rend ensuite Ivan (en fait la dictée était bien plus longue que cela, mais je ne vous donne ici que ce qui va nous servir pour la suite) :

Voir l'image ici
Image

"Voila, cette dictée est un peu spéciale car elle va servir de support à un arrangement que vous allez faire, et qui sera joué par des musiciens professionnels devant vous dans trois semaines. Il faut me rendre absolument votre arrangement dans 15 jours et j'en ferai une photocopie, ce qui me donnera le temps en une semaine de vous rendre votre score corrigé. Mais sera joué l'arrangement non corrigé. Comme cela, s'il y a de grosses erreurs, vous les entendrez mieux et verrez - grâce à mes corrections - d'où elles venaient et leur explication.
Toute l'après-midi dans trois semaines sera consacrée à faire jouer vos arrangements, ceux de votre classe , mais aussi ceux de mes élèves de deuxième année.
Pour ce qui vous concerne, vous orchestrerez les 8 premières mesures en respectant la marche harmonique et en finissant par un point d'orgue sur les 3e et 4e temps de la 8ème mesure.
La composition de l'orchestre est la suivante : 3 trompettes en Bb, 3 saxes (1 alto, 2 ténors), 2 trombones (dont 1 complet - qui peut donc jouer les graves), 1 cor, 1 contre tuba, 1 guitare basse, 1 batterie.
Vous mettrez les accents, les nuances et vous essayerez de trouver des petits contrechants, notamment dans les tenues de la mélodie (par exemple à la 4ème mesure de A). Les trop grandes difficultés techniques seront impitoyablement sucrées."

(pour les deuxième années, le devoir consiste à orchestrer les 6 premières mesures en respectant la marche harmonique et de composer 10 autres mesures faisant suite de telle manière que cela finisse sur un point d'orgue sur G ou E à la 16ème mesure, et pas une de plus)...
"Par ailleurs, il faudra que vous vous transformiez aussi en copiste : en plus d'avoir votre score avec vous pour diriger, vous devrez fournir également à chaque instrument sa partition, à partir du score général que vous aurez écrit."

Voilà, le cours se termine. On peut dire qu'il ne va pas falloir rester les bras croisés dans les deux semaines qui viennent...

-----------------------------------------------------------------------------------------

Si je suivais vraiment la chronologie, je devrais vous donner seulement la semaine prochaine la correction de l'arrangement rendu au début du cours*. Mais est-il opportun de faire durer le suspense plus longtemps ? (je sais qu'Oupsi, notamment, est curieuse de savoir ce que cela a donné). Les corrections d'Ivan sont écrites en vert : lui aussi a un beau stylo 4 couleurs. Je les liste ci-dessous (car elles ne sont pas très visibles sur les images plus bas dans la page).
* vous savez il fallait faire le même arrangement que celui détaillé dans les cours précédents, mais à ne pas écrire cette fois-ci en phrasé de masse

Correction de mon arrangement par Ivan

- "dans ce genre de morceau, la basse fait plutôt du T°" : cela veut dire qu'au lieu d'écrire la basse comme je l'ai fait (elle suit systématiquement les figures rythmiques de l'accompagnement), j'aurais simplement dû écrire une walking bass (des noires). Une fois cette correction signalée, cela me paraît tellement évident...

- 1ère mesure, première accord aux saxes : "le 2ème ténor joue la 7ème de l'accord de sol-7 (un fa), le 2ème alto joue la sixte (un mi), cela alourdit". Oui, c'est vrai, mettre la sixte dans un accord mineur avec une septième, c'est pas ce qu'il y a de mieux. Sinon, on aurait demandé juste un G-6...
- 2ème mesure "quoi qui gna ici ?" : ouh la la, comment ai-je pu oublier ici (quand je vous disais qu'on avait beau relire et qu'on laissait des énormités). Du coup, je ne me rappelle plus ce que j'avais voulu faire ici ? Laisser un silence d'une demi-pause. Ou compléter l'accord, en me disant que j'y reviendrai plus tard (sauf que j'ai oublié d'y revenir ? Je ne sais plus (faut dire que cela remonte à 1985)...
- 2ème mesure 4ème temps 1ère croche : "A bécarre ?" Là, c'est juste une étourderie de ma part, j'ai écrit un si au ténor (ce qui fait un la en ut). J'aurai dû écrire un sib (soit lab en ut). C'est évident parce que l'accord demandé à cet endroit est un Ab9. Or écrire un si au tenor, revient à lui faire jouer une 9eb dans l'accord.
- 3ème mesure deuxième croche du 4ème temps, 1er ténor : "A bécarre ?" : en fait ici, c'est parce que je ne soigne pas assez la façon de dessiner mes notes, du coup on peut hésiter. Par ailleurs, mesure suivante, pour le baryton, j'ai oublié de dessiner le do lié.
- 7 ème mesure, 2ème trombone : "bécare" j'ai écrit un si (sauf que j'ai oublié qu'il y avait une armature avec un sib). J'aurais dû écrire un si bécarre (on demande à cet endroit un G9b13. Mettre le sib, donc une 9e b ici au trombone est vraiment pas terrible, cela fait sonner plutôt l'accord mineur, alors que le trombone doit plutôt assurer les notes piliers de l'accord, c'est à dire plutôt 3, 5, 7.
- 8ème mesure, 2ème croche du 2ème temps, "?": note mal formée, on arrive pas à bien lire
- dernier accord, 1er trombone "Eb ?!" : oui, encore une note mal formée, on ne sait pas si j'ai écrit un Eb (ce qui serait idiot sur un accord de Bbmaj7) ou un ré.

