Poisson de 1er novembre?
Re: Poisson de 1er novembre?
Personnellement, si je suis attachée à l'unicité de l'espèce humaine, à son indivisibilité, c'est parce qu'elle me paraît le seul cadre pour penser le mal (le racisme, et toutes les négations du droit de l'autre à exister) et pour le contrer, sans tomber dans la reproduction à l'infini des mêmes catégories qui alimentent ce mal.
La seule manière de ne pas céder un millimètre de terrain c'est de dire et de défendre mordicus que nous ne formons qu'une communauté, une espèce humaine, une entité et que le reste est secondaire et contingent.
Cela veut dire (c'est tout le sens du texte d'Antelme) que ce qui me relie à mon pire ennemi est plus fort que ce qui m'en distingue.
Que nos ressemblances nous définissent davantage que nos différences.
C'est rude, mais ça me paraît la seule option viable.
La seule manière de ne pas céder un millimètre de terrain c'est de dire et de défendre mordicus que nous ne formons qu'une communauté, une espèce humaine, une entité et que le reste est secondaire et contingent.
Cela veut dire (c'est tout le sens du texte d'Antelme) que ce qui me relie à mon pire ennemi est plus fort que ce qui m'en distingue.
Que nos ressemblances nous définissent davantage que nos différences.
C'est rude, mais ça me paraît la seule option viable.
- jean-séb
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Re: Poisson de 1er novembre?
Comme dit plus haut, on peut faire disparaître le mot "race", le "racisme" subsistera. Le mot "race" en lui-même ne me dérange pas plus que ça, tout dépend de ce qu'on met dedans. J'ai eu la chance, plus jeune, de travailler un peu (très peu, j'analysais des données hémotypiques de populations de singes !) avec le professeur Jacques Ruffié et nous abordions toutes ces notions ; c'était passionnant ... et complexe.Lee a écrit :Si on pouvais prouver definitivement l'inexistance de race, on pourrait faire taire quelques-uns de ces théories...ou on peut en rêver.
Race ou pas race, il y aura toujours des catégorisations faites, de manière parfois objective, et parfois revendiquée par les populations catégorisées elles-mêmes, et il y aura toujours des gens d'une catégorie pour haïr les gens d'une autre catégorie, que cette catégorie soit les Noirs, les femmes, les Juifs, les Arabes, les homosexuels, les gauchers, les blondes, les roux, les Belges, les Roms, les malades, les cathos, les musulmans, les aristocrates, les patrons, les ouvriers, les sarkosistes, les hollandistes, les banlieusards, les pianistes qui font du Hanon, ... Bref, toute stigmatisation d'une catégorie de population est une forme de racisme au sens large, heureusement généralement sous des formes atténuées et non violentes, mais hélas parfois au contraire violentes et meurtrières.
Je ne crois pas à cet angélisme qui consiste à dire qu'on supprime le nom de "race" et tout ira mieux ; je crois plus à l'apprentissage de la différence, sans la gommer, mais en la reconnaissant, à l'apprentissage du dialogue. Plus facile à dire qu'à faire, je le concède.
Re: Poisson de 1er novembre?
Je tiens à préciser que je parlais uniquement de l'expression "nègre" pour seconde plume. La deuxième expression je ne l'emploie jamais et à vraie dire je ne connaissais pas... J'utilise "tête de turc" par contre...twane a écrit:Dans mon esprit ce mot n'est plus du tout associé aux noirs.
jean-séb a écrit:Non, "travailler comme un nègre" est une formule toute faite de la langue française, comme "être fort comme un Turc", "boire comme un Polonais", "être malin commun singe". En ces temps de "politiquement correct", il est évident qu'on évite de l'utiliser***
Quand on entend "travailler comme un nègre" ou "nègre litteraire" c'est impossible de dissocier avec les noirs, l'expression vient de statut de noirs à l'epoque, quoi que la façon que l'expression soit utilisé, sans vouloir être raciste ou non, l'expression conjoint une race et un comportement, l'expression est toujours insultant. Comme quand j'entends "mongolien" employé pour trisomique, ça me heurte l'esprit, c'est un amalgam imprécise pour le moins dire.
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Re: Poisson de 1er novembre?
On peut aussi imaginer un autre scénario: imagine que les progrès scientifiques font qu'un jour on prouve par A + B qu'il y a des races humaines, et qu'en plus certaines d'entre elles possèdent des gènes codant pour une habilité supérieure à conduire des vaisseaux spatiaux. Par exemple.Lee a écrit : Si on pouvais prouver definitivement l'inexistance de race, on pourrait faire taire quelques-uns de ces théories...ou on peut en rêver.
Et bien, ma conception n'en sera pas modifiée, car je m'en fiche, de ceux qui peuvent plus, de ceux qui peuvent moins, de ceux qui préfèrent les pâtes et de ceux qui ne jurent que par Hanon. Je suis toujours avec l'unicité de ma seule Espèce Humaine une et indivisible.
Alors que les tenants du scientisme seront obligés de revoir leurs catégories et de considérer qu'il y a un groupe supérieur et un autre inférieur, eu égard à la conduite des vaisseaux spatiaux.
Et si jamais ces supérieurs se mettaient à vouloir dominer le monde, on fait quoi?
Embêtant, non?
(donc, ma conception est peut-être psychorigide, c'est ce qu'on appelle une profession de foi, un principe, voilà, ce n'est pas scientifique, mais c'est ce qui me fait vivre, en plus du piano)
Re: Poisson de 1er novembre?
La raison pour laquelle le mot "race" ne me dérange pas de tout, c'est que je l'ai vu toujours dans le contexte de chercher égalité ou mettre à la lumière les inégalités, les discriminations dans l'histoire, et surtout à mon université, où il mettait toujours qu'ils combattaient toute discrimination contre "race, sex, age, religion, creed, sexual orientation, etc., etc."
Mais Jean-Séb et Oupsi, pourquoi vous parlez de pianistes pour Hanon tout d'un coup au milieu de rien, pour introduire l'idée de piano ? Alors j'ai meilleur sur le rêve de "on est tous humain", et ça fera plaisir à Gracou, surtout j'ai appris récemment de Wikipedia, quand il m'a conseillé un oeuvre de Keith Jarrett :
Ah, Twane, j'espère que quand tu auras l'age de nous autres sur ce fil, que le mot aura disparu tout court.twane a écrit :Je tiens à préciser que je parlais uniquement de l'expression "nègre" pour seconde plume. La deuxième expression je ne l'emploie jamais et à vraie dire je ne connaissais pas... J'utilise "tête de turc" par contre...
Mais Jean-Séb et Oupsi, pourquoi vous parlez de pianistes pour Hanon tout d'un coup au milieu de rien, pour introduire l'idée de piano ? Alors j'ai meilleur sur le rêve de "on est tous humain", et ça fera plaisir à Gracou, surtout j'ai appris récemment de Wikipedia, quand il m'a conseillé un oeuvre de Keith Jarrett :
Jarrett has acknowledged that audiences, and even fellow musicians, have at times been convinced he is African American, due to his appearance. He relates an incident when African American jazz musician Ornette Coleman approached him backstage, and said something like, "Man, you've got to be black. You just have to be black", to which Jarrett replied, "I know. I know. I'm working on it."
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Re: Poisson de 1er novembre?
Ton exemple me fait penser d'un livre qui essaie d'expliquer scientifiquement pourquoi les Européens ont dominé leur voisins bien plus que les autres. De l'inégalité parmi les sociétés - Essai sur l'homme et l'environnement dans l'histoire par Jared Diamond.Oupsi a écrit : On peut aussi imaginer un autre scénario: imagine que les progrès scientifiques font qu'un jour on prouve par A + B qu'il y a des races humaines, et qu'en plus certaines d'entre elles possèdent des gènes codant pour une habilité supérieure à conduire des vaisseaux spatiaux. Par exemple.
Alors que les tenants du scientisme seront obligés de revoir leurs catégories et de considérer qu'il y a un groupe supérieur et un autre inférieur, eu égard à la conduite des vaisseaux spatiaux.
Et si jamais ces supérieurs se mettaient à vouloir dominer le monde, on fait quoi?
Embêtant, non?