Du coup, voici l'appréciation générale d'Ivan :
"Finis tes notes, tes croches. Soigne un peu plus ton travail. Ton arrangement, par ailleurs pas mauvais, à part 2 ou 3 bricoles, manque de relief : trop de tenues aux saxes et trombones."

Vous voyez, je le sentais depuis le début que je n'avais pas fait beaucoup de contrechants... Vous vous rappelez de ce que j'ai écrit à la fin de l'épisode précédent : "Je ne suis qu'à moitié content de moi parce que des contrechants, on ne peut pas dire qu'il y en ait vraiment dans mon arrangement. Mais bon, j'ai quand même deux masses de pupitres un peu différentes.
A moitié content mais aussi super heureux d'avoir fini dans les temps..."

J'en tire aussi la leçon qu'il aurait fallu bien plus travailler, les chercher ces foutus contrechants... Et puis surtout, être bien plus soigneux quand j'écris les notes, pour qu'on soit sûr en les lisant que ce sont celles-là et pas d'autres....
Bon, ben va falloir vraiment s'y mettre encore plus à fond.

A suivre...

Mesures 1 à 8 (voir les images ici)

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Mesure 9 à 11 (voir les images ici)

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Télécharger l'arrangement avec les corrections
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Prélude au 7ème cours

Rappel de l'épisode précédent : "J'en tire aussi la leçon qu'il aurait fallu bien plus travailler, les chercher ces foutus contrechants... Et puis surtout, être bien plus soigneux quand j'écris les notes, pour qu'on soit sûr en les lisant que ce sont celles-là et pas d'autres....
Bon, ben va falloir vraiment s'y mettre encore plus à fond."


Métro... L'ambiance est au travail. Je relis les corrections de mon devoir écrites en vert (choisie ici peut-être à dessein par Ivan comme couleur de l'espérance ?) : "Ton arrangement, par ailleurs pas mauvais, à part 2 ou 3 bricoles, manque de relief : trop de tenues aux saxes et trombones". C'est évident. De toutes façons je l'avait senti dès le départ que j'avais un peu merdé sur ce coup-là. Je pensais avoir vraiment travaillé, mais au fond, avec le recul, je vois que j'avais écrit vraiment quelque chose de pépère, et pas ce qu'on me demandait. Des contrechants, des reliefs, des mariages différents de timbres, de la vie quoi, c'est cela qui était demandé. Pourquoi avoir bâclé ? Peut-être la peur, celle d'oser, de ne pas se sentir à la hauteur. Préférer penser qu'"on ne sait pas trop par quel bout le prendre" et se conforter dans cette idée. Alors faire à la sauvette : on n'est jamais mieux desservi que par soi-même.

Ces commentaires d'Ivan, cela fait du bien. Cela recadre. Parce qu'il s'agit de l'essentiel. Il ne faut jamais rien faire "par dessus la jambe" (ou alors ne pas le faire). Bien sûr que j'aurais pu aller beaucoup plus au fond, essayer bien plus. Et tant pis si le résultat pouvait laisser à désirer. Ce serait bien plus fructueux. Même si les cours au CIM me prenaient pas mal de temps dans la semaine, j'aurais pu trouver tous les moments pour remettre et remettre, et remettre encore sur le métier. Il faut vous dire qu'à cette époque, et pour quelques mois, je n'avais même pas besoin de travailler pour gagner ma vie (j'avais expliqué tout cela ici). Je dois être à la hauteur de ce privilège. Il s'agit d'un murmure essentiel. Il s'agit de nos actes. Bien sûr, nous ne fabriquons pas forcément grand chose, mais ne pourrait-on pas tenter plus souvent de minimiser l'irrattrapable qui est en chacun de nous ? Pourquoi gaspiller ?
Alors je comprends que pour faire des progrès, ne pas être simplement "étudiant de surface", il me faut être bien plus exigeant. Je dois me lever en arrangeur/orchestrateur, penser en arrangeur/orchestrateur, me coucher arrangeur/orchestrateur. N'est-ce pas merveilleux de pouvoir disposer de tous le temps nécessaire pour vivre de cette manière ? Ce qui n'empêche pas une vie douce. Simplement le vivre avec douceur. Faire entendre sa propre voix, sans forcément parler de soi. Simplement écrire en son nom, recherche d’un air ancien dont on ne sait plus bien quand on l’a entendu pour la première fois. Il existe toujours un amont à la vérité, une image qui nous manquait, qui nous précédait, et nous confiait à sa recherche. Il a suffi d’appeler. Parce qu’une voix tournée vers l’avenir, obtient l’avenir. Et c'était grâce à quelques mots inscrits au stylo vert. Ivan m'a appris tellement. Je ne sais pas si vous aviez vu ce texte que j'avais écrit pour lui. Écrire à cet instant ce fil, c'est l'avoir en face de moi, entendre sa voix de titi parisien, entendre ses "ça baigne", "baignarem", "glauquerie", "pâté de lèvres" (quand on écrivait une suite de pêches super aiguës pour la trompette, sans ménager des repos, Ivan nous disait :" ben dis donc, le mec, quand il va arrêter de jouer, il va avoir les lèvres dures comme de la pierre. A la place de ses lèvres, il se sentira avec un "pâté de lèvres")...