Je mets la descriptive directement de Wikipedia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/De_l'in%C3 ... A9t%C3%A9sL'orientation d'est en ouest de la plaque eurasienne d'une part, sa dotation initiale en plantes cultivables et animaux domesticables de l'autre, sont les deux facteurs ultimes qui permettront aux Européens de construire les navires et les fusils qui leur serviront à explorer et conquérir le monde. Cette chaîne de causalité comporte plusieurs maillons rigoureusement présentés et analysés par l'auteur, les deux plus importants d'entre eux étant la domestication de grands mammifères et la culture des céréales: cette étape servira en effet de soubassement au développement de la vie en villages, puis à la création des métiers dits "non productifs" et à la spécialisation grandissante des sociétés; mais elle sera aussi à l'origine de l'adaptation des peuples eurasiens, par sélection naturelle, aux virus issus des animaux qu'ils auront domestiqués, une "opportunité" qui leur donnera un avantage décisif sur leurs cousins d'Amérique, peu préparés à prendre de plein fouet germes et fusils.
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Re: Poisson de 1er novembre?
Excellent livre qui met à mal toutes les théories racistes et permet de s'interroger sur tous les ethnocentrismes (notamment concernant la morale). Tu l'as lu ?
Re: Poisson de 1er novembre?
Non, plusieurs amis m'en ont parlé et j'ai acheté les DVDs de National Geographic pour mon père, mais je n'ai pas encore lu ou regardé !
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Re: Poisson de 1er novembre?
Je ne connais pas ces DVDs, ce sont des documentaires inspirés du livre ?
Tu as envie de savoir pourquoi les différents peuples sur Terre se sont développés à des vitesses différentes et pourquoi ce sont les Européens/Américains qui en sont arrivés à dominer le monde aujourd'hui ? Il faut que tu le lise ! "Guns, germs and steel" en anglais, et ensuite tu fais un tour sur la page wikipedia (en anglais) pour lire les critiques du livre. Après il y a le tome suivant, "Effondrement" ("Collapse"), mais qui n'est pas forcément moins solide dans les arguments (sans jeu de mot), mais pour moi moins convainquant, dont la portée générale semble plus difficile à cerner.
Tu as envie de savoir pourquoi les différents peuples sur Terre se sont développés à des vitesses différentes et pourquoi ce sont les Européens/Américains qui en sont arrivés à dominer le monde aujourd'hui ? Il faut que tu le lise ! "Guns, germs and steel" en anglais, et ensuite tu fais un tour sur la page wikipedia (en anglais) pour lire les critiques du livre. Après il y a le tome suivant, "Effondrement" ("Collapse"), mais qui n'est pas forcément moins solide dans les arguments (sans jeu de mot), mais pour moi moins convainquant, dont la portée générale semble plus difficile à cerner.
Re: Poisson de 1er novembre?
En fait j'ai le livre mais j'ai lu seulement les 20 premier pages donc je ne dis pas avoir lu ! Avant mon addiction PM j'avais déjà du mal à lire les livres non-fiction, là laisse tomber !
Voila des infos sur les DVDs :
http://www.pbs.org/gunsgermssteel/show/index.html
Voila des infos sur les DVDs :
http://www.pbs.org/gunsgermssteel/show/index.html
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Re: Poisson de 1er novembre?
Pendant que l'on discute sur l'mploie du mot nègre les négriers existent toujours... Des congolais meurent chaque jour dans les mines de tantale pour 5 euros par jour (12 heures de travail)... des enfants y travaillent même. Si vous vous demandez ce qu'est le tantale, il intervient dans la fabrication de..... nos smartphones! (cf envoyé spécial du 04/11/14) et oui nous avons tous un peu de sang noir entre les mains.
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Re: Poisson de 1er novembre?
Ah bah moi c'est les livres de fiction que j'ai du mal à lire . Qu'est-ce que PM a changé ? Merci pour le lien vers les DVDs, tu nous diras s'ils sont bien !Lee a écrit :Avant mon addiction PM j'avais déjà du mal à lire les livres non-fiction, là laisse tomber !