Dès le lendemain matin, je commence à m'atteler au devoir Porgy and Bess que l'on doit rendre la semaine prochaine. Je me fais un plan :
- deux jours pour l'écrire, laisser ensuite reposer et en faire une relecture la veille de le rendre, modifier alors quelques petites choses si besoin ;
- dès que j'ai fini d'écrire cet arrangement, c'est-à-dire dans deux jours, cogiter sérieusement sur le devoir "cuivres" qui sera joué dans trois semaines et ne pas attendre non plus pour écrire parce qu'il faut le rendre dans quinze jours.

rappel : voila ce qu'on doit faire sur Porgy and Bess (voir cours précédent): "à partir du schéma de la dictée musicale suivante...

dictee_porgyandbess.jpg
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.... arranger ces 9 mesures, pour un orchestre composé d'1 trompette, 1 bugle, deux cors d'harmonie, 3 trombones et un tuba. Vous avez carte blanche ".

En y regardant de près sur cette dictée, on voit que le contrechant est déjà écrit. Donc je ne vais commencer à chercher des choses un peu tarabiscotées : j'ai la mélodie, et le contrechant. Je vais me tenir à cela.
Ne reste plus qu'à savoir quel(s) instrument(s) va(vont) jouer la mélodie. Je pourrais par exemple décider de la faire jouer par la trompette et le bugle, et les accords par les cors et trombones. Je pourrais aussi penser une version avec une mélodie à la trompette et un cor jouant la mélodie à l'octave inférieur... ).
Après tergiversations, je décide que la trompette seule jouera la mélodie (ce qui la fera leader, un peu comme dans un chorus, la détachant du reste), et sera accompagnée par le contrechant - en respectant les accords - joué par tous les autres instruments.

A propos de Porgy and Bess :

Porgy and Bess est un opéra composé par George Gershwin sur un livret d'Ira Gershwin et de DuBose Heyward, adaptation du roman Porgy (1925), écrit par DuBose Heyward. La première (dans un lieu public) eut lieu au Colonial Theatre de Boston le 30 septembre 19351, comme un essai pour Broadway où le début de Porgy and Bess a été donné à l'Alvin Theatre de New York, le 10 octobre 1935.

En creusant, j'ai trouvé que la dictée musicale était en fait le début du morceau "Gone, gone, gone". Ivan ne nous l'avait pas dit (où alors j'ai oublié). Mais c'était évident qu'en ayant écrit comme titre de la dictée "Dictée sur Porgy and Bess", il fallait aller voir ce qui pouvait déjà exister (à l'époque, je n'avais pas la même culture musicale... Je n'avais jamais entendu Porgy and Bess de ma vie. Je ne savais même pas que le morceau "Summertime" était tiré de cet opéra...).
En 1985/86, internet n'existait pas. Heureusement, au CIM, il y avait une pièce qui s'appelait "la discothèque", où l'on pouvait trouver pas mal de disques, les écouter sur place, voire les emprunter pour une semaine. Mais je décide que je ne ferai cela qu'après avoir écrit mon arrangement, pour ne pas être influencé.

Ci-dessous, ce que j'ai pu écouter, mais après avoir écrit mon arrangement :

Image
Ecouter

et
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Ecouter
Il s'agit ici de la version arrangé et dirigée par Gil Evans, avec Miles à la trompette.
L'orchestre se composait (outre de Miles, au bugle) de 4 trompettes, 4 trombones (dont 1 trombone basse), 3 cors, 1 tuba, 1 flûte, 1 flûte alto, 1 clarinette (et d'un autre musicien pouvant alterner entre flûte alto et clarinette basse), 1 sax alto, contrebasse, batterie.

(nb : c'est un hasard complet que mon arrangement, comme dans cette version, mette aussi un seul instrument en avant à jouer la mélodie (la trompette dans mon mon arrangement, le bugle dans l'enregistrement Gil Evans) et tous les autres instruments en contrechant).


Mon arrangement

Comme d'habitude, je commence à écrire le conducteur (la mélodie), ici en sélectionnant le bleu de mon stylo quatre couleurs et, comme on l'a vu dans les cours précédents, en écrivant au dessus au crayon noir les notes "interdites", c'est à dire les 9eb qui vont frotter avec la mélodie, signalées par des chiffres rayés... Par exemple, la première note de la mélodie est un sol (sur un accord de la mineur). Si il me prenait l'idée de rajouter une sixte à cet accord, c'est à dire un fa# : l'écart fa# sol est une 9e b et donc est à à proscrire. C'est pour cela que sur le conducteur, à cet endroit, j'écris le chiffre 6 (la sixte) que je raye d'une croix.
Idem, 3ème mesure : la mélodie demande un la sur un accord de Bb. S'il me prenait l'idée de vouloir rajouter une 7e à cet accord (un lab), j'aurais une belle 9eb. Donc à cet endroit, sur le conducteur, j'écris le chiffre 7 (la septième) rayée d'une croix. etc. etc.

A remarquer : mesure 4, 3ème temps : la mélodie est un ré, sur un accord de E 9b/bass D. Rien n'empêche ici de rajouter une 13eb (qui n'était pas indiquée dans le chiffrage donné par Ivan). Dans ce cas, je rajoute le chiffrage de cette note et je le signale par une flèche, en dessous du conducteur.

Autre remarque : pour écrire les cors, sachant que c'est un instrument transpositeur (cors en fa) sachant qu'ici le morceau est en A- , tonalité relative de do majeur. Donc il n'y a rien à la clé pour un instrument en ut. Mais pour un instrument comme un cor, un do (en ut) est un sol (pour le cor).. Donc cela revient à écrire dans une tonalité de sol majeur pour un cor, donc, en sol majeur, il y aura un fa# à la clé.

Voici ce que cela donne, avec les corrections d'Ivan (je les donne tout de suite, ne pouvant ménager le suspense : je n'ai pas de version "primaire" sans la correction)

Mesures 1 à 4
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Mesures 5 à 9 (voir les images ici)
Image
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Télécharger l'arrangement

Concernant le 7ème cours proprement dit, comme d'habitude, on va rendre nos devoirs (mais vous avez déjà la correction ci-dessus que je n'ai eu finalement que la semaine d'après)... Et puis bien sûr, il y aura une dictée d'accords : "Porgy and Bess 2". Mais ça, je vous en parle la prochaine fois...

Corrections d'Ivan sur mon arrangement

Il semble que j'ai bien travaillé, parce que des fautes, il n'y en a pas vraiment pas beaucoup : en fait 2. Dont une, qui est franchement de l'inattention (ce qui n'excuse rien) :
- Mesure 4, 3ème temps : vous vous souvenez (voir plus haut), j'avais décidé de rajouter une 13e b dans l'accord fait à cet endroit, c'est à dire l'accord de E 9b. Et donc, cette 13eb, c'est un do (c'est comme une 5+). Donc du coup, si j'ai mis une quinte+ dans l'accord, je n'ai pas le droit de mettre une 5 (sinon ça frotte grave). Or j'ai mis une 5+ au 1er cor, et une 5 au premier trombone... En fait, et ça il faut le retenir, si on rajoute une note dans l'accord (comme je l'ai signalé dans le conducteur, en l'occurrence une 13eb, il faut aussi que je regarde ce que le rajout de cette note peut entraîner comme interdiction et si il y en a une, la noter au conducteur. Donc j'aurais dû, à côté de cette 13eb signalée au conducteur, mettre à côté un 5 rayé d'une croix.

- L'autre est une faute pas trop grave : mesure 3, 2ème et 3ème temps au premier trombone : je répète la même note (ré# ré# or, il faut veiller à faire des voix les plus chantantes possibles et les plus conjointes possibles. Mais si j'avais mis un do# au 3ème temps, cela aurait frotté grave avec le do joué au même moment par le 2ème cor. Mais bon, cela montre que des fois, on se met dans des impasses. Donc c'est un peu maladroit, mais pas super super grave.

- 4ème mesure, 2ème temps (mais ce n'est pas une faute) : Ivan a rajouté (bécarre) à côté du la joué par le cor (c'est à dire le ré (si on parle en ut), soit la 9+ demandée sur le B9+. En fait, vu comme j'avais écrit, c'était bien un bécarre (puisqu'il n'y a aucune armature sur cette note), mais Ivan a voulu ici signaler que c'était cet instrument qui faisait cette 9+ (un moyen facile de repérer quel instrument jouera la tension de l'accord). Car en un coup d'oeil, si l'arrangeur regarde à cet endroit de bas en haut, il va voir que le deuxième trombone a un ré# (le # étant écrit) et si en un coup d'oeil il regarde le cor en remontant et transpose, il pourrait être tenté de se dire "ah, un ré, donc #... Et donc c'est pour cela qu'Ivan à rajouté le bécarre.

- 7ème mesure 4ème temps (ça je ne le savais pas, mais finalement, à la réflexion, j'aurais pu y penser) : le bugle qui a la note la plus haute, joue un Bb et le 1er cor un Ab. Ce n'est pas une erreur pour l'accord, sachant qu'à cet instant on demande un Db maj 7 : le Bb est la sixte et le Ab la quinte. Sauf qu'il faut savoir que le cor est un instrument très sonore. Et donc, il va risquer de "bouffer" la note de mélodie. Et ça, je ne le savais pas... Donc, j'engrange, j'engrange.