Jared Diamond a aussi écrit "Why is sex fun?" mais je me suis arrêté au bout de 10 pages... Quelqu'un sait si ça vaut le coup de continuer ?
Haha, mon téléphone date presque du Titanic... Merci pour l'info, j'essaierai de voir l'émission en replay.twane a écrit :Si vous vous demandez ce qu'est le tantale, il intervient dans la fabrication de..... nos smartphones! (cf envoyé spécial du 04/11/14) et oui nous avons tous un peu de sang noir entre les mains.
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Re: Poisson de 1er novembre?
Et si un jour les Nox (je parle de la race évoluée extraterrestre pacifique de la série Stargate, pas de notre spécimen du forum ) débarquent sur Terre, il n'y aura toujours qu'une seule espèce humaine pour toi ?Oupsi a écrit : On peut aussi imaginer un autre scénario: imagine que les progrès scientifiques font qu'un jour on prouve par A + B qu'il y a des races humaines, et qu'en plus certaines d'entre elles possèdent des gènes codant pour une habilité supérieure à conduire des vaisseaux spatiaux. Par exemple.
Et bien, ma conception n'en sera pas modifiée, car je m'en fiche, de ceux qui peuvent plus, de ceux qui peuvent moins, de ceux qui préfèrent les pâtes et de ceux qui ne jurent que par Hanon. Je suis toujours avec l'unicité de ma seule Espèce Humaine une et indivisible.
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Re: Poisson de 1er novembre?
Il me semble que ce fil a quelque peu dérivé ... Pour finir (?) sur un ton plus léger et revenir (un peu !) vers le sujet initial : ne la laisse pas tomber ...
- jean-séb
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Re: Poisson de 1er novembre?
Ça y revient peut-être plus que tu ne crois car la musique de "Femme libérée" semble piquée (ou du moins fortement inspirée) de The Passenger de Iggy Pop, composé par Ricky Gardiner, paru 7 ans plus tôt.
Re: Poisson de 1er novembre?
Bon, je sors un anciens débat HS du placard juste pour signaler une petition que quelqu'un dans le métier et "du samg noir" a lancé, même si du mémoire j'étais seule de penser aussi fort contre l'expression, toujours en espérant vous changer d'avis :
https://www.change.org/p/remplacez-l-ex ... nt%C3%B4me
https://www.change.org/p/remplacez-l-ex ... nt%C3%B4me
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- Christof
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Re: Poisson de 1er novembre?
Oui mais alors, dans ce cas-là, il faudrait boycotter "negro spirituals", et "Le petit nègre de Debussy"
On n'en sort plus
On n'en sort plus
Re: Poisson de 1er novembre?
Les anciens noms des livres ou morceaux ne sont pas en question, là on parle de faire évoluer la langue utilisée actuellement avec les temps actuels et nos pensées...mais peut-être les pensées n'ont pas évoluées et ça explique tout alors.
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Re: Poisson de 1er novembre?
Mais les pensées ont évolué ! Le mot "nègre" en particulier est chargé de toute son histoire et bien plus compliqué qu'il n'y paraît : s'il a pris une connotation raciste au XIXème siècle de l'abolition de l'esclavage, il a en même temps pris un sens très positif dès les années 30 où les Noirs américains ont décidé de s'appeler eux-mêmes ainsi. Pour parler de choses que je connais mieux, je signale que dans le même temps, Senghor et Césaire inventent le concept de négritude : il s'agit pour les Noirs, par l'emploi de ce terme, de revendiquer 350 ans d'esclavage, de s'emparer de leur histoire, de ne plus avoir honte d'être des "nègres" car cette honte est précisément celle que leur renvoient les Blancs. Bref, être fier d'être nègre, c'est retrouver sa dignité.
Alors je ne sais pas si Césaire s'est exprimé sur l'opportunité lexicale de transformer "nègre" en "prête-plume", mais je ne peux m'empêcher de penser qu'au mieux, il aurait rigolé, et qu'au pire, il aurait été très agacé car cette réformette reflète surtout la mauvaise conscience des Blancs (et je pense à ma propre gêne quand un jour j'ai demandé une "tête de nègre" à la boulangère et qu'elle m'a regardée d'un air choqué en répondant "Mais on n'appelle plus cela comme ça !")... Après coup, je me suis dit que changer les noms revenait surtout à se donner bonne conscience à peu de frais.