Ivan n'a rien écrit d'autre et pas d'appréciation générale. J'en conclu qu' il a jugé que c'était un bon travail. J'ai l'impression que mes redoublements d'efforts on porté leur fruit... Sauf que j'aurais vraiment dû faire gaffe aux conséquences du rajout d'une 13eb (qu'on ne me demandait d'ailleurs pas mais qui, d'après moi apporterait une belle coloration) sur ce E9b.
Là aussi, je retiens bien cela : si on rajoute une note dans le chiffrage, il faut absolument écrire aussi sur le conducteur ce que cela risque d'entraîner comme nouvelles interdiction... Parce qu'après, on oublie, et pan... tête de mort....

A suivre...
Modifié en dernier par Christof le jeu. 22 juin, 2023 16:50, modifié 5 fois.
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

Le 7ème cours

Rappel de l'épisode précédent : "Là aussi, je retiens bien cela : si on rajoute une note dans le chiffrage, il faut absolument écrire aussi sur le conducteur ce que cela risque d'entraîner comme nouvelles interdiction... Parce qu'après, on oublie, et pan... tête de mort...."

Pour une fois, je ne vais pas en mettre des tartines pour vous raconter ce cours.
Dans l'épisode précédent, j'ai déjà dévoilé une partie de ce 7ème cours : à savoir que pendant celui-ci, Ivan nous a rendu nos arrangements de Porgy and Bess (voir la correction dévoilée dans l'épisode précédent si vous prenez ce fil en route).


------------------ Petit intermède

J'avais souligné aussi dans mon post précédent que la dictée musicale qu'il nous avait donnée, les 9 mesures sur lesquelles s'appuyait l'arrangement, reprenaient le début du morceau "Gone, gone, gone", tiré de l'opéra de Gershwin.
Ce que je n'ai su que bien après, Ivan ne nous l'avait même pas dit, c'est qu'il avait sorti un disque chez Riviera en 1971 avec sa propre version réarrangée de Porgy and Bess. Mais en 1985, le disque n'était pas simple à trouver (il n'était même pas dans les bacs de "la discothèque" du CIM... De toutes façons, je ne savais même pas que ce disque existait). J'ai pu finalement acheter récemment une réédition parue sous la forme d'un CD chez Universal (collection "Jazz in Paris)". C'est une réédition remasterisée (année 2000) mais je crois qu'une autre édition de ce CD - toujours chez Universal - était aussi sortie quelques années plus tôt. En tous cas la pochette du CD est différente de celle du disque d'origine de 1971 de Riviera.

pochetteporgy2.jpg
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Pochette du disque d'origine



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pochetteporgy.jpg (39.3 Kio) Vu 1379 fois
Une autre version de la pochette (parue en 1972 dans la collection "House of jazz", volume 7)



pochetteporgy3.jpg
pochetteporgy3.jpg (38.88 Kio) Vu 1379 fois
Pochette du CD chez Universal (réédition 2000)

C'est marrant de regarder ces pochettes. On peut y voir les goûts de l'époque.
Pour ce qui est de la collection "Jazz in Paris", on mettait en avant Paris parce que cela plaisait aux Américains et Universal pensait que cette image pouvait être "vendeuse". Le livret est d'ailleurs en deux langues : français et anglais.

Vous l'avez compris, cet intermède, c'est pour vous faire écouter la version de "Gone, gone, gone" concoctée par Ivan.
Mais, présentons les musiciens de son big band :

- Ivan Jullien : trompette, arrangement, direction
- trompettes : Jean Baissat, Michel Poli, Tony Russo, Maurice Thomas, Fernand Verstraëte
- trombones : Jacques Bolognesi, André Paquinet, Benny Vasseur, Christian Guizen, Gérard Masso
- cor d’harmonie : Jean-Jacques Justafré, Yves Valada
- saxophones : Pierre Gossez (alto), Jacques Di Donato (alto), Jean-Louis Chautemps (ténor), Robert Garcia (ténor), Jacques Nourredine (baryton)
- tuba : Marc Steckar
- orgue (Hammond B3 je pense) : Eddy Louiss
- piano électrique et piano : Michel Graillier
- guitare électrique : Pierre Cullaz
- guitare basse : Francis Darizcuren
- contrebasse : Jacky Samson
- batterie/tambours : André Ceccarelli
- percussions : Luis Agudo, Bernard Lubat ou Marc Chantereau

enregistré le 12 novembre 1971 à Paris (remasterisation 2000).

A noter que dans ce disque ne figurent pas les titres "Summertime", et "It aint' necesserely so".
Noter aussi que les arrangements d'Ivan font la part belle à Eddy Louis à l'orgue, ce qui assez peu courant pour un big band. On le voit par exemple dans "Gone gone gone" où c'est l'orgue qui a le lead... (j'avais mis en lead la trompette dans mon arrangement).

Ecouter "Gone, gone gone"

Nb : j'avais déjà mis en écoute ce morceau précédemment (voir cours 1). Je le remets intentionnellement ici. Cela s'impose parce qu'on a fait la dictée sur Gone Gone Gone, bien sûr, mais aussi parce que j'imagine que vous pouvez maintenant l'appréciez d'une autre façon. Et qui sait, aurez-vous envie aussi de faire votre arrangement sur les 9 mesures de la dictée... (voir cours précédent)

------------------------------------------------ fin de l'intermède.

Sinon, comme d'habitude, le cours a commencé par une dictée musicale d'accords, cette fois assez longue (anacrouse + 15 mesures) ...

Nouvelle dictée (voir les deux images ici)
Image

Image

---- dictée dans laquelle je ferai encore pas mal d'erreurs à mon goût, certaines assez graves car je n'ai pas entendu la bonne basse, ce qui fait que pour certains accords, mon chiffrage est bien faux. Heureusement qu'ensuite Ivan nous rend le corrigé (sinon, bonjour l'arrangement :)...).

"Votre mission, si vous l'acceptez, sera, pour la semaine prochaine (et j'en profite s'il en est besoin de vous rappeler que vous devrez me rendre aussi le devoir "cuivres" qui sera joué dans 15 jours, sinon, il ne sera pas joué), de me rendre votre arrangement de "Porgy and Bess 2".
Composition de l'orchestre : 1 bugle, 1 cor, 1 ténor, 2 trombones, un contretuba."


Bon, je n'en dis pas plus sur ce cours...

Ouh la la, heureusement que - je ne l'ai pas dit dans le post précédent - j'avais aussi mis à profit ma semaine précédente entre les deux cours d'Ivan pour commencer à écrire l'arrangement sur les cuivres (vous savez, celui qui sera joué)... Parce que je comprends que celui qu'il vient en plus de nous donner, cela ne va pas être de la tarte. Ici, il y a moins d'instruments (6, contre 8 dans le devoir précédent) et j'imagine que c'est à dessein : il doit y avoir des pièges. Arriver à rendre avec 6 instruments la richesse du chiffrage, en faisant en sorte que chaque voix soit chantante (c'est-à-dire qu'elle ne soit pas en dent de scie) va supposer de bien choisir qui fait quoi et de ne pas partir dans des impasses...

A suivre
Modifié en dernier par Christof le jeu. 22 juin, 2023 17:00, modifié 4 fois.
klavier
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par klavier »

Bonjour,

Merci beaucoup pour ce master class, absolument passionnant. Que de talents!!!
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Christof
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

klavier a écrit :Bonjour,
Merci beaucoup pour ce master class, absolument passionnant. Que de talents!!!
Merci Klavier. J'espère que les informations données dans ce fil pourront susciter un jour des vocations, aider le plus grand nombre à débuter dans les meilleures conditions.
C'est une façon aussi pour moi de rendre hommage à cet homme talentueux et si passionnant qu'était Ivan Jullien, tenter de faire toujours vivre son sillon. De rendre aussi hommage à sa simplicité et modestie, à ses talents exceptionnels de pédagogue.
Ce fil, c'est également une invitation à mieux ordonner mes idées, savoir comment je raconterais tout cela si je le racontais.
klavier
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par klavier »

Grâce à votre sujet j'ai pu découvrir des choses pour lesquelles je cherchais des réponses en tant que novice.

Depuis quelques jours sur Youtube je regarde avec plaisir le "trailer" de Hans Zimmer pour sa master class à venir et là je découvre votre sujet sur les cours de M. JULLIEN qui est tout simplement passionnant et qui permet de voir l'envers du décor.

J'avais récemment vu le documentaire sur Mademoiselle Boulanger, j'ai lu le livre de Michel LEGRAND décrivant son parcours chez Mademoiselle BOULANGER en autres.
Ce que vous mis en mots m'a permis de découvrir et de comprendre les choses.

Votre parcours chez M. JULLIEN est un très beau complément par son histoire et par sa richesse technique.

L'arrangement est un sujet qui me passionne mais qui est complexe à mes yeux. Ah l'arrangement je trouve cela magique.

Quand je vois ce que l'on peut faire à partir d'une toute simple mélodie, je trouve cela fabuleux.
Ce n'est que récemment que j'ai découvert ces notions de "harmonization" "tonicization" "secondary dominants" "color tones" alors je n'ose même pas imaginer quand d'autres instruments interviennent.

Je vous remercie ainsi que toutes ces personnes qui partagent sans limite leur savoir.
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Re: Arrangement/orchestration : les cours d'Ivan Jullien

Message par Christof »

klavier a écrit :Grâce à votre sujet j'ai pu découvrir des choses pour lesquelles je cherchais des réponses en tant que novice.
Depuis quelques jours sur Youtube je regarde avec plaisir le "trailer" de Hans Zimmer pour sa master class à venir et là je découvre votre sujet sur les cours de M. JULLIEN qui est tout simplement passionnant et qui permet de voir l'envers du décor.
Merci beaucoup pour votre message. Je vois que la masterclass va être sur la composition de musique de film... Passionnant. Vous pourrez me raconter.
Dans ce fil, je mettrai aussi pas mal de choses sur le sujet : Ivan composait aussi des musiques de film... Nous avons eu des devoirs à faire en ce sens, pour illustrer des scènes. Composer avec un chronomètre en main pour coller à la fraction de seconde près aux images...
klavier a écrit :J'avais récemment vu le documentaire sur Mademoiselle Boulanger, j'ai lu le livre de Michel LEGRAND décrivant son parcours chez Mademoiselle BOULANGER en autres.
Ce que vous mis en mots m'a permis de découvrir et de comprendre les choses.
A propos de Nadia Boulanger, je ne résiste pas à livrer ici un passage du livre de Quincy Jones "Quincy par Quincy Jones" (je consacrerai dans le fil un post assez fourni sur Quincy Jones quand j'aborderai la classe de deuxième année avec Ivan) :
Ce passage est issu d'un témoignage de Bobby Tucker, arrangeur et chef d'orchestre, ami de Quincy (il l'a connu quand Quincy avait 15 ans).