Bref, pour Césaire, utiliser le terme "nègre", c'est refuser d'oublier trois siècles de domination par les Blancs.
Mais pour ce qui est de réfléchir au terme "nègre" et à ses composés, mieux vaut laisser le poète parler :
C'était un très bon nègre.
Et on lui jetait des pierres, des bouts de ferraille, des tessons
de bouteille, mais ni ces pierres, ni cette ferraille, ni ces bou-
teilles ...
Ô quiètes années de Dieu sur cette motte terraquée !
et le fouet disputa au bombillement des mouches la rosée
sucrée de nos plaies.
Je dis hurrah ! La vieille négritude
progressivement se cadavérise
l'horizon se défait, recule et s'élargit
et voici parmi des déchirements de nuages la fulgurance d'un
signe
le négrier craque de toute part ... Son ventre se convulse et
résonne... L'affreux ténia de sa cargaison ronge les boyaux
fétides de l'étrange nourrisson des mers !
Et ni l'allégresse des voiles gonflées comme une poche de
doublons rebondie, ni des tours joués à la sottise dangereuse
des frégates policières ne l'empêchent d'entendre la menace de
ses grondements intestins
En vain pour s'en distraire le capitaine prend à sa grand' vergue
le Nègre le plus braillard ou le jette à la mer, ou le livre à l'ap-
pétit de ses molosses
La négraille aux senteurs d'oignon frit retrouve dans son sang
répandu le goût amer de la liberté
Et elle est debout la négraille
la négraille assise
inattendument debout
debout dans la cale
debout dans les cabines
debout sur le pont
debout dans le vent
debout sous le soleil
debout dans le sang
debout
et
libre
debout et non point pauvre folle dans sa liberté et son dénue-
ment maritimes girant en la dérive parfaite et la voici :
plus inattendument debout
debout dans les cordages
debout à la barre
debout à la boussole
debout à la carte
debout sous les étoiles
debout
et
libre
et le navire lustral s'avancer impavide sur les eaux écroulées.
Cahier d'un retour au pays natal (1947).
Présence Africaine, 1983.
Alors je ne sais pas si Césaire s'est exprimé sur l'opportunité lexicale de transformer "nègre" en "prête-plume", mais je ne peux m'empêcher de penser qu'au mieux, il aurait rigolé, et qu'au pire, il aurait été très agacé car cette réformette reflète surtout la mauvaise conscience des Blancs (et je pense à ma propre gêne quand un jour j'ai demandé une "tête de nègre" à la boulangère et qu'elle m'a regardée d'un air choqué en répondant "Mais on n'appelle plus cela comme ça !")... Après coup, je me suis dit que changer les noms revenait surtout à se donner bonne conscience à peu de frais.
Bref, pour Césaire, utiliser le terme "nègre", c'est refuser d'oublier trois siècles de domination par les Blancs.
Mais pour ce qui est de réfléchir au terme "nègre" et à ses composés, mieux vaut laisser le poète parler :
C'était un très bon nègre.
Et on lui jetait des pierres, des bouts de ferraille, des tessons
de bouteille, mais ni ces pierres, ni cette ferraille, ni ces bou-
teilles ...
Ô quiètes années de Dieu sur cette motte terraquée !
et le fouet disputa au bombillement des mouches la rosée
sucrée de nos plaies.
Je dis hurrah ! La vieille négritude
progressivement se cadavérise
l'horizon se défait, recule et s'élargit
et voici parmi des déchirements de nuages la fulgurance d'un
signe
le négrier craque de toute part ... Son ventre se convulse et
résonne... L'affreux ténia de sa cargaison ronge les boyaux
fétides de l'étrange nourrisson des mers !