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quincy2.jpg (16.34 Kio) Vu 1374 fois

"J'ai été l'arrangeur et le directeur musical de Billy Eckstine pendant 40 ans, de 1949 jusqu'à son décès en 1989 (...). Si on me demandait mon top 5 des arrangeurs, je dirais Robert Farnon, Sy Oliver, Duke Ellington, Nelson Riddle et Don Redman. Or ils ont tous eu des pannes. Je me fiche pas mal de qui ils sont, ils ont tous bloqué à un moment ou à un autre. ça fait partie du boulot. On écrit pour huit, vingt ou cinquante instruments et on se retrouve face à un mur. On tombe sur une ou deux mesures, un solo, un accord, et d'un coup ça ne colle plus. Il faut trouver la pièce manquante. Ce qui différencie les bons arrangeurs des grands arrangeurs, c'est comment on se sort de cette impasse, et vite, parce qu'il y a toujours le facteur temps, et c'est ça qui est tuant. On peut bien être le meilleur arrangeur au monde, si la maison de disques veut le travail pour avant-hier et qu'on n'y arrive pas, tant pis, on a perdu l'affaire. Personnellement, je préfère un arrangeur qui débarque in extremis avec une partition maculée de café et de ketchup. Je me méfie toujours de celui qui arrive en complet-cravate, deux semaines en avance, son score impeccablement copié et toutes les partitions bien rangées. Mio, celui qui me botte, c'est le gars au score pleins de tâches de ketchup ou de café, qui a passé toute la nuit la tête dans le piano à se creuser les méninges.
Ce qui distingue Quincy, c'est sa rapidité, sa capacité technique à sortir d'une impasse et ses huit premières mesures, souvent cruciales parce qu'elles doivent accrocher l'auditeur.
Quincy Jones est le roi du démarrage qui pète le feu. Autre chose aussi : si Quincy avait écrit L"Enfer" de Dante, il aurait trouvé le numéro de téléphone de Satan. Au besoin, il appelle n'importe qui à n'importe quelle heure : Cannonball Adderley, Little Richard, la mère de Little Richard ou Jésus lui-même s'il apprend que Jésus se trouve en ville, qu'il joue du baryton en mi bémol et qu'il déchiffre. Et si Jésus ne sait pas déchiffrer, Quincy l'appellera quand même et lui apprendra sa partition note par note. Il est très fort pour ça. Depuis trente-cinq ans, il écrit sur les partitions d'harmonica de Toots Thielemans : "Met un peu de gras à la mesure 37" ou "Ajoute une pointe d'ail, de sel et de beurre à la mesure 23". Demandez donc à Toots (nb : aujourd'hui décédé - j'avais posté quelque chose le concernant et mis en écoute un morceau). A ma connaissance, il ne sait pas déchiffrer. Lui et Quincy sont les seuls à comprendre ce truc de graisse et de beurre à l'ail. C'est peut-être une recette.

Quand Nicole (Barclay) a appelé Quincy pour lui proposer de venir en France comme arrangeur chez Barclay, il lui a aussitôt demandé : "Est-ce que je pourrai écrire pour des cordes, chez vous ?", tant il en avait envie. Dans les années 1950, le meilleur moyen de crever de faim aux Etats-Unis, c'était d'être un arrangeur noir qui écrit pour les cordes. On pouvait être Mozart, Stravinski, Wagner et Beethoven réunis, on pouvait être Dieu en personne, si on venait de Harlem avec des cheveux crépus et la peau noire, on se faisait envoyer direct à la section blues et jazz dans n'importe quelle maison de disques. Les cordes étaient considérées comme un élément sophistiqué réservé aux Blancs. ça rendait Quincy fou de rage. A sa question, Nicole a répondu : "Mon chéri, tu peux écrire pour tout ce que tu veux en France". Il est donc parti travailler trois mois chez Barclay et a fini par rester en Europe près de cinq ans.