Et ni l'allégresse des voiles gonflées comme une poche de
doublons rebondie, ni des tours joués à la sottise dangereuse
des frégates policières ne l'empêchent d'entendre la menace de
ses grondements intestins
En vain pour s'en distraire le capitaine prend à sa grand' vergue
le Nègre le plus braillard ou le jette à la mer, ou le livre à l'ap-
pétit de ses molosses
La négraille aux senteurs d'oignon frit retrouve dans son sang
répandu le goût amer de la liberté
Et elle est debout la négraille
la négraille assise
inattendument debout
debout dans la cale
debout dans les cabines
debout sur le pont
debout dans le vent
debout sous le soleil
debout dans le sang
debout
et
libre
debout et non point pauvre folle dans sa liberté et son dénue-
ment maritimes girant en la dérive parfaite et la voici :
plus inattendument debout
debout dans les cordages
debout à la barre
debout à la boussole
debout à la carte
debout sous les étoiles
debout
et
libre
et le navire lustral s'avancer impavide sur les eaux écroulées.
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Présence Africaine, 1983.
- Christof
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Re: Poisson de 1er novembre?
En fait, ce qu'on devrait faire évoluer, c'est ce côté marchandisation de tout, trouver normal que quelqu'un qui ne sache pas écrire signe de son nom un livre qu'il n'a absolument pas écrit et que les vrais écrivains (ceux qui ont du style) doivent recourir à cette mascarade pour pouvoir vivre.Christof a écrit :Oui mais alors, dans ce cas-là, il faudrait boycotter "negro spirituals", et "Le petit nègre de Debussy"
On n'en sort plusLee a écrit : Les anciens noms des livres ou morceaux ne sont pas en question, là on parle de faire évoluer la langue utilisée actuellement avec les temps actuels et nos pensées...mais peut-être les pensées n'ont pas évoluées et ça explique tout alors.
J'avais adoré une émission de Pivot (il l'avait fait exprès et cela ne manquait pas de sel) : lors d'un "Apostrophe", il avait invité quatre auteurs assez connus (je crois me rappeler qu'ils étaient quatre). Trois n'avaient pas écrit un seul mot de leur livre, car c'est le quatrième invité qui les avaient tous écrits (dont un sous son nom).
C'était marrant, Pivot qui demandait durant la conversation à chacun de présenter son propre livre, ce qu'il pensait du livre des autres, de leur style.
Bien sûr, il fallait être de la profession pour comprendre ce qui se passait vraiment car un "nègre" (oh pardon... "écrivain fantôme") ne dira jamais qu'il écrit pour d'autres, sinon il est grillé. Ce qui n'avait donc pas gêné les trois faux monnayeurs à venir à l'émission.
Marché de faussaires...
PS : remplacer "nègre" par "écrivain fantôme" ou "prête-plume" (comme le propose la pétition), ce serait exactement la même chose - dans un autre domaine - que ce qu'explique si bien lazur84 dans son message ci-dessus. Une façon de se donner bonne conscience à bon compte et noyer le poisson (de 1er novembre... j'essaie de ne pas trop être hors sujet).
"Prête-plume" : l'auteur des paroles d'au clair de la Lune était un visionnaire : "Prête-moi ta plume, pour écrire un mot (en fait au départ c'était "prête moi ta lume (ta lumière) pour écrire un mot", ce qui revient au même. Le plus cocasse, c'est qu'on attribue maintenant les paroles de cette comptine à Théophile Marion Dumersan. Mais est-ce vraiment lui qui les a écrites ?
PPS : pour ceux qui aiment la littérature, le style, et qui aiment le flamenco, lisez ce magnifique livre : "Manuel El Negro" de David Fauquemberg. Et je peux vous garantir que c'est lui qui l'a écrit.
«Manuel El Negro était un homme… Les gens vous diront : singulier. Ils jugent sans entendre. Paroles de sourd, fracas du Diable ! Pardonnez tant de certitude – c’est que je pense en musicien. Vous ne me reconnaissez pas : je suis Melchior de la Peña, guitariste flamenco. Les années de scène m’ont appris qu’il ne sert à rien de forcer son jeu au milieu du vacarme. Pour être écouté, il faut effleurer le silence. Depuis que je vis retiré, je fuis le jour et sa rumeur, je dénoue mes nattes de sparte à l’heure où la lumière aveugle. J’attends la nuit, et je compose… »
Modifié en dernier par Christof le mer. 01 mars, 2017 21:20, modifié 4 fois.