Outre l'écriture des arrangements, l'un des principaux motifs de sa venue en France était de travailler son écriture pour les cordes. Quand il était allé en Argentine avec l'orchestre de Dizzy (Gillespie), Lalo Schiffrin lui avait recommandé un professeur exerçant à Paris, Nadia Boulanger, et Quincy désirait étudier avec elle la composition, le contrepoint et l'orchestration.
Nadia était l'un des meilleurs professeurs de musique contemporaine, la première femme à diriger le New York Philharmonic, et elle a eu une influence majeure sur la musique classique américaine. Certains des plus grands compositeurs du XXe siècle ont étudié avec elle, dont Aaron Copland, Philip Glass, Virgil Thomson... Elle comptait dans ses amis des gens comme Igor Stravinski, Maurice Ravel, Leonard Berstien, Francis Poulenc, Darius Milhaud ou Olivier Messiaen, les grosses pointures de ce type de musique. N'oubliez pas que cela se passait dans les années 1950, quand le classique était considéré comme un genre majeur, alors que le jazz restait un genre mineur, et en plus on était des nègres, des noirauds, et tout ça jouait, si vous me suivez.

Nadia n'acceptait pas n'importe qui comme élève. Il fallait passer une sorte d'audition et monter la voir chez elle au 36 rue Ballu, lui parler, lui montrer ce qu'on savait, ce qu'on voulait apprendre, et alors elle décidait de vous instruire ou non. Elle a refusé Georges Gershwin. C'était Ravel qui le lui avait présenté, paraît-il, mais elle a dit qu'il gagnait trop d'argent, qu'il avait déjà parachevé son style comme mélodiste et qu'elle ne voulait pas l'embrouiller avec des cours sur des formes musicales plus étoffées. Et voila que débarque ce petit péquenot de négro, Quincy Jones. Il est allé chez elle avec ses partitions et ses petits crayons, lui a montré ce qu'il savait déjà et ce qu'il voulait apprendre, et elle l'a accepté. J'ai lu quelque que part qu'elle avait dit que les deux musiciens les plus marquants de sa connaissance étaient Quincy et Igor Stravinski.
Quand je suis allé enregistrer Mr. B in Paris et que j'ai appris que Quincy étudiait avec elle, j'ai dit : "montre-moi ce qu'elle t'apprend", parce que les arrangeurs sont comme ça, assoiffés de connaissances musicales. On s'y est donc attelés. On était censés écrire des arrangements pour le disque de Billy Eckstine, au lieu de quoi on passait des nuits à analyser Daphnis et Chloé, de Ravel, ou L'Oiseau de feu, de Stravinski. Un jour où j'étais chez Quincy, il m'a dit : "je dois aller à Fontainebleau un peu plus tard pour ma leçon avec Nadia. Tu veux venir ?
J'ai réponde : "Et comment !"

On a pris le train jusqu'à Fontainebleau, où elle tenait son atelier d'été dans un château. On est entrés dans la cour d'honneur avec nos petits costumes et nos feutres à la Lester (Young), deux jeunes frères des Etats-Unis, et Quincy a crié en direction d'une fenêtre : "Bonjour Mademoiselle Boulanger !".
La fenêtre s'est ouverte, et j'ai vu une vieille dame âgée passer la tête : "Ah, Quincy !", genre le retour du fils prodigue. J'ai pensé en moi-même : "Merde alors !".
Elle est descendue dans la cour, aussi alerte qu'une gamine malgré ses soixante-dix ans. Elle a serré Quincy dans ses brasm, lui a demandé des nouvelles de sa femme et de sa fille, ils ont échangé des plaisanteries, et puis il m'a présenté. Elle m'a serré la main et ils sont montés dans la salle de classe.
Moi je me suis assis dans la cour pour attendre Quincy, mais il m'a crié : "Bobby, viens aussi". J'en avais très envie. Quand on est arrangeur et orchestrateur et qu'on se trouve à quelques mètres de l'un des plus grands professeurs de composition, bien sûr qu'on veut y aller. Mais je me demandais si c'était correct, parce que Nadia m'avait seulement dit bonjour. Alors j'ai répondu : "non, mon vieux, je t'attends dans la cour."
Je me suis assis et j'ai vu passer une dizaine d'élèves en route pour le cours de Nadia. Quelques minutes plus tard, la porte qui donnait sur la cour s'est ouverte, et Nadia en personne est venue me dire : "Allons, venez". Alors je suis entré et je l'ai suivie.

Dans la salle de classe, les étudiants avaient la partition de L'Oiseau de feu sur leurs tables. Je me suis assis au fond, près de Quincy.
Nadia s'est installée au piano et en a joué quelques mesures, avec une précision d'horloger et la vivacité d'une jeunette. Puis elle s'est adressée à la classe : "Et maintenant, faites les figures rythmiques du second violon et claquant des mains".
On a commencé, mais elle nous a aussitôt arrêtés. "Non, non, pas de retard. Stravinski lui-même me l'a dit".
J'étais soufflé. Moi, le vulgaire petit plouc de Morristown, dans le New Jersey, qu'est-ce que je foutais là ?
J'ai jeté un coup d'oeil à Quincy, et j'ai vu qu'il était sur la même longueur d'ondes. Je me suis penché vers lui et je lui ai glissé à l'oreille : "Sltravinski, lui-même me l'a dit !".
Et Quincy a murmuré : "Chapeau, mademoiselle !"

https://www.youtube.com/watch?v=D_T2rLahVjg

https://www.youtube.com/watch?v=DfVn8Z97BcI
Modifié en dernier par Christof le jeu. 22 juin, 2023 17:02, modifié 4 fois.
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